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La marche, c’est toute une science! |
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La marche, c’est toute une science!
07.01.2019, par Francis Lecompte
Les premières études de la marche ont été rendues possibles grâce à la chronophotographie, inventée par le physiologiste Étienne-Jules Marey en 1892.
PVDE/ Bridgeman Images
Mettre un pied devant l’autre, rien de plus simple en apparence. Les chercheurs en neurosciences et en biomécanique vont pourtant de surprise en surprise, comme lorsqu’ils découvrent que l’on peut (presque) se passer de notre cerveau pour marcher.
(Cet article est paru initialement dans le numéro 5 de notre revue Carnets de science)
« Vous allez effectuer une quinzaine de pas vers le fond de la salle, puis faire demi-tour et revenir au point de départ. » Tellement simple ! Ce n’est sans doute qu’un petit échauffement, avant de passer aux choses sérieuses. On se met donc en marche tranquillement sur le sol recouvert de dalles intelligentes, comme on irait vers la machine à café, mais l’assistant scrute déjà avec la plus grande attention l’écran de son ordinateur. Quelques allers-retours plus tard, un coup d’œil aux graphiques qui s’affichent sur l’imprimante suffit pour comprendre que l’exercice n’est pas une banale promenade de santé. Longueur et fréquence des pas, écartement des pieds, force du corps sur le sol à chaque mouvement, délai de réaction au moment de faire demi-tour… : c’est un nombre étonnant de données qui s’accumulent.
Quand on nous invite à suivre la vidéo en 3D d’un étudiant foulant un tapis roulant, bardé de capteurs de la tête aux mollets, et que l’on observe tous les mouvements des hanches, du genou et du pied, jusqu’aux poussées des muscles du marcheur, transformé en silhouette bionique, le doute n’est plus permis. Ces instants passés dans le laboratoire de l’Institut des neurosciences cognitives et intégratives d’Aquitaine (Incia)1, à l’Université de Bordeaux, nous font entrevoir que mettre un pied devant l’autre est un exercice beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît !
Des neurones dans la moelle épinière
Nous n’avons encore rien vu. Deux étages plus haut, dans le laboratoire qui jouxte le bureau de Jean-René Cazalets, responsable de la plateforme d’étude de la motricité, on découvre que marcher n’est ni une activité consciente, directement pilotée par le cerveau ni une activité réflexe des muscles des jambes, comme on l’a cru jusqu’au début du XXe siècle. Elle est en fait commandée par un réseau de neurones autonome tout à fait original. Au microscope, on observe ainsi un fragment de moelle épinière prélevée sur un tout jeune rat. On distingue parfaitement les racines ventrales, de très minces filaments qui reliaient la moelle aux muscles de l’animal. Au moyen d’un liquide physiologique, composé principalement de sodium, de potassium et de calcium, et en l’alimentant en oxygène, il est possible de maintenir cette moelle épinière en vie toute une journée, explique le chercheur. « Quand on lui donne ce carburant en continu, les électrodes posées sur les racines ventrales enregistrent une pulsion rythmée, un coup à droite, un coup à gauche, qui accélère peu à peu jusqu’à la vitesse de locomotion du rat. » Autrement dit, si les muscles étaient encore reliés à la moelle épinière, on les verrait se contracter, et cela alors qu’il n’y a plus aucune connexion avec le cerveau !
Moelle épinière de rat. Les électrodes posées sur les racines ventrales qui reliaient la moelle aux muscles de l’animal enregistrent une pulsion rythmée, un coup à droite, un coup à gauche, comme dans la locomotion.
Didier MORIN/INCIA
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On pense forcément à la fameuse histoire du poulet sans tête qui continue à courir pendant quelques secondes. Jean-René Cazalets préfère évoquer celle du martyr Denis de Paris, décapité au IIIe siècle sur la colline de Montmartre et descendant tranquillement avec sa tête sous le bras jusqu’au futur site de la basilique portant son nom. L’image est plus frappante, car elle met en scène la marche et la locomotion humaines, pour lesquelles la science a retrouvé un intérêt profond ces trois dernières décennies.
Ce sont les neurones situés dans la moelle épinière qui déclenchent la marche en toute autonomie, le cerveau se "contentant" d'initier le mouvement.
Dès le début du XXe siècle, pourtant, un physiologiste écossais, Thomas Graham Brown, avait remis en cause la théorie du réflexe admise à l’époque. Celle-ci voulait que lorsqu’on étire un muscle, celui-ci réagisse par une contraction. Le mécanisme était simple : si on se met à bouger la jambe en avant, le muscle antagoniste, c’est-à-dire le muscle qui n’a pas effectué le mouvement mais s’est retrouvé étiré, se contracte par pur réflexe et ramène la jambe en arrière. Puis le premier réagit à son tour pour ramener la jambe vers l’avant, et ainsi de suite.
Brown, qui était aussi un alpiniste chevronné, trouvait cette théorie bien trop élémentaire. Il observa sur un chat (cet animal était le « cobaye » préféré des chercheurs de l’époque) que si l’on coupait la communication entre moelle épinière et cerveau, et que l’on sectionnait les racines dorsales chargées de « remonter » vers la moelle épinière les informations sensorielles en provenance des muscles (mais aussi des tendons, de la peau…), il persistait pendant plusieurs dizaines de secondes des contractions rythmiques et alternées des muscles de la cheville, flexion et extension, comme dans la locomotion. Et cela alors même que ce qu’on appelle « l’information réflexe » du muscle ne pouvait plus être véhiculée jusqu’à la moelle épinière et au cerveau. Autrement dit, même privé d’informations en provenance du cerveau et des organes périphériques (les muscles, les tendons, la peau, etc.), le chat pouvait faire bouger sa cheville. « Brown a ainsi fait pour la première fois la démonstration que la moelle épinière contient des structures neuronales autonomes, capables d’organiser elles-mêmes la motricité », conclut Jean-René Cazalets.
Il a fallu attendre les années 1990 et la mise au point de nouvelles techniques physiologiques permettant de maintenir en vie un système nerveux isolé (une fois prélevée, la moelle « meurt » en quelques dizaines de secondes) pour confirmer la présence de ce réseau de neurones dans la moelle épinière des mammifères et en comprendre le fonctionnement.
Camille QUILGARD, Sandrine BERTRAND/INCIA
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« Nous avons désormais bien identifié le générateur central du patron moteur (CPG, en anglais, pour Central Pattern Generator), c’est-à-dire le mécanisme qui est capable de produire une activité locomotrice en l’absence du cerveau, indique Frédéric Brocard, directeur de recherche à l’Institut de neurosciences de La Timone2 (INT), à Marseille. On sait aussi que ce réseau est localisé dans le bas du dos, et qu’il génère l’alternance droite-gauche des mouvements locomoteurs lors de la marche, ainsi que son rythme. » Le cerveau se contente, si l’on peut dire, de commander le début du mouvement ou de le stopper, et cela aussi souvent qu’un obstacle se présente ou qu’un changement de direction est nécessaire.
Une fois le mouvement initié, ce sont les neurones situés dans la moelle épinière qui déclenchent la marche basique en toute autonomie. En plus des motoneurones, qui commandent la contraction des muscles, les avancées en génie génétique ont permis d’identifier la nature des neurones du CPG locomoteur, appelés « interneurones ». Parmi eux, les interneurones « excitateurs » impriment le rythme de la marche et les interneurones « inhibiteurs » assurent le maintien de l’alternance droite-gauche. « Une autre singularité des interneurones est qu’ils possèdent une activité rythmique autonome, ajoute Frédéric Brocard, à l’instar de celle qui, au sein de notre cœur, impulse le rythme cardiaque. »
Des modèles mathématiques précis
D’autres avancées, plus technologiques, réalisées dans la capture et l’analyse du mouvement, ont contribué à mieux comprendre les mécanismes de la marche. Le pionnier est français et s’appelle Étienne-Jules Marey, un physiologiste. Il a mis au point en 1892 la chronophotographie, un procédé photographique qui décompose les mouvements de la marche, de la course ou du vol des oiseaux et qui a notamment permis de comprendre le galop chez le cheval. La biomécanique, qui étudie la physique de la locomotion, n’est pourtant qu’une discipline toute récente. « Le terme n’est apparu que dans les années 1970, et encore de manière confidentielle, raconte Frédéric Marin, enseignant-chercheur à l’Université de technologie de Compiègne. C’est surtout l’essor technologique et numérique de la fin du XXe siècle qui a ouvert les possibilités de capter et de mesurer les mouvements humains de façon précise. » Notamment grâce aux caméras numériques associées à des algorithmes de reconstruction 3D et aux centrales inertielles qui détectent l’accélération et la vitesse angulaire, comme celles qui orientent l’écran des téléphones portables.
Grâce aux caméras numériques et aux algorithmes de reconstruction 3D, on peut modéliser précisément le système musculaire et squelettique impliqué dans la marche bipède.
De quoi dresser un modèle mathématique précis du système squelettique et musculaire impliqué dans la marche bipède. Le pas est décomposé en différentes phases, dont les principales sont : le démarrage, quand le pied décolle, puis l’oscillation, c’est-à-dire le moment où il est en suspens, la réception, lorsque le talon entre en contact avec le sol et, enfin, l’appui, lorsque tout le poids du corps repose sur une jambe. L’oscillation, par exemple, a lieu en moyenne aux deux tiers du mouvement global. À l’intérieur de ce schéma temporel, le modèle décrit à la milliseconde près les angles de rotation et de flexion des articulations (hanche, genou, cheville, pied), les forces qui s’exercent sur elles, l’activité électrique des muscles, etc.
« Comme la marche présente cet avantage d’être une activité cyclique et régulière, stéréotypée et reproductible, commente Frédéric Marin, on dispose, grâce à ces mesures, d’un tableau musculo-squelettique assez complet de l’être humain adulte qui permet de déduire son état de santé. » Il y a certes des paramètres spécifiques, ne serait-ce déjà qu’entre les femmes et les hommes, ou évolutifs avec l’âge, et il reste quelques zones d’ombre, notamment dans la compréhension des articulations du genou et du pied, plus complexes que celle de la hanche. Mais ces modèles d’un fonctionnement normal de la marche sont suffisamment précis pour servir de référence dans le cadre d’observations cliniques.
IDF INNOV (Financeur du projet)
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Un révélateur de l’état de santé
Car les perspectives thérapeutiques ouvertes par ces connaissances justifient en grande partie l’intérêt que les laboratoires portent à la marche, et le monde médical y participe d’ailleurs activement. Du fait qu’elle est un système complexe, qui met en jeu à la fois le squelette, les muscles et le système nerveux, elle est un bon indicateur de l’état de santé général et se révèle utile dans la détection, le traitement ou le suivi de pathologies. « Dans le cas d’une rééducation après un accident ou le remplacement des ligaments du genou, par exemple, on peut suivre comment évoluent les paramètres de marche du patient, explique Frédéric Marin. Et cela aussi bien sur le plan purement cinématique, c’est-à-dire en observant uniquement les mouvements, que d’un point de vue dynamique, en regardant les forces qui provoquent ce mouvement. » En mesurant les temps d’appui ou leur puissance, la symétrie des pas ou leur asymétrie (comme quand on dit de quelqu’un qu’il a le pas lourd), on peut vérifier l’efficacité d’un traitement, mais aussi évaluer celle de certains équipements, comme les semelles orthopédiques.
La seule observation de la marche aide à détecter précocement les troubles neurologiques, comme les maladies d’Alzheimer ou de Parkinson, qui entraînent des dysfonctionnements de la locomotion. Identifier et quantifier ces dysfonctionnements, ainsi que leur fréquence et leur amplitude donne des indications sur le degré de la pathologie et de son évolution. Le freezing gait (le « pas suspendu »), ce moment où le patient s’arrête brutalement, comme s’il avait perdu l’automatisme de la marche, est un bon indicateur de la maladie de Parkinson. Des pathologies directement liées à la locomotion trouvent également leur explication. C’est le cas des phénomènes de spasticité, ces contractions musculaires très fortes et douloureuses, qui entravent gravement la mobilité des personnes. « Pour que la moelle épinière fonctionne normalement, il faut qu’il y ait un équilibre entre excitation et inhibition, explique Frédéric Brocard. Si cet équilibre est rompu à cause d’une lésion, les interneurones excitateurs deviennent hyperactifs, les inhibiteurs beaucoup moins, ce qui entraîne une hyperexcitabilité de la moelle, qu’elle va transmettre aux muscles, via les motoneurones. »
La seule observation de la marche aide à détecter précocément les troubles neurologiques, comme Alzheimer et Parkinson.
On a longtemps cru que le problème venait des muscles. On sait maintenant qu’il est lié au système nerveux autonome situé au niveau de la moelle épinière, et plus précisément encore, qu’il provient du dérèglement d’un petit canal transmettant du sodium aux motoneurones. Il pourrait être corrigé grâce à une molécule utilisée dans le traitement de la maladie de Charcot. Mais ce n’est là qu’un des mécanismes parmi une myriade d’autres encore à identifier.
Le seul fait d’avoir localisé précisément le CPG, « siège » des interneurones responsables du rythme locomoteur, ouvre déjà la porte à des améliorations notoires de la mobilité chez des personnes paraplégiques. « Aux États-Unis, raconte Jean-René Cazalets, on a glissé des électrodes entre leur vertèbre L2 et la moelle épinière, à hauteur du CPG. Si on les stimule, on observe des mouvements plus réguliers que les mouvements chaotiques habituels chez ces patients. En combinant ce dispositif avec de l’entraînement sur tapis roulant, il semble qu’e l’on puisse restaurer au moins en partie la fonction de locomotion, même si cela reste encore débattu parmi les chercheurs. »
En France, l’un des laboratoires de neurosciences et de neurophysiologie les plus engagés dans la collaboration avec le monde médical est celui que dirige Pierre-Paul Vidal : Cognac-G3 (pour Cognition and Action Group). Il inclut des médecins du service de santé des Armées et des hôpitaux de Paris, des neurophysiologistes et des ingénieurs du CNRS, qui travaillent en lien étroit avec le Centre de mathématiques et de leurs applications (CMLA)4 de l’École normale supérieure de Paris-Saclay. « L’un de nos objectifs est de récupérer le plus de données possible auprès de tous les services qui travaillent avec nous, explique Laurent Oudre, l’un des mathématiciens du groupe, afin de constituer une base de données la plus riche possible sur les maladies du système nerveux et les troubles de la locomotion associés. »
Une tablette d’aide au diagnostic
En parallèle, les informaticiens et les mathématiciens ont travaillé, ces trois dernières années, à la conception d’une tablette électronique, très simple à l’usage, destinée aux médecins comme aide au diagnostic. Les premiers prototypes, programmés pour la détection de la sclérose en plaques, circulent dans le monde médical depuis quelques mois. « La tablette, des capteurs sans fil et un couloir de 10 mètres pour faire marcher la personne suffisent, raconte le mathématicien. Les algorithmes font le reste. » Des algorithmes qu’il a fallu coder, quand les chercheurs se sont aperçus que ceux utilisés dans les Smartphones pour calculer le nombre de pas ou les performances des joggeurs, par exemple, étaient inutilisables dans le cas de certaines pathologies. Des patients qui viennent de subir un accident vasculaire cérébral ou les personnes très âgées avancent, en effet, de manière très précautionneuse ; certains même glissent le pied pour avancer au lieu de soulever la jambe. Or les applications classiques n’enregistrent le signal que grâce à la secousse que fait le pied en touchant le sol. « On a passé du temps avec les médecins pour observer les mouvements du pied et de la jambe, ce qui nous a conduits à remettre pas mal de choses en cause sur la description de la marche », indique Laurent Oudre.
Car le travail d’analyse de la marche est loin d’être fini pour les chercheurs, qui se sont surtout concentrés sur les membres inférieurs ces dernières années. Or marcher ne mobilise pas que nos jambes. « Regardez ces pauvres robots, tellement piètres marcheurs, parce que leur tronc se limite à une boîte portée par deux jambes », explique Jean-René Cazalets, à Bordeaux. Celui-ci a filmé sa fille alors qu’elle était en plein apprentissage de la marche : l’enfant démarre en lançant une jambe vers l’avant, mais le tronc reste en arrière et manque de la déséquilibrer. « La marche, c’est une posture dynamique qui coordonne le tronc et les jambes », insiste-t-il. Le chercheur a donc décidé de s’intéresser à l’ensemble des muscles et à la colonne vertébrale. « Quand on demande au sujet de marcher, décrit-il, on observe une propagation, comme une vague, qui part du haut du dos et se propage le long des vertèbres : il ne s’agit pas d’un simple mouvement mécanique passif, c’est le résultat, là encore, du déroulement du programme moteur généré par les réseaux d’interneurones. »
La marche n’implique pas que les membres inférieurs. Des marqueurs réfléchissants pour le motion capture permettent de reconstruire la cinétique de la locomotion : on voit le mouvement se propager le long de la colonne vertébrale.
Loïc GRATTIER/INCIA ; Jean-René CAZALETS/Christophe HALGAND/CNRS Photothèque
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Cela n’est pas sans lui rappeler le système de locomotion de la lamproie ou de l’anguille : ces poissons prennent appui sur l’eau, puis utilisent leur tronc pour se propulser. Si notre tronc d’humains bipèdes ne nous sert pas à la propulsion, il continue de participer au mouvement. « On peut imaginer que, quand les membres postérieurs sont apparus, ils ont pris le contrôle sur l’ensemble de la motricité, avance le chercheur, mais la nature n’a pas réinventé l’ensemble du mécanisme. » Une hypothèse à confirmer, qui suggère que la marche peut nous conduire encore très loin vers d’autres révélations. ♦
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La biomécanique pour comprendre l'évolution
La question taraude tous les spécialistes de la marche : pourquoi l’homme est-il la seule espèce animale à pratiquer la bipédie de manière permanente ? Les outils qu’ils ont développés aident aujourd’hui leurs collègues paléoanthropologues, qui étudient la locomotion de nos lointains ancêtres, à répondre à cette vaste question. « Les os fossilisés et les empreintes dont nous disposons sont trop fragmentaires pour tirer des conclusions définitives sur le mode de locomotion des premiers hominidés, raconte Gilles Berillon, paléoanthropologue au laboratoire Histoire naturelle de l’homme préhistorique5. Grâce aux outils de modélisation utilisés par les biomécaniciens et les spécialistes de la simulation du mouvement6, nous pensons proposer des types plausibles de locomotion pour chaque espèce en fonction de la configuration de leurs pelvis, genoux… » Afin d’élargir le modèle anatomique de référence, paléoanthropologues et biomécaniciens ont décidé d’y intégrer, en plus de l’homme, nos cousins primates qui pratiquent la bipédie de façon occasionnelle… Ils font ainsi marcher des babouins équipés de capteurs sur des tapis roulants !
Objectif, à terme : reconstituer au mieux le type de bipédie que pratiquaient Lucy, il y a 3,2 millions d’années, Orrorin, 3 millions d’années plus tôt ou Néandertal, moins de 100 000 ans avant nous. Car, contrairement à ce que l’on a longtemps cru, l’évolution de la bipédie ne se serait pas faite de manière linéaire, d’une marche chaotique vers une marche de plus en plus efficace. Toutes les espèces d’hominidés ont testé différents mécanismes de bipédie (rééquilibrage avec le mouvement alterné des bras, voussure du pied, genoux écartés ou non, fléchis ou non…) avec plus ou moins d’efficacité. Le fémur d’Orrorin, de 6,5 millions d’années, est par certains aspects de sa morphologie plus proche du nôtre que ne l’est celui de Lucy, et son aptitude à la bipédie ne fait plus aucun doute. Quant au pied d’Ardipithecus ramidus, de 4,5 millions d’années, il semble déjà capable de propulsion et pas seulement adapté au grimper ou à la saisie d’objets. ♦
Notes
* 1.
Unité CNRS/École pratique des hautes études/Université de Bordeaux.
* 2.
Unité CNRS/Aix-Marseille Université.
* 3.
Unité CNRS/Université Paris-Descartes/ministère des Armées/École normale supérieure Paris-Saclay.
* 4.
Unité CNRS/École normale supérieure Paris-Saclay.
* 5.
Unité CNRS/Muséum national d’histoire naturelle/Univ. Perpignan Via Domitia).
* 6.
Laboratoire Mouvement sport santé (M2S), à Rennes, et Laas, à Toulouse.
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Découverte du mécanisme cérébral impliqué dans la réponse face au danger |
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Découverte du mécanisme cérébral impliqué dans la réponse face au danger
COMMUNIQUÉ | 29 JUIL. 2021 - 10H00 | PAR INSERM (SALLE DE PRESSE)
NEUROSCIENCES, SCIENCES COGNITIVES, NEUROLOGIE, PSYCHIATRIE
Cellules neuronales/ Onimate © Adobe Stock
Chez l’humain et l’animal, la réponse défensive est un mécanisme de notre cerveau qui nous permet de réagir efficacement face à un danger. L’une des principales réponse défensive est l’évitement. Mais l’évitement excessif en l’absence de menace réelle est un marqueur de pathologies liées à l’anxiété, et les mécanismes neuronaux qui en sont à l’origine sont encore mal compris. Une équipe de chercheurs de l’Inserm et de l’Université de Bordeaux au Neurocentre Magendie a récemment révélé l’interdépendance de deux régions du cerveau, l’amygdale basolatérale et le cortex préfrontal dorsomédial, dans ce mécanisme. Ces nouvelles données, publiées dans la revue Nature, permettent d’ouvrir de nouvelles pistes pour traiter les patients atteints de troubles de l’anxiété, en ciblant directement les régions du cerveau qui en sont à l’origine.
Lorsqu’un danger est proche, on retrouve chez l’humain et l’animal un mécanisme d’évitement, qui lui permet de prendre la fuite pour se protéger. Chez certaines personnes, cette réponse défensive est disproportionnée, se produit en dehors de tout danger et est symptomatique d’un trouble de l’anxiété. Connaître les mécanismes du cerveau qui sont à l’origine de cette réaction est crucial pour ouvrir des pistes thérapeutiques durables et efficaces sur les patients atteints de ces troubles.
Le rôle clé de l’amygdale et du cortex préfrontal dans la réponse d’évitement
Il existe deux principales réactions défensives : l’immobilité lorsque le danger est éloigné, et l’évitement lorsqu’il est proche. Si les mécanismes de la première sont bien connus des scientifiques car plus faciles à étudier (il est en effet plus simple d’observer les modifications neuronales sur un animal immobile) ceux de la seconde demeurent mal connus. Depuis ces dix dernières années, les scientifiques savaient que deux régions du cerveau, l’amygdale basolatérale et le cortex préfrontal dorsomédial, étaient impliquées mais ignoraient dans quelle mesure elles travaillaient ensemble pour déclencher cette réaction d’évitement.
L’équipe de Cyril Herry au Neurocentre Magendie a observé chez les souris les mécanismes neuronaux-sous-jacent à l’origine de l’évitement. Pour cela, les chercheurs ont placé des souris dans un labyrinthe composé de deux compartiments. Dans l’un d’eux, un son désagréable était émis, associé à une menace. La souris avait alors la possibilité de fuir dans l’autre compartiment, arrêtant ainsi le son associé à un danger.
Pour comprendre le rôle de l’amygdale et du cortex préfrontal dans cette stratégie d’évitement, les chercheurs ont désactivé temporairement ces deux régions chez les souris pendant l’expérience. Ils ont ensuite utilisé les approches optogénétique[1] couplées à des enregistrements de l’activité électrique des neurones, afin de manipuler et d’observer en temps réel au niveau neuronal les modifications comportementales qui se produisaient. Le résultat est significatif : au moment où la souris reçoit le stimulus auditif, quelle que soit la région désactivée (amygdale ou cortex préfrontal), la réponse d’évitement est fortement perturbée. Cela démontre le rôle clé de ces deux régions du cerveau, à la fois dans la reconnaissance d’une menace, et dans la réponse d’évitement.
En outre, les chercheurs ont découvert que le cortex préfrontal associe non seulement le son à une menace, mais contrôle l’action à venir. En effet, une seconde avant que la décision de fuir ne soit prise chez la souris, les chercheurs ont constaté une activation des neurones dans le cortex préfrontal. L’amygdale intervient ensuite pour faire persister au sein du cortex préfrontal cette association entre le son désagréable et la prise de décision de l’animal. Le maintien de cette information dans le cortex préfrontal grâce à l’amygdale est ce qui permet in fine à l’animal de prendre la décision de fuir.
Le mécanisme d’évitement est donc conditionné par l’interaction entre l’amygdale et le cortex préfrontal.
Une avancée prometteuse pour traiter les troubles de l’anxiété grâce à l’intelligence artificielle
L’intelligence artificielle permet de prédire le comportement de l’animal à partir de schémas de l’activité neuronale passée. Néanmoins cette technique avait rarement été appliquée dans les recherches liées aux comportements émotionnels.
Dans cette étude, l’IA a été mobilisée pour prédire le comportement de l’animal en présence d’une menace, et cette technique est tout-à-fait applicable à l’humain.
Bien que cette méthode n’aie encore jamais été testée chez l’homme, « il serait possible avec l’intelligence artificielle de prédire ,en fonction d’un enregistrement en temps réel de l’activité du cerveau, quel va être le comportement de tel ou tel individu dans une situation émotionnelle négative et éventuellement de développer des outils qui permettent réguler en temps réel les modifications neuronales qui y sont associées » souligne Cyril Herry, co-auteur de l’étude. Il s’agit d’une avancée importante pour les patients atteints de stress post-traumatique ou d’anxiété généralisée, qui ont une réaction d’évitement excessive en l’absence de menace réelle. Pouvoir prédire les modifications neuronales associées à cette anxiété permettra de traiter les symptômes en temps réel, et d’en cibler les causes physiologiques profondes.
[1]L’optogénétique consiste à modifier génétiquement certaines cellules neuronales pour les rendre sensibles à la lumière. Cela permet par exemple d’activer ou d’inhiber certains neurones bien ciblés grâce à un rayon de lumière, sans toutefois affecter les neurones voisins. Ainsi, cette technique permet de trouver des liens de causalité entre des activités neuronales et des manifestations comportementales.
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Comprendre l’épuisement du système immunitaire pour mieux soigner les cancers et les infections chroniques |
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Comprendre l’épuisement du système immunitaire pour mieux soigner les cancers et les infections chroniques
COMMUNIQUÉ | 13 SEPT. 2021 - 10H00 | PAR INSERM (SALLE DE PRESSE)
IMMUNOLOGIE, INFLAMMATION, INFECTIOLOGIE ET MICROBIOLOGIE
Les cellules infectées par le virus de l’hépatite C accumulent de grosses gouttelettes lipidiques, un phénomène appelé stéatose qui contribue au développement d’une fibrose du foie chez les patients atteints d’hépatite chronique C. © Inserm, P. Roingeard
Les infections chroniques et les cancers induisent un épuisement fonctionnel des lymphocytes T, cellules clés du système immunitaire. Ceux-ci ne sont alors plus en mesure d’assurer correctement leur fonction. La revitalisation des lymphocytes T épuisés est un enjeu thérapeutique majeur. Les travaux des chercheurs et enseignants-chercheurs de l’Inserm et d’Université de Paris à l’Institut de Recherche Saint-Louis, en collaboration avec des équipes de l’université de Harvard (États-Unis) suggèrent qu’une intervention thérapeutique précoce est essentielle pour préserver la fonctionnalité des cellules T et que, passé un certain délai, les lymphocytes T développent des anomalies de l’expression des gènes et ne peuvent plus récupérer complètement. Ces travaux améliorent grandement les connaissances actuelles des mécanismes d’épuisement du système immunitaire et identifient de nouvelles cibles thérapeutiques potentielles pour le traitement des cancers et des infections chroniques. Les résultats sont publiés dans la revue Nature Immunology.
Les lymphocytes T sont des cellules clés de la réponse immunitaire adaptative. Responsables de l’immunité cellulaire, leur rôle est de détruire les cellules de l’organisme infectées par un virus ou les cellules tumorales. Toutefois, en cas d’infection chronique ou de cancer, on observe un épuisement des lymphocytes T au cours du temps. En d’autres termes, stimulés de manière chronique par des protéines virales ou tumorales, les lymphocytes T ne sont plus en mesure d’assurer leur fonction et de tuer les cellules infectées ou cancéreuses. Ils ne peuvent pas se différencier en lymphocytes T mémoires, capables d’induire une réponse immunitaire de rappel en cas de nouvelle infection ou de rechute du cancer.
Ce dysfonctionnement se traduit par des altérations génétiques et moléculaires qui ont longuement été étudiées par les scientifiques, afin de comprendre comment cet épuisement des lymphocytes T se met en place. Par ailleurs, la revitalisation des lymphocytes T épuisés est un enjeu thérapeutique majeur et tout un autre pan de la recherche s’intéresse à la manière d’y parvenir. On sait aujourd’hui que certaines immunothérapies peuvent conduire à cette revitalisation des lymphocytes T, mais elles fonctionnent de manière inégale d’un patient à l’autre.
La nouvelle étude menée par le chercheur Inserm Pierre Tonnerre et ses collègues à l’Institut de Recherche Saint-Louis (Inserm/Université de Paris), en collaboration avec des équipes de l’université de Harvard aux États-Unis, s’est intéressée aux mécanismes d’épuisement des lymphocytes T dans le contexte d’une infection par le virus de l’hépatite C.
L’hépatite C est aujourd’hui la seule infection virale chronique dont il est possible de guérir complètement grâce aux antiviraux à action directe (AAD).
Dans ce travail, les chercheurs et chercheuses ont étudié les caractéristiques fonctionnelles et moléculaires des lymphocytes T issus de 20 patients infectés de longue date par le virus de l’hépatite C et traités avec des AAD pendant 12 semaines dans le cadre d’un essai clinique. L’idée était d’étudier comment les lymphocytes T épuisés changeaient lorsqu’ils n’étaient plus stimulés de manière chronique par les protéines virales, une fois les patients guéris.
Ils ont d’abord observé que, suite aux 12 semaines de thérapies, chez les patients guéris, les lymphocytes T semblent se différencier et acquérir les caractéristiques de lymphocytes T mémoires normaux. Cependant, il ne s’agit que d’un leurre : en regardant de plus près, ils ont remarqué que les paramètres clés qui déterminent l’efficacité de ces cellules demeuraient dysfonctionnels. Au niveau moléculaire, l’expression de certains gènes demeure altérée, comme si l’épuisement des lymphocytes lors de l’infection avait laissé une « cicatrice ».
« Plus la stimulation des lymphocytes T par les protéines virales a été longue, plus profonde est cette cicatrice. Nos travaux suggèrent donc qu’une intervention thérapeutique précoce pourrait permettre de mieux conserver la fonctionnalité des lymphocytes T et de lutter contre leur épuisement. Passé un certain délai, les anomalies génétiques s’installent dans la durée, et les lymphocytes T ne sont plus en mesure de récupérer et d’assurer correctement leurs fonctions », explique Pierre Tonnerre.
Les implications de ces travaux sont importantes, puisqu’ils apportent des connaissances nouvelles sur les mécanismes d’épuisement et de récupérations fonctionnelle des lymphocytes T épuisés. Ils ouvrent aussi la voie à l’identification de cibles thérapeutiques potentielles.
« À plus long terme, on peut imaginer tester et développer de nouvelles thérapies qui vont cibler les régions de gènes altérées des lymphocytes T et qui pourraient avoir un bénéfice dans le traitement des infections chroniques et des cancers en aidant ces cellules à retrouver leurs fonctions », souligne Pierre Tonnerre.
Toutefois, la prochaine étape de ces travaux est de regarder si le fait de traiter les patients atteints d’hépatite C chronique plus tôt, lors de la phase aigüe de l’infection, permet aux lymphocytes T de récupérer une meilleure fonctionnalité.
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Des implants miniatures dans le cerveau pour rétablir la motricité, vraiment ? |
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Des implants miniatures dans le cerveau pour rétablir la motricité, vraiment ?
Le coup de communication d’Elon Musk à propos de son nouvel implant cérébral apporte peu de nouveauté sur le plan scientifique, mais s’inscrit dans un contexte de recherche très dynamique portant sur les interfaces cerveau-machine.
De récents travaux ont documenté la possibilité d’enregistrer l’activité électrique de milliers de neurones différents dans plusieurs régions du cerveau. Ici, trajectoire de récepteurs diffusant dans la membrane et s’accumulant aux synapses. Inserm/Delapierre, Patrick
Innovation miraculeuse ou nouveau coup de com’ : c’est la question qui agite la sphère médiatique depuis la présentation du nouvel implant cérébral de la compagnie Neuralink, dirigée par le milliardaire Elon Musk. Cet implant très fin, de la taille d’une pièce de monnaie, fonctionnerait grâce à la technologie Bluetooth et pourrait être placé dans le cerveau au cours d’une opération peu invasive grâce à un robot de pointe également développé par la compagnie.
Lors d’une conférence de presse en ligne début septembre 2020, Elon Musk a présenté cette nouvelle « interface cerveau-machine », qui été testée chez le porc. Décrite comme une avancée majeure, sa portée semble encore en fait assez réduite. Ainsi, la possibilité d’enregistrer l’activité des neurones grâce à un implant cérébral, comme cela a été fait chez l’un des animaux testés, n’est pas nouvelle. Elle a déjà été démontrée par de nombreux autres groupes de recherche. De tels travaux ont par exemple fait l’objet d’une publication récente dans le journal Science Advances, documentant la possibilité d’enregistrer l’activité électrique de milliers de neurones différents dans plusieurs régions du cerveau, dans des modèles animaux.
Par ailleurs, aucune interprétation de l’activité cérébrale enregistrée par l’implant de Neuralink n’a été proposée pendant la conférence. Or, le succès des interfaces cerveau-machine repose en grande partie sur la possibilité d’extraire du sens de ces enregistrements pour les transformer ensuite en « commande » par un ordinateur.
L’objectif des interfaces cerveau-machine
Les implants cérébraux sont développés pour assurer une liaison directe entre le cerveau et un ordinateur, afin que les individus puissent effectuer des tâches sans passer par l’action des nerfs périphériques et des muscles. L’objectif est de permettre à des personnes souffrant de certains handicaps moteurs, notamment de tétraplégie, de retrouver une certaine autonomie.
Concrètement, ces patients pourraient imaginer effectuer un mouvement, générant ainsi une activité cérébrale caractéristique et mesurable à l’aide ces implants. Ces signaux pourraient ensuite être transmis à un ordinateur afin de les analyser et de les transformer en commande pour une machine ayant une utilité pour le patient (par exemple une prothèse ou un exosquelette, mais également un implant rétinien ou encore un logiciel de voix artificielle…). De fait, Neuralink souhaite que son dispositif puisse aboutir à une solution durable pour les personnes souffrant de handicaps moteurs ou de maladies neurologiques.
Néanmoins, les données présentées par Elon Musk suggèrent que son équipe n’est guère plus avancée que d’autres groupes pour atteindre ce résultat, d’autant que l’affirmation que l’implant a pu être retiré en toute sûreté du cerveau de l’un des animaux n’est pas étayée. Si le milliardaire aimerait prochainement lancer des tests chez l’humain, la transposabilité de résultats obtenus chez le porc n’est pas non plus assurée.
L’annonce de Neuralink s’inscrit néanmoins dans un contexte de recherche très dynamique portant sur les interfaces cerveau-machine. De nombreux progrès ont été réalisés ces dernières années, grâce à des innovations développées et testées très rigoureusement et progressivement au cours de la dernière décennie et à des travaux sur un nombre restreint de patients pour prouver l’intérêt de certains dispositifs avant de les tester plus massivement.
En 2013, une équipe américaine à l’université de Pittsburgh a ainsi franchi une étape importante, en apportant une « preuve de concept » qu’un dispositif implanté à la surface du cerveau permettait de guider un bras robotisé. A la même période, un autre groupe aux Etats-Unis montrait l’intérêt des implants profond miniaturisés. Plus récemment, des implants de surface ont été utilisés pour commander un exosquelette chez deux patients tétraplégiques, sans leur permettre néanmoins de pouvoir remarcher.
Mieux intégrer les implants dans le cerveau
Au-delà de ces succès préliminaires, si les interfaces cerveau-machine restent encore éloignées de la clinique, c’est parce qu’une problématique importante persiste. Comment insérer sans risque ces implants dans un organe aussi fragile que le cerveau, tout en s’assurant de leur bon fonctionnement ?
Les laboratoires de recherche qui travaillent sur le sujet sont confrontés à la difficulté de faire pénétrer dans le cerveau des implants à très haute densité pour capter l’activité cérébrale dans toute sa complexité, et pour les y laisser à long terme sans provoquer de réaction inflammatoire ou de lésions. En promettant d’implanter son dispositif via une procédure chirurgicale peu invasive, grâce à un robot qu’elle aurait développé, Neuralink montre donc qu’elle a bien compris l’enjeu majeur actuel de la recherche : l’intégration des implants dans le cerveau et la biocompatibilité (la capacité pour ces implants à fonctionner dans le cerveau sans provoquer de réaction biologique délétère).
Schématiquement, deux stratégies d’intégration des implants cérébraux ont jusqu’ici été testées par différentes équipes à travers le monde. Les procédés les plus invasifs, qui reposent sur l’insertion d’implants dans le cortex, permettent d’enregistrer les signaux d’une population de neurones avec une très grande précision spatiale. Ils sont toutefois associés au risque de complications et à une perte de signal à long terme.
Quant aux procédures non invasives, s’appuyant sur des implants placés à la surface du crâne grâce à des électrodes (comme le dispositif développé dans le cadre du projet OpenVIBE de l’Inserm dès 2009) ou juste sous la boîte crânienne, ils ne permettent pas encore de mesurer avec précision l’activité cérébrale et de rendre compte de la complexité de l’architecture du cerveau.
Neuralink dit pouvoir éviter ces deux types d’écueils mais sans expliquer sa technique ni rendre public le fonctionnement de son robot. Or, pour que ces innovations aient réellement un impact pour les patients, la recherche ne peut pas se passer d’investigations solides au long cours, d’expérimentations en laboratoire pour évaluer la biocompatibilité ou d’évaluations par les pairs.
Enfin, la prudence quant à de possibles dérives éthiques doit continuer à guider la recherche sur les interfaces cerveau-machine, en tenant toujours compte de la complexité du cerveau, qui ne peut se résumer à une circuiterie électronique dopée par l’intelligence artificielle. Des travaux récents ont apporté des pistes nouvelles pour utiliser les implants afin de réactiver la plasticité cérébrale. Intégrant mieux toute cette complexité, se passant de la « machine », cette approche pourrait avoir un impact clinique plus intéressant et plus significatif à long terme.
Texte rédigé avec le soutien de François Berger, Directeur du BrainTech Lab (Inserm U 1205)
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