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RELIGION

 

 

 

 

 

 RELIGION



1. Le terme « religion » peut être défini de plusieurs manières, les trois suivantes semblent montrer un certain consensus dans les dictionnaires1,2,3 :        1    La religion comme un ensemble de croyances qui définissent le rapport de l'homme avec le sacré, une reconnaissance par l'être humain d'un principe ou être supérieur (que certains peuvent appeler Dieu). Cela vient du terme latin religio, qui a été défini pour la première fois par Cicéron comme « le fait de s'occuper d'une nature supérieure que l'on appelle divine et de lui rendre un culte »4. Dans les langues où le terme est issu du latin, la religion est souvent envisagée comme ce qui concerne la relation entre l'humanité et une ou plusieurs divinités.
2. La religion comme un ensemble de pratiques propres à une croyance ou un groupe social. Par exemple, dans le Coran, le terme dîn, qui peut être considéré comme équivalent de celui de religion, désigne avant tout les prescriptions de Dieu pour une communauté5 et en chinois, le terme zōng jiào (宗教), inventé au début du xxe siècle pour traduire celui de religion, est connoté de l'idée d'un enseignement pour une communauté6. Historiquement, les religions conçues comme des ordres dans lesquels est recommandé ce qu'il faut faire et ce qu'il faut croire, sont apparues avec les partis religieux s'opposant les uns aux autres en Europe de l'Ouest du xvie siècle. Ces partis sont en premier lieu ceux catholique et protestant, ainsi que la diversité des confessions protestantes7,8. L'usage de désigner ces partis comme « des religions » apparaît à la fin du xvie siècle, tandis que, par extension, il commence aussi à être question de « religions » à propos de l'islam, du bouddhisme, du taoïsme, de l'hindouisme et toutes les religions du monde depuis les origines de l'humanité. La transformation de l'expérience religieuse des Européens a été reprise à l'époque des Lumières dans un questionnement présupposant une essence de la religion en amont de toutes les religions historiques9.
    3    La religion comme l'adhésion à certaines croyances et convictions. Ce sens est lié aux précédents, et c'est dans ce sens que la religion peut parfois être vue comme ce qu’il y a de contraire à la raison et jugée synonyme de superstition.    La religion peut être comprise comme les manières de rechercher — et éventuellement de trouver — des réponses aux questions les plus profondes de l’humanité. En ce sens elle se rapporte à la philosophie10. Elle peut être personnelle ou communautaire, privée ou publique, liée à la politique ou vouloir s’en affranchir. Elle peut aussi se reconnaître dans la définition et la pratique d’un culte, d’un enseignement, d’exercices spirituels et de comportements en société. La question de savoir ce qu'est la religion est aussi une question philosophique, la philosophie pouvant y apporter des éléments de réponse, mais aussi contester les évidences des définitions qui en sont proposées. Il n'y a pas de définition qui soit reconnue comme valable pour tout ce qu'il est permis aujourd'hui d'appeler religion11. Ainsi, la question de savoir ce qu’est une religion est une question ouverte.
Elle est l’objet des recherches universitaires en sciences humaines. Des disciplines telles que l'histoire, la sociologie, l'anthropologie ou la psychologie, étudient ce qu'on nomme le fait religieux sans pour autant s'appuyer sur une définition qui correspondrait de manière homogène à tout ce qui est ainsi étudié.   

Histoire du terme religion
Articles détaillés : Religion (histoire des idées) et Étymologie de religion.
Dans le latin de l'Antiquité, comme l'atteste une expression de Cicéron, il était possible de considérer que « chaque cité a sa religion »12. En ce sens, une religion concerne traditions, coutumes et cultes d'un peuple particulier ou des citoyens d'une ville. Dans l'antiquité tardive, alors que le christianisme se développait et que des auteurs chrétiens réclamaient qu'il soit lui aussi considéré comme une religion, cette façon d'envisager des religions s'éclipse progressivement au profit d'une considération déjà présente avant le christianisme selon laquelle la religion est le fait de s'occuper d'une nature divine supérieure à l'homme. En ce sens, depuis l'Antiquité jusqu'au seuil de l'époque moderne, le terme religion au singulier désignait une vertu7. Avec Cicéron, Augustin ou Thomas d'Aquin, la religion pouvait ainsi se comprendre comme une disposition humaine à connaître une nature supérieure, lui rendre le culte qui convient et chercher à agir selon ses lois13. La religion ainsi envisagée est présente partout où se trouve l'humanité et n'a pas d'assise territoriale particulière. Durant le Moyen Âge, il était aussi possible de parler de « religions » au pluriel. Ce qui était ainsi désigné étaient les ordres religieux, c'est-à-dire principalement les communautés de moines ou de moniales14.
Du xiie au xive siècle, les textes dans lesquels le judaïsme, le christianisme et l'islam sont envisagées comme des choses équivalentes ne parlent pas de « religions » mais, par exemple, de trois « croyances » (créença) dans le catalan de Raymond Lulle15 ou de trois « lois » (legge) dans l'italien de Boccace16. En ce qui concerne ce qui s'appelle alors religio, l'idée était plutôt que la religion est une, qu'elle est susceptible d'erreurs appelées hérésies, ou bien qu'elle est inconnue et, dans ce cas, il s'agit de paganisme.
Le terme religion change d'acception à partir du xvie siècle, moment auquel les Européens commencent à connaître une forme de pluralisme religieux. D'une part l'islam leur était mieux connu et apparaissait davantage comme « une autre religion » que comme une hérésie ou du paganisme ; d'autre part, il fallait un mot pour désigner les multiples confessions ou Églises issues des réformes religieuses du xvie siècle. Celles-ci ont alors commencées à être désignées comme « des religions ». Dès lors, une religion est vue comme ensemble de pratiques et de croyances d'une communauté17. La réflexion moderne sur la religion qu'inaugure ensuite la philosophie des Lumières et qui se prolonge dans les sciences des religions suppose qu'il y aurait comme une essence de la religion commune à toutes les religions du monde et de l'histoire.

Thématisation de la religion dans l'Antiquité
Dans la littérature latine de l'Antiquité, le terme religio n'a pas la portée générale ou absolue du concept moderne. Il s'agit d'un terme parmi ceux employés dans des écrits portant aussi sur le divin, la nature des dieux, la piété, la crainte des dieux, les cérémonies, la fidélité (fides), les serments, les temples, les sanctuaires, les sacrifices solennels, les auspices, etc.18. Les sources qui donnent accès au sens du terme latin religio n'exposent pas de façon univoque le sens qu'aurait eu ce terme, mais elles reflètent un questionnement, des débats et des désaccords à son sujet.   

L'empereur Marc-Aurèle présidant un sacrifice à Rome, la tête couverte d'un pan de sa toge conformément au rituel.    Il semble que ce qui était couramment appelé religio par les Latins est le respect des coutumes, de ses parents, des devoirs civiques et des liens de société. L'excellence religieuse est tenue pour ce qui permet le succès et la conservation des cités. Avec la piété, le courage, la justice ou la vengeance, elle est une des vertus attendues des citoyens. La religion ne se distingue pas de la politique. Les actes religieux ont une valeur juridique, en même temps que ce qui est valable ou ne l'est pas dans la religion est régi par les lois et la jurisprudence19. Chaque peuple ou chaque cité ayant sa religion, les religions de l'Antiquité forment un tout organique dans l'Empire Romain. Les Romains ont ainsi la religion de Rome. Ils reconnaissent les religions des autres cités tout en étant certains d'être les meilleurs religieux parce que Rome domine le monde. Ces religions ont toujours une assise territoriale précise. Ce sont des religions auxquelles on ne se convertit pas, chacun ayant la religion de son peuple et de sa naissance. Ce qui se conçoit alors comme religion n'appelle ni engagement croyant, ni reprise sur soi20.
Les cultes rendus aux dieux faisant partie, à divers degrés, des obligations sociales, la religion a été définie par Cicéron comme « le fait de s'occuper d'une nature supérieure, que l'on appelle divine, et de lui rendre un culte »21. Dans cette définition, qui est la plus ancienne que nous possédions de la religion, le fait de « s'occuper » d'une nature divine supérieure, du verbe curare en latin, peut désigner une occupation pratique, c'est-à-dire le fait d'accomplir envers les dieux les gestes et les rites conformes à la tradition20. John Scheid estime en ce sens que la religion des Romains ne procède pas d'abord d'une théologie ou d'un discours philosophique sur les dieux, mais qu'il s'agit avant tout de « faire » ce que prescrit la tradition22. Toutefois ce que Cicéron appelle « s'occuper de la nature divine », peut aussi être de l'ordre d'une « préoccupation » métaphysique. Le questionnement philosophique sur la nature des dieux, dans lequel prend place la réflexion sur la nature de la religion, a joué un rôle de premier plan dans la formulation de premières conceptions de la religion et, en retour, le problème de la connaissance de la nature divine a pris une place croissance dans la religion des Romains. Au iie siècle av. J.-C., les Romains ont ainsi commencé à produire des écrits spéculatifs dans lesquels ils cherchent à rendre compte de façon raisonnée des dieux et des cultes qui leur étaient rendus à Rome23. Cicéron précise même qu'à son époque, il n'est « plus personne pour croire qu'Atlas porte le monde sur ses épaules »24.
La religiosité antique se pratique à trois niveaux : le niveau individuel, familial, dans lequel le pater familias dirige les actes rituels dans sa maison en s’adressant à des dieux personnels, parfois des ancêtres divinisés comme les Lares ; le niveau clanique dans lequel un ou plusieurs clans pratiquent un culte local, généralement dans des petits sanctuaires en plein air ; le niveau national qui se pratique dans des sanctuaires ou temples où sont vénérés le dieu national et d’autres divinités qui lui sont associées25.

Religion christianisée   

Christ, xiie siècle, Basilique Sainte-Sophie, Istanbul.    Lorsque le christianisme a commencé à se développer, il pouvait être vu comme se situant dans l'ordre de ce qu'est la religion sur un plan théorique ou philosophique dans la mesure où il répond pleinement de la définition que Cicéron avait donné de la religion : « le fait de se soucier d'une nature supérieure, que l'on appelle divine, et de lui rendre un culte ». Cependant, le christianisme ne correspond pas à ce qui reste ordinairement et légalement reconnue comme de la religion ou une religion dans l'Empire romain. Les premiers écrits chrétiens comportant le terme latin religio sont du iie siècle. Le terme a ainsi trouvé une place dans la littérature apologétique chrétienne lorsque celle-ci s'est employée à répondre à l'accusation de crime contre la religion ou d’irréligion faite aux chrétiens. Des auteurs chrétiens, notamment Tertullien26, réclament dès lors que le christianisme soit considéré comme une religion, tandis que le terme poursuit son évolution sémantique, devenant de plus en plus apte à désigner le christianisme. Le christianisme devient la religion commune de l'Empire et la norme de ce qu'est la religion à partir des ive et ve siècles.
Les Pères latins de l'Église ont développé l'idée de « vraie religion »27. Dans la mesure où le christianisme avait réclamé d'avoir droit de cité en étant reconnu comme une religion, la considération d'une vraie religion revient d'abord à faire valoir qu'il y a plusieurs religions et que l'une d'elles - le christianisme - est la vraie. Mais il s'agit aussi, notamment chez Lactance puis Augustin, de se demander comment la religion, en tant que vertu par laquelle l'homme est en relation avec le divin, peut être vécue en vérité. La religion se conçoit ainsi comme une disposition présente dans toute l'humanité mais toujours susceptible d'erreur, à connaître Dieu et à pratiquer le culte qui lui plaît. Cette réflexion sur la nature de la religion chez les Pères de l'Église aboutit à l'identification de la philosophie à la vraie religion. Augustin affirme ainsi « Nous croyons et nous enseignons, ceci est le principe de l'humanité, que la philosophie, c'est-à-dire l'amour de la Sagesse, n'est autre que la vraie religion »28. Selon Augustin, la vraie religion est présente depuis les origines de l'humanité tandis qu'elle a commencé à s'appeler chrétienne ultérieurement29.
Dès lors que la religion est pensée comme une vertu ou comme « l'amour de la Sagesse », elle se conçoit seulement au singulier, de même qu'aujourd'hui il est normalement question de justice au singulier et jamais au pluriel. À mesure que cette conception de la religion s'impose, il devient de moins en moins pertinent d'envisager un pluralisme religieux. D'autres mots sont alors employés pour désigner ce qui, hormis le christianisme, se conçoit aujourd'hui comme des religions : celui de paganisme pour ceux qui ne connaissent pas Dieu ou le refusent, et celui d'hérésie pour qualifier les doctrines jugées déviantes par rapport à l'orthodoxie du christianisme. De ce fait, le terme religion au pluriel devient disponible pour un usage tout à fait anodin. À partir du ve siècle et jusqu'à l'époque moderne, ce qui est couramment désigné comme des religions sont les communautés monastiques, c'est-à-dire des lieux où l'on vit « religieusement », selon une règle, en aspirant à la perfection et au bonheur14.

Premiers signes d'un pluralisme religieux en Europe
Une conception proche de ce que nous appelons aujourd'hui « les religions » a d'abord vu le jour en terre d'islam. Avec la catégorie de dîn l'islam envisage une religion unique et vraie qui est l'islam lui-même, en même temps que sont reconnus des dîn particuliers, notamment pour le judaïsme et le christianisme. Un dîn est la loi de Dieu pour une communauté30. Ceux qui n'ont pas de livre révélé sont considérés comme des païens, ce qui est interdit, chacun devant répondre d'un dîn31. À partir du xiiie siècle, cette façon de compter trois religions a été reprise et réfléchie par des non-musulmans, chrétiens ou juifs, en particulier Ibn Kammuna à Bagdad et Raymond Lulle à Majorque. Dans la version catalane de son traité, le terme employé par Raymond Lulle pour désigner ce qui s'appelle aujourd'hui une religion est celui de croyance (creença).
Dans le même temps, ont eu lieu les croisades et la Reconquista, suivies de l'expansion de l'Empire ottoman. Au cours de ces conflits échelonnés sur plus de huit siècles, de la conquête arabe au siège de Vienne, les Européens ont acquis une conscience accrue de l'altérité religieuse d'un islam qu'ils savaient mal connaître. Toutefois, chez les européens et jusqu'au xvie siècle, il n'a pas été davantage question de l'islam comme d'une autre religion, qu'il n'était d'usage d'envisager « des religions » au sens moderne du terme.
Entre les xie et xiiie siècles, l'Europe fut marquée d'une grande effervescence religieuse. D'autres croisades que celles tournées vers Jérusalem ont eu lieu, notamment celle contre les cathares. Dans les villes d'Europe du Nord, les Béguards trouvent, non sans difficultés, une forme de reconnaissance et de stabilité. Dans le sud de la France, le valdéisme se développe de façon de plus en plus autonome et rebelle vis-à-vis des autorités ecclésiastiques. Ils ont plus tard intégré le courant protestant. D'autres mouvements ont été acceptés et organisés dans l'Église sous forme d'ordres religieux avec une règle, des supérieurs et des lieux conventuels, c'est-à-dire qu'ils devenaient ainsi officiellement ce qui s'appelait alors « une religion » au sens médiéval du terme. Ce fut le cas des « ordres mendiants », par exemple les franciscains.
En 1453, dans le De pace fidei écrit immédiatement après la prise de Constantinople par les Turcs, Nicolas de Cuse a laissé ce qui peut être considéré comme les prémisses de la conception moderne de religion. Écrivant sur fond de guerres entre Turcs et Byzantins et de disputes ecclésiales entre occidentaux et orientaux, et estimant que le dialogue conduit « selon la doctrine du Christ » amène à la paix, Nicolas de Cuse imagine dans le De Pace Fidei des représentants de toutes « les religions » dialoguant au ciel en présence du Christ. Dans la narration de Nicolas de Cuse, c'est le Christ lui-même qui suscite ce dialogue en déclarant :
« Le Seigneur, Roi du ciel et de la terre, a entendu les gémissements de ceux qui ont été mis à mort, jetés dans les fers ou réduits en esclavage, et ceux qui ont souffert à cause de la diversité des religions.[…] le Seigneur a eu pitié de son peuple et se plaît, avec le consentement de tous les hommes, à ramener dans la concorde, la diversité des religions à une religion unique et inviolable32. »
— Nicolas de Cuse, De Pace Fidei
En fait de représentants des « religions », ceux qui participent au dialogue sont des gens de bonne volonté issus de différents peuples. Il s'agit d'un Grec, un Italien, un Arabe, un Juif, un Indien, un Persan, un Chaldéen, un Scythe, d'un Syrien, un Espagnol, un Allemand, un Français, etc. Ce que Nicolas de Cuse désigne comme « des religions » est donc un ensemble de positions dont la diversité est d'abord celle des peuples ou des nations et non pas directement ce que l'on appelle aujourd'hui « les religions ». Mais Nicolas de Cuse renoue avec l'usage antique de considérer que chaque cité ou chaque peuple a sa religion dans un contexte où se profile ce qui deviendra le pluralisme religieux moderne.

Développement de l'idée moderne de religion   

Les religions du monde, gravure du xviiie siècle.    C'est à partir du xvie siècle que le terme religion en est venu à désigner « des religions ».
« Dès le xvie siècle, l'espace religieux européen est marqué par une diversité d'organisations particulières réclamant leur légitimation propre, prescrivant des choses à faire et à croire : un ordre catholique ou protestant, et, par-delà, un ordre juif, chrétien ou musulman. De la perspective ancienne à la modernité, on est donc passé, avec le mot religion, de la désignation d'une attitude (une vertu) requérant l'humain dans son rapport au cosmos (ce qui relève plutôt d'une sagesse) à un système de croyances et de pratiques7. »
— Pierre Gisel et Jean-Marc Tétaz, Théories de la religion, p. 12.
En français, l'usage du terme religion consistant à l'employer pour désigner des organisations recommandant ce qu'il faut faire et croire a commencé à se répandre à la fin du xvie siècle, en particulier sous la plume de Montaigne, dont les écrits contribueront à la généralisation de la nouvelle acception du terme33. Cette nouvelle façon d'envisager des religions investit rapidement tout ce qui est de l'ordre de la religion, et il ne semble plus possible d'avoir de la religion sans être d'une religion comme les autres. Les religions qui se mettent en place sont en un sens identifiées à des doctrines telles que le luthéranisme, le calvinisme, l'anabaptisme, le catholicisme ou l'orthodoxie, mais elles tendent aussi à correspondre à des nations, telles que l'anglicanisme, le gallicanisme, la religion des Turcs, etc. S'il fut d'abord question de « religions » pour désigner les différents partis religieux chrétiens, le christianisme est aussi considéré dans son ensemble comme une religion par rapport à l'islam ou bien d'autres religions lointaines ou passées : la religion des Romains, celle des Égyptiens, la religion des sauvages d'Amérique, la religion de Bouddha, etc. La naissance des religions a accompagné celle des États-Nations européens, elle a eu lieu sur fond de rivalités et de violences entre armées et entre partis religieux, et c'est dans les guerres que se sont construites ces réalités - les religions - qui font partie de ce par quoi s'organise le monde moderne.
Avec les guerres de Religions, l'idée de tolérance a commencé à jouer un rôle important dans la réflexion sur la religion. Il s'agit d'abord, au sens littéral et médical du terme, de supporter un mal que l'on ne sait empêcher, ce mal étant la diversité des religions. Puis la tolérance devient, avec les intellectuels du xviiie siècle, une valeur et une qualité qui s'oppose à la prétention à la vérité et au dogmatisme en matière religieuse.
Les xviie et xviiie siècles verront l'essor d'une philosophie de la religion qui place la diversité des religions historiques face à la raison universelle. Selon Ulrich Bart, « dans une époque marquée par l'expérience d'un pluralisme confessionnel de plus en plus prononcé et par les premiers signes d'un pluralisme inter-culturel, il s'agissait de justifier le contenu de vérité des religions historiquement donné devant le for universel de la raison humaine »34. La philosophie des Lumières élève toute une série de termes relativement anodins au rang de concept clé pour penser le monde et l'expérience humaine : religion, culture, civilisation, société, etc35. Une philosophie de la religion prend forme progressivement dans les œuvres de Locke36, Hume37 en Angleterre ; Voltaire, Diderot38 ou Rousseau39 en France ; Kant40, Schleiermacher41, Fichte, Jacobi, Hegel42., etc. en Allemagne. La réflexion sur la religion et les religions qui s'est amorcée avec la philosophie des Lumières « implique quelque chose comme une essence substantielle de la religion, précédant logiquement les religions positives, comprises alors comme les formes historiques dans lesquelles la substance religieuse se réfléchit, devenant ainsi à soi-même son propre sujet9 ».
Le xixe siècle voit surtout se développer une pensée extrêmement hostile aux religions avec Marx, Nietzsche, etc., mais c'est aussi au xixe siècle que se mettent en place les sciences humaines, notamment la sociologie, qui va se donner la religion pour objet d'étude. Michel Despland estime qu'en France, les années 1820-1830, correspondant à l'époque de la Restauration, ont été un moment fondateur dans l'émergence des sciences des religions et, par là, de la catégorie moderne de religion43. La religion devient un objet d'étude « scientifique » avec Proudhon ou Auguste Comte, qui cherchaient à penser la religion avec la certitude qu'une approche rationnelle et positive la détruit. À leur suite, mais dans une perspective différente, Émile Durkheim, Max Weber, Georg Simmel ou Ernst Troeltsch, considérés comme les pères fondateurs de la sociologie, ont consacré de nombreux travaux à la religion posant les principes d'une étude se voulant à la fois neutre et critique des religions.
Au xxe siècle, différentes approches de la religion ont été développées avec la sociologie, l'anthropologie, la psychologie et l'histoire notamment. Aujourd'hui, dans les sciences des religions, se posent la question de la façon dont la religion a été constituée comme objet d'étude. Il semble qu'aucune définition ne convienne à tout ce qui est étudié comme religion ou tout ce que l'usage permet d'appeler religion44.
Le religion et ses conséquences sont également banalisées au niveau du langage quotidien, le célèbre footballeur néerlandais Johan Cruyff ayant dit :
« Je ne suis pas religieux. En Espagne, les 22 joueurs font le signe de croix avant d'entrer sur le terrain. Si ça marchait, tous les matchs devraient se terminer en résultat nul. »

Théories modernes des religions
Les sciences humaines telles que la sociologie, la psychologie ou l'anthropologie ont établi leur objet et leurs méthodes au xixe siècle. Ces disciplines se sont constituées comme sciences en prenant la religion pour objet. La religion n'a ainsi pas seulement été pour elles un objet parmi d'autres : ces sciences ont affirmé la rationalité des connaissances qu'elles se proposaient d'établir sur les phénomènes du monde, dont les religions, indépendamment et parfois en opposition aux connaissances des religions envisagées comme des « croyances »45.
Problèmes de définition[modifier | modifier le code]    « Un des traits les plus étonnants des penseurs de notre époque est qu'ils ne se sentent pas du tout liés par ou du moins ne satisfont que médiocrement aux règles jusque-là en vigueur de la logique, notamment au devoir de dire toujours précisément avec clarté de quoi l'on parle, en quel sens on prend tel ou tel mot, puis d'indiquer pour quelles raisons on affirme telle ou telle chose, etc.46 »
— Bernard Bolzano, Lehrbuch der Religionswissenschaft, (1834) §63.
    
Objet « indéfinissable » des sciences des religion
Dans l'avant-propos du Dictionnaire des faits religieux Régine Azria rappelle que « Dès leur origine, les sciences sociales des religions ont placé la question de la « définition » de leur objet au centre de leur préoccupation. Cet impératif de définition est en effet le premier pas de toute démarche scientifique, le préalable à toute possibilité d'approche critique »47. Elle reconnaît la difficulté d'établir une définition consensuelle de la religion, tout en considérant que « dans les sciences des religions, il y a place et matière à définitions multiples, donnant à voir emboîtement et complémentarités » et que « c'est la diversité même des points de vue que ces débats mettent en présence et confrontent, qui permet d'éclairer la complexité de cet objet "indéfinissable" »47. Le phénomène religieux est envisagé comme en miettes, fragmenté, polymorphe, comme une « réalité culturelle protéiforme »48, un phénomène kaléidoscopique, aux multiples manifestations ou facettes49, etc. La suggestion reste qu'il y aurait à découvrir une sorte d'unité dans la diversité ou un principe général dont procède la diversité.
Ces problèmes de définition ont conduit assez tôt des chercheurs à exclure la possibilité de définir la religion comme une « essence universelle » tout en affirmant la nécessité de se fonder sur des choses observables. Marcel Mauss déclarait ainsi en 1904 : « Il n'y a pas en fait une chose, une essence, appelée Religion ; il n'y a que des phénomènes religieux, plus ou moins agrégés en des systèmes qu'on appelle religions et qui ont une existence historique définie, dans des groupes d'hommes et en des temps déterminés »50. L'affirmation selon laquelle il n'y a pas d’essence de la religion est devenue un lieu commun des discours sur la religion au xxe siècle. Cependant, exclure qu'il y ait une essence de la religion au moment même où l'on affirme s'intéresser aux religions en leur existence historique ne règle pas le problème de la définition de la religion : pour savoir ce qu'il faut prendre pour objet d'observation, il faut avoir recours à une définition de la religion. Pour Jean Grondin la question de la définition de la religion reste celle de son essence nonobstant les préventions ou les incompréhensions dont ce mot peut être l'objet : « l'air du temps, nominaliste, répugne à tout discours portant sur l’essence des choses, comme s'il s'agissait d'un gros mot. On associe alors, de manière caricaturale, l'essence à une idée un peu platonicienne, intemporelle et d'une constance absolue. [...] la question de l’essence de la religion, loin de chercher une idée a priori, veut répondre à une question plus élémentaire : de quoi parle-t-on quand il est question de religion ? »51. Dans son Traité d'histoire des religions Mircea Eliade juge impossible de définir précisément la religion. Il la définit donc par « approximation »52. Selon Mircea Eliade : « Toutes les définitions données jusqu'à présent du phénomène religieux présentent un trait commun : chaque définition oppose à sa manière, le sacré et la vie religieuse, au profane et à la vie séculaire. C'est quand il s'agit de délimiter la sphère de la notion de « sacré » que les difficultés commencent ». M. Eliade prend acte de ces difficultés et laisse un caractère volontairement imprécis à la notion de sacré. Il reprend ainsi une thèse de Roger Caillois : « Au fond, du sacré en général, la seule chose qu'on puisse affirmer valablement est contenue dans la définition même du terme : c'est ce qui s'oppose au profane. Dès que l'on s'attache à préciser la nature, la modalité de cette opposition, on se heurte aux plus grands obstacles. Quelque élémentaire qu'elle soit, aucune formule n'est applicable à la complexité labyrinthique des faits »52. Il s'agit donc de partir d'une approximation pour étudier les « faits religieux » et ainsi approximativement définis, en savoir plus sur la nature du phénomène. Toutefois, l'idée d'une opposition systématique entre sacré et profane a aussi été contestée. Pour Philippe Borgeaud, il n'y a pas dans la littérature ancienne d’équivalence à l’opposition entre sacré et profane53. Les textes dits « sacrés » de Mésopotamie, d'Égypte, d'Israël ou de Grèce antiques, permettent certes de trouver des catégories qui ressemblent à l'idée de sacré, mais, d'une part, le sacré n'y est généralement pas en opposition à un profane, d'autre part il n'y a pas homogénéité des catégories qui ressemblent à celle de sacré. Seuls les textes bibliques semblent contenir une bipartition entre ce qui est saint (qadesh) et ce qui est commun (khol) ou entre ce qui est pur et impur53, mais ces termes ne correspondent à ce qui peut se concevoir aujourd’hui comme opposition entre sacré et profane que si ces notions gardent un caractère imprécis.
* Pour R. Azria « le travail de définition cherche inlassablement sa voie à travers des débats infiniment recommencés, continuellement déjoués par les transformations, les renouvellements, les effacements et les ré-émergences de l'objet polymorphe que les chercheurs s'efforcent de saisir »44, ce qui empêcherait une définition stable ou consensuelle de ce qu'est une religion.           Des aspects religieux


    Critiques des définitions   

La tour de Babel (Bruegel l'ancien) illustre un passage de la Genèse évoquant une époque où « toute la terre avait un seul langage et les mêmes mots ».    Les objections sur la façon dont les sciences des religions ont défini leur objet se sont exprimées de façon croissante, culminant dans les années 1980 avec la publication de plusieurs études remettant en cause toutes les définitions ainsi que la possibilité même de définir la religion pour en faire un objet d'étude « scientifique »54.
Parmi les problèmes soulevés concernant les définitions de la religion proposées dans les sciences humaines, il a été constaté qu'aucune définition ne s'applique à tout ce qui y est étudié comme étant de la religion ou une religion. En un autre sens, le problème de la définition de l'objet des sciences des religions ne serait pas tant l'absence d'une définition qui convienne à toutes les religions que le trop grand nombre de définitions. Yves Lambert a parlé à ce sujet d'une « tour de Babel des définitions de la religion »55.
Le caractère européen ou occidental d'un concept que l'on voudrait universel pose aussi problème56. Ce qui est plus particulièrement en cause lorsque ce concept est jugé occidental est son caractère théologique et chrétien. Le concept de religion renverrait nécessairement, en dernière analyse, à Dieu ou au surnaturel. Ceci pose problème à ceux qui y voient une croyance issue d'une religion particulière. Si tel est le cas, il est d'une part possible de faire valoir que cette croyance n'a pas à s'imposer aux autres par le biais d'une définition qui les inclurait toutes, et, d'autre part, que « les croyances religieuses » n'ont pas leur place dans des études à visée scientifique. Ainsi, pour des auteurs tels que Daniel Dubuisson57 ou Timothy Fitzgerald, la « religion », est une catégorie intellectuelle inopérante, née d'un désir d'affirmer le caractère transcendant d'une culture mondiale idéale ; ils considèrent qu'« il n'y a pas de fondement théorique non-théologique cohérent pour l'étude de la religion comme une discipline universitaire »58 à l'exception de définitions qui en dernier ressort renvoient à un théisme chrétien.
La nécessité que le discours sur les religions soit non religieux fait partie des revendications qui s'entendent dans les sciences des religions. Il faudrait pouvoir « parler du religieux de manière non religieuse », ce que ne feraient pas les sciences des religions. Cependant, pour Jonathan Z. Smith, c'est déjà assez largement le cas, car la religion ne ferait pas bon ménage avec les tentatives de la saisir intellectuellement. Il estime qu'« en un certain sens, il est plus facile d'être religieux sans le concept : la religion peut devenir une véritable ennemie de la piété. On pourrait presque dire que l'homme religieux se tourne vers Dieu ; c'est l'observateur du dehors qui se tourne vers la religion. » Smith considère que « La religion est uniquement une création d'universitaires. Elle est imaginée sur la base de comparaisons et de généralisations par les chercheurs pour les besoins de leurs études »59.
Il a été aussi relevé que les définitions existantes sont partiales. Selon André Lalande, elles présentent « presque toutes le caractère d'incorporer une théorie ou une appréciation du fait »60. Les définitions proposées véhiculeraient ainsi des pensées supplémentaires indiquant plus ou moins subtilement ce qu'il faut en penser ou en faire. Michel Despland donne l'exemple extrême de la définition qu'avait proposée Salomon Reinach dans son Orpheus : histoire générale des religions (1907). Il y définissait la religion comme « un ensemble de scrupules qui font obstacle au libre exercice de nos facultés ». Pour Michel Despland, « toutes les idées de la religion ne sont pas aussi impérialistes, mais il n'en reste pas moins que ces idées diverses non seulement désignent une réalité mais aussi donnent à penser et orientent nos réflexions ».
Les sciences des religions se sont constituées comme sciences au moment où elles affirmaient leur neutralité vis-à-vis des religions, mais la question de la neutralité des sciences des religions vis-à-vis de leur objet n'a pas cessé de poser problème. Ainsi, en 1987, Danièle Hervieu-Léger, revenant sur l'histoire de la sociologie des religions et ses principes fondateurs se demandait si le sociologue pouvait « échapper à l'impératif de devoir détruire son objet, dans le temps même où il le soumet aux procédures d'analyse et d'étude qui sont celle de sa discipline »45. Le sociologue Shmuel Trigano estime pour sa part que « La sociologie de la religion [...] se donnant pour tâche de rendre compte du phénomène de la transcendance - le trait le plus fort de la religion - dans le cadre d'une explication reposant sur le principe de l'immanence absolue de tout phénomène social, ce projet même la conduisait à supposer que l'expérience religieuse était trompeuse, en tout cas illusoire, et que derrière elle, se tramait une réalité dont le croyant n'était pas conscient »61.
Religions : traditions culturelles ou confessions religieuses ?[modifier | modifier le code]
Le terme religion sert à désigner, d'une part, des mouvements revendiquant une séparation ou une coupure avec la culture et la tradition des sociétés dont elles sont issues, et d'autre part, des traditions plurimillinéraires qui se confondent avec les cultures de l'humanité à l'échelle des civilisations et des continents. Une religion, ce peut ainsi être une religion confessionnelle, dont la taille peut être de quelques dizaines d'individus, ou bien ce qui est appelé les « grandes religions ». Il n'y a pas de consensus sur ce que sont ces grandes religions. Le sociologue Max Weber considérait cinq ou six « religions mondiales » qu'il définissait comme des « systèmes de réglementation de la vie, religieux ou déterminées par la religion, qui ont su réunir autour d'eux des masses particulièrement importantes de fidèles : l'éthique religieuse confucéenne, hindoue, bouddhiste, chrétienne, islamique. Nous devons y ajouter une sixième religion, le judaïsme : parce qu'on y rencontre des présupposés historiques décisifs pour la compréhension de ces deux dernières, […] » Par ailleurs Max Weber s'est intéressé à ce qu'il désigne comme des « groupements communautaires », c'est-à-dire les religions confessionnelles qui prennent place dans les grandes religions. Plus récemment Michel Malherbes, dans un livre qui ne se situe pas au niveau de travaux académiques ou universitaires mais que l'auteur présente comme « un ouvrage de vulgarisation, traité comme un travail de journaliste »62, comptait quatre « grandes religions » donnant à titre indicatif un pourcentage de la population mondiale pour chacune d'entre elles : le christianisme (28 %), l'islam (18 %), l'hindouisme (15 %) et le bouddhisme (5 %). Il estimait en outre à 29 % le taux de la population mondiale sans religion et à 5 % les adeptes d'« autres religions ». Au-delà de ces « grandes religions » Michel Malherbes aborde dans son ouvrage plus d'une centaine de religions, qui sont pour la plupart des religions au sein des grandes religions.
L'emploi du terme religion autant pour désigner des groupements communautaires aux contours assez bien définis que pour les grandes traditions religieuses de l'humanité, relève d'une indétermination quant au rapport entre la culture et ce que l'on appelle religion, problème auquel se sont attaqués différents chercheurs en sciences des religions. Dans La religion pour mémoire, Danièle Hervieu-Léger avait cherché à raccommoder les religions comprises comme des systèmes de croyances avec les traditions culturelles de l'humanité en proposant de définir une religion comme « tout dispositif par lequel est constituée, entretenue, développée et contrôlée la conscience individuelle et collective de l'appartenance à une lignée croyante particulière »63. Le point c'est la « lignée croyante » qui désigne le lien d'une religion avec une tradition et par là une histoire et une culture. Danièle Hervieu-Léger estime ainsi que le propre d'une religion est la référence à « une mémoire autorisée », c'est-à-dire à une tradition, tandis que les communautés qui sont sans référence à une tradition ne devraient pas être pensées comme des religions64.
Dans son livre La sainte ignorance, le temps de la religion sans culture, le sociologue Olivier Roy adopte une position diamétralement opposée à celle de Danièle Hervieu-Léger. Estimant que la conception de la religion qui requiert un « saut dans la foi » est la norme du « pur religieux », il soutient qu'il faut chercher à comprendre la situation actuelle du religieux à partir des religions qui se développent le plus aujourd'hui. Ainsi, l'auteur n'identifie pas le « pur religieux » aux « grandes traditions religieuses », ni aux Églises protestantes « traditionnelles » si l'on peut en parler ainsi, mais aux « nouvelles religions », en particulier celles de la vaste mouvance appelée pentecôtisme ou évangélisme. Celles-ci auraient les caractéristiques du « pur religieux » dans la mesure où il y est affirmé une rupture avec les traditions et des cultures dont elles sont issues, et où elles n'ont le plus souvent aucun rapport institutionnel, ni avec les religions plus anciennes, ni entre elles. L'auteur considère le pur religieux comme un mythe, c'est-à-dire que ce « pur religieux » n'existerait pas autrement que comme une idée, mais ce mythe serait présent mondialement, partout où se trouvent des personnes pour défendre les uns contre les autres leur religion en sa pureté. Olivier Roy qualifie cette religion sans culture de « sainte ignorance », et estime qu'elle a de beaux jours devant elle65.

Lien entre religion et comportements sociaux
Chaque religion fixe des limites morales à ce que l’individu peut ou devrait faire dans le monde et à l’égard de son prochain. Ainsi, l’un des commandements bibliques fondamentaux est « Tu ne tueras point » et l’évangile ou le bouddhisme promeuvent un comportement altruiste et désintéressé. Au début du xxie siècle 84 % des humains sondés se déclaraient croyants66. Ce chiffre monte à 97 % aux États-Unis67. Pourtant, la peine de mort y existe encore, et la criminalité y est importante. Le Classement des pays par taux d'homicide volontaire ne montre pas que le taux d’homicides est moindre dans les pays à forte religiosité ou caractérisés par une religion d'État.
Mesurer les effets individuels et sociétaux des pratiques religieuses s'avère délicat tant elles diffèrent et sont personnelles, ainsi qu’en raison de nombreux risques de biais cognitif (notamment la statistique d'appartenance religieuse, basée sur des déclarations, est une mauvaise mesure de la religiosité réelle).

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MÉSOPOTAMIE

 

 

 

 

 

 

 

Mésopotamie : histoire
(littéralement « le pays entre les deux fleuves »)

Cet article fait partie du dossier consacré à la Mésopotamie.
Bassin alluvial d'Asie, en contrebas du Taurus et du Zagros, à l'est du désert syrien, où coulent les cours inférieurs du Tigre et de l'Euphrate (réunis en aval dans le Chatt al-Arab) et celui du Karun.
Vaste région de 375 000 km2, qui comprend toutes les terres basses des bassins de l'Euphrate et du Tigre, et correspond en gros aux pays actuels de l'Iraq et du nord-est de la république de Syrie, la Mésopotamie est le plus ancien et, du VIe au Ier millénaire avant J.-C., le plus important des foyers de la civilisation.
Employé pour la première fois, semble-t-il, par l'historien grec Polybe au iie siècle avant J.-C., le terme de Mésopotamie, loin de désigner la totalité du bassin, ne dénommait alors que le territoire compris entre l'Euphrate et le Tigre au nord de la Babylonie centrale ; ce n'est que très progressivement, et essentiellement à une époque très récente, qu'il a été employé pour désigner la totalité de la région.

HISTOIRE
1. AVANT L'HISTOIRE (JUSQUE VERS 3500 AVANT J.-C.)
1.1. DU PALÉOLITHIQUE AU MÉSOLITHIQUE (XIIe-IXe MILLÉNAIRE AVANT J.-C.)

Cet ensemble de plaines et de collines, limité à l'est et au nord par les montagnes de l'Iran occidental et de l'Anatolie orientale, au sud-ouest par le désert syro-arabe, au sud-est par le golfe Persique, connaît jusqu'à la fin de la dernière période glaciaire (il y a 12 000 ans) des climats et une végétation naturelle très différents de ceux de l'époque historique. Les hommes du paléolithique y ont sans doute vécu, mais, dans ce pays où les fleuves arrachent, puis déposent d'énormes masses de sédiments, il n'y a guère de chances que l'on retrouve un de leurs habitats minuscules.
Vers le IXe millénaire avant notre ère, le climat commence à se rapprocher des conditions actuelles, et les groupes du mésolithique (stade intermédiaire entre le paléolithique des chasseurs et le néolithique des agriculteurs) abordent la Mésopotamie à partir des hautes vallées du pourtour montagneux, qui sont fréquentées par les humains depuis 60 000 ans au moins et qui possèdent à l'état sauvage des animaux précieux (ovins, caprins, bovins, porcins) et des céréales (blé, orge).
1.2. NAISSANCE DE L’AGRICULTURE (VIIIe MILLÉNAIRE AVANT J.-C.)
EN HAUTE MÉSOPOTAMIE
Au VIIIe millénaire avant notre ère, le genre de vie agricole apparaît dans les vallées proches du pays des Deux Fleuves et sur le piémont, avant de s'étendre en haute Mésopotamie ; cette région, qui comprend le nord du pays des Deux Fleuves jusqu'au point où l'Euphrate et le Tigre se rapprochent pour la première fois en plaine, peut porter des cultures sèches dans la bande proche de la montagne ; au-delà, les pluies sont insuffisantes pour ce type de culture et les fleuves trop encaissés pour permettre l'irrigation en grand, et l'on doit s'y contenter de la vie pastorale. Au pied des montagnes, au contraire, des communautés ont bientôt l'idée d'utiliser les eaux de ruissellement, puis de creuser des canaux.
EN BASSE MÉSOPOTAMIE
Cette technique nouvelle trouve son plein emploi quand l'homme colonise la Susiane – pays plat aux nombreuses rivières, qui fait partie de l'Élam (sud-ouest de l'Iran) – et la basse Mésopotamie. Celle-ci est d'abord une plaine basse, puis, plus au sud-est, un delta intérieur, où les sédiments s'enfoncent lentement ; là, avant d'atteindre la mer, les fleuves abandonnent la majeure partie de leurs alluvions et de leurs eaux – ces dernières s'évaporant ou s'accumulant dans des lacs ou des marais. Les vents de sable ou de poussière, l'aridité et les inondations brutales font un enfer de ce pays, qui attira peut-être ses premiers habitants par la richesse de ses eaux en poissons et de sa forêt-galerie en fruits. On ne risque guère, là non plus, de retrouver les tout premiers habitats, et les archéologues n'y ont rencontré que de gros établissements agricoles.
1.3. LES PREMIÈRES SOCIÉTÉS (VIIe MILLÉNAIRE AVANT J.-C.)
LES CONTRAINTES DE L’IRRIGATION
En effet, l'irrigation pose ici des problèmes plus complexes qu'en Égypte : la crue des fleuves intervient au printemps ; il faut retenir alors les eaux et les redistribuer ensuite sur le reste de l'année pour que les cultures ne soient pas noyées au printemps, quand elles sortent de terre, ni brûlées par l'aridité de l'été et de l'automne.
Seule une communauté de fort effectif peut construire un système d'irrigation avec digues, bassins de retenue, canaux d'amenée et d'évacuation des eaux. Moyennant un énorme travail, l'argile fertile des alluvions donne des récoltes de dattes, d'orge, de blé et de sésame abondantes et relativement régulières, qui, à leur tour, contribuent à l'entretien d'un cheptel important. Malgré son étendue limitée (40 000 km2, dont plus de la moitié sont couverts par les eaux), le Bas Pays nourrit une population plus nombreuse qu'en haute Mésopotamie.
UNE NÉCESSAIRE ORGANISATION
L'absence de matières premières, en dehors de l'argile et du roseau, en basse Mésopotamie, contraint les agglomérations à développer leurs échanges de denrées alimentaires, de laine et de produits de l'artisanat contre le bois, les pierres dures ou rares et le cuivre, qui viennent des montagnes de la périphérie ou même des régions plus lointaines. Très tôt, l'artisanat et le commerce occupent une part importante de la population, la spécialisation professionnelle et la hiérarchie sociale se précisent, et le Bas Pays devient le foyer culturel de l'ensemble mésopotamien.
1.4. LES PREMIÈRES CIVILISATIONS (VIIe-IVe MILLÉNAIRE AVANT NOTRE ÈRE)
Le terme de « civilisations » est employé ici, faute de mieux, s'applique à une région étendue dont les agglomérations ont en commun une céramique caractéristique pendant une longue période. De plus, toutes ces civilisations débordent sur les pays voisins (Iran, Anatolie, couloir syrien, Arabie), et l'on ignore encore quel est leur point de départ.
Si on laisse de côté les groupes pionniers, d'étendue limitée, comme ceux de l'Euphrate moyen (fin du VIIe millénaire avant notre ère), dont la céramique foncée polie (dark burnished) vient d'Anatolie, et ceux du piémont (comme celle du site de Jarmo), la série des civilisations commence avec les poteries peintes.
HASSOUNA ET SAMARRA (VERS 7000-5500 AVANT J.-C.)
La civilisation de Hassouna (au sud de Ninive, à l'ouest du Tigre) est limitée aux pays d'agriculture sèche du bassin du Tigre en haute Mésopotamie (VIe millénaire avant notre ère). Celle de Samarra (sur le Tigre moyen, au nord-ouest de Bagdad), qui se situe dans la seconde moitié du VIe millénaire avant notre ère, est le propre d'agriculteurs qui colonisent toute la haute Mésopotamie utile et affrontent à l'est, dans la vallée du Tigre moyen et sur le piémont, les sols humides, où ils creusent les premiers canaux ; des outils de cuivre martelé, des perles de turquoise et de cornaline témoignent d'un commerce avec l'intérieur de l'Iran ; et, au tell es-Sawwan (ou al-Suwan ; 10 km au sud de Samarra), un établissement protégé par un fossé possède déjà un temple.
Avant la fin du VIe millénaire avant notre ère, les premiers établissements connus de la basse Mésopotamie fabriquent des céramiques (celles d'Éridou, de Hadjdji Muhammad, d'Obeïd, dans la basse vallée de l'Euphrate) qui auraient une parenté avec celle de Samarra.

TELL HALAF ET EL-OBEÏD (VERS 5500-3500 AVANT J.-C.)
Après 5500 avant J.-C., la partie de la haute Mésopotamie consacrée à la culture sèche connaît la diffusion de la céramique de tell Halaf (un tell – « colline » de la partie nord-ouest du bassin du Khabur), qui dure en certains sites jusque vers le milieu du IVe millénaire avant notre ère, mais qui, la plupart du temps, est remplacée par celle d'Obeïd (6 km à l'ouest d'Our), venue du sud (vers 4300 avant J.-C.) et destinée à durer en quelques agglomérations du nord jusque vers 3500 avant J.-C.
OUROUK ET DJEMDET-NASR (À PARTIR DE 3750 AVANT J.-C.)
La poterie d'Obeïd est finalement remplacée par celle d'Ourouk (sur l'Euphrate inférieur), qui est diffusée à partir du sud de la basse Mésopotamie (vers 3750-3150 avant J.-C.) et qui, produite en masse, n'a pas de décor peint. La poterie peinte de Djemdet-Nasr (15 km au nord-est de Babylone) apparaît dès 3150 avant J.-C. et dure jusqu'au début du IIIe millénaire.
LES PRINCIPALES AVANCÉES
Durant cette longue période, l'organisation économique et les techniques progressent dans l'ensemble de la Mésopotamie : après le milieu du Ve millénaire avant notre ère, le sceau se répand, mais nous ne savons pas quel type de propriété il sert alors à marquer. Le commerce s'amplifie avec l'Iran, riche en minerais, et, à la fin du Ve millénaire avant notre ère, avec le cuivre martelé pour l'outillage au pays des Deux Fleuves. La concentration de la population en grosses agglomérations et l'enrichissement, qui vont de pair, se traduisent par l'édification de temples en briques crues, rebâtis et agrandis de siècle en siècle. On connaît deux séries de temples : celle d'Éridou (depuis 5300 avant J.-C. environ), au Bas Pays, et celle de tepe Gaura (depuis 4300 avant J.-C. environ), au nord-est de Ninive ; et la construction du temple sur une plate-forme à laquelle on accède par une rampe (à Éridou, vers 4300 avant J.-C.) est peut-être la première étape vers la réalisation de la ziggourat.
2. L'ENTRÉE DANS L'HISTOIRE (VERS 3450-3000 AVANT J.-C.)

Le changement essentiel se fait lors de la période (vers 3450-3300 avant J.-C.) que l'on nomme « Ourouk 4-3 » (deux niveaux du grand sondage de l'Eanna, temple de la déesse d'Inanna à Ourouk), « Protoliterate » (débuts de l'écriture) ou « Prédynastique final » (l'époque suivante étant le « Dynastique archaïque »), dénominations qui n'ont pas fait disparaître la division en périodes d'Ourouk (vers 3750-3150 avant J.-C.) et de Djemdet-Nasr (vers 3150-2900 avant J.-C.).
2.1. UN BOND DÉCISIF
C'est dans la partie méridionale de la basse Mésopotamie (le pays historique de Sumer), le delta intérieur, où les crues sont moins dangereuses et les travaux d'irrigation moins difficiles, que se trouve le foyer de la civilisation nouvelle qui différencie ce pays du reste de l'Orient. Celle-ci naît de l'interaction de l'augmentation de la population, de sa concentration en agglomérations plus importantes (peut-être déjà de véritables villes), des découvertes qui se situent à la fin d'Obeïd et au début d'Ourouk (cuivre moulé, tournette, puis tour à potier, chariot), de l'accroissement des échanges avec le reste de l'Orient (l'or et le lapis se répandent au pays des Deux Fleuves).
2.2. LES PREMIÈRES CITÉS-ÉTATS
Cette nouvelle civilisation se traduit par un essor rapide des arts. Chaque centre élève des temples, qui sont rapidement remplacés et que l'on décore de peintures murales et de mosaïques faites des têtes peintes de cônes de terre cuite enfoncés dans la muraille ; ces édifices atteignent parfois de vastes dimensions (le temple C d'Ourouk mesure 54 m sur 22 m). Cette époque voit aussi les débuts de la sculpture (reliefs de vases, stèles, figurines), qui donnent parfois des chefs-d'œuvre, comme la Dame d'Ourouk. Les artisans de la glyptique (art de tailler les pierres précieuses), également habiles, gravent sur les cylindres-sceaux une extraordinaire variété de sujets.

Toute cette activité est destinée à la divinité ou aux plus importants de ses serviteurs. La population est déjà organisée en cités-États, possédant leur conseil des Anciens et leur assemblée, et, si l'on en juge par certaines œuvres d'art, un roi guerrier est plus influent que les prêtres et que ceux qui gèrent le domaine du dieu.

2.3. L'INVENTION DE L’ÉCRITURE (VERS 3300 AVANT J.-C.)

Cette grande unité économique, qui comporte champs, troupeaux, ateliers, greniers et magasins, n'englobe ni toute la terre de la cité ni toute sa main-d'œuvre, mais elle est la seule à avoir laissé des traces : c'est pour ses comptes et ses contrôles que l'on invente la première de toutes les écritures et le sceau de forme cylindrique qui, mieux que le cachet plat, couvre le tampon d'argile des portes et des récipients d'une empreinte continue qui en garantit l'intégrité. Attesté à Ourouk dès 3400 avant J.-C. environ, ce système graphique, qui est l'ancêtre de l'écriture cunéiforme, emploie dès avant 3000 avant J.-C. les signes phonétiques qui permettent d'y lire du sumérien.

2.4. LE PROBLÈME SUMÉRIEN
Pour cette raison, bien que Sémites et Sumériens soient déjà mêlés dans toute la basse Mésopotamie, on est porté à attribuer aux Sumériens l'invention de l'écriture. Mais les spécialistes ne sont pas d'accord sur la date d'arrivée de ce peuple au Bas Pays : les uns pensent que c'est lui qui a colonisé la région dès le VIe millénaire avant notre ère, puisque, à partir de cette période, il n'y a là aucune rupture culturelle liée à des destructions qui indiqueraient une invasion ; d'autres, remarquant qu'il y a dans le vocabulaire sumérien des termes techniques qui sont étrangers aux langues sumérienne et sémitique, estiment que les Sumériens sont venus tardivement submerger sous leurs infiltrations un peuple plus évolué et plus anciennement installé au Bas Pays.
2.5. L'EXTENSION DE LA CIVILISATION MÉSOPOTAMIENNE
Sumérienne ou non, la civilisation qui apparaît vers le milieu du IVe millénaire avant notre ère dans le sud de la basse Mésopotamie manifeste après 3300 avant J.-C. davantage de dynamisme. Dans son pays d'origine, s'il n'y a plus d'inventions, les techniques découvertes précédemment sont mises plus largement au service de la production ; les objets d'art sont moins soignés, mais plus nombreux. La civilisation de la haute Mésopotamie, elle, qui prolongeait celle d'Obeïd, recule après la destruction (vers 3400 avant J.-C.) de tepe Gaura, la ville aux trois temples, qui était la principale bénéficiaire du commerce entre l'Iran et le pays des Deux Fleuves.
Au contraire, le foyer culturel du Sud englobe rapidement le nord de la basse Mésopotamie, la plaine fluviale, plus tardivement colonisée parce que plus difficile à irriguer. Et des traces de l'influence du Sud, plus ou moins importantes suivant la distance, se retrouvent en Susiane, en haute Mésopotamie, en Iran, en Syrie septentrionale et jusqu'en Anatolie et en haute Égypte.
2.6. LE PROBLÈME DE LA CHRONOLOGIE
L'entrée dans l'histoire s'accompagne de celle dans le temps mesuré. Or, la reconstitution de la chronologie de l’Asie occidentale ancienne par les modernes comporte de terribles difficultés, dues avant tout au fait que la notion d'ère est inconnue dans cette région culturelle avant l'installation de la dynastie gréco-macédonienne des Séleucides à Babylone, dont la date initiale (312 / 311 avant J.-C.) est le point de départ d'une ère – innovation probablement due à des Grecs.
TROIS SYSTÈMES DE DATATION
Auparavant, les scribes des États les plus évolués (d'abord ceux de la Mésopotamie) ont employé trois systèmes élémentaires :
1. Depuis le xxve siècle avant J.-C. au moins, dans certaines cités-États, chaque année reçoit officiellement le nom d'un événement important (en fait qui se situe l'année précédente), par exemple : « année (où) le pays de Simourrou fut détruit », ou bien un numéro la situant par rapport à une année du type précédent, ainsi : « année II suivant (celle où) il construisit la grande muraille de Nippour et d'Our » ; et chaque début de règne donne une « année (où) X devient roi ».
2. Depuis le xxvie siècle avant J.-C. au moins, certaines cités-États, comme Shourouppak, en Sumer, ou Assour, donnent à chaque année le nom d'un magistrat éponyme.
3. À partir du xive siècle avant J.-C. au moins, en Babylonie, on attribue à chaque année le nombre ordinal qui la situe dans un règne : « année 8e » (de tel roi), par exemple.

DES LISTES ROYALES INSATISFAISANTES
Très tôt, on a dressé des listes d'années, dont on a tiré des listes royales, qui ne comportent que la suite des souverains avec le nombre d'années de chaque règne. Mais rien n'est plus décevant que ce genre de textes. Ou bien les listes sont incomplètes, par suite d'une cassure de la tablette, ou bien, à cause d'erreurs des scribes, elles sont contradictoires dans le cadre d'un même État. À cela s'ajoute le fait que les dynasties parallèles abondent dans ce monde toujours politiquement morcelé et que la confrontation des listes correspondantes nous vaut de nouvelles divergences. Les découvertes de textes chronologiques, encore fréquentes en Mésopotamie et dans les pays voisins employant les cunéiformes, permettent cependant de rétrécir la marge d'incertitude.

UN Ier MILLÉNAIRE AVANT J.-C. MIEUX CONNU
Mais seule la conservation d'une liste de 263 magistrats éponymes assyriens consécutifs fournit une base solide (pour la chronologie du Ier millénaire avant J.-C.), car l'indication d'une éclipse de soleil sous l'un d'eux permet de situer son année en 763 avant J.-C. et l'ensemble de la liste de 911 à 648 avant J.-C.
Les scribes égyptiens nous ont laissé également des listes royales avec des noms d'année et des durées de règne, remontant jusqu'à la Ire dynastie (fin du IVe millénaire avant notre ère). Quelques textes donnant pour l'année x de tel règne la valeur du décalage de l'année usuelle de 365 jours par rapport à celle, plus exacte, qui comprend 365 jours 1/4, permettent de situer à trois ans près, des dynasties, dont la plus ancienne est la XIIe (xxe-xixe s. avant J.-C.). Mais les lacunes et les contradictions se rencontrent également dans les listes égyptiennes, et les divergences chronologiques sont donc accrues pour les périodes où Égyptiens et Asiatiques sont en contact et citent des événements qui leur sont communs.

RÉFÉRENCES CHRONOLOGIQUES
Donc, si chaque spécialiste construit sa chronologie personnelle, les ouvrages de grande diffusion ont intérêt à employer la chronologie donnée pour chaque grande aire culturelle par les œuvres savantes les plus répandues (par exemple la nouvelle édition de la Cambridge Ancient History, ou le Proche-Orient asiatique de Paul Garelli). On pourra particulièrement consulter les articles « Datenlisten » (1934) et « Eponymen » (1938) par A. Ungnad dans le Reallexikon der Assyriologie (Berlin-Leipzig, volume II, p. 131-194 et 412-457) et le fascicule « Chronology » (1964) par William C. Hayes et M. B. Rowton de la Cambridge Ancient History.

3. LE « DYNASTIQUE ARCHAÏQUE » (VERS 2750-2350 AVANT J.-C.)
3.1. DES CITÉS PROSPÈRES
Dans cette période dite « Dynastique archaïque », la basse Mésopotamie continue à progresser rapidement, surtout au « Dynastique archaïque III » (vers 2600-2350 avant J.-C.), en dépit de son morcellement politique en cités rivales.
Dès le début, il y a eu une diminution du nombre des agglomérations et une augmentation de la taille de celles qui survivent. Il n'y a plus maintenant de doute : ce sont de véritables villes, ceintes d'une muraille. Leurs relations, qui s'étendent alors au sud-est de l'Iran (tepe Yahya) et à la vallée de l'Indus, leur valent toujours plus de matières premières et de recettes techniques. La métallurgie du cuivre accroît sa production et améliore ses procédés : dès 2500 avant J.-C., on réalise pour des objets d'art un véritable bronze d'étain. Les offrandes des temples et de certaines tombes montrent la richesse du pays et l'habileté de ses artisans : si la sculpture est en déclin, sauf pour la représentation des animaux, la métallurgie et l'orfèvrerie témoignent d'un goût raffiné.
3.2. LES DIVINITÉS CIVIQUES

Les villes continuent à élever des temples, où les notables déposent des offrandes et des orants (figurines qui les représentent en prière). Chaque cité a plusieurs temples (chacun d'eux pouvant héberger les idoles d'une divinité seule, d'un couple divin ou d'une famille de dieux) ainsi qu'un panthéon hiérarchisé et dominé par la divinité protectrice de la ville. Les représentations conventionnelles des dieux, les symboles qui les désignent et les premières inscriptions permettent d'identifier des divinités qui étaient sans doute en place aux âges précédents et se maintiennent jusqu'à la fin de la civilisation mésopotamienne : ainsi, chez les Sumériens, Inanna (déesse de la Fécondité), Enlil (le Vent), Enki (l'Eau bienfaisante), An (le Ciel).

3.3. DES ROIS-PRÊTRES À LA SÉPARATION TEMPLE-PALAIS

Les inscriptions historiques qui apparaissent au xxviie siècle avant J.-C. et les archives de Tello (un site du royaume de Lagash, sur le Tigre inférieur), du xxvie au xxive siècle avant J.-C., révèlent les institutions que l'on entrevoyait seulement pour le IVe millénaire avant notre ère. Chaque cité-État est gouvernée par un roi héréditaire (en « seigneur » ou lougal, « grand homme »), qui est vicaire (ou bien ensi « délégué », « gouverneur ») du grand dieu local et le chef des guerriers. À la même époque, semble-t-il, ce souverain cesse d'habiter le temple, et l'on construit les premiers palais, tandis que l'on se met à distinguer l'unité économique dépendant du dieu de celle qui appartient au roi (les historiens les nomment temple et palais). Parfois, le pouvoir sacerdotal (représenté par un « comptable », ou prêtre), séparé du pouvoir royal, se heurte à ce dernier.

3.4. LES GUERRES ENTRE CITÉS

En dehors de l'édification des temples et du creusement des canaux, le roi de la cité s'occupe de faire la guerre à ses voisins et essaie d'imposer à quelques-uns d'entre eux sa prédominance. Ces dominations éphémères et géographiquement limitées sont exercées à partir de villes de basse Mésopotamie (→ Kish, Our, Ourouk, Lagash, Oumma, etc.) par des rois à noms sumérien ou sémitique (comme Mesanepada, fondateur de la Ire dynastie d’Our, ou Eannatoum de Lagash, dont la victoire sur Oumma est commémorée par la magnifique stèle des Vautours du musée du Louvre, ou encore ce Gilgamesh d'Ourouk, source de la plus fameuse épopée mésopotamienne, couchée par écrit dans la première moitié du IIe millénaire avant J.-C.), de l'Euphrate moyen (la sémitique Mari) ou d'Élam (Suse). En effet, si les Élamites ont leur civilisation et leur organisation politique propres, ils ne cessent, durant toute leur histoire, d'avoir des rapports culturels et économiques avec le Bas Pays et d'être en conflit avec ses cités.

3.5. RETARD PERSISTANT DU NORD
Durant cette période, la haute Mésopotamie reste en retard par rapport au Sud. Le meilleur critère en est l'usage de l'écriture, dont les signes prennent peu à peu l'allure de paquets de clous ou de coins (d'où le terme de « cunéiforme ») ; elle n'est adoptée au Dynastique archaïque que dans les agglomérations de la basse vallée de la Diyala et à Mari, sur l'Euphrate moyen. D'autres centres (Assour sur le Tigre moyen, tell Brak dans le bassin du Khabur), s'ils n'emploient pas l'écriture, ont pourtant reçu un tel apport technique et artistique du Bas Pays que l'on a cru y voir des comptoirs ou des dépendances de centres du Sud.
3.6. GRANDEUR ET DÉCLIN DU DYNASTIQUE ARCHAÏQUE

Pendant un certain temps, les guerres n'empêchent pas le progrès de la civilisation. C'est ce que montrent les trésors artistiques (vers 2500 avant J.-C.) trouvés à Our dans des tombes mystérieuses (pour des rois terrestres, comme le lougal Meskalamdoug, des substituts de dieux ou de vicaires ?), véritables monuments (fait rare dans le monde mésopotamien, où l'on n'attend rien d'un au-delà désolant) qui renferment des foules de serviteurs et surtout de servantes exécutés pour accompagner leur maître dans la mort.
Puis au xxive siècle avant J.-C. vient le temps des destructions sauvages et du premier Empire mésopotamien.

4. LES PREMIERS EMPIRES MÉSOPOTAMIENS (VERS 2350-2004 AVANT J.-C.)
4.1. L'EMPIRE DE LOUGAL-ZAGESI (VERS 2350-2325 AVANT J.-C.)
Parti d'Oumma (cité voisine de Lagash), le Sumérien Lougal-zagesi impose sa domination brutale (vers 2350 avant J.-C.) du golfe Persique à la Méditerranée. C’est le premier « empire » constitué en Mésopotamie. Il ne dure pas vingt-cinq ans.

4.2. L’EMPIRE AKKADIEN (VERS 2325-VERS 2190 AVANT J.-C.)
Vers 2325 avant J.-C., Lougal-zagesi est renversé par le Sémite Sargon, qui a fondé dans le nord de la basse Mésopotamie une cité-État, Akkad (ou Agadé), dont l'emplacement n'a pas encore été retrouvé. Son triomphe est aussi celui de son peuple, le dernier groupe sémitique sorti du désert. Sous la dynastie d'Akkad, on constate d'ailleurs un antagonisme entre ces Sémites d'Akkad et les citadins de Sumer (Sémites et Sumériens mêlés depuis longtemps), fiers de l'ancienneté de leur civilisation.
UNE POLITIQUE IMPÉRIALE

Sargon (début du xxiiie siècle avant J.-C., qui se dit « roi de Sumer et d’Akkad », se constitue un domaine encore plus vaste que celui de son prédécesseur, guerroyant dans les régions périphériques et étendant son contrôle sur une bonne partie des étapes et des voies du commerce de l'Asie occidentale. Et, si son empire fournit l'exemple à suivre pour tous ceux qui par la suite essaieront d'unifier le pays des Deux Fleuves, c'est qu'à la différence des rois du « Dynastique archaïque », vainqueurs de leurs voisins, et sans doute aussi de Lougal-zagesi, il a pratiqué une véritable politique impériale. Les rois d'Akkad, qui ont laissé souvent les vicaires vaincus à la tête de leurs villes, les font surveiller par des officiers de la cour akkadienne et colonisent les terres des vieilles villes en y constituant soit des établissements pour des groupes de leurs soldats, soit de grands domaines pour leurs principaux serviteurs. Et, pour mieux asseoir l'idée d'une domination supérieure à celle des rois de l'époque précédente, ils donnent un caractère divin à leur pouvoir : on les appelle « dieux » et on les représente avec la tiare à cornes (symbole de puissance jusque-là réservé à la divinité).

L’ENRICHISSEMENT MATÉRIEL

Le bouleversement politique s'accompagne d'une multiplication des grands domaines privés au détriment des communautés et des familles vivant dans l'indivision. Le commerce et l'artisanat profitent des facilités que l'unification politique apporte à la circulation. Disposant de ressources plus étendues que les chefs des cités-États, les rois d'Akkad peuvent susciter le progrès artistique : sans rompre avec la tradition, la sculpture et la glyptique produisent des chefs-d'œuvre (stèle de Naram-Sin, petit-fils de Sargon, commémorant sa victoire sur les montagnes du Zagros, tête de Ninive, sceau de Sharkali-sharri, fils de Naram-Sin).

LES MUTATIONS CULTURELLES
La substitution partielle de l'akkadien (parler sémitique employé au pays d'Akkad) au sumérien comme langue écrite est à l'origine d'importants progrès culturels. Les scribes ne se contentent pas de lire en akkadien les idéogrammes d'origine sumérienne, comme on avait pu le faire jusque-là ; transcrivant leur langue sémitique où les mots sont généralement polysyllabiques (à la différence du sumérien, où prédominent les monosyllabes), ils sont amenés à étendre l'usage des signes phonétiques, qui rend l'écriture moins difficile. Les cunéiformes se répandent alors dans les pays soumis par Sargon ou chez ses adversaires : ils transcrivent de l'élamite, du hourrite (en haute Mésopotamie) et surtout de l'akkadien.
Pour en savoir plus, voir l'article cunéiforme.

LE NORD SORT DE L’OMBRE
En haute Mésopotamie, l'écriture, rare jusque-là, apparaît à Gasour (→ Nouzi au IIe millénaire avant notre ère, près de Kirkuk), à l'est du Tigre moyen, à Ninive, à Assour, au tell Brak, à Chagar Bazar (dans le bassin supérieur du Khabur) et dans les cités saintes du peuple hourrite, et elle contribue à restaurer l'unité culturelle de la Mésopotamie, qui avait disparu au Prédynastique final. Le nord de la Mésopotamie, qui porte alors le nom de Soubarou, commence à sortir de l'obscurité. Il est peuplé, pour une bonne part, de Sémites apparentés à ceux du pays d'Akkad et qui reconnaissent assez facilement la prédominance de la dynastie de Sargon : c'est le cas de ceux d'Assour (qui donnera son nom à l’Assyrie), fondée au xxvie siècle avant J.-C. comme cité sainte des tribus pastorales de la steppe qui s'étend à l'ouest du Tigre.
Quant aux Hourrites, généralement en guerre avec Akkad, descendus des montagnes, ils sont nombreux dans tout le piémont, et certains de leurs rois revendiquent la domination sur toute cette zone.
4.3. CHUTE D’AKKAD ET RETOUR AUX CITÉS-ÉTATS (VERS 2190-2120 AVANT J.-C.)

L’ARRIVÉE DES GOUTIS
Parvenue à un haut degré de richesse, la Mésopotamie ne cesse alors plus de susciter la convoitise des populations moins évoluées qui vivent dans les montagnes et les steppes désertiques de sa périphérie. Certains de ces voisins pratiquent surtout l'infiltration, venant par petits groupes se proposer comme soldats ou hommes de peine ; ils ont le temps d'assimiler la culture mésopotamienne avant de constituer une majorité dans la région où ils se fixent. D'autres peuples procèdent par des attaques brutales et viennent saccager les villes. Les rois d'Akkad ne peuvent cependant pas indéfiniment conjurer cette menace, car ils sont bien souvent occupés à réprimer les soulèvements des cités-États de Mésopotamie, qui renoncent difficilement à leur indépendance. S'ils endiguent la poussée des Sémites occidentaux, ou Amorrites, qui sortent du désert de Syrie, ils finissent par succomber devant les expéditions des peuples du Zagros, Loulloubi et Goutis, qui ruinent l'Empire akkadien (vers 2190 avant J.-C.).

LE RETOUR AUX CITÉS-ÉTATS
Tandis que les rois goutis imposent leur domination à une partie des centres mésopotamiens, le reste du pays des Deux Fleuves retourne au régime des cités-États indépendantes, parmi lesquelles Akkad, qui garde sa dynastie jusque vers 2154 avant J.-C. (voire 2140, selon Jean-Jacques Glassner, La Mésopotamie, Les Belles lettres, 2002).
C'est peut-être au temps des Goutis que se situe le règne de Goudea (2141-2122 avant J.-C.) à la tête de l'État de Lagash ; ce vicaire (ishshakou), qui ne paraît dépendre d'aucun souverain, a des relations commerciales avec une bonne partie de l'Asie occidentale, et sa richesse lui permet de multiplier les sanctuaires, d'où proviennent les dix-neuf statues en diorite noire que l'on a conservées de lui et qui inaugurent cet art habile et froid qui dure la majeure partie du IIe millénaire avant notre ère.

Vers 2120 avant J.-C., le roi d'Ourouk, Outou-hegal, bat et expulse le peuple détesté des Goutis, et le prestige de cette victoire lui vaut la prédominance sur tout le pays de Sumer.

4.4. LA IIIe DYNASTIE D’OUR (VERS 2110-2004 AVANT J.-C.)
LA « RENAISSANCE NÉO-SUMÉRIENNE »
À la mort d'Outou-hegal, c'est le roi Our-Nammou, fondateur de la IIIe dynastie d'Our, qui impose sa domination aux cités de basse Mésopotamie. C'est le point de départ d'un empire dont les limites sont mal connues : il doit comprendre toute la Mésopotamie et s'étend, sous le règne de Shoulgi, successeur d'Our-Nammou, à la Susiane et à une partie de l'Élam montagneux. On a qualifié cette période de néo-sumérienne. En fait, si la langue de Sumer est de nouveau employée dans les textes administratifs, le peuple de Sumer a disparu sous l'afflux massif des Sémites ; les populations de l'empire emploient des parlers sémitiques ou le hourrite, et le sumérien n'est plus que la langue de culture d'une élite sociale. Les rois d'Our reprennent et perfectionnent la politique impériale des maîtres d'Akkad. Dieux, ils reçoivent un culte de leur vivant et un hypogée monumental pour leur au-delà. C'est également à ce titre qu'Our-Nammou donne à son peuple un code qui est le plus ancien recueil de lois connu à ce jour.

L’EMPIRE D’OUR

Les souverains d'Our multiplient les constructions sacrées, en particulier dans leur capitale, où ils développent l'ensemble consacré à Sin, le dieu-lune, y ajoutant une ziggourat (bâtiment fait de terrasses de taille décroissante superposées et couronné par un temple), la plus ancienne connue. L'empire d'Our se caractérise encore par un énorme appareil administratif qui contrôle les temples et les villes. Il y a encore dans chaque cité un vicaire, mais ce n'est plus qu'un fonctionnaire nommé par le roi, qui peut le muter. En revanche, sur le plan économique, les agents commerciaux des temples et du palais commencent à réaliser des affaires pour leur compte.

LA CHUTE D’OUR
Les rois d'Our n'ont guère cessé de guerroyer dans le Zagros, mais un péril plus aigu s'annonce à l'ouest : à l'infiltration continue des Amorrites s'ajoutent leurs attaques. Et l'empire est déjà plus qu'à moitié perdu lorsque les Élamites prennent Our, qui est saccagée et dont le dernier roi est déporté (2004 avant J.-C.).

5. LES ROYAUMES AMORRITES (VERS 2004-1595 AVANT J.-C.)

Le mouvement des peuples se poursuit pendant deux siècles au moins : tandis que les Hourrites progressent en haute Mésopotamie vers le sud et vers l'ouest, les Amorrites arrivent en bandes successives, qui se fixent un peu partout au pays des Deux Fleuves, et finissent par adopter un dialecte akkadien.

5.1. LA PÉRIODE D'ISIN-LARSA
Ishbi-Erra, qui, comme gouverneur de Mari, avait trahi et dépouillé son maître, le dernier roi d'Our, bien avant la catastrophe finale, fonde à Isin, en Sumer, une dynastie qui prétend continuer la domination impériale des rois d'Our en reprenant le titre de « roi de Sumer et d'Akkad » ; mais cette dynastie se heurte à une dynastie amorrite installée à Larsa dans la même région. D'où le nom de période d'Isin-Larsa que l'on a donné à cette époque, où la Mésopotamie retourne au morcellement politique. Un peu partout, des chefs de guerre, le plus souvent des Amorrites à la tête de leur tribu, se proclament vicaires ou rois d'une cité. Il ne se passe pas de génération sans qu'un ou plusieurs de ces souverains n'entament la construction d'un empire qui s'écroule avant d'avoir achevé la réunification du pays des Deux Fleuves.

5.2. L’ANCIEN ÂGE ASSYRIEN
Mais l'histoire retient surtout les villes qui ont été des centres culturels ou économiques. Assour, redevenue indépendante à la chute de la IIIe dynastie d'Our, est gouvernée par des vicaires du dieu local Assour, portant des noms akkadiens (le dialecte assyrien est une forme dérivée de la langue d'Akkad). Ces princes participent au commerce fructueux que leurs sujets pratiquent en Anatolie centrale et dont témoignent les fameuses tablettes assyriennes de Cappadoce (xixe-xviiie siècle avant J.-C.). Leur dynastie est renversée (vers 1816 avant J.-C.) par un roitelet amorrite du bassin de Khabur, Shamshi-Adad Ier, qui se constitue un empire en haute Mésopotamie en dépouillant ou en soumettant les maîtres de nombreuses cités. En particulier, il met la main sur Mari (vers 1798 avant J.-C.), le grand centre commercial de l'Euphrate. Mais, à la mort du conquérant (vers 1781 avant J.-C.), son héritier, Ishme-Dagan Ier est réduit à la possession d'Assour. Zimri-Lim, le représentant de la dynastie précédente à Mari, se rétablit dans la royauté de ses pères et se rend célèbre par l'achèvement d'un palais qui est le plus beau de son temps.

5.3. L’ANCIEN EMPIRE BABYLONIEN
HAMMOURABI ET LA Iere DYNASTIE DE BABYLONE

La prédominance politique passe alors aux mains de Hammourabi (1793-1750 avant J.-C.), sixième roi de la dynastie amorrite (2004-1595 avant J.-C.), qui s'est établie à Babylone, grand centre économique du Bas Pays. Le Babylonien, qui avait d'abord été un allié subordonné de Shamshi-Adad Ier, finit par détruire, entre 1764 et 1754 avant J.-C., les principaux royaumes du pays des Deux Fleuves – Larsa, Mari, Eshnounna (à l'est de la basse Diyala) – et constitue un empire étendu à la majeure partie de la Mésopotamie ; mais c'est son code (282 articles reproduits sur une colonne de basalte de 2,25 m de haut et 70 cm de rayon à la base) et ses archives administratives qui l'ont rendu célèbre (→ code de Hammourabi).

LE DÉCLIN DE L'EMPIRE
En effet, dès le règne de Samsou-ilouna, le fils de Hammourabi le royaume de Babylone est réduit au pays d'Akkad. L'obscurité tombe sur la haute Mésopotamie, de nouveau morcelée, et sur le pays de Sumer, qui, gouverné par une dynastie du Pays de la Mer (région de Basse Mésopotamie, proche du golfe ; vers 1735-1530 avant J.-C.), souffre du déclin provoqué par la remontée des sels, qui ruine la culture des céréales, et par la fin du commerce avec la civilisation de l'Indus, ruinée au xviiie siècle avant J.-C. Les peuples de la périphérie se remettent en mouvement, et, en 1595 avant J.-C., une expédition du roi hittite Moursili Ier met fin à la Ire dynastie de Babylone.

LE RAYONNEMENT CULTUREL DE BABYLONE
À la fin de la période qui s'achève ainsi, la grande ville du bas Euphrate est devenue le centre culturel de la Mésopotamie. C'est d'elle que rayonne maintenant le mouvement intellectuel né en Sumer, à la fin de la dynastie d'Our, au moment où l'on avait cessé de parler le sumérien. Les scribes avaient alors entrepris de mettre par écrit, pour la conserver, la tradition religieuse, scientifique et littéraire élaborée au cours des âges précédents dans le Bas Pays, et qui était restée presque entièrement orale. À partir du xviiie siècle avant J.-C., ils traduisent ces textes en akkadien, puis ils les adaptent au goût nouveau ou les complètent à l'aide des découvertes récentes. C'est l'époque où se développent les techniques divinatoires et en particulier l'astrologie et les autres sciences (mathématiques, médecine).
Pour en savoir plus, voir l'article Babylone.

6. LE TEMPS DES INVASIONS : HOURRITES, KASSITES ET ASSYRIENS (VERS 1595-934 AVANT J.-C.)
Les envahisseurs venus du Zagros à la fin de la période précédente se fixent en Mésopotamie. Les Aryens et le groupe hourrite qui leur est lié dans le Nord, les Kassites dans le Sud fondent ainsi deux États, le Mitanni et le Kardouniash, tandis qu’un Empire assyrien renaît peu à peu de ses cendres.

6.1. LES HOURRITES ET L’EMPIRE DU MITANNI
Le Mitanni, qui reste très mal connu, est le premier à sortir de l'obscurité. C'est un empire à l'ancienne mode, où le roi d'un État plus puissant, le Mitanni, qui devait se trouver dans le bassin du Khabur, impose sa prédominance aux rois plus faibles dans une vaste étendue, du Zagros à l'Oronte, de l'Araxe au moyen Euphrate. Si elle ne correspond à une unité géographique, cette domination s'appuie sans doute sur l'appartenance de la plupart des rois qui y sont regroupés aux aristocraties aryenne et hourrite.
Le Mitanni s'est développé probablement dès le xvie siècle avant J.-C., à la faveur des migrations et de la disparition ou du recul des États plus anciens, et c'est au début du xve s.siècle avant J.-C. la principale puissance de l'Orient. Trop composite, il s'écroule lorsque ses voisins s'entendent contre lui : les Hittites, qui lui enlèvent son domaine syrien, et les Assyriens, qui annexent ses dépendances du bassin du Tigre moyen, se disputent après 1360 avant J.-C. la protection de ce qui reste de l'Empire mitannien, un État tampon dans l'ouest de la haute Mésopotamie, qui finit, vers 1270 avant J.-C., détruit et annexé par les Assyriens.

6.2. LES KASSITES ET LE KARDOUNIASH
UNIFICATION DE LA BABYLONIE
L'État du Kardouniash (ou Karandouniash) a été fondé à Babylone (peut-être à la disparition de la dynastie amorrite) par des Kassites. Ce peuple du Zagros avait tenté d'envahir le pays des Deux Fleuves en 1741 avant J.-C. et, battu par le fils de Hammourabi, il avait, semble-t-il, fondé un royaume quelque part en Mésopotamie. Après leur installation à Babylone, les Kassites réunifient le Bas Pays – que l’on peut, désormais, appeler la Babylonie – en détruisant la dynastie du Pays de la Mer (vers 1530 avant J.-C.).

UNE PUISSANCE FAIBLE
On ne connaît aucun texte ni monument des rois kassites avant le xive siècle avant J.-C., ce qui indique une économie affaiblie et probablement une monarchie sans grand pouvoir. C'est d'ailleurs avec ce caractère qu'elle se manifeste ensuite : les rois kassites concèdent de grands domaines immunitaires à leurs officiers et accordent le même privilège aux cités ; on comprend alors qu'aucune d'elles ne conteste plus la suprématie de Babylone ni ne tente de sécession. Les Kassites, aristocratie militaire issue d'un peuple peu évolué, abandonnent assez vite leur culture propre, et le monde babylonien, dès le retour à la prospérité économique, reprend son activité intellectuelle. Du xive au xie siècle avant J.-C., les scribes constituent les collections, désormais canoniques, de textes rituels, divinatoires ou se rapportant aux autres sciences du temps et donnent également une forme définitive aux œuvres littéraires, comme le Poème de la Création ou l’Épopée de Gilgamesh.

6.3. LE MOYEN EMPIRE ASSYRIEN
UNIFICATION DE L'ASSYRIE
La cité-État d'Assour était entrée dans l'obscurité dès la mort de Shamshi-Adad Ier (vers 1781 avant J.-C.). Morcelée entre des dynasties rivales, elle avait dû subir des dominations étrangères. Assour venait à peine de se libérer de l'emprise du roi mitannien quand Assour-ouballit Ier (1366-1330 avant J.-C.) entreprend d'exploiter la crise dynastique du Mitanni et, retournant la situation, devient le protecteur du nouveau roi mitannien. Assour-ouballit, qui a pris le titre de roi pour les territoires étrangers au domaine de la cité d'Assour qu'il a conquis, et ses premiers successeurs dépassent le cadre de la cité-État originelle et créent ce que les modernes appellent l'Assyrie, un royaume centralisé comme celui de Hammourabi, bientôt un empire comprenant, outre Assour, les villes du « triangle assyrien » (entre le Tigre et le Zab supérieur), dont la plus importante est Ninive, puis tout le bassin du Tigre moyen et, au xiiie siècle avant J.-C., ce qui reste du Mitanni. Les Hourrites, qui formaient une part importante de la population des pays conquis, se laissent sémitiser.

UNE ROYAUTÉ FRAGILE
Cette expansion s'accompagne de cruautés ostentatoires et de déportations inspirées par le nationalisme et destinées à détruire toute volonté de résistance. Ces succès ne diminuent guère l'instabilité politique à Assour : la royauté est sacrée, mais non la personne du roi, qui doit déjouer les intrigues de ses parents, des prêtres, qui désignent le nouveau souverain, et de l'aristocratie guerrière, qui monopolise les offices auliques et les gouvernements provinciaux, et dont la guerre accroît la richesse et la puissance.

6.4. LA RIVALITÉ ENTRE ASSYRIENS ET BABYLONIENS (VERS 1320-1120 AVANT J.-C.)
UNE LUTTE INTERMINABLE
Dans la seconde moitié du xive siècle avant J.-C., alors que la Mésopotamie ne compte plus que deux grands États, s'amorce le vain conflit qui va affaiblir ces royaumes. Pour des raisons de prestige, pour imposer chacun sa prédominance à l'autre, les rois de Babylone et d'Assour se lancent dans une série de guerres décousues auxquelles participe bientôt l'Élam, à peine libéré de la tutelle babylonienne et qui, pour des raisons géographiques, réserve ses coups au Bas Pays. Même le triomphe de l'Assyrien Toukoulti-Ninourta Ier (1245-1208 avant J.-C.), qui a capturé le souverain kassite et s'est proclamé roi de Babylone, n'a pas de lendemain. De même, après que les raids successifs des Assyriens et des Élamites ont mis fin à la dynastie kassite (1153 avant J.-C.), la Babylonie se relève sous une dynastie à noms sémitiques, la 2e dynastie d'Isin, et une victoire de son roi Naboukoudour-outsour Ier (appelé par les modernes Nabuchodonosor Ier) provoque la fin du grand royaume d'Élam (vers 1115-1110 avant J.-C.).

L’ÉMULATION CULTURELLE
Ces conflits n'entravent ni le commerce ni les échanges culturels. La Babylonie exerce une influence puissante sur tout l'Orient, et surtout sur son voisin du Nord. Les Assyriens, qui montrent une certaine originalité dans l'élaboration de leur premier art, sont par contre les admirateurs et les fidèles disciples des scribes babyloniens et les adorateurs fervents des divinités du Sud.

6.5. LE TEMPS DE LA CONFUSION (VERS 1120-934 AVANT J.-C.)
L’ARRIVÉE DES ARAMÉENS
Le mouvement migratoire des Sémites du désert de Syrie à destination des pays agricoles, qui n'avait jamais complètement cessé, reprend toute sa force avec un nouveau groupe linguistique, les Araméens. Affaiblis par leur interminable conflit, mal préparés à combattre ces pillards insaisissables, les royaumes de Babylonie et d'Assyrie déclinent sous l'effet du harcèlement des nomades. L'Assyrie, en particulier, qui portait encore la guerre sous Toukoultiapil-Esharra Ier (→ Téglath-Phalasar Ier) [1116-1077 avant J.-C.] jusqu'au lac de Van et en Phénicie, perd peu après tout l'ouest de la haute Mésopotamie. Bientôt, la situation est la même pour les deux États : les citadins sont bloqués dans les villes, les bandes araméennes courent les campagnes, dont ils massacrent les habitants terrorisés et transforment les riches zones de culture en steppes pastorales.

LES PETITS ROYAUMES ARAMÉENS
Puis, à la fin du xie siècle ou au xe siècle avant J.-C., les groupes araméens se fixent, chacun formant la garnison d'une cité dont son chef devient le roi. En Babylonie, ce phénomène a été facilité par l'attitude des notables des villes livrées à elles-mêmes par une royauté que dégradent des usurpations répétées : ceux-ci cèdent en échange de leur tranquillité une partie de leurs terres aux envahisseurs ; en certains districts de Sumer, l'afflux des Araméens, auxquels des Arabes se joignent au viiie siècle avant J.-C., ne cesse jamais et absorbe les populations plus anciennes ; mais, partout, les petits royaumes tribaux qui se forment reconnaissent pour souverain le roi de Babylone.

7. LES NOUVEAUX EMPIRES ASSYRIEN ET BABYLONIEN (934-539 AVANT J.-C.)
7.1. LE NOUVEL EMPIRE ASSYRIEN (934-605 AVANT J.-C.)
UNE POLITIQUE DE CONQUÊTES SYSTÉMATIQUES
Au xe siècle avant J.-C., les deux États mésopotamiens connaissent un renouveau économique et intellectuel. Mais les Assyriens ne s'en tiennent pas là et se consacrent à la conquête, montrant dès le règne d'Assour-dân II (934-912 avant J.-C.) plus de méthode qu'on ne leur en prête pour cette époque. Outre les opérations de police contre les Araméens qui infestaient les campagnes et la guerre de prestige contre Babylone, traitée avec mansuétude par respect pour ses dieux, l'armée assyrienne attaque les peuples guerriers et arriérés des montagnes ainsi que les riches cités araméennes. Pour ces dernières, elle opère progressivement, ne les annexant qu'après des années d'extorsion du tribut.

Cependant, la conquête assyrienne comporte des pauses et des reculs qui semblent liés à la faiblesse de tel roi, mais qui sont dus plus probablement à une crise interne, qui n'est résolue que provisoirement par l'arrivée au pouvoir d'un prince énergique. Au ixe siècle avant J.-C., Assurnazirpal II (883-859 avant J.-C.) est le premier à franchir l'Euphrate et à aller rançonner les cités du couloir syrien, mais il faut encore plus d'un demi-siècle pour que ses successeurs achèvent l'annexion des États araméens de la haute Mésopotamie occidentale.

LES FAIBLESSES DE L'EMPIRE
Depuis Assurnazirpal II, les rois résident à Nimroud, au sud-est de Ninive, ville neuve peuplée de déportés dont on n'avait pas à craindre qu'ils exigent des immunités. Cette fragilité du pouvoir royal, que la propagande dissimule aux yeux des étrangers, impressionnés par les reliefs des palais montrant la majesté du souverain, est mise en lumière par la guerre civile assyrienne (828-823 avant J.-C.), qui oppose deux groupes sociaux se disputant les profits de la guerre et divise la famille royale. Durablement affaiblie, l'Assyrie a beaucoup de mal à endiguer la poussée du royaume d'Ourartou, qui, par le bassin du Tigre supérieur, menace le cœur de l'Assyrie.

LA SOUMISSION DE LA BABYLONIE
Toukoultiapil-Esharra III (745-727 avant J.-C.), le Téglath-Phalasar III de la Bible, qui restaure le pouvoir royal et réforme l'armée, reprend la conquête avec plus d'acharnement. Mais il est sans doute mal inspiré quand, inquiet de la faiblesse croissante de la monarchie babylonienne, qui pourrait tenter un Élam en plein renouveau, il s'empare de la Babylonie et se proclame roi dans sa capitale (728 avant J.-C.). Au lieu d'un État miné par l'anarchie, ses successeurs doivent affronter les révoltes des citadins et des Araméens, soutenus par les Élamites. Les rois assyriens essaient toutes sortes de solutions : tantôt le titre de roi de Babylone est porté par le souverain d'Assyrie, par un de ses fils ou par un Babylonien dont on escompte la docilité, tantôt on supprime ce titre et avec lui les dernières apparences d'indépendance. Les révoltes exaspèrent les Assyriens et, par deux fois (689 avant J.-C. et 648 avant J.-C.), Babylone est dévastée.

UN COLOSSE AUX PIEDS D’ARGILE
Sous Sargon II (722/721-705 avant J.-C.) et ses descendants les Sargonides, Sennachérib (705-680 avant J.-C.), Assarhaddon (680-669 avant J.-C.) et Assourbanipal (669-v. 627 avant J.-C.), l'Empire assyrien paraît à son apogée avec un domaine de plus d'un million de kilomètres carrés, qui va jusqu'à Suse en Élam et à Thèbes en Égypte, avec ses palais ornés de reliefs et de fresques, où les rois entassent leurs collections d'ivoire et de tablettes. Une civilisation impériale où domine l'apport babylonien se répand dans toute l'Asie occidentale, effaçant les particularismes locaux. Mais le peuple assyrien, décimé par la guerre, ne fournit plus que l'encadrement de ces foules de prisonniers de guerre avec lesquels on remplit les rangs de l'armée ou des chantiers et de ces déportés qui constituent maintenant la majorité de la population dans chacune des régions de l'Empire.

LA FIN DE L’ASSYRIE (626-605 AVANT J.-C.)
En 626 avant J.-C., Nabopolassar, membre de la grande tribu araméenne des Chaldéens, se révolte contre la domination assyrienne et devient roi de Babylone, fondant la dernière dynastie de la grande cité. Cependant, il faut l'intervention du roi mède Cyaxare pour que les capitales de l'Assyrie soient détruites (Assour en 614 avant J.-C., Ninive en 612 avant J.-C.) et que son armée soit dispersée (605 avant J.-C.). Le peuple assyrien anéanti, son héritage va essentiellement à la dynastie chaldéenne de Babylone, qui reconstitue un empire en Asie occidentale, tandis que les Mèdes, dominant l'Iran, se contentent de la moitié nord de la haute Mésopotamie, où ils campent au milieu des ruines.
7.2. LE DERNIER EMPIRE BABYLONIEN (605-539 AVANT J.-C.)

C'est au contraire une grande époque pour la Babylonie : la capitale est couverte de monuments splendides par le roi Nabou-koudourri-outsour II (605-562 avant J.-C.), le Nabuchodonosor II de la Bible ; les scribes continuent à recopier les textes canoniques et font progresser l'astronomie.
Mais, par ailleurs, le babylonien, qui n'est plus qu'une langue de culture, recule devant l'araméen, qui est maintenant la seule langue parlée dans le pays.

Affaiblie par les usurpations qui suivent la mort de Nabuchodonosor et par la politique déroutante du roi Nabonide (556-539 avant J.-C.), la Babylonie, qui a récupéré le nord de la haute Mésopotamie à la chute de l'Empire mède, détruit par le souverain perse, l'Achéménide Cyrus II (550 avant J.-C.), ne résiste guère à celui-ci qui se fait proclamer roi de Babylone (539 avant J.-C.).
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LES DESERTS

 

 

 

 

 

 

désert
(latin desertum)

Cet article fait partie du dossier consacré au monde.


Un désert est une région du globe très sèche, caractérisée par une pluviométrie inférieure à 200 et souvent même à 100 mm/an, marquée par l'absence de végétation ou la pauvreté des sols et la rareté du peuplement.
Les déserts, dans l'acception la plus large, couvrent environ un tiers des terres émergées, soit approximativement 50 millions de km2 (presque 100 fois la superficie de la France). Ils s'étendent sur tout ou partie d'une soixantaine de pays, surtout en Afrique boréale (situé de part et d'autre du tropique du Cancer, le Sahara est le plus grand désert du monde), en Asie occidentale et centrale (parfois à des latitudes plus septentrionales : Chine occidentale, Gobi), dans l'intérieur de l'Australie (au nord et au sud du tropique du Capricorne), et aux latitudes polaires.

1. LE CLIMAT DES DÉSERTS
L'existence de déserts tempérés (Mongolie), de déserts chauds (Sahara, désert de Simpson en Australie) et de déserts froids (déserts polaires) démontre que la chaleur

1.1. LE MANQUE D’EAU
Le point commun à tous les déserts est le manque d'eau. Le climat des déserts est en effet caractérisé, quelle que soit leur latitude, par la faiblesse des précipitations. Si la plupart des déserts reçoivent moins de 200 mm par an, le désert de Gobi ne reçoit que 100 mm, le Sahara moins de 20 mm dans sa plus grande partie, la île d'Ellesmere (île du Canada, située dans l’océan Arctique) 25 mm, et le minimum mondial des précipitations moyennes annuelles (sur une cinquantaine d'années) est de 0,8 mm, à Arica, dans le nord du Chili. La faible humidité relative de l'air (généralement inférieure à 50 %) et le ciel le plus souvent dégagé expliquent également les fortes amplitudes thermiques : dans les déserts chauds, aux températures supérieures à 50 °C le jour succèdent ainsi des températures inférieures à 0 °C la nuit. En Asie centrale, une saison froide s'oppose à la saison chaude.

L'irrégularité des pluies d'une année sur l'autre caractérise également les climats désertiques. Ainsi, à Arica, plusieurs années peuvent s'écouler sans qu'aucune averse ne se produise ; toutefois, lorsque les pluies se déclenchent, elles s'abattent avec violence. Dans certains déserts, l'absence de précipitations ne signifie pas absence de vapeur d'eau dans l'air, aussi les précipitations occultes (brouillards, rosée) ne sont-elles pas négligeables : elles représentent 50 mm/an dans le désert du Namib, en Namibie.
Quand elles se développent, les précipitations ne profitent guère aux déserts. Dans les déserts chauds, en raison des températures du sol élevées (30 à 50 °C), l'évaporation est toujours supérieure à 2 000 mm/an et peut atteindre des valeurs très élevées : 5 000 mm/an à Tamanrasset (aujourd'hui Tamenghest, en Algérie). Elle est accrue par la fréquence des vents, réguliers et secs (l'harmattan au Sahara). L'absence de tapis végétal réduit l'infiltration et les rétentions de l'eau dans le sol.
1.2. LE DEGRÉ D’ARIDITÉ

En 1923, le géographe français Emmanuel de Martonne a proposé un indice d'aridité « I », grâce auquel différents degrés d'aridité ont été définis selon la formule I = P/T+10 : P est la hauteur moyenne des précipitations annuelles et T la moyenne des températures annuelles. Plus la valeur I est faible, plus la station climatique considérée est aride. En fonction de cet indice, il est possible de distinguer trois types de régions désertiques :

– les régions hyperarides : caractérisées par un indice d'aridité I inférieur à 5, ces régions dites de déserts absolus (Tanezrouft au Sahara, désert d'Atacama au Chili) ne couvrent que 4 % des terres émergées ; la végétation y est éphémère ;

– les régions arides : caractérisées par un indice d'aridité I compris entre 5 et 10, ces régions (une grande partie du Sahara, déserts d'Iran, de Thar en Inde, de Sonora au Mexique, d'Arizona aux États-Unis) représentent 14 % des terres émergées ;

les précipitations, inférieures à 250 mm/an, alimentent une maigre végétation très discontinue, et l'irrigation y est indispensable à l'agriculture ;

– les régions semi-arides : caractérisés par un indice d'aridité I oscillant entre 10 et 20, ces espaces de transition (Sahel et Kalahari en Afrique, Chaco en Argentine, Nordeste au Brésil) entre les régions arides et les régions subhumides voisines couvrent 12,5 % des terres émergées ; la végétation, toujours discontinue, se compose d'espèces buissonnantes, de touffes de graminées et de quelques arbres ; les précipitations, comprises entre 250 et 500 mm/an, rendent possibles les cultures sèches.

2. LES TYPES DE DÉSERTS
Par-delà la diversité des causes climatiques ou géographiques qui sont à leur origine, quatre grands types de déserts peuvent être dégagés : subtropicaux, continentaux, d'abris, littoraux.
2.1. LES DÉSERTS SUBTROPICAUX

Les déserts subtropicaux forment deux chapelets de déserts aux latitudes subtropicales (entre 25° et 35° de latitude nord et sud) : dans l'hémisphère Nord, le Sahara, les déserts d'Arabie et d'Iran, le Thar et le Sind en Inde, le désert de Sonora au Mexique ; dans l'hémisphère Sud, les déserts du Kalahari en Afrique et d'Australie. Ils sont dus à des anticyclones subtropicaux permanents, qui engendrent des masses d'air subsidentes, chaudes et sèches. Ce sont des régions ensoleillées, où les hivers sont tièdes et les étés torrides (station de Faya-Largeau au Tchad : 20,4 °C en janvier, 34,2 °C en juin, 16 mm de précipitations par an, en moyenne).

2.2. LES DÉSERTS CONTINENTAUX

Situés au cœur des continents, l'éloignement des déserts continentaux par rapport aux océans est un élément déterminant : les masses d'air océanique, chargées d'humidité, ne les atteignent que très rarement. De plus, en hiver, des hautes pressions (liées au froid) repoussent les dépressions océaniques génératrices de précipitations. Ce type de désert est bien représenté dans l'hémisphère Nord (centre-ouest des États-Unis, Asie centrale), où les continents sont plus étendus que dans l'hémisphère Sud. Les précipitations se produisent en été, après la disparition des hautes pressions hivernales, et les hivers sont très froids (station de Kazalinsk au Kazakhstan : − 11,3 °C en février, + 26,7 °C en juillet ; 108 mm de précipitations par an, en moyenne).

2.3. LES DÉSERTS D'ABRIS

Ils se trouvent « sous le vent », abrités derrière des barrières montagneuses élevées qui s'opposent à la pénétration des masses d'air humide. Ainsi, la cordillère des Andes, orientée nord-sud, fait obstacle aux vents d'ouest chargés d'humidité, et à l'est de cette chaîne de montagnes s'étend le désert de Patagonie. Les bassins intramontagnards des Andes (Altiplano), des Rocheuses et de l'Himalaya correspondent à ce type de déserts. Ainsi, l'Himalaya empêche la mousson indienne d'atteindre le désert tibétain. Les hivers y sont froids et les étés tempérés (station de Maquinchao en Patagonie argentine : + 1,3 °C en juillet, + 17 °C en janvier ; 173 mm de précipitations par an, en moyenne).

2.4. LES DÉSERTS LITTORAUX

L'influence de courants marins froids dans la zone intertropicale explique l'existence de déserts côtiers jusqu'à des latitudes proches de l'équateur. À leur contact l'air refroidi se stabilise, ce qui empêche les précipitations, mais la vapeur d'eau se condense et les brouillards sont fréquents. Ainsi en est-il des déserts du Namib et de Mauritanie en Afrique, d'Atacama au Chili, de Basse-Californie au Mexique. Ce sont des déserts brumeux, relativement frais, où l'amplitude thermique est faible et l'humidité relative de l'air forte (station de Lima, Pérou : + 15,1 °C en août, + 22,3 °C en février ; 35 mm de précipitations par an, en moyenne).

LES PRINCIPAUX DÉSERTS DU MONDE
3. LE RELIEF DES DÉSERTS

La faible protection végétale dont disposent les déserts entraîne une forte prédominance des processus d'érosion mécanique. Si le vent remanie seulement les sables en construisant des dunes, en formant des regs, en revanche les eaux courantes, bien que rares, ont une action très efficace. Bien que les paysages des déserts soient souvent monotones, la couleur des roches, qui n'est pas masquée par la végétation, est ici facteur de diversité : les plateaux de basalte noir du désert de Syrie contrastent fortement avec l'Ayers Rock en grès rougeâtre du Grand Désert Victoria, en Australie.

3.1. L'ACTION DE L’EAU

Les averses ravinent toutes les pentes, donnant aux moindres collines un profil décharné. Mais ces eaux se perdent au pied des reliefs, s'étalant en nappes d'épandage. Ainsi se forment les glacis, ou pédiments. Les reliefs se dressent brusquement au-dessus de ces glacis, à la manière d'îles sur la mer, d'où le nom d'inselberg qui leur a été donné. L'évolution du relief désertique est naturellement d'autant plus lente que le climat est plus sec : les marges des déserts sont le siège d'une morphogenèse plus rapide que leur centre.
L'écoulement des eaux dans les déserts reflète les excès du climat dans ces régions : il est à la fois irrégulier et brutal dans le temps, et discontinu dans l'espace. Quand une averse est assez abondante pour entraîner un écoulement, l'eau, arrivant sur une surface desséchée, ruisselle. Si cette eau parvient à se concentrer dans des rigoles, elle engendre des ravinements. Les écoulements non concentrés qui persistent et balaient le bas des pentes sont responsables de la formation de vastes plans réguliers, légèrement inclinés : glacis en roche tendre et pédiments en roche dure. Ces derniers sont souvent accidentés d'inselbergs, reliefs résiduels constitués de roches résistantes.

Une partie des eaux de ruissellement se concentre et converge vers les oueds. Ceux-ci, secs pendant des mois, voire des années, se remplissent brusquement. Un flot impétueux, écumeux, chargé de sable, de limon et de cailloux, parcourt le lit de l'oued. Paradoxalement, les oueds sont les cours d'eau qui connaissent les crues les plus brutales dans le monde. Ils transportent alors des quantités considérables de matériaux et des débris de grande taille, mais ils n'ont plus assez d'énergie pour creuser leur lit. À l'inverse, le sapement latéral est très actif, ce qui explique l'aspect général d'un oued : un lit démesurément large, encombré d'alluvions de tous calibres, à peine encaissé (2 à 5 m) entre des berges abruptes. Le sapement latéral tend à élargir ainsi de façon démesurée la vallée. Les eaux atteignent rarement la mer : le drainage est de type endoréique. Les oueds se perdent par infiltration ou évaporation, ou bien leurs eaux vont alimenter des dépressions fermées (sebkhas, playas, salares), inondées temporairement et couvertes d'une croûte de sel le reste du temps.
C'est dans les régions semi-arides que l'action des eaux contribue le plus au façonnement actuel du relief. Dans les régions arides et hyperarides, les formes dues à l'action des eaux sont le plus souvent des héritages.

3.2. LA TRANSFORMATION DE LA ROCHE
Dans les déserts, la fragmentation des roches est due principalement aux processus mécaniques. La cryoclastie est le processus le plus efficace dans les déserts continentaux et froids : la fréquence des alternances de gel et de dégel favorise la désagrégation des roches par éclatement. L'haloclastie, fragmentation par cristallisation du sel dans les fissures des roches, est active dans les déserts côtiers. L'hydroclastie, alternance d'humectation et de dessiccation des roches entraînant leur fragmentation, et la thermoclastie, fragmentation des roches provoquée par les fortes variations de température, ont un rôle plus limité. Comme il n'y a pas d'écoulement permanent pour entraîner les débris, ceux-ci s'accumulent au pied des escarpements en de vastes tabliers d'éboulis. L'altération chimique des roches est extrêmement limitée, en raison de la rareté de l'eau. Néanmoins, son action n'est pas inconnue dans les déserts. Les vernis à la surface des roches (indurations superficielles) et les encroûtements calcaires ou gypseux proches de la surface du sol sont liés à la remontée des sels sous l'effet de l'évaporation et à leur concentration à la surface des roches ou du sol.

3.3. L’ACTION DU VENT

Les fragments rocheux, provenant de la désagrégation mécanique ou des processus d'altération chimique, sont triés par le vent. Celui-ci balaie les étendues désertiques en n'emportant que les particules fines, limons et sables, tandis que les éléments plus grossiers, trop lourds, restent au sol : c'est la déflation. Ce vannage aboutit à la formation de vastes plaines pierreuses, les regs, ou de plateaux jonchés de blocs inégaux, les hamadas. Sables et limons sont transportés sur de grandes distances. Ainsi, le sirocco peut transporter jusqu'au nord de la France des particules rouges très fines venant du Sahara. Les grains de sable soulevés par le vent étant plus nombreux à proximité du sol, l'action de mitraillage y est plus intense. C'est pourquoi les roches ainsi sculptées sont modelées en forme de champignon (les gour au Sahara).
Les déserts ne sont pas uniquement des étendues de dunes de sable à l'infini. Seulement 30 % environ des régions désertiques dans le monde sont des déserts de sable. Les grands massifs de dunes, les ergs, se localisent dans les parties basses de la topographie. Façonnés par les vents les plus réguliers, comme les alizés au Sahara ou en Australie, les ergs forment des alignements de dunes, parallèles à la direction des vents dominants, et séparés par des couloirs (gassis). Les dunes des ergs peuvent aussi avoir la forme de grandes pyramides (ghourds), dépassant souvent 200 m de haut, notamment dans le Grand Erg oriental en Algérie. Avec 200 000 km2 de superficie, l'erg de Libye est l'un des plus grands du monde. Les dunes des ergs ne se déplacent pas. Il existe des dunes mobiles, généralement isolées à la périphérie des ergs ou sur les plateaux pierreux. Elles se sont constituées à la faveur d'un rocher ou d'une touffe de végétation (nebka) qui fixe le sable. Le vent modèle les dunes isolées en croissants, dont les pointes sont allongées dans le sens du vent. Leur profil est dissymétrique : le versant au vent est en pente douce, le versant sous le vent a une forte pente. Ces dunes sont nombreuses dans le Turkestan. Elles sont appelées « barkhanes ».
4. LES COURS D'EAU ET LES SOLS DES DÉSERTS
4.1. LES SOLS DES DÉSERTS
Dans les déserts, la décomposition des roches aboutit généralement à la formation des sols squelettiques, guère favorables au développement de la végétation et encore moins à celui des cultures. Des sols cultivables ne se trouvent guère que dans les oasis ou sur le cours des oueds importants. Les sables des grands massifs dunaires sont parfois cultivés en bordure des palmeraies. Les dépressions plus ou moins étendues qui existent à la surface des plateaux rocheux sont en partie comblées par des sols assez fertiles où se développe une riche végétation. Ces sols sont parfois mis en culture. D'une façon générale, malgré une action bactérienne intense et une microfaune active, les sols désertiques sont très pauvres en humus.

4.2. LES COURS D'EAU DES DÉSERTS
Les eaux de ruissellement, qui jouent un si grand rôle dans la fertilisation des sols désertiques, acquièrent souvent au cours de leur cheminement en surface ou dans la profondeur une certaine salinité. Il en résulte des accumulations parfois importantes de sels de différentes natures. De vastes étendues de terres qui pourraient être utilisées soit comme pâturages, soit comme terres cultivables sont ainsi rendues totalement stériles. Quelques plantes halophiles ont seules la possibilité de se développer.

5. LA FAUNE ET LA FLORE DES DÉSERTS
5.1. DE TRÈS FORTES CONTRAINTES NATURELLES
Les régions entièrement impropres à la vie, comme l'Antarctique central, ne sont pas appelées désert en écologie, et les régions arides de l'Arctique sont plutôt appelées toundras. Dans les déserts proprement dits, chauds ou froids, l'eau à l'état liquide, condition absolue de vie, n'est pas constamment absente. Le milieu désertique impose de nombreuses contraintes aux êtres vivants. La rareté de l'eau en est la principale : plantes et animaux doivent supporter de longues périodes sans pluies. Parallèlement, l'évaporation et la transpiration des plantes, accentuées par la chaleur et le vent, engendrent d'importantes pertes d'eau. Les êtres vivants subissent aussi de fortes contraintes thermiques : l'alternance de fortes chaleurs et de froid nocturne ou saisonnier est hostile à la vie. Quant aux sols, ils sont squelettiques, et certains ont une forte teneur en sel. La vie n'est cependant pas absente des déserts : elle s'y présente sous une forme adaptée.
Les êtres vivants qui admettent, souvent en tant qu'optimum écologique, les conditions xérothermiques extrêmes qui règnent dans les déserts sont dits érémicoles. Parmi ceux-ci, on distingue des archérémiques, espèces dont la morphologie particulière témoigne d'une très grande évolution en milieu désertique.

5.2. LA FLORE

La flore des milieux désertiques est pauvre. Si 1 200 espèces ont été recensées dans le Sahara, seules 400 se trouvent dans les régions arides et 50 vivent dans les régions hyperarides. Le nombre réduit d'espèces n'exclut pas l'originalité : ainsi, certains cactus ne se rencontrent que dans les déserts américains.
Les plantes des régions désertiques ont essentiellement à lutter contre la sécheresse et les températures élevées. Les végétaux qui survivent doivent aussi accepter des sols pauvres en humus et où, par ailleurs, la concentration en sels est importante (chlorures, sulfates...). Cette végétation dépend encore étroitement du modelé désertique : plateaux rocheux, montagnes de haute ou moyenne altitude, étendues sableuses ou argileuses, vallées encaissées ou simples ravinements. Les espèces se répartissent ensuite selon les propriétés chimiques des sols (salés ou non salés, par exemple) et suivant les influences climatiques (tempérées, tropicales, océaniques). Il y a lieu de séparer, en outre, les espèces propres au désert de celles des faciès voisins, steppes ou savanes appauvries, dont l'aire de distribution s'étend souvent dans les déserts à la faveur des fluctuations périodiques du climat. On se trouvera ainsi conduit à entrevoir dans la flore des régions désertiques des espèces xérophiles au sens large et d'autres plus strictement érémicoles.

On distingue parmi ces érémicoles :
– des éphémères, qui accomplissent leur cycle végétatif en un temps très court correspondant à la durée d'évaporation de l'eau de pluie imprégnant le sol. Ainsi, Boehravia repens germe et produit des graines en moins de dix jours. Ces graines peuvent attendre pendant de longues années (jusqu'à cinquante ans) l'averse providentielle qui va provoquer leur germination ;
– des plurisaisonnières, à floraison unique, mais dont le développement s'étend sur plusieurs années suivant la quantité d'eau reçue ;
– des annuelles, plantes souterraines dont la partie aérienne peut disparaître entièrement pendant la saison sèche mais qui maintiennent dans le sol des organes de réserve leur permettant de reverdir dès les premières pluies ;
– des vivaces, plantes basses essentiellement liées à l'eau qui s'accumule dans la profondeur. Ces dernières, ainsi que les phréatophytes, qui plongent leurs racines dans la nappe profonde (des espèces ligneuses principalement), sont indépendantes du régime et du rythme des précipitations.

5.2.1. LES FORMES D'ADAPTATION

Les plantes ont développé des formes d'adaptation très variées. La vie implique pour la végétation une résistance à la chaleur, une consommation d'eau très faible et, par conséquent, une transpiration réduite. Aussi, pour puiser l'eau du sol, le système racinaire est-il fortement développé : il représente jusqu'à 80 % de la biomasse de certaines plantes. Les racines, qui peuvent être pivotantes, vont, comme celles du welwitschia ou du prosopis, chercher l'eau des nappes souterraines à des profondeurs de 20 à 30 m.
Les cactées, plantes typiques de certains déserts américains tels que celui de Sonora, présentent également de nombreuses particularités. Le cactus géant de l'Arizona (Carnegiea gigantea), par exemple, a la possibilité de germer dans le sable sec. Les cactées ont des racines très étalées, à proximité de la surface du sol, pour profiter de la moindre averse avant que l'eau s'infiltre ou s'évapore.

Pour réduire au minimum la transpiration, les végétaux limitent leur surface totale. Les feuilles, de petite taille comme celles de l'armoise, ne sont souvent que des épines, ou que des écailles, comme celles du saxaoul (Haloxylon hammodendrum) de l'Asie centrale. Leur cuticule est épaisse, revêtue de gomme ou de cire comme celle des feuilles du créosotier (Larrea tridentata) du désert du Mexique. Les stomates peuvent être clairsemés ou, tout au contraire, denses mais alors de petites dimensions. Aux heures les plus chaudes de la journée, les stomates se ferment pour limiter les pertes d'eau par transpiration.
La constitution de réserves d'eau est une autre forme d'adaptation. Certaines plantes stockent l'eau dans leur feuilles succulentes. Ces plantes « grasses » comme les cactus ou l'agave emmagasinent de grandes quantités d'eau leur permettant de traverser une longue période sans pluies. Dans le nord-ouest du Mexique, le saguaro (Carnegia gigantea) peut ainsi contenir de 2 à 3 m3 d'eau.
Certains végétaux des régions désertiques vivent en parasites sur différentes plantes (Cistanchea sur tamarix, champignons hypogées du genre Terfezia sur Helianthemum). Enfin, il existe dans les sols des régions désertiques toute une microflore dont le rôle est extrêmement important dans la transformation de la matière organique du sol et la fixation de l'azote atmosphérique (bactéries, champignons microscopiques, algues).

5.2.2. LES BIOTOPES

Les différents biotopes des déserts sont plus ou moins favorables à la végétation. La steppe est la formation végétale la plus répandue dans ces déserts. C'est une végétation basse, discontinue, puisque les plantes ne couvrent pas intégralement le sol, composée d'herbes dures, comme le drinn en Afrique ou l'ichu des punas andines. Dans les régions semi-arides, la steppe recouvre plus de 50 % de la surface du sol. En direction des régions arides et hyperarides, le taux de recouvrement de la végétation diminue, pouvant s'abaisser à 10 %, voire moins. Les surfaces pierreuses ne sont colonisées que par des touffes de graminées, et les arbustes y sont rares. Les secteurs sableux sont plus favorables à la végétation, et les arbustes comme Retama retama colonisent les dunes ; c'est dans le creux de celles-ci, où l'eau des pluies converge, que la végétation est la plus dense. Les oueds sont garnis de petits fourrés d'arbres alimentés par un écoulement d'eau proche de la surface (inféroflux). Dans les montagnes des régions désertiques apparaît un étage forestier clair, suivi d'une steppe d'altitude.

Les oasis constituent des îlots de verdure repérables de loin. Dans les déserts chauds, le palmier-dattier (Phoenix dactylifera) est par excellence l'arbre des oasis. Dans les déserts à hivers froids, il cède la place aux peupliers et aux saules.

Les sols salés sont peuplés de végétaux spécialisés, dits « halophiles ». Certaines espèces, comme l'armoise, l'atriplex ou la salicorne, résistent à des teneurs élevées en sel dans le sol grâce à leur forte pression osmotique. Ce type de végétation est très répandu dans tous les déserts.

5.3. LA FAUNE
Si le nombre d'espèces animales dans les déserts est réduit, la plupart des groupes zoologiques terrestres et d'eau douce y sont représentés. Comme les plantes, les animaux doivent lutter contre le manque d'eau, la chaleur et l'intensité de la lumière.
5.3.1. LA DÉPENDANCE PAR RAPPORT À L'EAU

La dépendance par rapport à l'eau est variable selon les espèces : si certains animaux doivent boire tous les jours, et ne s'éloignent pas des points d'eau, d'autres comme l'oryx ou le chameau résistent plusieurs jours sans boire. Le dromadaire, s'il trouve un point d'eau, est capable de boire 100 litres en une fois. La bosse du dromadaire et les deux bosses sont des réserves de graisse dont l'oxydation métabolique produit une certaine quantité d'eau, redistribuée par le sang dans tout l'organisme ; le chameau peut ainsi perdre 30 % de son poids. Il est capable de fermer hermétiquement ses narines pour ne pas respirer la poussière et le sable transportés par les vents. Ses yeux sont bordés par deux rangées de cils protecteurs, et son conduit auditif par des poils en broussaille.


Quelques animaux peuvent se passer totalement de boire, en se contentant de l'eau produite par l'oxydation des aliments ingérés : les rongeurs (mérione, gerboise) peuvent vivre sans eau libre en s'alimentant de plantes succulentes ou de plantes à bulbe.

5.3.2. LES ADAPTATIONS PHYSIOLOGIQUES ET COMPORTEMENTALES

Bien que limitées, les adaptations anatomiques sont parfois remarquables. Les grandes oreilles très vascularisées du fennec sont de véritables régulateurs thermiques, et les insectes possèdent de longues pattes qui les tiennent à distance du sol brûlant. Chez les grands herbivores des déserts (haddax, dromadaire...), la surface des pieds est élargie pour leur éviter de s'enfoncer dans le sable. Les pieds capitonnés du chameau sont bien adaptés à la marche sur les sols rocailleux du désert de Gobi.
Les adaptations physiologiques et comportementales sont beaucoup plus développées. Certains animaux résistent à la déshydratation en ne transpirant pas ; leurs urines sont très concentrées, leurs excréments très secs, leurs glandes sudoripares rares. Pour échapper aux fortes chaleurs et au rayonnement solaire intense, la plupart des rongeurs, lézards et serpents ne sortent que la nuit. Les animaux diurnes se perchent ou s'envolent pour se soustraire aux fortes températures au niveau du sol. Pendant la saison la plus chaude, des animaux, comme la tortue terrestre (Testudo horsfieldi), entrent en léthargie. Dans les étangs temporaires, les œufs des amphibiens restent en sommeil lorsque l'étang est à sec. De même, lorsque la température du sol atteint 52 °C, les sauterelles s'envolent toutes les quatre minutes. La terre constituant un excellent isolant thermique, de nombreux animaux vivent dans des terriers. Les scorpions, les araignées et les insectes, favorisés par leur taille réduite, cherchent l'ombre et l'humidité dans les anfractuosités des rochers.

De nombreux rongeurs vivent au désert sans boire. Les dipodomys, ou rats-kangourous, qui hantent les déserts américains, se nourrissent surtout de graines et de débris végétaux à faible teneur en eau. Leur taux normal d'hydratation est le même que celui des autres mammifères (66 %). Ce taux demeure constant pendant plusieurs mois, même si le régime alimentaire ne comporte que des matières sèches, en l'ocurrence 100 g de graines par mois, fournissant 54 g d'eau par oxydation.
Chez les insectes, on a distingué des fouisseurs au sens strict, qui se déplacent dans la masse même du sable, des mineurs, qui creusent des galeries d'un type bien défini, des excavateurs, qui creusent un refuge en forme d'entonnoir piège, comme chez les fourmis-lions. Certaines de ces particularités morphologigues ou éthologiques apparaissent comme étant d'origine génétique, d'autres sont des accommodats individuels. C'est ainsi que l'élargissement de l'extrémité apicale d un tibia de coléoptère peut être considéré comme un caractère stable, alors que l'ajustement mimétique de la teinte du tégument de certains acridiens de la livrée désertique des mammifères ou des oiseaux sur la teinte du milieu ambiant relève de processus hormonaux.
Le scinque se déplace dans les dunes à une vitesse étonnante, semblant nager dans le sol mouvant. Surnommé poisson des sables, ce lézard se sert peu de ses courtes pattes, mais fait surtout onduler son corps pour mieux glisser sur le sable. Pour économiser son énergie, une araignée se laisse rouler jusqu'au bas des dunes. D'une envergure de 10 cm, elle est capable de parcourir de cette façon 2 m/s (plus de 7 km/h).
D'une façon générale, la faune des régions désertiques se dérobe aux conditions extrêmes plutôt qu'elle ne les admet, la plupart des espèces vivant dans la profondeur du sol ou étant de moeurs nocturnes. Néanmoins, il existe certains éléments qui supportent cet environnement à peine compatible avec la vie. quelques espèces le recherchent même comme un optimum écologigue. Les Eremiaphila, petits insectes mantidés érémicoles assez mimétiques, sont au Sahara les hôtes habituels des regs de la région centrale (Tanezrouft, en particulier), où il n'est pas rare de les rencontrer même pendant le moment le plus chaud de la journée. Ils survivent dans ces régions grâce à des proies accidentelles apportées par le vent et à quelques espèces se nourrissant là de débris divers, des lépismes en particulier. Chez les vertébrés, l'addax est également une espèce qui admet les conditions écologiques les plus rudes du désert. Cette antilope occupait autrefois la presque totalité du Sahara. Aujourd'hui, elle ne se rencontre plus guère que dans le sud du désert.
Dans les déserts continentaux à hivers froids, le meilleur moyen de se protéger du froid est d'être bien couvert. La fourrure du chameau devient épaisse et laineuse à l'arrivée de la mauvaise saison (l'été, elle tombe par plaques). De même, le pelage du saïga s'épaissit considérablement – en outre, il blanchit pour se fondre dans les paysages enneigés. En passant dans sa trompe, l'air se réchauffe pour ne pas arriver glacé dans les poumons.

6. L'HOMME ET LES DÉSERTS

6.1. QUELLE VIE DANS UN MILIEU HOSTILE ?

Le milieu aride est hostile. Pourtant, le désert, à la fois un lieu de rejet et de ressourcement fascine.
On observe presque partout, dans les déserts chauds ou tempérés, l'opposition entre les taches de population dense et les zones où la population est clairsemée : opposition entre l'oasis et les régions parcourues par les nomades, qui ont souvent dominé les sédentaires. L'élevage était autrefois associé à des activités de pillage ou de commerce (transport du sel et des dattes). L'essor des moyens de transport a permis de mettre en valeur des régions désertiques, par l'irrigation (Turkménistan, Israël, etc.). Mais, surtout, l'exploitation des richesses minérales, et en premier lieu du pétrole, a transformé l'économie de certains pays désertiques : Libye, Sahara algérien, Arabie saoudite. Le rythme d'utilisation des terres s'est accéléré ; le surpâturage, les feux, les troupeaux qui ne nomadisent plus ont entraîné la destruction écologique des zones semi-arides qui ont atteint le niveau de production des déserts dans certaines régions.

La connaissance des ressources en eau douce présentes dans les déserts est indispensable à la vie des hommes et à leurs activités. Les fleuves allogènes constituent un premier type de ressources en eau. Ce sont de grands fleuves, comme le Nil en Égypte, le Tigre et l'Euphrate au Moyen-Orient, ou l'Indus au Pakistan, qui traversent les régions désertiques, atteignent la mer, et dont la zone d'alimentation se trouve dans des régions bien arrosées. Ils apportent de grandes quantités d'eau, utilisées par l'homme dès l'Antiquité. Les eaux souterraines sont d'un grand intérêt dans des régions où les eaux de surface font le plus souvent défaut. Dans le lit des oueds, où les alluvions sont épaisses, des nappes d'eau proches de la surface sont alimentées à chaque averse par les eaux d'infiltration. Le long des fleuves allogènes, des nappes phréatiques latérales sont rechargées par des crues régulières comme celles, annuelles, du Nil. L'eau de ces nappes souterraines est aisément accessible par des puits de quelques dizaines de mètres de profondeur. Les nappes d'eau profondes, prisonnières dans des roches magasins, sont des nappes fossiles, héritées de périodes plus humides. Leur exploitation nécessite des moyens plus lourds : seuls des forages profonds, jusqu'à 1 300 m dans les déserts australiens, permettent de ramener l'eau en surface.

6.2. L’ORGANISATION DES SOCIÉTÉS TRADITIONNELLES

La vie humaine dans les déserts est fondée sur la coexistence de deux modes de vie traditionnels : le nomadisme et la sédentarité.

Depuis le néolithique, les nomades exploitent de façon extensive les pâturages des régions désertiques. Ils se déplacent avec leurs troupeaux, composés de moutons, de chèvres et d'animaux de bât (chameau, dromadaire, yack, lama), en fonction des points d'eau et des pâturages. Les migrations s'effectuent soit entre le désert et ses marges, au climat moins hostile, soit entre les montagnes, où les nomades passent l'été, et les plaines, où ils cherchent des pâturages d'hiver. Ces nomades sont de redoutables guerriers (Touareg et Peuls au Sahara), qui ont toujours dominé les peuples sédentaires. Le commerce de caravane est associé à l'activité pastorale des nomades. Ces derniers vendent aux sédentaires du sel, des épices et les produits de leur élevage, ce qui leur permet d'acheter des dattes, des céréales et des tissus. Le mode de vie des nomades semble aujourd'hui menacé. Les gouvernants des pays concernés tentent de sédentariser les nomades, pour mieux contrôler ces populations mouvantes. Le camion et l'avion, qui transportent rapidement les marchandises, ont ruiné le commerce de caravane. Les oasis, qui étaient souvent des étapes pour les caravaniers, souffrent de ce déclin.

Les sédentaires vivent près des fleuves allogènes (Nil, Euphrate, Indus…) ou des points d'eau. En creusant des puits et en amenant l'eau dans des sites favorables grâce à des conduites souterraines, ils ont créé des espaces aménagés, les oasis, où ils pratiquent une agriculture irriguée. Sur de petites parcelles entourées de rigoles, les cultures présentent trois strates : céréales et légumes poussent sous les arbres fruitiers, à l'ombre des palmiers-dattiers.

6.3. LA MISE EN VALEUR DES DÉSERTS
Depuis la Seconde Guerre mondiale, les déserts ont connu des transformations importantes. Les forages profonds dans le Néguev, dans le sud d'Israël, la construction du barrage d'Assouan sur le Nil, les aménagements hydrauliques du Syr-Daria et de l'Amou-Daria en Asie centrale ont permis d'étendre de façon considérable les périmètres irrigués dans les régions désertiques. La découverte de gisements métallifères (fer de Mauritanie, uranium d'Arlit au Niger), et surtout de gisements d'hydrocarbures, comme en Arabie saoudite, dans le Sahara algérien ou encore au Texas, a conduit à la mise en valeur de régions autrefois délaissées. Des villes comme Koweït sont nées de l'extraction pétrolière ; d'autres, comme Le Caire, Samarkand ou Tachkent, ont vu leur population augmenter et l'espace bâti gagner sur le désert environnant. L'approvisionnement en eau potable est un problème majeur pour ces villes du désert. Cependant, les étendues désertiques demeurent des espaces où les densités de population sont faibles, ce qui explique que les hommes y installent des bases spatiales (site de Baïkonour au Kazakhstan), ou y réalisent des essais nucléaires (État du Nevada aux États-Unis).

7. L'AVANCÉE DES DÉSERTS
Les déserts se sont développés à la fin de l'ère tertiaire, il y a 15 millions d'années. Au début du quaternaire, les déserts actuels sont en place, mais leurs limites ont connu d'importantes variations. D'anciens dépôts lacustres, des plantes et des animaux fossiles, des vestiges préhistoriques témoignent des changements climatiques passés survenus dans les déserts. Il y a 20 000 ans, le Sahara s'étendait 400 km plus au sud, sur une partie du Sahel, où il a laissé des dunes actuellement colonisées par la végétation. Cette phase plus aride a duré jusque vers 12 000ans B.P. (before present, la date de référence étant 1950). De 12 000 à 4 000 ans B.P., une période plus humide lui a succédé : au Sahara, les pluies d'origine tropicale étaient plus abondantes, et le lac Tchad était beaucoup plus étendu qu'aujourd'hui. À partir de 4 000 ans B.P., les déserts ont progressé à nouveau.
L'extension actuelle des déserts au détriment des régions subhumides voisines est rapide. Depuis 1950 environ, le processus de désertification a entraîné au Sahara la perte de 650 000km2 de terres autrefois productives. Cette désertification est due à des causes multiples. Les crises climatiques comme la sécheresse au Sahel de 1968 à 1973 ou celle qui a affecté le Nordeste du Brésil de 1979 à 1984, en provoquant la destruction du couvert végétal, sont en partie responsables de l'avancée des déserts. L'homme, en intervenant sur l'équilibre fragile des écosystèmes désertiques, est également un agent très actif du processus de désertification. Ainsi, le surpâturage des animaux domestiques entraîne la dégradation de la végétation, aggravée par le piétinement des bêtes, qui tasse le sol, le rendant très sensible à l'érosion. La mauvaise maîtrise de l'eau engendre l'augmentation de la teneur en sels dans les sols, qui deviennent peu à peu stériles. Ainsi, l'oasis de Chinguetti, en Mauritanie, victime de la salinisation des sols, a été abandonnée ; elle est aujourd'hui envahie par les sables.
Une meilleure gestion de l'eau et des pâturages, et la plantation d'espèces adaptées (acacias, saxaouls, tamaris...) afin de constituer des « barrières vertes », comme dans le nord du Sahara algérien, sont les principaux moyens de lutte contre l'avancée des déserts.

 

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Cet article fait partie du dossier consacré aux droits de l'homme et du dossier consacré à la Révolution française.

LE CONCEPT DE « DROITS NATURELS »

Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Les droits de l'homme, et les libertés dont ils s'accompagnent, sont ceux dont tout individu doit jouir du fait même de sa nature humaine. C'est la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui marque l'avènement théorique d'un État de droit dotant l'individu du pouvoir de résistance à l'arbitraire et lui reconnaissant des droits naturels, dits fondamentaux. La notion de « déclaration des droits » découle de deux idées : celle de l'existence de droits individuels et celle de la nécessaire affirmation de ces droits par une autorité légitime, en l'occurrence le pouvoir constituant en 1789, c'est-à-dire l'État. Matrice de la Déclaration universelle des droits de l'homme adoptée par les Nations unies en 1948, le texte de 1789 est l'aboutissement d'une réflexion qui a commencé avec la Grande Charte d'Angleterre de 1215 et qui passe par l'institution de l'habeas corpus en 1679.
→ charte.
Il appartient à l'État de droit de respecter les libertés fondamentales de l'individu, que le concept de « libertés publiques » traduit en termes constitutionnels. La persistance de nombreux cas de violations des droits de l'homme dans l'histoire contemporaine impose de garantir leur protection à l'échelon international. Non seulement celle-ci suppose l'existence de mécanismes juridiques autorisant des organes internationaux à exercer un contrôle sur l'application des normes relatives aux droits de l'homme, mais encore l'action d'organisations indépendantes des États, qui se révèlent aussi de la première importance.

TROIS SIÈCLES D'HISTOIRE DES DROITS DE L'HOMME
Ce sont les philosophes du xviiie s., parmi lesquels Jean-Jacques Rousseau, qui élaborent le concept de « droits naturels », droits propres aux êtres humains et inaliénables, quels que soient leur pays, leur race, leur religion ou leur moralité. La révolution américaine de 1776, puis la révolution française de 1789 marquent la reconnaissance et la formulation explicite de ces droits.
Dès 1689, en Angleterre, a été proclamé le Bill of Rights. Les colons établis en Amérique en retournent les principes contre leur roi. La Déclaration d'indépendance américaine, le 4 juillet 1776, affirme la primauté des droits et libertés. Au cours de la décennie suivante, par l'entremise du marquis de La Fayette et de Thomas Jefferson, elle éclaire les révolutionnaires français, notamment sur la notion de souveraineté du peuple.
Les dix-sept articles de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen sont discutés et votés entre le 20 et le 26 août 1789, alors que l'Assemblée constituante est en conflit avec le roi. Destinée à préparer la rédaction de la première Constitution écrite française, en la fondant sur l'énonciation des principes philosophiques qui doivent former la base de la société, elle proclame les droits « naturels et imprescriptibles » de l'homme, c'est-à-dire ceux que chacun doit exercer par le fait qu'il est homme et sans distinction de naissance, de nation ou de couleur. Après une définition générale de la notion de liberté, la Déclaration précise un certain nombre de libertés particulières : liberté de conscience et d'opinion, liberté de pensée et d'expression, droit à la propriété. L'égalité est la deuxième grande notion de la Déclaration : égalité des droits, égalité devant la loi et la justice, égalité devant l'impôt, égale admissibilité aux emplois publics. L'État nouveau, édifié sur le principe de la séparation des pouvoirs et sur la notion de souveraineté du peuple, devient le garant des droits.

Au xixe s., la Déclaration de 1789 inspire le mouvement politique et social en Europe et en Amérique latine. Avec l'industrialisation grandissante, l'essor du pouvoir capitaliste et financier, la revendication des droits s'enrichit en effet de la notion de droits sociaux, et particulièrement de droit au travail, sous l'influence du socialisme à la française, puis du socialisme marxiste. Mais les génocides, l'esclavage, qui ne sera aboli que lentement et inégalement, le colonialisme, le travail des enfants, la sujétion des femmes, dont l'émancipation – quand elle aura lieu – sera tardive, sont autant d'obstacles historiques sur la voie d'une reconnaissance pleine et entière des droits de l'homme. La France et les États-Unis eux-mêmes rechigneront souvent à montrer l'exemple, malgré la création d'associations philanthropiques et la lutte pour la prise en compte des droits sociaux (droit de grève, amélioration des conditions de travail, réduction du temps de travail).
Selon l'article 55 de la Charte des Nations unies de 1945, l'O.N.U. doit favoriser le respect universel et effectif des droits de l'homme avec le concours des États membres. Mais la politique des blocs, l'un sous influence américaine, l'autre sous influence soviétique, perturbe pendant plusieurs décennies les débats. Tandis que les Américains insistent sur la notion de droits politiques, les démocraties libérales d'Europe défendent celle de droits sociaux. Compte tenu des deux options, les Nations unies tentent de réaliser leur mission à travers l'action de la Commission des droits de l'homme, créée en 1946. Ceux-ci deviennent une valeur internationalisée en 1948. Il est reconnu que l'homme détient un ensemble de droits opposables aux autres individus, aux groupes sociaux et aux États souverains. Les droits de l’homme sont par la suite étendus à l’enfant : le 20 novembre 1989, les Nations unies adoptent la Convention des droits de l'enfant, afin de protéger l'enfance de la famine, de la maladie, du travail, de la prostitution et de la guerre.
→ droits de l'enfant.


LES DROITS DE L'HOMME FACE AU PRINCIPE DE SOUVERAINETÉ
Le principe des droits humains, tout comme la notion de paix, fait partie de ces thèmes a priori consensuels et irréfutables sous peine de placer le réfractaire en marge de la communauté internationale. L'humanité entière est révulsée par la barbarie, et un régime criminel ne peut, moralement, asseoir sa légitimité sur la seule souveraineté de l'État.
Les tribunaux militaires internationaux de Nuremberg (1945) et de Tokyo (1946) ont manifesté la valeur de ce raisonnement. Dès 1950, l'Assemblée générale des Nations unies a créé un comité chargé de rédiger le projet de statut d'une juridiction pénale internationale permanente. Mais la guerre froide a eu raison de ces vœux pieux. Le fait que ce projet n'ait pris forme qu'en 1998 témoigne – de même que ses limites – de la résistance opiniâtre des États : aucun d'eux ne cherche spontanément à promouvoir une justice supranationale à laquelle il serait soumis et devant laquelle des citoyens, nationaux ou étrangers, pourraient le traduire. C'est la même attitude qui a freiné les progrès de l'arbitrage international depuis les conférences de la Paix de 1899 et 1907, et limité, malgré deux guerres mondiales, les prérogatives de la Société des Nations puis de l'O.N.U. En réalité, l'opinion publique, alertée par les médias et les organisations non gouvernementales, est un acteur extrêmement important de ces évolutions. C'est à elle qu'il revient de dénoncer les abus de pouvoir, en l'occurrence les crimes commis par les dictateurs, l'altération du principe d'égalité, la négation des droits sociaux, ou encore la corruption des élites dirigeantes. Mais la seule sanction morale ne suffit pas à faire reculer les États coupables. La Déclaration universelle des droits de l'homme exige, par conséquent, pour ne pas être qu'un leurre, que la communauté internationale soit dotée de juridictions qui permettent de se saisir des cas de violation de ces droits.


LES INSTITUTIONS AU SERVICE DES DROITS DE L'HOMME
LA COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME DE L'O.N.U.
Créée en 1946, la Commission se réunit pour la première fois en 1947 pour élaborer la Déclaration universelle des droits de l'homme. Rédigée en un an, celle-ci est adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies le 10 décembre 1948. Depuis lors, la date du 10 décembre est célébrée tous les ans en qualité de « Journée des droits de l'homme ».
Jusqu'en 1966, les efforts de la Commission sont essentiellement de nature normative, attendu que, dans une déclaration de 1947, elle estime « n'être habilitée à prendre aucune mesure au sujet de réclamations relatives aux droits de l'homme ». Ses travaux aboutissent, en 1966, à l'adoption par l'Assemblée générale des Nations unies du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ; ces deux pactes forment, avec la Déclaration universelle, la Charte internationale des droits de l'homme.
En 1967, le Conseil économique et social autorise la Commission à traiter des violations des droits de l'homme. Aussi met-elle au point des mécanismes et procédures afin de vérifier le respect par les États du droit international relatif aux droits de l'homme et de constater les violations présumées de ces droits par l'envoi de missions d'enquête. En outre, la Commission met de plus en plus l'accent sur la promotion des droits économiques, sociaux et culturels, en particulier le droit au développement et le droit à un niveau de vie convenable. Elle s'intéresse de près, comme le démontre la Déclaration de la Conférence mondiale sur les droits de l'homme tenue à Vienne en 1993, à la protection des droits des groupes sociaux vulnérables, des minorités et des peuples autochtones, ainsi qu'à la promotion des droits de l'enfant et des femmes. La démocratie et le développement sont considérés comme deux facteurs nécessaires à l'épanouissement des droits de l'homme.
Décrédibilisée par la présence en son sein de pays critiqués pour leurs propres atteintes aux droits de l’homme, elle est dissoute en 2006, et remplacée par le Conseil des droits de l’homme. Cet organe subsidiaire de l’Assemblée générale des Nations unies est notamment chargé d’effectuer un examen périodique de tous les pays au regard des droits de l'homme, et de formuler aux États concernés des recommandations.
LA CONVENTION EUROPÉENNE DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTÉS FONDAMENTALES
Établie par le Conseil de l'Europe en 1950 et entrée en vigueur en 1953, la Convention européenne se situe dans la continuité de la Déclaration universelle de 1948. Chaque État qui adhère au Conseil de l'Europe est tenu de la signer et de la ratifier dans un délai d'un an. Les États signataires s'engagent alors à reconnaître à toute personne relevant de leur juridiction certains droits civils et politiques et certaines libertés définis dans la Convention. Après avoir épuisé toutes les voies de recours internes, un individu qui s'estime lésé dans ses droits peut entamer des procédures à l'encontre de l'État contractant qu'il tient pour responsable. Un État contractant peut également intenter une procédure contre un autre État contractant : c'est ce que l'on appelle une requête interétatique.
Le fait que des États souverains acceptent qu'une juridiction supranationale remette en cause les décisions de juridictions internes et qu'ils s'engagent à exécuter ses jugements a représenté une étape historique dans le développement du droit international. La théorie selon laquelle les droits de l'homme ont un caractère fondamental les plaçant au-dessus des législations et des pratiques nationales a été appliquée. Cela revient à reconnaître qu'il ne faut pas laisser un État décider lui-même de l'application des droits de l'homme et des libertés fondamentales en fonction de considérations politiques nationales.





La Convention a instauré une Cour européenne des droits de l'homme, chargée d'examiner les requêtes individuelles et interétatiques. Les juges de la Cour, totalement indépendants, sont élus par le Parlement européen. Le Conseil des ministres surveille l'exécution des arrêts de la Cour. Le droit de recours individuel est automatique, ainsi que la saisine de la Cour dans le cadre des requêtes individuelles et interétatiques.
         
LES GRANDES ÉTAPES INSTITUTIONNELLES DE LA DÉFENSE DES DROITS DE L'HOMME


1215 : la Grande Charte d'Angleterre (Magna Carta) énumère, après les excès de Jean sans Terre, un certain nombre de dispositions tendant à protéger l'individu contre l'arbitraire royal en matière de taxes ou de spoliation de biens, et assure à chaque sujet un procès équitable dans le cadre de l'égalité de traitement devant la loi.
1679 : l'habeas corpus, en Angleterre, garantit le respect de la personne humaine et la protège d'arrestations et de sanctions arbitraires. Le roi est ainsi privé du pouvoir de faire emprisonner qui il veut selon son bon plaisir.
1689 : la Déclaration des droits (Bill of Rights), adoptée par la Chambre des lords et la Chambre des communes, réduit le pouvoir royal en Angleterre, en proclamant notamment la liberté de parole au sein du Parlement et le droit pour les sujets d'adresser des pétitions au monarque.
4 juillet 1776 : la Déclaration d'indépendance américaine, rédigée par Thomas Jefferson, Benjamin Franklin et John Adams, et inspirée de la philosophie des Lumières, est signée à Philadelphie par les délégués des treize colonies et promulgue un contrat social fondé sur l'indépendance, l'égalité, la liberté et la recherche du bonheur (« We hold these truths to be self-evident; that all men are created equal, that they are endowed by their creator with certain unalienable rights, that among these are life, liberty and the pursuit of happiness »).
26 août 1789 : la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, destinée à devenir l'archétype des déclarations ultérieures, est adoptée par l'Assemblée constituante.
3 septembre 1791 : la première Constitution écrite française garantit pour chacun « des droits naturels et civils ».
26 juin 1945 : la Charte des Nations unies, signée à San Francisco, internationalise le concept de droits de l'homme.
10 décembre 1948 : la Déclaration universelle des droits de l'homme adoptée par l'O.N.U. est la première référence aux libertés fondamentales communes à tous les peuples de la Terre. Aux obligations morales liées à l'universalité du message s'ajoutent, pour les pays signataires, de réelles obligations juridiques qui sont censées instituer autant de garanties pour les peuples concernés.
4 novembre 1950 : la Convention européenne des droits de l'homme est signée à Rome sous l'égide du Conseil de l'Europe ; elle entre en vigueur en 1953.
1er août 1975 : l'Acte final de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (C.S.C.E.), signé à Helsinki, fait figurer le « respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales » parmi les principes de base qui régissent les relations mutuelles des 35 États participants.

LES ORGANISMES DE DÉFENSE DES DROITS DE L'HOMME

LA LIGUE DES DROITS DE L'HOMME
La Ligue est le plus ancien organisme de défense des droits et des libertés. Elle est fondée, en février 1898, par l'ancien ministre de la Justice Ludovic Trarieux et quelques amis, à l'occasion du procès intenté à Émile Zola qui venait de faire paraître dans le journal l'Aurore son célèbre réquisitoire « J'accuse ». Après l'affaire Dreyfus, la Ligue poursuit son engagement en prenant position sur les grands débats contemporains. Ainsi, en 1905, elle se déclare en faveur de la séparation des Églises et de l'État ; en 1909, son président réclame le droit de vote pour les femmes et leur éligibilité à la Chambre et au Sénat. La Ligue suit de près l'évolution de la vie politique et, en 1935, c'est à son siège qu'est signé le programme du Front populaire par les socialistes, les radicaux et les communistes.
En 1948, la Déclaration universelle des droits de l'homme, adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies, reprend largement le projet du représentant français René Cassin, membre de la Ligue des droits de l'homme. Par la suite, celle-ci joue un rôle dans les protestations contre l'utilisation de la torture lors de la guerre d'Algérie, dans les revendications étudiantes de mai 1968, dans les actions qui amènent, en 1973, la modification de la loi sur l'interruption volontaire de grossesse, ou encore en faveur de l.’abolition de la peine de mort. Plus récemment, elle s’est engagée dans les années 1990 contre la montée du racisme, et pour l’extension des droits des étrangers, ainsi que pour la régularisation des sans-papiers.

LA FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES LIGUES DES DROITS DE L'HOMME (F.I.D.H.)
Fondée en 1922, la Fédération est la plus ancienne organisation de défense des droits de l'homme au plan international. Elle a son siège en France. Organisation non gouvernementale reconnue d'utilité publique, elle se déclare également apolitique, non confessionnelle et non lucrative. Elle se voue à la promotion de la Déclaration universelle des droits de l'homme en informant l'opinion publique et les organisations internationales par le biais de lettres, de communiqués et de conférences de presse. Comme Amnesty International, la F.I.D.H. bénéficie du statut d'observateur auprès des instances internationales (Nations unies, Unesco, Conseil de l'Europe, Commission africaine des droits de l'homme).

AMNESTY INTERNATIONAL
C'est en 1961, à l'initiative de Peter Benenson (1921-2005), avocat britannique, qu'un groupe d'avocats, de journalistes, d'écrivains, choqués par la condamnation de deux étudiants portugais à vingt ans de prison pour avoir porté un toast à la liberté dans un bar, lance un appel pour l'amnistie (Appeal for Amnesty). L'acte de naissance officiel du mouvement Amnesty International peut être daté du 28 mai 1961, lorsque le supplément dominical du London Observer relate l'histoire de six personnes incarcérées pour « raisons de conscience » – parce qu'elles ont exprimé leurs croyances religieuses ou politiques – et exhorte les gouvernements à relâcher de tels prisonniers. Amnesty International, organisation indépendante à caractère non gouvernemental, mène depuis lors une action vigoureuse de défense des droits de l'homme, à l'adresse des gouvernements qu'elle fustige dans son rapport annuel et de l'opinion publique internationale. Au cours des années 1970, Amnesty International s'est vu confier le statut d'observateur pour le compte des Nations unies. En 1977, son action a été récompensée par le prix Nobel de la paix, titre qui n'impressionne pas forcément tous les gouvernements.

 

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