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Pour la plupart d'entre nous, la musique
est un magnifique divertissement qui
agrémente nos activités quotidiennes et
nos relations sociales. Se réduit-elle pour
autant à cela ? Il semble que notre époque
ait oublié les vertus mobilisatrices de la musique
pour l'intellect au profit de ses seuls aspects hédonistes.
Pourtant, dès l'Antiquité, les Grecs accordaient
à la musique une valeur formatrice. Elle
faisait partie de l'idéal éducatif de tout homme libre.
Cette relation entre musique et intellect s'est poursuivie
d'une façon ou d'une autre pendant toute
l’histoire de la culture occidentale. L’essor des
sciences du cerveau nous permet-il aujourd’hui de
mieux éclairer ces relations entre musique et esprit ?
Il est avéré que la musique modifie l’organisation
cérébrale de ceux qui l’écoutent et la pratiquent
intensément, et que cette modification entraîne
des effets positifs pour l’acquisition de nombreuses
aptitudes cognitives fondamentales. Toutes les
musiques ont-elles pour autant le même pouvoir
stimulant pour les activités intellectuelles ? Il ne
s’agit pas bien sûr d’entrer ici dans un débat normatif
qui séparerait la « bonne » de la « mauvaise »
musique, mais d’essayer de comprendre les relations
entre musique et compétence cognitive, entre
musique et cerveau.
Le cas de la musique contemporaine semble particulièrement
intéressant. Cette musique est si déroutante
pour nos habitudes d’écoute, qu’on la dit
dépasser l’entendement humain. En prenant à revers
le sens commun, elle lance un défi au cerveau, défi
dont certains doutent qu’il puisse jamais être relevé.
Peut-on imaginer que l’on écoutera Boulez et Stockhausen
dans quelques décennies avec autant d’aisance
que nous écoutons Mozart et Ravel ? Si tel
devait être le cas, que se serait-il passé dans notre
cerveau qui rende compte de ce changement ? C’est
ce que nous allons examiner.
Comment passer de Bach
à Stockhausen ?
On désigne couramment par musique contemporaine,
la musique savante (par opposition à la
musique populaire) composée depuis 1945. La
musique née de l'avant-garde des années 1950 a
longtemps marqué les esprits parce qu’elle rompait
totalement avec le passé. Après la Seconde Guerre
mondiale, les compositeurs ont ressenti le besoin
d'un langage musical neuf. Ils ont donc rejeté une
bonne partie des principes qui gouvernaient la
composition depuis le XVIIe siècle, notamment la
présence d'une mélodie identifiable, la régularité
rythmique et l'organisation des sons par des tonalités
(do majeur, la mineur, etc.). C'est tout d'abord
en reprenant et en radicalisant le système sériel
que des musiciens tels Pierre Boulez, Karlheinz
Stockhausen, Henri Pousseur ou Luigi Nono ont
renouvelé les concepts de base de la musique occidentale
(voir l’encadré page ??).
Dans les années 1920, c’est le compositeur autrichien
Arnold Schönberg (1874-1951) qui, après
une période de composition libre, a défini le système
sériel. Ce système ordonne les 12 notes de la gamme
chromatique (do, do dièse, ré, ré dièse, etc. jusqu’à
si) sans faire appel à une hiérarchie entre les sons,
contrairement à la musique tonale (dans la tonalité
de do majeur, do et sol ont plus de poids que
les autres notes). Les notes sont ordonnées en fonction
d'intervalles choisis au préalable par le compositeur.
Cette série de 12 notes et ses transformations
servent de matériau de base à la pièce.
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