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ORIGINE DES NEURONES CHEZ L'ADULTE

 


NEURONES À VOLONTÉ
Les origines des neurones chez l'adulte


neurones à volonté - par Alfonso Represa et Yvan Arsenijevic dans mensuel n°329 daté mars 2000 à la page 35 (1926 mots) | Gratuit
La découverte chez l'adulte, en 1992, de cellules souches capables de donner naissance à des neurones dans le cerveau adulte a suscité d'immenses espoirs. Leur utilisation pour soigner le cerveau reste encore tributaire de notre compréhension de leur biologie intime.

Les intestins, le foie, les os, le sang et de nombreux autres organes se renouvellent sans cesse. Une génération continue permet ainsi de remplacer les cellules défaillantes ou endommagées. On considérait encore récemment que le cerveau faisait exception à ce schéma. Il apparaît que ce n'est pas le cas, du moins pas complètement, puisqu'une neurogenèse a été mise en évidence chez plusieurs mammifères adultes voir l'article de H. Cameron p. 29. Quelle est l'origine de ces nouvelles cellules ? A l'instar de tous les autres tissus et du cerveau en développement, sont-elles produites par des cellules génitrices, dites « souches » ?

On connaissait depuis longtemps la présence de telles cellules dans le tissu nerveux de l'embryon ou du nouveau-né. Elles sont responsables de la genèse de la quasi-totalité des cellules du cerveau, à la seule exception des cellules microgliales. Capables, donc, de générer les quantités prodigieuses plusieurs milliards de cellules nerveuses et gliales*, on pensait que ces cellules souches cérébrales disparaissaient définitivement du cerveau chez l'adulte. En 1992, Brent Reynolds et Sam Weiss à l'université de Calgary Canada ont publié un article qui ébranla profondément cette idée. Ils ont réussi à isoler dans le cerveau de souris adultes des cellules qui, en culture, donnent naissance à d'autres neurones1. Cette découverte des cellules souches du système nerveux central chez l'adulte engendra une série de recherches extrêmement fructueuses.

Les premiers travaux ont visé à démontrer qu'il s'agissait bien de cellules souches. En effet, si le terme peut se décliner pour tous les tissus - on parle de cellules souches sanguines, de cellules souches osseuses, etc., la définition comprend trois points précis, qu'il s'agissait de vérifier. Les cellules souches doivent tout d'abord être multipotentes, c'est-à-dire pouvoir donner naissance aux principaux types cellulaires du système nerveux : les neurones et les cellules de soutien que sont les cellules gliales astrocytes et oligodendrocytes. Cette propriété a été montrée à partir de cellules souches du cerveau isolées in vitro , et par certaines études in vivo . Cependant, les neurones sont tellement différents les uns des autres qu'un consensus fait défaut quant à savoir si les cellules souches peuvent donner naissance à chacun d'entre eux. Les cellules doivent aussi posséder une capacité de renouvellement et d'expansion de leur population. On l'a montré in vitro chez la souris : la multiplication des cellules souches peut ainsi s'effectuer sur une période équivalente ou supérieure à la durée de la vie de l'animal. Enfin, elles doivent être capables de régénérer des tissus en cas de lésion ou de maladie chez l'adulte. C'est cette dernière propriété qui, si elle venait à être confirmée, conférerait aux cellules souches un intérêt thérapeutique considérable.

De nombreuses questions restent ouvertes. Ainsi, comment expliquer que la localisation des cellules souches chez l'adulte ne coïncide pas parfois avec les zones de neurogenèse ? Chez l'embryon des rongeurs, toutes les grandes régions cérébrales étudiées contiennent des cellules souches, mais, dans le cerveau de l'adulte, elles ne sont plus présentes qu'autour des ventricules* y compris l'hippocampe et, dans la moelle épinière, le long du canal épendymaire* photo ci-contre. Très récemment, des cellules génitrices des neurones ont été décelées dans le cortex et le nerf optique, mais leur nature reste mal définie2,3 . Curieusement, les seules régions du cerveau dans lesquelles a été observée une neurogenèse sont autres : il s'agit du bulbe olfactif, du cortex et de l'hippocampe. Dans le premier cas, les nouveaux neurones proviennent de cellules souches qui, originaires de la zone ventriculaire, ont migré jusque-là. Mais dans le second, l'origine des neurones reste à démontrer. Plus curieusement encore, aucun renouvellement neuronal n'a été observé dans la moelle malgré la présence avérée de cellules souches. Dans cette région, les cellules souches semblent être responsables de genèse exclusive des cellules gliales.

La disparition des cellules souches de la quasi-totalité du cerveau est difficile à expliquer. Dans une première hypothèse, les cellules souches sont considérées comme un vestige plus ou moins désuet et inutile, appelé éventuellement à disparaître au cours de la maturation. Dans une seconde hypothèse, les cellules souches disparaîtraient parce qu'une neurogenèse chez l'adulte serait néfaste au fonctionnement cérébral, sauf dans quelques régions voir l'article de Heather Cameron, p. 29. Seul un nombre limité de cellules souches serait nécessaire pour cette tâche.

Le rôle des cellules souches dans le cerveau adulte reste tout aussi énigmatique que leur localisation. En général, elles participent à la reconstruction d'un organe lors d'une lésion. Ainsi, lorsque la peau a subi une blessure, elles donnent naissance aux cellules qui permettront la cicatrisation. Mais dans le cerveau, il n'existe aucun indice que les cellules souches contribuent à la réparation du tissu nerveux. Une lésion cérébrale est ainsi généralement associée à une perte irrécupérable des neurones avec, selon les cas, une perte fonctionnelle. In vivo, les cellules souches ne semblent donc pas capables de générer de nouveaux neurones après une lésion. Elles peuvent pourtant se régénérer elles-mêmes, dans le cas où une partie de leur population est détruite, par exemple lors d'une irradiation expérimentale des animaux. Elles seraient également à l'origine des cellules gliales, qui permettent la reconstitution de la myéline des axones et des astrocytes qui sont générés après une lésion. Mais cette prolifération astrocytaire, qui forme ce qui est appelé la « cicatrice gliale », pourrait aussi, paradoxalement, empêcher dans certaines conditions la repousse des neurones, et donc avoir une action inhibitrice sur la régénération. Prévenir la naissance de ces cellules pourrait faciliter la régénération, une hypothèse à l'étude dans plusieurs laboratoires.

Quels sont les facteurs environnementaux expliquant ces capacités de régénération si différentes in vitro et in vivo ? Le développement du cerveau pendant l'embryogenèse et juste après la naissance sert de modèle d'étude pour comprendre le rôle des gènes, des facteurs diffusibles hormones, facteurs de croissance ou des contacts entre cellules dans la différenciation cellulaire. Les interactions sont complexes, et un même facteur peut ainsi avoir un effet différent selon son contexte. Par exemple, le facteur sonic hedgehog induit dans la moelle épinière la formation des motoneurones les neurones qui innervent les muscles striés ; dans le cerveau, il induit celle de neurones dopaminergiques. Les facteurs qui contrôlent la neurogenèse régulent aussi le développement des cellules souches chez l'adulte et, par exemple, la transformation de précurseurs soit en neurones, soit en oligodendrocytes. Ils induisent également la synthèse de tel ou tel neurotransmetteur.

La manipulation in vitro des cellules souches nerveuses par des facteurs diffusibles permet d'étudier et de contrôler partiellement cette différenciation. La greffe des cellules souches dans différentes régions du cerveau est également l'occasion d'évaluer le rôle de leur environnement photo ci-dessous. Lorsque des cellules souches embryonnaires sont prélevées dans l'hippocampe pour être greffées dans le bulbe olfactif, elles donnent ainsi naissance à des neurones qui ressemblent à ceux que l'on trouve dans ce dernier, et pas dans leur lieu d'origine4.

La recherche des mécanismes de différenciation a suscité une découverte sensationnelle : les cellules souches nerveuses peuvent générer des cellules sanguines ! Utilisant, chez la souris, un protocole proche de celui utilisé pour traiter les leucémies chez l'homme, une équipe italo-canadienne a tout d'abord détruit les cellules souches sanguines par irradiation. Elle a ensuite transplanté des cellules souches nerveuses dans la moelle osseuse. Ces dernières produisirent des cellules sanguines normales5. Dans le même esprit, de récentes études in vivo ont montré que les cellules souches du mésenchyme, qui se trouvent dans la moelle osseuse et génèrent les cellules précurseurs pour les os, le cartilage et le tissu adipeux, peuvent former des cellules musculaires. Ces expériences ouvrent non seulement de nouvelles perspectives thérapeutiques, mais posent la question du potentiel de ces cellules. N'importe quelle cellule souche pourrait-elle donner naissance à n'importe quel type de cellule, et en particulier à des neurones ? Si tel était le cas, il serait facile de générer des neurones en prélevant un bout de peau ou de mésenchyme tissu de soutien des organes par exemple ; elles pourraient combler le manque de tissu foetal nécessaire pour les transplantations et apporter une solution éthique. Or, aujourd'hui, si on devait utiliser les cellules souches pour greffer un patient, il faudrait probablement les prélever dans le cerveau au moment de l'opération, pour les réimplanter immédiatement dans la zone lésée, ce qui est loin d'être évident.

Quoi qu'il en soit, la possibilité de générer des grandes quantités de neurones et de pouvoir différencier les cellules avant de les transplanter confère un potentiel thérapeutique extraordinaire aux cellules souches. A long terme, la transplantation de ces cellules pourrait être utilisée lors de traumatismes ou d'accidents cérébro-vasculaires, ainsi que pour certaines maladies neurodégénératives voir l'article de Philippe Damier p. 38 et la rétine.

Pour l'instant, les études se cantonnent aux modèles animaux, le plus souvent des rats ou des souris. Il semble que, par exemple, des lésions du striatum induites par des substances toxiques, pour mimer la dégénérescence de la maladie de Huntington, ou une hypoxie, pour mimer un accident vasculaire, provoquent un changement de l'environnement cérébral peut être par la production gliale des facteurs trophiques qui favorise la différenciation et l'intégration des cellules souches transplantées.

Une première expérience a tenté, tout récemment, de montrer que les cellules humaines possédaient les propriétés génitrices qu'on leur connaît chez les rongeurs. Une équipe américaine a transplanté des cellules souches foetales humaines dans des cerveaux de souris mutantes, et a montré que les cellules humaines pouvaient compenser des défauts génétiques, notamment compenser l'absence d'une enzyme dans un modèle de la maladie de Tay-Sachs, ou remplacer une population cellulaire déficiente6. Cette étude révèle aussi que de nombreux signaux environnemen- taux qui induisent la différenciation et la survie des neurones pourraient être similaires entre les mammifères. Ces résultats encourageants sont encore très préliminaires : il reste en particulier à prouver que les neurones produits par les cellules souches ont les mêmes caractéristiques que les cellules à remplacer, que leur transplantation à long terme dans des modèles animaux restaure une fonction et, enfin, qu'elle ne produit pas de tumeurs.

Une autre approche à potentiel thérapeutique consiste à stimuler in situ les cellules souches de notre cerveau. Les travaux du groupe canadien de Derek van der Kooy à l'université de Toronto ont montré qu'après infusion d'un facteur de croissance l'EGF dans un ventricule latéral de souris, de nouveaux neurones peuvent être générés7. Les structures les plus réalistes à cibler sont le striatum et l'hippocampe parce qu'elles se trouvent proches de la source des cellules souches. La production de novo de cellules dans ces régions pourrait avoir une implication importante pour les maladies de Parkinson, de Huntington, d'Alzheimer, ou pour l'ischémie de l'hippocampe. La stimulation in vivo pourrait aussi s'appliquer à la repopulation des zones démyélinisées dans la sclérose en plaques. Cependant nous sommes encore bien loin de ces applications. Il faudra d'abord augmenter considérablement le nombre de neurones générés après stimulation in vivo , réguler sélectivement la production des types cellulaires nécessaires, contrôler leur migration vers leur cible et, puis tester leur aptitude à restituer une fonction perdue. Autant de points qui restent très méconnus...

Transplantation ou stimulation in vivo ? Les années à venir diront quelle sera la voie la plus prometteuse pour l'utilisation des cellules souches. Ces perspectives se dessineront aussi par rapport aux autres approches thérapeutiques en développement, comme la thérapie génique. Si la découverte des cellules souches nerveuses chez l'adulte suscite de nombreux espoirs, l'état d'avancement des recherches, qui n'ont après tout débuté que dans la dernière décennie, nous oblige pour l'heure à la prudence.

Par Alfonso Represa et Yvan Arsenijevic

 

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LA MÉMOIRE

 

Mémoire

Dossier réalisé en collaboration avec le Pr. Francis Eustache, Directeur de l'unité Inserm-EPHE-UCBN U1077 "Neuropsychologie et neuroanatomie fonctionnelle de la mémoire humaine" – Octobre 2014

La mémoire permet d'enregistrer des informations venant d'expériences et d'événements divers, de les conserver et de les restituer. Différents réseaux neuronaux sont impliqués dans différents types de mémorisation. La meilleure connaissance de ces processus améliorent la compréhension de certains troubles mnésiques et ouvrent la voie à des interventions possibles dans l’avenir.

La mémoire repose sur cinq systèmes de mémoire


La mémoire se compose de cinq systèmes de mémoire impliquant des réseaux neuronaux distincts bien qu’interconnectés :

La mémoire de travail (à court terme) est au cœur du réseau.
La mémoire sémantique et la mémoire épisodique sont deux systèmes de représentation consciente à long terme.
La mémoire procédurale permet des automatismes inconscients.
La mémoire perceptive est liée aux sens.
Cet ensemble complexe est indispensable à l’identité, à l’expression, au savoir, aux connaissances, à la réflexion et même à la projection de chacun dans le futur.

La mémoire de travail

La mémoire de travail (ou mémoire à court terme) est en fait la mémoire du présent. Elle permet de retenir des informations pendant quelques secondes, voire quelques dizaines de secondes. Nous la sollicitons en permanence à chaque instant, par exemple pour retenir un numéro de téléphone le temps de le noter. Dans la plupart des cas, les mécanismes neurobiologiques associés à la mémoire de travail ne permettent pas le stockage à long terme de ce type d’informations : leur souvenir est vite oublié. Néanmoins, il existe des interactions entre le système de mémoire de travail et ceux de la mémoire à long terme. Elles permettent la mémorisation de certains événements et, ainsi, de se remémorer des souvenirs anciens face à certaines situations présentes, afin de mieux s’adapter.

7, le nombre magique
Le chiffre 7 serait le "nombre magique" de la mémoire de travail. Il s’agit du nombre d’éléments pouvant être mémorisés simultanément à court terme, avec une marge de plus ou moins deux événements.  En moyenne, nous sommes donc tous capables de retenir pendant quelques secondes entre 5 et 9 items. Par exemple, la suite [7, 9, 6, 4, 0, 9, 2] représente 7 chiffres. Elle peut aussi se lire [796, 409, 2] ce qui n’en représente plus que trois (et laisse la possibilité de retenir quatre autres items). De même, une suite de mots longs et compliqués comme [perroquet, colibri, araignée, diplodocus, chimpanzé, kangourou, ornithorynque] représente 7 mots que l’on peut retenir, bien qu’elle soit composée d’un bien plus grand nombre de lettres.
Divers procédés mnémotechniques utilisent cette propriété de notre cerveau pour élargir les capacités de la mémoire de travail.

La mémoire sémantique

La mémoire sémantique permet l’acquisition de connaissances générales sur soi (son histoire, sa personnalité) et le monde (géographie, politique, actualité, nature, relations sociales ou encore expérience professionnelle). C’est la mémoire du savoir et de la connaissance. Elle concerne des données personnelles accessibles à notre conscience et que l’on peut exprimer.

La mémoire épisodique

La mémoire épisodique est une forme de mémoire explicite. Elle permet de se souvenir de moments passés (événements autobiographiques) et de prévoir le lendemain. En effet, lorsqu’on demande à une personne d’évoquer un souvenir qui s’est déroulé au cours des derniers mois ou de penser aux prochaines vacances afin d’imaginer ce qui va s’y passer, ce sont les mêmes circuits cérébraux qui sont activés. Les détails des souvenirs épisodiques se perdent avec le temps (où, quand et comment l’événement s’est-il passé ?). Les traits communs aux différents événements vécus s’amalgament les uns aux autres pour devenir des connaissances qui ne sont plus liées à un événement particulier. La plupart des souvenirs épisodiques se transforment donc, à terme, en connaissances générales.

La mémoire procédurale

La mémoire procédurale est la mémoire des automatismes. Elle permet de conduire, de marcher, de faire du vélo ou du ski sans avoir à réapprendre à chaque fois. Cette mémoire est particulièrement sollicitée chez les artistes ou encore les sportifs pour acquérir des procédures parfaites et atteindre l’excellence. Ces processus sont effectués de façon implicite, c’est à dire inconsciente. La personne ne peut pas vraiment expliquer comment elle procède, pourquoi elle tient en équilibre sur ses skis ou descend sans tomber. Les mouvements se font sans contrôle conscient et les circuits neuronaux sont automatisés.

La mémoire perceptive

La mémoire perceptive dépend des modalités sensorielles, notamment de la vue pour l’espèce humaine. Cette mémoire fonctionne beaucoup à l’insu de l’individu. Elle permet de retenir des images ou des bruits sans s’en rendre compte. C’est elle qui permet à une personne de rentrer chez elle par habitude, grâce à des repères visuels. Cette mémoire permet de se souvenir des visages, des voix, des lieux.

La mémoire fonctionne en réseaux

Du point de vue neurologique, il n’existe pas "un" centre de la mémoire dans le cerveau. Les différents systèmes de mémoire mettent en jeu des réseaux neuronaux distincts, observables par imagerie médicale au cours de tâches de mémorisation ou de récupération d’informations diverses. Ces réseaux sont néanmoins interconnectés et fonctionnent en étroite collaboration : un même événement peut avoir des contenus sémantique et épisodique et une même information peut être représentée sous forme explicite et implicite.


Face latérale (à gauche) et face interne (à droite) de l'hémisphère cérébral droit.

La mémoire procédurale recrute des réseaux neuronaux sous-corticaux et dans le cervelet.

La mémoire sémantique implique des réseaux neuronaux disséminés dans des régions très étendues ainsi que dans les lobes temporaux, notamment dans leurs parties les plus antérieures.

La mémoire épisodique fait appel à des réseaux neuronaux dans l’hippocampe et plus largement dans la face interne des lobes temporaux.

Enfin, la mémoire perceptive recrute des réseaux neuronaux dans différentes régions corticales, à proximité des aires sensorielles.

Des souvenirs multiples naissent les raisonnements
Les mémoires s’appuient les unes sur les autres ! Si vous savez qu'un 4x4 est une voiture, vous pouvez dire qu'un 4X4 a des freins, même si personne ne vous l’a dit et que vous ne les avez jamais vus. Vous déduisez cela du fait que toutes les voitures ont des freins. Ce type de raisonnement utile dans la vie quotidienne se fait essentiellement à partir des connaissances stockées en mémoire. Ainsi, plus les connaissances mémorisées sont importantes, plus il est facile de faire des analogies.

Encodage et stockage de l’information, une affaire de plasticité synaptique


L'activation de l'hippocampe se maintient pour les souvenirs épisodiques, mais baisse quand les souvenirs se sémantisent.

Les processus de stockage sont difficiles à observer par imagerie cérébrale car ils relèvent de mécanismes de consolidation qui s’inscrivent dans la durée. Néanmoins, l’hippocampe semble jouer un rôle central dans le stockage temporaire et plus durable des informations explicites, en lien avec différentes structures corticales.

La mémorisation résulte d’une modification des connexions entre les neurones d’un système de mémoire : on parle de « plasticité synaptique » (les synapses étant les points de contacts entre les neurones). Lorsqu’une information parvient à un neurone, des protéines sont produites et acheminées vers les synapses afin de les renforcer ou d’en créer de nouvelles. Cela produit un réseau spécifique de neurones associé au souvenir qui se grave dans le cortex. Chaque souvenir correspond donc à une configuration unique d’activité spatio-temporelle de neurones interconnectés. Les représentations finissent par être réparties au sein de vastes réseaux de neurones d’une extrême complexité.

L’activation régulière et répétée de ces réseaux permettrait dans un second temps de renforcer ou de réduire ces connexions, avec pour conséquence de consolider le souvenir ou au contraire de l’oublier. Il est important de préciser que l’oubli est associé au bon fonctionnement de la mémoire en dehors de cas pathologiques. Des travaux suggèrent le rôle d’une molécule appelée PKM zêta dans le maintien de la mémoire à long terme. Chez l’animal, elle permet d’entretenir les molécules modifiées pendant l’encodage et d’empêcher qu’elles ne se dégradent avec le temps, consolidant ainsi les réseaux associés aux souvenirs.

La libération de neurotransmetteurs, notamment celle de glutamate et de NMDA, ainsi que l’expression d’une protéine qui augmente la libération de glutamate, la syntaxine,  sont associées à la plasticité synaptique.  Sur le plan morphologique, cette plasticité est associée à des remaniements des réseaux neuronaux : changement de forme et de taille des synapses, transformation de synapses silencieuses en synapses actives, croissance de nouvelles synapses.

Au cours du vieillissement, la plasticité des synapses diminue et les changements de connexions sont plus éphémères, pouvant expliquer des difficultés croissantes à retenir des informations. Par ailleurs, dans les rares formes familiales de la maladie d’Alzheimer, des mutations sont associées à des défauts de plasticité des synapses qui pourraient expliquer, dans ce cas, les troubles majeurs de mémoire.

Le sommeil consolide la mémoire
Une leçon s’apprend mieux le soir avant de dormir, c’est un fait ! Des expériences de rappel d’informations montrent que le fait de dormir améliore la mémorisation, et ce d’autant plus que la durée du sommeil est longue. A l’inverse, des privations de sommeil (moins de quatre ou cinq heures par nuit) sont associées à des troubles de la mémoire et des difficultés d’apprentissage. Par ailleurs, le fait de stimuler électriquement le cerveau (stimulations de 0,75 Hz) pendant la phase de sommeil lent (caractérisée par l’enregistrement d’ondes corticales lentes à l’encéphalogramme) améliore les capacités de mémorisation d’une liste de mots.
Plusieurs hypothèses pourraient expliquer ce phénomène : Pendant le sommeil, l’hippocampe est au repos et cela éviterait des interférences avec d’autres informations au moment de l’encodage du souvenir. Il se pourrait aussi que le sommeil exerce un tri, débarrassant les souvenirs de leur composante émotionnelle pour ne retenir que l’informationnelle, facilitant ainsi l’encodage.

La réserve cognitive, soutien de la mémoire

Les chercheurs découvrent progressivement des facteurs qui accroissent les capacités de mémorisation et semblent stabiliser les souvenirs dans le temps. C’est le cas de la réserve cognitive : un phénomène associé à des connections fonctionnelles entre les neurones extrêmement nombreuses, résultant des apprentissages, d’une stimulation intellectuelle tout au long de la vie ou encore des relations sociales épanouies.

A ce jour les chercheurs ne savent pas précisément quels ingrédients éducationnels et sociaux participent précisément à la constitution de cette réserve cognitive. Des études menées chez les rongeurs montrent cependant que le séjour d'animaux dans des environnements complexes (dits « enrichis ») améliore leur capacité d'apprentissage et de mémoire. D’autres travaux, conduits chez l’Homme, indiquent que les personnes qui ont un haut degré d’éducation, développent les symptômes de la maladie d’Alzheimer plus tardivement que les personnes qui n’ont pas fait d’études. Ces résultats, issus de recherches en épidémiologie portant sur de très grands nombres de sujets, s’expliqueraient par la capacité du cerveau à compenser les dégénérescences neuronales liées à la maladie grâce à la mobilisation de circuits alternatifs, du fait d’un meilleur réseau de connexions entre les neurones chez les personnes qui ont un niveau d’éducation élevé.

D’autres facteurs contribuent à la consolidation de la mémoire sans que l’on en connaisse parfaitement les mécanismes : le sommeil (voir plus haut), l’activité physique ou encore une bonne santé cardiovasculaire. De façon générale une bonne hygiène de vie (sommeil, alimentation, activité physique) contribue à de bonnes capacités de mémorisation.

Les multiples troubles de la mémoire

Les troubles de la mémoire altèrent principalement la capacité à mémoriser un fait nouveau, à retrouver une information, ou les deux.

Les causes possibles

Certaines situations entrainent des incapacités sévères et des amnésies durables. Les causes possibles sont :

un traumatisme physique entrainant des lésions cérébrales,
un accident vasculaire cérébral hémorragique ou ischémique,
une tumeur du cerveau
ou encore une dégénérescence neuronale comme la maladie d’Alzheimer.
Dans d’autres cas, les troubles sont moins sévères et le plus souvent réversibles. Les causes possibles sont :

des maladies mentales comme la dépression,
le stress et l’anxiété ou la fatigue,
un événement traumatisant (deuil),
des effets indésirables de médicaments comme des somnifères, des anxiolytiques (d’autant plus fréquent que la personne est âgée),
l’usage de drogues.
Il existe aussi probablement des origines biologiques comme un déficit en certains neuromédiateurs ou une faible connectivité entre les réseaux cérébraux.

Une multitude de troubles

Les manifestations des troubles de la mémoire sont extrêmement variables selon l’origine du trouble et la localisation de la zone touchée. Les mécanismes sont éminemment complexes.

Zones atrophiées dans la maladie d’Alzheimer (en haut), dans la démence sémantique (au milieu) et, de façon commune, dans ces deux pathologies. Les flèches rouges indiquent la région commune hippocampique affectée par ces démences.

Les travaux montrent par exemple que des patients atteints d’une démence sémantique, qui oublient des mots ou des informations, perdent également des souvenirs anciens alors qu’ils continuent à mémoriser de nouveaux souvenirs épisodiques (souvenirs « au jour le jour »). Ces troubles sont associés à une atrophie des lobes temporaux.

Chez d’autres patients présentant des troubles de la mémoire épisodique, les souvenirs anciens qui datent de l’adolescence sont épargnés plus longtemps que les souvenirs récents. C’est le cas chez les personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer.

Les dégénérescences neuronales qui surviennent dans les maladies de Parkinson ou de Huntington provoquent  d’autres types de déficiences, affectant notamment la mémoire procédurale avec la perte de certains automatismes.

Certaines personnes peuvent aussi présenter des troubles de la mémoire du travail, liées à des lésions du lobe frontal. L’individu a alors du mal à se concentrer et à faire deux taches en même temps.

Il existe aussi des troubles de la mémoire sévères mais transitoires, comme dans l’ictus amnésique idiopathique qui survient le plus souvent entre 50 et 70 ans. Il s’agit d’une amnésie soudaine et massive, qui dure environ six à huit heures, puis le patient recouvre sa mémoire. Pendant la phase aigue, le patient est incapable de se souvenir de ce qu’il vient de faire, sa mémoire épisodique est annihilée alors que sa mémoire sémantique est intacte : il peut répondre à des questions de vocabulaire et évoquer des connaissances générales.

A l’inverse, certaines personnes peuvent être atteintes d’hypermnésie autobiographique. Il s’agit d’une pathologie très rare qui se caractérise par des capacités de mémorisation exceptionnelles des détails d’événements personnels ou de l’actualité, survenus parfois plusieurs années avant. Il s’agit d’une pathologie de l’abstraction et de la généralisation du souvenir avec absence de tri, de synthèse et d’oubli de détails.

L’état de stress post-traumatique : une distorsion de la mémoire
 L’état de stress post-traumatique survient chez une personne victime ou témoin impuissant d’un événement traumatique. Elle est ensuite hantée durablement par cet événement. Ce phénomène est lié à une distorsion profonde de l’encodage des événements. Le souvenir est mémorisé à long terme mais de façon biaisée, avec une amnésie de certains aspects et une hypermnésie d’autres détails qui harcèlent le sujet. Contrairement à un souvenir normal, il persiste au cours du temps sans s’édulcorer ni perdre de sa spécificité. Il s’impose à la victime face à des événements déclencheurs qui lui rappellent la scène. Cette distorsion de l’encodage est associée à une décharge de glucocorticoïdes, hormone du stress, dans l’hippocampe au moment de l’événement.

Une recherche plurisciplinaire


L'iimagerie cérébrale, tomographie par émission de positons, permet d'étudier le fonctionnement de la mémoire.

La mémoire et ses troubles donnent lieu à de nombreuses recherches qui font appel à des expertises variées dans un cadre pluridisciplinaire : génétique, neurobiologie, neuropsychologie, électrophysiologie, imagerie fonctionnelle, épidémiologie, différentes disciplines médicales (neurologie, psychiatrie…), mais aussi sciences humaines et sociales.

L’imagerie fonctionnelle est très informative puisqu’elle permet de savoir quelles zones du cerveau s’activent pendant différentes taches de mémorisation et de restitution simples ou complexes (réciter une liste de mots, évoquer un souvenir précis dans le détail…). En parallèle les chercheurs étudient le cerveau « au repos » afin d’observer les réseaux cérébraux impliqués dans les pensées internes et leurs interconnexions en dehors d’un effort de mémorisation. Des travaux ont montré qu’il est altéré notamment chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer.

L’optogénétique permet par ailleurs de mieux comprendre l’implication de certains neurones dans ces réseaux sur des modèles animaux. Cette technique qui associe génie génétique et optique permet « d’allumer » et « d’éteindre » des neurones sur commande et d’en observer l’effet sur la mémorisation, le stockage et la restitution des informations. Il devient donc possible de manipuler la mémoire et l’oubli expérimentalement pendant des tâches de mémorisation, pendant le sommeil, au repos, en réactivant ou en effaçant des souvenirs, ou encore en agissant sur la molécule PKM zêta qui serait responsable du maintien de la mémoire à long terme. Menés aux niveaux cellulaire et moléculaire, ces travaux ouvrent la voie à des perspectives thérapeutiques, notamment pour les victimes de stress post-traumatique.

Les sciences humaines et sociales, comme l’histoire et la sociologie, s’intéressent à la mémoire collective, à comment celle-ci se construit progressivement pour conférer une identité à une communauté. Ces études sont rapprochées de celles menées en psychologie et en neurosciences, cette fois-ci au plan individuel, pour mettre en lumière les mécanismes à l’origine du maintien ou de l’oubli de certains événements.

 

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LA DIVERSITÉ IMMUNOLOGIQUE

 

 

 

 

 

 

Texte de la 429e conférence de l'Université de tous les savoirs donnée le 8 juillet 2002

Jean-Claude Weill,« La diversité immunologique »


Notre système immunitaire possède plusieurs qualités qui lui confèrent son efficacité. Tout d'abord, il est spécifique, et peut donc nous protéger contre une infection précise. Il peut aussi s'améliorer dans le temps, ce qui est une des propriétés de la vaccination : quand il a rencontré un agent pathogène une première fois, l'organisme sait mieux se défendre les fois suivantes. De plus, il est doté d'une mémoire : après vaccination, les lymphocytes qui nous protègent le mieux vont être conservés dans l'organisme pendant vingt ou trente ans et cela sans que l'on sache encore comment. Enfin, à l'aide d'un système de filtrage, il distingue le soi et le non soi ce qui évite que le système immunitaire ne s'attaque à l'organisme et induise des pathologies très graves dites auto-immunes.

La compréhension des mécanismes de fonctionnement du système immunitaire passe tout d'abord par l'étude de ses différents acteurs cellulaires et moléculaires, et notamment les anticorps, les lymphocytes B, et T, les molécules du CMH et les macrophages.

L'histoire de l'immunologie commence en 430 av. J.-C. Thucydide, qui relate un épisode de peste à Athènes, écrit avec beaucoup d'intuition : « On se montrait plus compatissant avec les malades, une fois que l'on avait soi même réussi à surmonter l'épreuve, car tout en sachant par expérience ce qu'il en était, on se sentait à l'abri du danger. En effet le mal ne frappait pas deux fois un même homme ou du moins la rechute n'était pas mortelle. » Il décrit ainsi le principe de la vaccination : une fois que l'on a été infecté par l'agent pathogène, si l'on n'en meurt pas, on est protégé d'une nouvelle rencontre avec celui-ci. Il faudra attendre 2 000 ans pour que Edward Jenner, en 1796, un médecin anglais applique cette leçon de la peste au cas de la variole, dont les gens meurent à cette époque. Partant de l'observation que les bovins peuvent eux aussi attraper la variole, il prend un peu de germe de la variole bovine non infectieuse pour l'homme qu'il inocule à des patients, les protégeant ainsi de la variole humaine. L'acceptation de cette découverte par les médecins, à travers le monde, prendra encore 50 à 60 ans. Un siècle après, Louis Pasteur montre qu'il n'est pas nécessaire de prendre l'agent pathogène d'une autre souche, mais qu'il suffit de chauffer l'agent qui infecte l'humain, ce qui le rend moins virulent, donc incapable de provoquer la maladie mais apte à provoquer la vaccination. La question se pose alors, à cette époque, de savoir ce qui protège les individus contre les maladies : s'agit-il de cellules ou de molécules contenues dans le sang. Cette controverse oppose Louis Pasteur et Robert Koch.

Emil von Behring montre en 1890 que l'immunité peut être transmise par un sérum du sang ne contenant pas de cellules. Il appelle les molécules responsables de l'immunité des anticorps. En 1920, Karl Landsteiner, qui a découvert les groupes sanguins, montre que l'on peut obtenir des anticorps contre n'importe quelle substance. Le système immunitaire peut donc réagir contre tout ce qui lui est présenté. Cela pose le problème de savoir comment fait le système immunitaire pour ne pas reconnaître le soi.

L'ensemble de ces découvertes aboutit à l'oubli total de la théorie cellulaire, et ceci pendant 50 ans à partir de 1900, sans que soit pour autant résolue la question de savoir comment sont produits les anticorps. A partir de la deuxième moitié du 20ème siècle, on redécouvre que le sang contient une multitude de cellules, et l'on s'aperçoit qu'elles dérivent d'un type de cellules particulières, les cellules souches hématopoïétiques. Ces dernières donnent naissance à différents types de lignées : la lignée lymphoïde (qui produira les lymphocytes), la lignée myéloïde (qui produira les lignées phagocytaires, c'est à dire les macrophages, les monocytes, les granulocytes basophiles, neutrophiles, et éosinophiles), la lignée erythroide qui produit les globules rouges. Les anticorps sont produits par des lymphocytes particuliers, de type B. Les lymphocytes de type T produisent, eux, un autre type de molécules de reconnaissance.

Comme souvent dans les polémiques scientifiques les deux théories contribuent à la réalité : des cellules et des molécules sont responsables de l'immunité.

Pour bien comprendre le mode d'action des anticorps, il faut raisonner en terme de reconnaissance. Il faut s'imaginer l'anticorps comme une pince (par exemple anti a) qui s'adapterait parfaitement à l'objet a, qui le reconnaîtrait : la pince anti a est spécifique de l'objet a. En revanche, cette pince anti a reconnaîtrait moins bien un objet b. Tout le système immunitaire va être basé sur ce principe. L'amélioration du système immunitaire, grâce à la vaccination, provient ainsi de l'amélioration de la reconnaissance d'une pince anti x spécifique du bacille du tétanos par exemple, ce qui permettra à cette pince de se débarrasser plus facilement de l'agent pathogène, lors d'une nouvelle rencontre. L'amélioration de cette pince va se faire dans les organes lymphoïdes, rate et ganglions, en une à deux semaines, par hypermutation spécifique des gènes codant cet anticorps (voir plus bas), et c'est cette cellule lymphoïde fabriquant cette pince améliorée qui va rester dans l'organisme dix ou vingt ans. Mémoire et amélioration de la réponse sont donc intimement liées.

Il faut donc un lymphocyte B pour fabriquer un anticorps donné (une pince). Le lymphocyte B porte à sa surface un anticorps que l'on appelle un récepteur et c'est cet anticorps qu'il fabrique. Cette cellule x peut ainsi attraper l'élément X. Il en va de même pour une cellule y avec un élément Y. Le système immunitaire produit ainsi des millions de cellules qui peuvent reconnaître des millions de corps différents. Ainsi, chaque fois qu'un virus, une bactérie ou une cellule greffée est introduite dans l'organisme, il existe un lymphocyte B possédant un récepteur spécifique pour chacun de ces éléments.

C'est dans la moelle osseuse que sont produites, chaque jour, ces cellules, et aucune des cellules produites ne va pouvoir s'attaquer à l'organisme, donc porter de récepteur qui reconnaît le soi. Cela est dû au fait qu'au cours de cette production, dans la moelle osseuse, une cellule qui reconnaît le soi va être éliminée. C'est ce que l'on appelle la sélection négative, qui permet au système immunitaire de reconnaître tout l'extérieur sans attaquer l'intérieur.

Cinq milliards de lymphocytes B sont produits chaque jour dont 95 % vont mourir dans les 48 heures. Il y en a 400 milliards dans le corps, et nous portons en tout approximativement 10 millions de spécificités différentes d'anticorps.

La question de la génération de la diversité (Generation Of Diversity) a interpellé les immunologistes dans les années 70. Il est maintenant connu que le génome ne contient pas plus de 30 000 gènes. Il est donc exclu que chaque anticorps soit codé par un gène différent. Linus Pauling a suggéré que le nombre d'anticorps différents soit en réalité assez restreint, mais que la pince soit assez plastique pour s'adapter à chaque molécule différente qu'elle rencontre. Cette théorie de l'induction s'est cependant avérée fausse.

La compréhension de ce phénomène de GOD s'effectuera grâce à la biologie moléculaire.

En 1954, à Cambridge, Jim Watson et Francis Crick font une des plus belles découvertes du siècle en biologie, et démontrent que le support de l'hérédité est l'ADN, une molécule organisée en une double hélice, qu'utilisent toutes les espèces vivantes. Les longs brins d'ADN sont présents dans chacune de nos cellules, sous la forme repliée et compactée de nos 23 paires de chromosomes. S'ils étaient débobinés et mis bout à bout, ils atteindraient une longueur de 1m40 par cellule. Les brins d'ADN sont composés de la succession de quatre lettres : A, T, G, C que l'on appelle des bases. Le génome humain en compte deux milliards. L'assemblage linéaire de ces bases n'est pas neutre : il s'organise en unités de transcription, des gènes, qui ont un début et une fin, qui codent pour des protéines. Il y a environ 30 000 gènes. Chaque cellule possède le patrimoine génétique complet mais n'exprime qu'un certain nombre de gènes, qui sont différents selon que la cellule est une cellule de rétine ou de peau par exemple. Les autres sont silencieux. Si le gène est exprimé, l'ADN est transcrit en ARN dans le noyau, puis est traduit, dans le cytoplasme, en une protéine, composée d'acides aminés, l'anticorps par exemple, le lymphocyte B 1 exprime l'anticorps 1.

Pour expliquer toutes les spécificités d'anticorps existantes, Susumu Tonegawa démontre qu'il n'existe pas dix millions de gènes, mais que c'est une combinaison qui permet d'aboutir à ce chiffre. Il propose quatre groupes (V, D, J et C) comportant en totalité une centaine d'éléments. Chaque lymphocyte, produit dans la moelle osseuse, va prendre un élément de chaque groupe de manière aléatoire, et ainsi présenter une combinaison unique (par exemple V69D5J4C2) qui va coder pour un récepteur unique. En outre, le réarrangement, la recombinaison entre chacun des segments, se fait de manière imprécise, ce qui aboutit à une diversité supplémentaire. Au moment de l'émigration de la moelle osseuse, il est vérifié pour chaque cellule que la combinaison n'aboutit pas à la production d'un récepteur reconnaissant le soi.

Au moment où l'agent pathogène entre dans l'organisme, il rencontre le lymphocyte B qui a le récepteur spécifique complémentaire de l'antigène à sa surface. Le lymphocyte B va alors sécréter des milliers d'anticorps, identiques au récepteur présent à sa surface, qui vont se lier à l'agent pathogène et l'éliminer. La réponse immédiate du système immunitaire est donc de faire des milliers d'anticorps contre un agent pathogène afin de se fixer à lui et s'en débarrasser.

Quand une bactérie ou un virus sont présents à l'état complet dans le corps, ce sont les lymphocytes B qui vont reconnaître cet agent pathogène par l'intermédiaire de leur anticorps de surface qui va par la suite être sécrété en grande quantité.

Il existe aussi des infections cellulaires, qui sont très rapides, au cours desquelles un virus entre dans l'organisme et va immédiatement se loger à l'intérieur d'une cellule, où il s'intègre dans le génome. Il se sert de la machinerie de la cellule pour subsister : quand les chromosomes se divisent et se répliquent, le virus, qui y est intégré, se réplique aussi, transformant ainsi la cellule en usine à virus. Si ces agents n'ont pas été attaqués lorsqu'ils étaient dans la circulation, le système immunitaire B ne peut plus les reconnaître maintenant qu'ils sont intracellulaires. C'est notre système immunitaire T qui va être capable de s'attaquer aux cellules infectées pour les tuer, et ceci en préservant les cellules saines.

En 1974, Peter Doherty et Rolf Zinkernagel sont à l'origine du concept du soi modifié, qui introduit deux nouveaux acteurs de la réponse immunitaire : le lymphocyte T et le CMH (le Complexe Majeur d'Histocompatibilité, HLA chez l'homme pour Human Leucocyte Antigen), qui représente la carte d'identité biologique d'un individu. Le complexe HLA est formé de trois gènes, A, B et C, présentant chacun 99 types (on parle d'haplotypes). Un individu est par exemple A28B96C3. Ces trois protéines, qui représentent l'équivalent du numéro de sécurité sociale d'un individu, sont présentes à la surface de toutes les cellules de son organisme. Leur rôle premier est de présenter, comme dans une vitrine, un échantillon des protéines présentes dans la cellule, sous forme de fragments peptidiques, que la cellule produit constamment. La plupart du temps, il s'agit de protéines du soi. Si la cellule est infectée par un virus, elle présente aussi des morceaux de virus. C'est cela que reconnaît le lymphocyte T : le soi modifié, le peptide viral présenté dans le contexte du HLA. Le lymphocyte T, qui se différencie dans le thymus, présente lui aussi une pince à sa surface qui reconnaît le HLA, le récepteur T, mais ce dernier n'est jamais sécrété. La cellule T scrute constamment le HLA des cellules qu'elle rencontre. Si elle rencontre une cellule infectée, son récepteur T reconnaît le soi modifié, et le lymphocyte T la tue ; si la cellule rencontrée est saine, il y juste reconnaissance du soi et rien ne se passe. Comme pour le lymphocyte B et l'anticorps présent à sa surface, chaque lymphocyte T porte un récepteur T spécifique à sa surface, soumis aux mêmes règles quant à la génération de la diversité, des groupes de plusieurs centaines de gènes se recombinant de manière aléatoire pour le générer.

En revanche, la sélection des cellules T se fait de manière un peu différente. Alors que la cellule B n'est éliminée que si elle reconnaît, avec une forte affinité, une molécule du soi pendant le développement, la cellule T passe par une étape de sélection supplémentaire. En effet, le lymphocyte T doit reconnaître du soi modifié, c'est à dire un peptide, mais dans le contexte du HLA, alors que le lymphocyte B reconnaît un corps étranger à l'état isolé. Dans le thymus, la cellule T est éliminée si elle reconnaît du HLA qui présente du soi de façon forte : c'est la sélection négative, mais, à la différence de la cellule B, il faut aussi qu'elle reconnaisse un peptide du soi, associé au HLA de façon faible, pour se maintenir dans l'organisme : c'est la sélection positive.

Le dernier partenaire de la réponse immunitaire est le macrophage, une cellule phagocytaire qui lorsqu'elle rencontre une bactérie ou un virus l'intercepte, l'ingère et le dégrade. Le travail d'Elie Metchnikov, en 1900, a beaucoup apporté à la connaissance des macrophages. Il a mis le doigt sur un des acteurs centraux de la réponse immunitaire en remarquant qu'il existait chez l'étoile des mers des cellules capables de se présenter immédiatement au point d'entrée d'un corps étranger, pour l'ingurgiter et le phagocyter. Les rôles du macrophage sont multiples. Non seulement, il phagocyte des micro-organismes infectieux, mais il alerte le système immunitaire, grâce à la sécrétion d'interleukines qui sont des messagers moléculaires, et grâce à la présentation aux lymphocytes des molécules du pathogène.

Lorsqu'un agent pathogène (comme le bacille du tétanos par exemple) pénètre dans l'organisme, il provoque une réponse immédiate (primaire). La première ligne de défense, le macrophage (la réponse innée) reconnaît le virus ou la bactérie, le phagocyte, le fragmente pour le présenter à sa surface avec le HLA et ainsi activer la cellule T, qui est alors en mesure de tuer les cellules infectées qu'elle rencontre en patrouillant dans l'organisme. Dans le même temps, le lymphocyte B approprié reconnaît le bacille du tétanos entier et sécrète les anticorps. Tout est question de rapidité : si l'infection est plus rapide que le système immunitaire, si l'agent pathogène n'est pas tué immédiatement, il peut se propager très vite et provoquer la mort de l'organisme.

Cette réponse primaire a lieu en quelques jours. Si l'infection est endiguée, il faut en garder la mémoire, pendant parfois plus de vingt ans. L'organisation de la mémoire passe par une cellule particulière, le lymphocyte T CD4, à laquelle les macrophages ont aussi présentés l'antigène. Cela va permettre de produire deux types de cellules CD4, l'une chargée d'induire la génération des cellules B à mémoire et la maturation de l'affinité des anticorps, et l'autre d'induire la maturation de la réponse des lymphoctes T. Cette cellule est donc au cSur de la stratégie de défense immunitaire de l'organisme. C'est elle que va reconnaître et détruire le virus du SIDA. C'est pour cette raison que le taux de cellules T CD4 positives dans l'organisme représente un marqueur important de l'évolution de la maladie.

Au niveau spatial, le sang contient donc toutes les cellules concernées par la réponse immune. Lorsqu'un agent infectieux traverse la barrière de la peau suite à une coupure par exemple, les macrophages qui sont présents sur les lieux, le reconnaissent, le phagocytent, et enclenchent une réaction inflammatoire, en sécrétant des cytokines et en recrutant d'autres acteurs, des éosinophiles, rendant les vaisseaux voisins plus perméables, ce qui permet aux cellules présentes dans le sang de rentrer dans le périmètre infecté. Le macrophage chargé d'agents infectieux atteint les organes lymphoïdes, comme la rate et les ganglions, par la circulation lymphatique, et c'est là qu'il active les lymphocytes T et B naïfs spécifiques de l'agent pathogène. Les lymphocytes une fois activés vont revenir sur les lieux de l'infection pour maîtriser celle-ci.

Le système immunitaire ne fonctionne cependant pas toujours aussi bien qu'il le devrait et peut être néfaste pour l'organisme au lieu de le protéger. Charles Richet en a ainsi fait l'expérience en 1902, lorsqu'il a découvert le phénomène d'allergie. Il a piqué son chien une première fois avec une anémone de mer, ce qui n'a pas eu d'effet. Mais, lorsqu'il a recommencé l'opération, le chien en est mort. Au lieu d'avoir provoqué une réaction de vaccination, la piqûre avait provoqué une réaction allergique. Le système immunitaire quand il est déréglé peut ainsi être redoutable, et anéantir un organe, voire un individu. Une maladie auto-immune peut ainsi être déclenchée si l'infection va plus vite que le système immunitaire. La cellule T, activée par un macrophage qui a reconnu l'agent infectieux, tue toutes les cellules infectées, mais, dans le cas, par exemple, où le virus a été plus rapide et a réussi à infecter un organe, ces cellules T vont pouvoir attaquer celui-ci et le détruire. Il peut aussi arriver qu'un antigène bactérien soit identique à un antigène du soi, ce qui peut induire une réaction d'auto-immunité par mimétisme moléculaire : le système immunitaire attaque le soi car il croit combattre l'étranger. Il existe aussi des parties du corps que le système immunitaire ne voit jamais, et donc des antigènes auxquels les lymphocytes n'ont jamais été confrontés (les antigènes séquestrés). Si, à la suite d'un traumatisme ou d'une infection, le système immunitaire entre en contact avec ces antigènes qu'il n'a jamais vu (de l'Sil par ex.) il peut penser qu'il a à faire à du non soi.

En conclusion, il reste de grandes questions à résoudre pour comprendre le fonctionnement du système immunitaire et, notamment, celle de l'amélioration de la réponse. Ce phénomène est connu depuis 50 ans et on commence seulement à comprendre son mécanisme moléculaire. Nous venons de montrer, avec Claude-Agnès Reynaud, que des polymérases spécifiques, dites « error prone », chargées de franchir des lésions lors de la réplication semi-conservative mais, faisant des fautes lorsqu'elles copient l'ADN normal, seraient responsables du processus d'hypermutation permettant cette amélioration.

Par ailleurs, comment expliquer le phénomène, assez étonnant, de la mémoire immunitaire qui permet à une cellule de rester des décennies dans l'organisme, tout en gardant la mémoire de sa première rencontre avec l'antigène ?

 

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LE CERVEAU

 


Notre cerveau est-il comparable à Internet ?


Une étude réalisée sur 40 ans et analysant plus de 16.000 connexions neuronales a permis de fournir une cartographie précise du cortex cérébral.

DÉCOUVERTE. Pendant des années, les neuroscientifiques se sont mis à la recherche d'indices sur le fonctionnement du cerveau grâce à sa structure, notamment le rôle des lobes et les circonvolutions. Plus récemment, ils se sont intéressés à la manière dont les neurones sont connectés entre eux, grâce à l'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf).


Un "mini-Internet" dans le cerveau
Selon une nouvelle étude réalisée sur des cerveaux de rats, les réseaux neuronaux sont proches d'un autre réseau qui nous est familier. "Le cortex cérébral de la souris est comme un mini-Internet, conclut l'équipe de Larry Swanson, professeur à l'Université de Californie du Sud, dans une étude qui vient d'être publiée dans PNAS. Le web comporte d'innombrables réseaux locaux qui sont reliés à des réseaux régionaux, qui eux-mêmes sont connectés à l'épine dorsale. Le cerveau fonctionne de manière similaire", a déclaré le chercheur dans un communiqué. En effet, comme le montre l'illustration ci-dessous, le cortex cérébral d'un rat est composé de quatre réseaux : deux réseaux locaux (en bleu et rouge) constituent la "partie interne" du cortex cérébral du rat : l'un coordonne la vision et l'apprentissage, l'autre la fonction musculaire et d'autres organes. Un autre réseau, plus important (en vert) gère l'odorat. Enfin, un dernier (en jaune) assemble et donne un sens à l'ensemble des informations provenant des trois autres réseaux.

"Cette cartographie met en évidence le fait que certains flux d'information sont génétiquement "câblés" dans le cerveau, explique Larry Swanson. Les données étaient déjà là ; il fallait juste les compiler dans un format exploitable." En effet, le chercheur a créé une base de données de plus de 16.000 connexions neuronales (provenant de 1.923 cerveaux de souris), dont il évalue à la fois la force de la connexion et la fiabilité de la méthodologie utilisée pour le découvrir. Le processus a pris plus de 4.000 heures pour regrouper l'ensemble des données, disponibles en libre accès.

Des "hubs" impliqués dans des maladies neurodégénératives et des crises d'épilepsie
L'équipe de chercheurs a ensuite identifié les réseaux locaux, et a découvert des "hubs" - des centres fortement interconnectés et cruciaux pour relier les réseaux locaux ensemble. Des recherches antérieures ont montré que les régions identifiées par l'équipe comme des "hubs" peuvent être, lorsqu'elles sont endommagées, à l'origine de maladies neurodégénératives et de crises d'épilepsie.


HUMAIN. Les chercheurs se sont essentiellement appuyés sur des études de cerveaux de rats, tout simplement car le milieu scientifique dispose d'une quantité remarquable de données chez cet animal. Dans l'avenir, Larry Swanson espère être en mesure d'élargir cette cartographie à l'ensemble du système nerveux. Ainsi, elle pourrait créer un lien entre l'étude du cerveau de rats et celle du cerveau humain. "Avoir une cartographie du cerveau de rat permet de faire circuler les connaissances entre les études humaines et animales, précise le chercheur. Cela nous permettra de vérifier si les découvertes faites chez l'animal sont susceptibles d'être appliquées chez l'homme", conclut-il.

 

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