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UN PSYCHANALYSTE FACE AUX NEUROSCIENCES

 

Un psychanalyste face aux neurosciences texte intégral


et aussi - par André Green dans mensuel n°99 daté mai 2000 à la page 93 (5516 mots)
Le débat entre psychanalyse et neurosciences a trait, entre autres à l'idée que nous nous faisons de la vie psychique et de la spécificité de l'homme. L'article que l'on va lire aurait dû être le premier d'une série sur les rapports entre biologie et psychanalyse. Il en est le second. En effet, en 1989, la publication du livre de J.-P. Changeux et A. Connes, « Matière à pensée », nous avait semblé propice pour aborder enfin ce problème. Nous avions alors de mandé à A. Green, psychanalyste qui avait déjà discuté les thèses de J.-P. Changeux, de donner son point de vue sur les rapports de la neurobiologie et de la psychanalyse. Son texte fut envoyé fin 1990 à J.-P. Changeux pour qu'il le discute. Ce dernier a préféré écrire un article indépendant que nous avons publié dans notre numéro de juin1992 sous le titre « Les neuronesde la raison ». Le débat prévu à l'origine n'a pas eu lieu. Nous publions donc le texte original d'André Green dans le présent numéro, suivi des réflexions que la lecture des « neurones de la raison » a inspiré au psychanalyste. Ainsi le lecteur pourra-t-il se faire une idée de la diversité et de la vivacité des opinions sur ce sujet.

Dans leur jargon d'initiés, les psychanalystes emploient le verbe « chaudronner » par allusion à l'histoire racontée par Freud dans Le mot d'esprit et sa relation à l'inconscient : « A emprunte un chaudron de cuivre à B. Une fois qu'il l'a rendu, B fait traduire A en justice en l'accusant d'être responsable du gros trou qui se trouve maintenant dans le chaudron, et qui rend l'ustensile inutilisable. A présente sa défense en ces termes : " Primo, je n'ai jamais emprunté de chaudron à B ; secundo, le chaudron avait déjà un trou lorsque B me l'a donné ; tertio, j'ai rendu le chaudron en parfait état " ». Bref, une accumulation de dénis qui s'annulent logiquement.

Les scientifiques n'agissent pas autrement à l'égard de l'inconscient, et au-delà à l'égard de la psychanalyse. J'entends encore Jacques Monod disant « Montrez-moi une seule preuve de l'inconscient ! », bien convaincu qu'il saurait en démontrer l'inanité. Plus tard, la stratégie devait changer. « L'inconscient, mais bien sûr qu'il existe ; il est certain que la conscience n'est qu'une toute petite partie de ce qui vit : tout ce qui n'est pas conscient est inconscient. Tous les mécanismes biologiques sont inconscients, la majeure partie des mécanismes cérébraux se passent en dehors des structures biologiques de la conscience » disait-on. Dans le même ordre de logique, vers les années 1950, les neurophysiologistes n'avaient d'yeux que pour les structures cérébrales régulant la conscience. Avec ces études, la neurobiologie de l'inconscient était à portée de main 1. L'inconscient des neurobiologistes était cependant fort différent de l'inconscient de Freud. Puis avec les neurotransmetteurs, la chimie a relayé l'électricité. Le chaudron, cette fois, bouillonnait. L'énigme des maladies mentales était à deux doigts d'être levée. Bientôt la psychogenèse ne serait plus qu'un souvenir datant de la préhistoire de la psychiatrie. L'ambivalence n'existait pas chez les biologistes. En 1953, on découvrait les premiers neuroleptiques. A Sainte-Anne, dans le service hospitalier qui était La Mecque de la toute nouvelle psychopharmacologie, Jacques Lacan tenait aussi son séminaire de psychanalyse. Les drogues psychotropes auraient-elles fait bon ménage avec l'inconscient ? Jean Delay, le maître de céans, psychiatre et homme de lettres, rêvait déjà de psychothérapies qui supplanteraient la vieille psychanalyse par des méthodes mixtes : narcoanalyse supposée faciliter la levée du refoulement grâce au « sérum de vérité » ; cures sous champignons hallucinogènes, imprudemment prônées comme agents libérateurs de l'imaginaire, etc. Les psychanalystes du crû récusèrent l'invitation. Nos psychiatres d'alors n'avaient pas perçu dans quel engrenage ils risquaient d'être broyés. Et l'on aurait eu beau jeu de nos jours, s'ils avaient fait un autre choix que celui de leur cohérence, d'accuser les psychanalystes d'avoir favorisé la toxicomanie ! Le temps passant, le développement de la psychopharmacologie allait profiter, pensait-on, du progrès des neurosciences. La neurobiologie devenant moléculaire, on allait pouvoir balayer toute cette métaphysique de pacotille, pour qu'enfin la psychiatrie devienne moléculaire à son tour. Les ouvrages comme L'homme neuronal procèdent de cette inspiration. Il suffit cependant que l'on aborde le problème des aspects affectifs des comportements pour qu'un autre neurobiologiste, Jean-Didier Vincent, auteur d'une Biologie des passions 2 nous ramène à une vision plus nuancée, bien éloignée du triomphalisme parti à l'assaut de ce que Changeux appelait la « Bastille du mental ».

La méconnaissance, voire le déni de la vie psychique par les scientifiques, l'acharnement à postuler une causalité exclusivement organique à toute symptomatologie, conduit à des jugements peu sereins. Il est fréquent qu'on accuse un psychanalyste d'être « passé à côté » d'une affection organique. Et l'on se gaussera de ce soi-disant thérapeute, qui ne s'était pas rendu compte qu'il avait affaire à une « vraie » maladie. Mais qu'un chirurgien opère quatre fois un malade indemne de toute atteinte organique sur la foi d'hypothèses étiologiques infondées et sans consistance à la recherche d'une « lésion » introuvable, alors qu'il se révèle aveugle et sourd à la demande inconsciente de son patient, personne ne songera jamais à lui en faire le reproche. N'était-ce pas son devoir d'éliminer une cause possible de désordre pathologique ? Quant à se poser la question de l'impact traumatique de telles opérations, ou celle de leur rôle de fixation pour entretenir une conviction quasi délirante, la formation médicale n'y prépare guère. « La psychiatrie, vous l'apprendrez en trois semaines », disait une sommité de la neurologie des années soixante à ses internes qui se plaignaient d'une expérience insuffisante dans ce domaine.

Toutes ces remarques vont dans le même sens : celui d'une dénégation forcenée de la complexité du fonctionnement psychique et du même coup de l'inconscient, tel que la psychanalyse le conçoit, par les défenseurs de la cause du cerveau, neurobiologistes, psychiatres et neurologues. La neurobiologie peut-elle se substituer à la psychanalyse dans la compréhension de la vie psychique et de ses manifestations ?

Une telle ambition repose sur des postulats simplificateurs : la vie psychique est l'apparence d'une réalité qui est l'activité cérébrale. Or celle-ci n'est vraiment connaissable que par la neurobiologie. Ergo , c'est cette dernière qui permettra de connaître vraiment la vie psychique. Ceci revient à dénier à la vie psychique un fonctionnement et une causalité propres, même si l'on admet la dépendance de celle-ci à l'égard de l'activité cérébrale. La littérature du XIXe siècIe ne manque pas de mettre en scène le personnage du médecin matérialiste convaincu s'opposant au curé du coin. On peut douter que nous soyons sortis de cette représentation simpliste, quand on assiste à l'assaut de certains neurobiologistes contre l'« Esprit », dont l'acte d'accusation englobe et amalgame le psychisme et se résume ainsi : « si vous croyez au psychisme, c'est que vous ne croyez pas à la physiologie du cerveau, c'est que vous croyez à l'Esprit ; c'est en fin de compte que vous êtes religieux, c'est-à-dire fanatique et antiscientifique ». J'exagère ? Pas vraiment. Le psychisme reste un domaine obscur, inquiétant, redoutable. Chacun s'autorise d'une compétence en ce domaine, comme s'il possédait de la science infuse. La maladie mentale existe, mais si les investigations cérébrales ne révèlent rien, être malade psychiquement, ce n'est pas être vraiment malade, c'est avoir une maladie imaginaire. Ou bien dans le cas contraire, c'est une maladie dont le support somatique s'ancre dans la génétique dont on ne tardera pas à connaître les véritables causes. Elle rejoint alors le cortège des maladies du destin. Et les névroses ne sont-elles pas les troubles dont souffrent ceux qui n'ont rien à faire d'autre que d'y penser, ou qui « s'écoutent » ?

Quant à la psychanalyse, on sait bien qu'elle ne sert à rien et qu'elle est une escroquerie. Que les chercheurs quittent leurs laboratoires, qu'ils prennent le chemin des consultations de psychiatrie. ils sentiront alors le poids de la maladie mentale et de sa souffrance. Qu'ils s'interrogent sur le fait que la consommation des tranquillisants dépasse de loin celle de tous les autres produits et atteint des proportions inquiétantes. Thérapeutique psychotrope ou toxicomanie légale ? Il est sans doute plus simple et plus expéditif de prescrire et de se débarrasser de l'ennuyeux angoissé que de chercher à comprendre le fonctionnement psychique d'un individu singulier.

L'exigence de scientificité est parfois confondante de naïveté. Il y a quelques années, au cours d'une réunion sur la recherche en psychiatrie, réunissant d'éminents psychiatres, expérimentalistes, neurophysiologistes, neuropharmacologistes, une autorité en neuropharmacologie exprima ses plaintes et ses griefs à l'égard des psychiatres qui, disait-il, « ne savaient pas faire de la recherche ». Ainsi, comme il était extrêmement important de savoir ce qui advenait aux médicaments au-delà de la barrière méningée, la seule manière de lever l'obstacle était de pratiquer sur les patients traités des ponctions sous-occipitales fréquentes, quotidiennes et même pluri-quotidiennes. Il est clair que ce chercheur n'avait jamais vu un malade mental de sa vie et n'avait pas la moindre idée de ce que pouvait représenter, en soi, pour un malade mental, la piqûre d'une aiguille à la base du crâne pour en prélever le liquide céphaIo-rachidien. C'aurait pourtant été un beau projet de recherche que d'étudier la psychose expérimentale comme maladie induite par le médecin ! Le 12 décembre 1978, au cours d'un entretien avec J.-P. Changeux, d'où devait partir l'idée du projet qui deviendra L'homme neuronal , Jean Bergès racontait qu'il avait entendu Jacques Monod dire que, si l'on suspendait pendant un certain nombre d'années les dépenses entrainées par les malades mentaux et qu'on affectait cet argent à la recherche, eh bien, lui se faisait fort de percer l'énigme biologique de la maladie mentale 3 et de la traiter efficacement. La vision de la psychiatrie développée par J.-P. Changeux ou J. Monod laisse rêveur. En mettant en avant les seuls effets des molécules, elle repose sur un déni fondamental de toute organisation psychique, qui ne serait pas le reflet d'une désorganisation neuronale primitive.

Nous n'avons pas fini de chaudronner : une troisième attitude se fait jour parmi les biologistes. Loin du déni ou de la confusion, voici que des chercheurs des plus sérieux auraient découvert les bases biologiques de l'Inconscient. Et d'autres de prétendre avoir dévoilé « les mécanismes inconscients de la pensée » 4.

Ainsi, la boucle est bouclée, les trois arguments du chaudron ont été défendus. La

publication de l'ouvrage de Connes et Changeux Matière à pensée 5 me permet de reprendre et de développer une discussion antérieure sur L'homme neuronal de J.-P. Changeux. La thèse de J.-P. Changeux 6 est connue depuis 1982 : tout fonctionnement mental s'inscrit dans un déploiement physique de cellules et de molécules et dans leurs remaniements. Le développement actuel de cette thèse tend à la formalisation mathématique de la position précédente. Un mécanicisme sans doute, mais que l'on pourrait donc mimer par la logique des équations. Je pense que la validité de ces thèses peut s'argumenter à partir de la mécanique définie par Changeux pour tenter de rendre compte des processus de création, par exemple de création scientifique.

Avant d'aller plus avant, j'aimerais cependant préciser que je suis persuadé qu'aucune activité psychique n'est indépendante de l'activité cérébrale. Mais je tiens à ajouter que cette opinion n'infère nullement que la causalité psychique soit à trouver dans l'ensemble des structures du cerveau. Les modèles de l'activité psychique conçus par les scientifiques sont tout à fait insuffisants. Changeux fait observer que quelqu'un qui fait une psychanalyse n'acquiert pas pour autant la connaissance de son cerveau. Certes, mais la connaissance du cerveau permet-elle de connaître ce qui se passe au cours d'une pychanalyse ? Il est permis d'en douter. Reste que la connaissance du cerveau permet la connaissance... du cerveau. Je pense, contrairement à J.-P. Changeux, que de tous les modèles existants de l'activité psychique, y compris les modèles de la neurobiologie, ceux de la psychanalyse freudienne me paraissent, en dépit de leurs imperfections, ceux dont l'intérêt est le plus grand pour comprendre les pensées et les productions humaines, sans pour autant les couper du psychisme ordinaire. Les modèles de la psychanalyse freudienne maintiennent les relations du psychique au corporel, tout en reconnaissant l'obscurité de leurs rapports ; ils font la part du développement culturel ; ils soulignent l'intérêt d'une constitution progressive de la psyché qui fasse sa place aux relations avec l'autre, qui est en même temps le semblable ; ils s'efforcent enfin de préciser ce qui détermine l'organisation psychique et qui fonde un mode de causalité spécifique la causalité psychique.

C'est ce dont les hypothèses fondamentales et les conceptions théoriques de la psychanalyse freudienne s'efforcent de rendre compte : les pulsions ancrent le psychique dans le somatique ; le refoulement trouve partiellement son origine dans les effets de la culture ; le développement de la psyché repose en partie sur l'identification aux figures parentales ; les fantasmes primaires organisent l'expérience imaginaire ; l'investissement de ce qui est chargé de sens et important est le moteur de la causalité psychique. Ainsi, la formulation du vieux problème des relations corps-esprit ne reçoit de réponse satisfaisante à mes yeux ni dans la réduction exclusivement au profit du corps, ni dans le postulat de l'existence d'un psychisme d'essence indépendante de celle du corps. La formulation à laquelle je me range repose sur l'hypothèse d'un dualisme de fait qui réclame des justifications que je ne puis donner ici faute de place.

Cela pose la question des limites entre le vivant et le psychique, question qui soulève bien des problèmes. Mais elle plaide en faveur de la reconnaissance de la spécificité humaine qui fonde le psychique. C'est aussi pourquoi la recherche des facteurs pertinents pour fonder cette spécificité du psychisme humain a varié au cours des époques et pourquoi les scientifiques n'ont pas cessé d'adopter une attitude ambiguë à son propos. Qu'on en juge. La notion de spécificité humaine a longtemps été victime d'une perspective intellectualiste : l'homme possédant l'intelligence se situait au sommet de l'échelle des animaux soumis à l'instinct. Or la neurobiologie devait démontrer que l'homme partageait avec l'animal les mêmes constituants organiques et donc, implicitement, les mêmes modalités élémentaires de fonctionnement. La connectivité ou la circulation d'informations dans le « câblage » des neurones a pris le relais en devenant la clé de la compréhension des accomplissements du cerveau humain. Mais cette épistémologie n'a pas beaucoup amélioré la situation même quand elle espère une résonance du biologique au niveau des mathématiques, dont témoigne l'échange entre A. Connes et J.-P. Changeux dans Matière à pensée . C'est que la stratégie théorique des approches dites scientifiques consiste toujours à chercher la spécificité du côté des activités que l'homme seul peut accomplir, et non dans la mise en perspective de ce qui diffère entre l'animal et l'homme lorsque l'on considère des activités homologues.

Pour prendre un exemple, on devrait plutôt comparer l'instinct sexuel animal à la sexualité humaine pour que la comparaison ait quelque sens. En fait, ce qui paraît au détour de ces raisonnements était posé à son origine : donner une image de la spécificité humaine comme délivrée de sa sujétion au corps sexué. De nos jours, le fondement de la spécificité humaine est recherché du côté du langage. L'homme en dispose ; les animaux n'en disposent pas. Mais c'est alors parer au plus pressé que de donner au mot langage, lorsque cela arrange et pour éventuellement annuler son sens, une signification qui relève d'autre chose que de la linguistique. C'est ce qui s'est produit lors du colloque sur la spécificité de l'homme qui s'est tenu à Royaumont en 1974 7. M. Piatelli-Palmarini faisait état de seize traits distinctifs entre la communication des primates et le langage humain. Or nombre d'entre eux sont probablement rattachables à des propriétés extralinguistiques. Ici, la faute de raisonnement en la matière est de considérer que puisque les approches biologiques sont scientifiques, c'est que les phénomènes mentaux s'y réduisent, alors que l'analogie ne repose que sur la mise en condition scientifique d'une fraction ténue de l'ensemble des phénomènes psychiques envisagés, que rien n'autorise à valoriser de la sorte pour la compréhension de l'objet étudié.

La vague la plus récente de l'offensive antipsychanalytique des biologistes naquit durant les années 1960. Deux ouvrages de biologistes devaient s'imposer : Le hasard et la nécessité de Jacques Monod et La logique du vivant de François Jacob. Alors que le second faisait preuve de prudence, le premier adoptait une attitude résolument incisive. Quinze ans après, le ton se durcit avec l'esprit de conquête de J. -P. Changeux, élève de J. Monod, prolongateur de sa pensée et partisan déclaré d'un mécanicisme tranquille. C'est l'essence de l'Homme neuronal . Avec Jacques Ruffié, Michel Jouvet, Henri Korn, etc., Changeux s'attaque frontalement à la psychanalyse pour traquer les erreurs de Freud ou faire valoir l'optique de leur science sur la dimension psychique. Le problème est que leurs explications se situent dans une perspective qui n'apporte pas le moindre éclairage au niveau où se placent les analystes, c'est-à-dire celui de la réalité psychique. C'est que ce niveau n'a pour eux aucun sens. Leurs outils ne visant pas la vie psychique au sens des psychanalystes, ils en nient donc tout simplement l'existence, alors que leurs outils ne réussissent qu'à en donner une image dérisoire. Il est dommage que les prises de position polémiques empêchent une vraie discussion de s'établir. Exception parmi les scientifiques mais est-il une exception ou l'un des rares qui s'expriment ?, un biologiste est conscient des enjeux spécifiques des différentes méthodes employées pour décrire la réalité d'un individu 8.

Nous avons, quant à nous, fait remarquer qu'à tous les niveaux, autant la science a la possibilité d'examiner les mécanismes du fonctionnement cérébral, autant, quand la science se mêle d'aborder le psychique, elle ne manque pas de se commettre dans des raisonnements discutables 9. C'est que la science se refuse à analyser les conditions exactes de sa production effective, c'est-à-dire les conditions même d'apparition de l'« idée » créatrice, dans sa démarche comme ailleurs. Elle ne prend pas en compte le fait que l'idée créatrice dérive de processus associatifs parfaitement en dehors de la logique rationnelle et sur lesquels précisément la science ne sait rien dire, alors qu'elle a beaucoup à dire sur la production scientifique elle-même. C'est dire à quel point une position extrême de la biologie devient insoutenable. Jusqu'à présent la biologie se donnait pour but la connaissance d'un champ particulier, le vivant. Avec la neurobiologie moléculaire, elle se donne donc désormais pour but d'expliquer la Science, je veux dire les conditions d'apparition de l'idée scientifique. C'est ce qui ressort du dialogue dans lequel Changeux veut convaincre son collègue mathématicien de la dépendance des mathématiques à l'organisation cérébrale ! La question est alors de savoir si l'on peut soutenir une telle visée tout en restant fidèle aux critères qui fondent la démarche scientifique.

C'est le problème de la fin et des moyens qui est ici posé. C'est au niveau des concepts que la discussion doit s'engager et il me semble que les arguments des biologistes risquent de se retourner contre eux. Soucieux de combattre toute théorie qui survalorisait à des fins « spiritualistes » la différence entre l'animal et l'homme, ils n'ont cessé de souligner l'absence, en biologie, de propriétés exclusivement spécifiques de l'humain. S'il est bien clair que le récepteur à la dopamine ou à l'acétylcholine est le même chez le rat et l'homme, ces constatations qui servaient d'abord le combat militant des neurobiologistes vont leur poser des problèmes inattendus lorsque l'on s'attaque à la spécificité humaine. Car s'il est vrai que la marge des différences est si étroite, la connectivité à elle seule suffit-elle à rendre compte de cette spécificité humaine qu'il leur faut bien reconnaître ? Peut-être faut-il invoquer qu'une petite différence devienne décisive par ses conséquences qualitatives ? Et c'est là, dans ces conséquences qualitatives, qu'apparaît l'obligation de réintroduire ce dont on voulait à tout prix circonvenir l'influence : le psychisme, sa relation au langage et les rapport de ce dernier avec la pensée. Pour éviter que la psychanalyse devienne digne de considération, une contre-stratégie lui préfère une conception autre du psychisme. C'est ce que l'on tente aujourd'hui avec l'approche « cognitiviste » de la psychologie dont il n'est pas surprenant que la dimension également mécaniciste dérive dans l'intelligence artificielle. Un effet de plus de la volonté de dissocier l'affectif et le cognitif.

Le lien de la neurobiologie à la recherche de la vérité passe par la méthode expérimentale. Apparemment le sujet pensant le scientifique se sert de l'outil approprié qu'est la « machine » pour découvrir, tester, démontrer une hypothèse. J'entends par machine l'ensemble allant de l'hypothèse à l'instrumental. Supposé commander cette machine et la dominer, puisque ses prémisses seraient purement rationnelles, le scientifique en fait, ne peut penser que ce que sa machine est capable de faire, c'est-à-dire de tester, de vérifier. Le tour de passe-passe consiste donc à faire croire que c'est dans la liberté de pensée qu'a été conçue l'idée à découvrir, la machine ne faisant que le démontrer. Les contraintes de la production scientifique obligent à un rapprochement de plus en plus grand entre la façon dont fonctionne la machine et celle dont doit penser le scientifique pour produire un savoir pourtant considéré implicitement comme indépendant de celle-ci. Il est facile de voir le cercle vicieux que constituera l'utilisation de machines supposées mimer le fonctionnement mental 10. C'est l'une des orientations de la neurophysiologie actuelle avec son recours aux modèles formalisés et aux machines logiques : l'enjeu irréfléchi est ici la réflexion sur la genèse de la pensée scientifique, sur la genèse de toute pensée qui ne serait pas automatique...

Cela nous introduit à l'avancée neurobiologique la plus ambitieuse et la plus récente : chercher un fondement mathématique aux modèles de la neurophysiologie. C'est l'objet de la discussion entre J.-P. Changeux, neurobiologiste, et A. Connes, mathématicien. Un fondement mathématique à la neurobiologie est important pour Changeux, non seulement à cause des prétentions à la rigueur de la neurobiologie, mais surtout à cause de l'idée selon laquelle la pensée mathématique pourrait offrir un modèle de fonctionnement cérébral « pur ». Fières de réussir dans la construction d'une pensée pouvant fonctionner indépendamment de tout contenu, les mathématiques sont néanmoins prises dans une contradiction. Celle d'être le critère quasi absolu de la scientificité lorsqu'elles réussissent à avancer la compréhension de phénomènes existant dans la réalité, alors même qu'une partie d'entre elles tient sa valeur d'un critère exactement opposé : celui de ne se compromettre avec aucune donnée appartenant à la réalité du monde physique. Aussi les mathématiques sont-elles, selon les biologistes, invoquées comme garantes de la vérité scientifique Changeux et tantôt récusées comme science confinées à n'être qu'une logique A. Lwoff. Dans son dialogue avec le mathématicien A. Connes, J. -P. Changeux est persuadé que c'est Connes qui possède les bons outils intellectuels qui lui serviraient, lui, Changeux, à avancer dans son propre champ. Mais il veut convaincre son interlocuteur que c'est lui, Changeux, qui tient, en dernière instance, la clé de ce que fait Connes, parce qu'à défaut de posséder les moyens de son interlocuteur, son objet est le substrat véritable le cerveau qui produit ces moyens : « L'équation mathématique décrit une fonction et permet de cerner un comportement, mais pas d'expliquer le phénomène. En biologie, l'explication va de pair avec l'identification de la structure qui, sous-jacente à la fonction, la détermine » 11. L'obsession de pureté de Changeux les mathématiques comme « synthèse épurée de tous les langages, une sorte de langage universel » 12est en fait la voie de la facilité. Car le cerveau, à ce que j'en sais, ne fonctionne pas de façon si « purement » homogène. Bizarrement, c'est Connes qui devient objectiviste en postulant la réalité non humaine des mathématiques et Changeux « subjectiviste » puisqu'il lie le fonctionnement mathématique à la structure du cerveau humain 13. C'est en tout état de cause reposer le vieux problème du rapport entre réalité et perception, qui n'est pas davantage réglé par cette discussion.

On ne pourra pas éviter de se demander comment le même cerveau capable de raisonner mathématiquement peut aussi entretenir les idées qui poussèrent Newton vers l'alchimie, ou Cantor à rechercher l'appui du Vatican. La « purification » ici est pour le moins imparfaite ! La science explique ce qui doit être tenu pour vrai ; elle devrait aussi, me semble-t-il, découvrir la raison d'être du faux.

Si Changeux se défend d'assimiler le réel biologique à des objets mathématiques, il ne paraît pas soucieux de tirer les conséquences de son attitude : « On sélectionne le modèle qui s'adapte le mieux. » On ne saurait mieux dire. Encore serais-je tenté d'ajouter : « Pour comprendre ce que l'on peut comprendre et discréditer ce qu'on ne comprend pas comme n'étant pas susceptible d'être "sélectionné" par un modèle mathématique » ! Ainsi Changeux reprochera-t-il aux physiciens de ne pas avoir tenu compte, en dehors des rôles de l'instrument de mesure et du regard de l'observateur, de leur « propre fonctionnement cérébral ». De quel côté est « l'erreur épistémologique grave » 14 dénoncée par le biologiste ? Du côté des physiciens négligents ou de celui du neurobiologiste qui assimile purement et simplement « fonctionnement cérébral » tel qu'il est connu par la science aujourd'hui et « fonctionnement mental » en termes d'analyse, de jugement, d'autoréférence ? Et ce sera Connes qui introduira la part de l'affectivité dans la recherche, cette référence bannie du discours neurobiologique 15. Curieusement, le psychanalyste se sentirait plus proche ici du mathématicien que du neurobiologiste. Il y a d'ailleurs une pensée mathématique qui peut rencontrer le discours de la psychanalyse, sans le chercher ou l'éviter. Ainsi Esquisse d'une sémiophysique du mathématicien René Thom présente des concepts mathématiques qui suggèrent des fonctionnements pas tellement éloignés de certains concepts psychanalytiques 16.

Ceci dit, on peut se demander si la position de J.-P. Changeux est admise dans tout le monde des biologistes et des neurobiologistes. D'une part, un débat actif existe dans les neurosciences et, d'autre part, pour considérer le seul registre psychanalytique, il existe des biologistes qui peuvent écrire le mot sens sans le flanquer de guillemets. Ainsi Henri Atlan indique comment un changement de niveau dans des organisations hiérarchiques « consiste en une transformation de ce qui est distinction et séparation à un niveau élémentaire en unification et réunion à un niveau plus élevé »17. La psychanalyse se trouve au coeur du questionnement qu'il énonce : comment parler de ce pour quoi nous n'avons pas de langage adéquat, parce que nos méthodes d'observation qui conditionnent notre langage ne sont pas encore adéquates ? La difficulté bien repérée ici est due à l'impossibilité d'observer tous les niveaux avec la même précision.

Le paradoxe, c'est qu'en fin de compte aussi bien Changeux, qu'Atlan et Thom, concluent que la solution du problème qui nous retient est de savoir ce qui fait que la parole a un sens. Et c'est aussi notre avis. C'est le langage qui fonde la validité de l'expérience psychanalytique comme autre manière de faire fonctionner la parole afin d'accéder à la réalité de l'inconscient. Sans pour autant conclure, comme l'a fait hâtivement Lacan, que l'inconscient est structuré comme un langage. Pour Atlan, comme pour nous, l'émergence des significations relève de l'examen des rapports du langage à la pensée rapports cerveau/langage et langage/pensée - ce qui exige sans doute une ré-appréhension de ce qu'est la pensée, cette fois-ci à la lumière des hypothèses psychanalytiques.

Il semble pourtant que même les plus radicaux des biologistes admettent l'existence d'une activité psychique, à condition de l'envisager au niveau collectif. Comme si la constitution des groupes humains avait eu le pouvoir de générer le psychisme d'une manière analogue au fruit de la collaboration des « assemblées » de neurones. Groupes de neurones en « assemblée » et hommes réunis en « société », le psychique pourrait naître de ce « collectivisme », semble-t-il. Car L'homme neuronal de J.-P. Changeux se terminait déjà par des réflexions sur le phénomène collectif de la culture, alors que parlant de l'individu, sa conception de l'image mentale était des plus simplistes 18. Prenons un exemple simple. Reportons-nous au numéro spécial de La Recherche sur la sexualité paru en septembre 1989. Comparons la pensée qui sous-tend tous les articles d'inspiration biologique et médicale sur les problèmes relatifs à la sexualité avec celle qui inspire l'exposition de Maurice Godelier, socio-anthropologue, spécialiste des Baruyas de Nouvelle-Guinée. « Sexualité, parenté et pouvoir », titre de sa contribution, permet de mesurer non pas tant l'écart entre les biologistes et le socio-anthropologue que celui de la carence des concepts qui permettraient de passer des uns à l'autre et que, en revanche, la psychanalyse pourrait posséder. Et pour cause dira-t-on.

Ayant fait la critique des présupposés intellectuels de la science biologique, les psychanalystes se situeraient-ils, dans le pur ciel des idées, à partir du choix de paramètres moins fondés que ceux des neurosciences ? Je souhaite que l'on se souvienne que les psychanalystes, tout comme les psychiatres, ont une activité thérapeutique. Que nous dit la neurobiologie de ces pièges à souffrance humaine ? Mettra-t-on en doute les positions de ces thaumaturges menacés par les progrès fulgurants de la thérapeutique psychiatrique ? Tournons-nous vers les théoriciens de la psychiatrie contemporaine, G. Lanteri-Laura, M. Audisio, R. Angelergues 16 et E. Zarifian. Nous ne nous attacherons qu'à ce dernier, car en tant que représentant de la psychiatrie pharmacologique, et fort peu suspect de sympathies psychanalytiques, sa critique des représentants des neurosciences est à prendre en considération. Il accuse ceux-ci de défendre des positions abusives en invoquant une causalité purement cérébrale aux maladies mentales, et de méconnaître dans cette optique le rôle du temps et de l'environnement. Il souligne leur confusion entre pensée et psychisme. Il dénonce leurs revendications méthodologiques. « L'application de la quantification, de la statistique et des méthodes de la biologie n'a, à ce jour, strictement rien apporté comme découverte importante à la psychiatrie » 19. La progression des connaissances s'est faite en sens inverse de ce qui était souhaité, vers le plus petit le neurone et ses molécules là où l'on espérait des lumières sur le plus grand l'individu et ses rapports aux autres.Plus on « descend » vers la cellule, moins les phénomènes relatifs au comportement deviennent intelligibles. Si tant est que le comportement soit la bonne référence...

Quant au prestige tiré de la connectivité, Zarifian montre qu'il y manque l'essentiel pour une conception neurobiologique à prétention explicative de l'humain : la connexion entre les parties superficielles et profondes du cerveau. « L'idéologie neurobiologique est propagée par des psychiatres qui ne connaissent rien, à la neurobiologie et par des neurobiologistes qui ne connaissent rien à la psychiatrie » 20. La dernière-née des stratégies théoriques pour circonvenir la psychanalyse au moyen d'arguments tirés de la biologie n'est plus de réfuter l'existence de l'inconscient à la manière d'un J. Monod, c'est de ramener cette existence à ce que la neurobiologie prétend éclairer. Autant dire qu'il faudra préalablement contraindre le psychisme à entrer dans la grille des circuits qui sont à la portée des conceptions neurobiologiques. Ainsi aux dernières nouvelles, par une interprétation sommaire de l'action pharmacothérapique, le substrat de l'inconscient est-il attribué aux neurones dopaminergiques. Lors du rêve, « seules parmi les cellules monoaminergiques, les neurones dopaminergiques n'ont pas changé d'activité, l'équilibre métabolique aires sensorielles/aires limbiques est nettement en faveur des aires limbiques ; le système nerveux central fonctionne sur le mode inconscient » 21.

Cette « découverte » est connue de ceux qui s'intéressent à ces questions depuis les années cinquante, où les discussions sur le « dreamy-state » de l'épilepsie temporale, suite aux travaux de Penfield, avaient déjà permis de soupçonner le rôle du système limbique dans ce type d'altération de la conscience. Seul s'y trouve ajouté le rôle des neurones dopaminergiques. Cet exemple parait fondé sur une conception biochimique des maladies mentales encore inexistante à ce jour. Aussi veut-on accréditer l'idée que l'équilibre conscient/inconscient dépendrait des rapports des systèmes mono- aminergiques et doparainergiques. C'est bien la seule démarche possible : pour éviter d'entrer dans la complexité de l'objet immaitrisable par les procédures expérimentales, il s'agira de ramener l'investigation à la façon dont la machine pourra le traiter en laissant croire qu'on n'a pas ainsi modifié l'objet. En un temps ultérieur, la complexité initiale aura disparu au profit du traitement de sa forme simplifiée. Ainsi la conclusion de l'article cité plus haut dit-elle : « Les connaissances neurobiologiques actuelles peuvent donc rendre compte, sans pour autant le démontrer, de l'existence d'un mode de fonctionnement particulier différent du conscient et assimilable à l'inconscient décrit en psychanalyse. » 22. Nous savons bien que le lecteur de cette revue n'est pas familier avec le langage et les concepts psychanalytiques. Nous pourrions lui demander, afin qu'il se fasse une idée de ce qu'est le psychique, de s'interroger sur les circonstances de sa lecture d'un tel article, et sur l'analyse de ses états d'âme à l'orée de celle-ci. Une idée plus complète, encore que très incomplète, de cette notion exigerait qu'il s'interroge sur son état d'esprit au moment d'arriver à la fin de sa lecture, pour envisager le déroulement rétrospectif de ce qui s'est passé en lui. En ce qui me concerne, je ne pensais pas pouvoir être en mesure de fournir une explication de ce qu'est le psychisme. Ce serait déjà beaucoup si j'étais parvenu à donner une idée de ce qu'il n'est pas...

Par André Green

 

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L'ATRAZINE - QUALITÉ DE L'EAU

 

La qualité de l'eau et assainissement en France (annexes)
 

L'atrazine est un herbicide. Il agit en bloquant la photosynthèse des végétaux (production de glucides à partir de gaz carbonique présent dans l'air, en employant la lumière solaire comme source d'énergie).

L'atrazine fait partie de la famille des triazines, produits de synthèse organique parmi lesquels on trouve aussi la simazine et le therbuthylazine, désherbants utilisés en agriculture. L'atrazine est le nom générique d'une molécule. Les produits sont commercialisés sous différentes appellations. On compte plus de 30 produits à base d'atrazine (Buldozer, Iroquois, Belleter...).

L'atrazine est utilisé principalement comme désherbant du maïs et plus modestement, en arboriculture. Le maïs est gros consommateur d'herbicides. Tandis que la plupart des céréales ont besoin d'une protection au départ, au moment de la pousse, le maïs a besoin d'être désherbé au départ mais aussi pendant les 90 jours de la végétation. C'est pourquoi les consommations ont été très importantes. On estimait la consommation annuelle en France à plus de 5.000 tonnes.

L'atrazine présentait pour l'exploitant beaucoup d'avantages : facile à utiliser, efficace (la molécule conserve son efficacité dans le sol de 2 à 6 mois) et d'un faible coût. L'atrazine a donc été très couramment utilisé pendant quarante ans, entre son introduction en 1960 jusqu'à son interdiction, décidée en 2001.

1. La contamination des eaux brutes à l'atrazine

L'interdiction fait suite à l'inquiétude provoquée par la fréquence et l'importance de la contamination des eaux par l'atrazine. Cette contamination touche à la fois les cours d'eau, par ruissellement, et les eaux souterraines, par infiltration. Comme tous les pesticides de synthèse, l'atrazine n'existe pas dans la nature. Sa seule présence est un indicateur de contamination des eaux.

Les premières alertes remontent à la fin des années 80 lorsque les DDASS et DRASS -directions départementales et régionales des affaires sanitaires et sociales- ont constaté des dépassements de seuils d'atrazine dans les prélèvements d'eau potable.

Ces analyses ont été suivies de campagnes de mesures à la fois plus précises, puisque dédiées aux pesticides, voire même à la seule atrazine, et plus larges, puisque les analyses ne portaient plus seulement sur les eaux de captage d'eau potable, mais sur les eaux brutes, rivières et eaux souterraines (campagne de mesures de l'atrazine dans les eaux souterraines du Bassin Seine Normandie, par exemple). Ces différentes analyses ont révélé un certain nombre de faits majeurs :

- la fréquence des détections et des dépassements du seuil de 0,1 ug/l, seuil requis pour l'aptitude d'une eau à la production d'eau potable: La contamination des eaux à l'atrazine est très répandue en France au moins dans le voisinage des lieux des grandes cultures;

- la fréquence des détections et des dépassements du seuil de 0,1 ug/l dans les eaux souterraines : Si le ruissellement des pesticides ou rivières peut être compris, sinon toléré dans la mesure où la contamination est supposée momentanée, les infiltrations des pesticides dans les nappes sont les signes d'une pollution profonde et durable ;

- l'importance des dépassements : Les concentrations maximales observées peuvent être très élevées. Dans les années récentes, on relèvera par exemple une concentration de 29 ug/l dans les rivières de la Flume, en Ille-et-Vilaine, soit 290 fois le seuil de 0,1 ug/l et une concentration de 2 ug/l dans les nappes souterraines de Craie (Yonne), soit 20 fois le seuil ;

- la fréquence de la distribution d'une eau non conforme au regard du paramètre atrazine : La non conformité aux pesticides est souvent le premier élément de non conformité d'une eau aux normes de distribution. Sur les dix départements du Grand Ouest (départements des régions Bretagne - Pays-de-Loire et département des Deux-Sèvres, 2,7 millions de personnes ont été alimentées en 1997 par une eau non conforme) ;

- le faible effet des mesures de restriction d'usage. Les contaminations à l'atrazine subsistent plusieurs années après l'arrêt d'épandage. L'effet retard est important.

2. Métabolite et dégradation de l'atrazine

La molécule reste active assez longtemps (2 à 6 mois) mais se modifie avec le temps. Le processus de dégradation dans le sol commence une à deux semaines après l'application. La molécule se transforme et génère une nouvelle molécule sous l'action des micro-organismes. Cette nouvelle molécule, dite aussi métabolite, est le déséthylatrazine ou « DEA ».

Le rapport D-déséthyl/A-atrazine permet de mesurer la vitesse des transferts. En cas de pollution rapide (ruissellement en rivière ou une infiltration rapide dans une nappe), le rapport D/A est inférieur à 0,4 : l'atrazine n'a pas eu le temps de se transformer. En cas de pollution diffuse dans une nappe souterraine, le rapport D/A est voisin ou supérieur 1 : la molécule de base s'est transformée.

Ainsi, les pollutions dans les eaux de surface sont plutôt mesurées par la concentration d'atrazine (c'est le cas en Bretagne où les cours d'eau sont pollués à l'atrazine) tandis que les pollutions dans les eaux souterraines doivent plutôt être suivies par le métabolite. Dans le bassin Seine-Normandie, un tiers des captages en eaux souterraines a une teneur en DEA double des teneurs en atrazine. Tandis que les teneurs maximales en atrazine diminuent, celles en DEA augmentent. En 2000, plus de captages sont concernés par des valeurs supérieures à 0,1 ug/l en DEA qu'en atrazine (respectivement 32 % et 27 %).


3. La toxicité

La toxicité est avérée sur le milieu aquatique. La molécule a un effet inhibiteur sur les plantes aquatiques, et la toxicité aigue -entraînant la mort- apparaît à faibles doses (invertébrés : 0,2 à 7 mg/litre d'eau pendant deux jours d'exposition ; poissons : 5 à 15 mg/litre d'eau pendant quatorze jours d'exposition).

La dote létale (dose nécessaire pour tuer 50 % d'animaux témoins) est très élevée : entre 750 et 4.000 mg d'atrazine par kilo de poids d'animal ou d'oiseau (lapin : 750 mg, faisan : 2.000 mg, rat ou souris : 1.700 -4.000 mg).

Pour l'homme, l'atrazine est classé comme « produit nocif ». Cette nocivité se manifeste après inhalation ou contact dermique. Les risques d'effets graves apparaissent en cas d'exposition prolongée par ingestion. La dose journalière acceptable est de 40 ug/kilo de poids corporel. Les effets à long terme sur la reproduction sont suspectés. En revanche, l'atrazine a été classé non cancérigène par le Centre international de recherches sur le cancer en 1998.

Les limites de concentrations fixées par l'Union européenne pour l'eau potable (soit 0,1 ug de substance par litre d'eau) sont vingt fois plus sévères que le taux fixé par l'Organisation Mondiale de la Santé (2 ug/l) et deux cents fois plus sévères que le taux fixé en Australie. Aujourd'hui, les inquiétudes viennent moins de la molécule que de son métabolite, le DEA, considéré comme plus toxique que la molécule mère.


4. L'interdiction de l'atrazine

Le produit a été homologué en 1959, mais les restrictions d'usage se sont multipliées au cours des années 90 tant en raison des inquiétudes sur ses effets à long terme sur la santé (voir toxicité) qu'en raison de sa présence généralisée et parfois massive, dans les cours d'eau et les eaux souterraines voisines des lieux d'épandage.

En 1997, le Ministère de l'Agriculture et de la Pêche a restreint les usages, à la fois par une diminution des doses d'emploi (la dose homologuée en 1959 qui était fixée à 2,5 kg/ha/an a été successivement baissée à 1,5 en 1990, puis en 1997 à 1 kg/ha/an -avis JO du 15 février 1997), et par une restriction des usages (interdiction des épandages sur les zones non agricoles telles que jardins, fossés, bordures des voies... avis JO du 4 juillet 1997).

Des interdictions locales ont été décidées en 1998. Ce fut notamment le cas en Bretagne. Les préfets des quatre départements de la région Bretagne ont pris des arrêtés d'interdictions temporaires d'utilisation de l'atrazine à proximité des cours d'eau et des points de captage.

L'interdiction totale a été décidée fin 2001. Après le choix politique, annoncé en octobre 2001, l'interdiction a pris la forme d'un avis aux opérateurs par produit (avis du 27 novembre 2001). La date limite de distribution a été fixée au 30 septembre 2002. La date limite d'utilisation a été fixée au 30 septembre 2003.

On regrettera que cette décision importante ne figure ni sur le site Internet du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation, ni sur celui du Ministère de l'écologie et du développement durable.

Même si la France suivait l'exemple allemand qui avait également banni l'utilisation des triazines quelques mois auparavant, cette mesure d'interdiction a pu être contestée par de nombreux professionnels qui privilégiaient des mesures de restriction d'usage (en limitant les quantités épandues), plutôt que des mesures radicales d'interdiction. La profession relève en effet que l'atrazine reste homologuée dans la plupart des pays de l'Union européenne et en Amérique du Nord.

Il est clair que la décision est avant tout politique. Le fondement scientifique est ténu, dans la mesure où l'atrazine n'a que très peu d'impact avéré sur la santé et que les normes internationales n'imposaient nullement l'interdiction. Le produit reste d'ailleurs utilisé dans de nombreux pays. La décision se justifie néanmoins pleinement, tant à titre rétrospectif que prospectif.

D'une part, les précédentes mesures de restrictions d'usage n'ont pratiquement eu aucun effet sur les concentrations observées dans les eaux. L'atrazine est présent pratiquement partout. Les limitations étant sans effet, il a donc été décidé un arrêt total.

D'autre part, cette décision est clairement un signal politique fort d'appel aux changements de pratiques agricoles. L'interdiction de l'atrazine a rendu possible les mesures de restriction d'usage des autres principales molécules (la diuron et l'isoproturon).

 

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NEURONE

 


Neurone
Cet article fait partie du dossier consacré au système nerveux.
Cellule de base du tissu nerveux, capable de recevoir, d'analyser et de produire des informations. (La partie principale, ou corps cellulaire du neurone, est munie de prolongements, les dendrites et l'axone.)

NeuroneNeurone
Le neurone, ou cellule nerveuse, est l'unité fonctionnelle du système nerveux. Sa configuration cellulaire spécifique le rend capable de générer, de transmettre et/ou de recevoir des informations sous forme de signaux électriques (influx nerveux).
Le système nerveux est très complexe : ses quelque cent milliards de cellules (1011, à un facteur de 10 près) peuvent être classées en plus de 1 000 catégories, chacune comprenant plusieurs sous-classes selon des critères incluant leur taille, leurs arborisations, les contacts afférents ou efférents. Cette apparente complexité masque en fait une grande similitude fonctionnelle, la particularité de chaque cellule reposant principalement sur sa position dans un circuit donné.
On peut dès lors essayer de mieux comprendre le système nerveux à partir de propriétés simples des cellules qui le composent : les mécanismes qui donnent naissance aux potentiels d'action neuronaux, les modes de transmission synaptique, les interactions fondamentales entre neurones et cellules gliales.
En effet, les neurones sont entourés d'autres cellules : les cellules gliales (du grec gloios, « glu ») – elles ont longtemps été considérées comme de simples éléments de remplissage entre les neurones. On compte environ dix fois plus de cellules gliales que de neurones, et il est clair aujourd'hui que leurs fonctions, essentielles à l'activité neuronale, sont multiples.
Les compartiments du neurone

Corps cellulaire du neurone
Le neurone est constitué de quatre grandes régions : le corps cellulaire, ou soma, les dendrites, les axones et les terminaisons présynaptiques. Chacune de ces différentes régions joue un rôle bien défini dans l'initiation et le transport de l'information.
Le soma, qui contient le noyau du neurone, en est le centre métabolique, car il comprend aussi toute la machinerie de synthèse de ses différents constituants. Du corps cellulaire partent deux sortes de prolongements, les dendrites et l'axone.
Les dendrites, qui se ramifient au point de former un arbre touffu autour du corps cellulaire (arbre dendritique), sont les voies par lesquelles l'information arrive. Elles sont le siège d'une activité métabolique intense et d'une synthèse protéique active : la microscopie électronique permet d'y distinguer des mitochondries en abondance, ainsi qu'un réticulum endoplasmique rugueux, porteur de nombreux ribosomes.

Axone
L'axone, prolongement au diamètre constant (de 0,2 à 20 μm), peut atteindre 1 m de longueur. Il est la voie privilégiée de sortie de l'information, et, contrairement aux dendrites, l'activité métabolique y est peu importante. L'axone transporte en revanche les macromolécules stockées dans des vésicules, ou organelles, au sein du corps cellulaire. Dans certains cas, ce transport permet une maturation de la molécule, importante pour sa fonction.
Près de sa terminaison, l'axone se divise en fines ramifications, les terminaisons présynaptiques. Ces dernières sont le site de stockage des neurotransmetteurs, qui vont permettre le transfert de l'information aux dendrites du neurone postsynaptique.
L’influx nerveux

Neurones et transmission synaptique des influx nerveuxNeurones et transmission synaptique des influx nerveux
L'une des propriétés essentielles du neurone est sa capacité à produire, puis à acheminer loin du corps cellulaire, une information sous la forme d'un groupe d'impulsions électriques, les potentiels d'action.
Décrite dès 1849 par le biologiste allemand Emil Du Bois-Reymond (1818-1896), cette aptitude résulte des propriétés de la membrane cellulaire du neurone et des protéines qu'elle contient. Les protéines membranaires des cellules de l'organisme peuvent être regroupées en cinq grandes familles : les pompes, les canaux, les récepteurs, les enzymes et les protéines de structure.
Les échanges d'ions entre le neurone et son milieu

Les pompes utilisent l'énergie produite à partir de la dégradation des sucres pour déplacer activement des ions et d'autres molécules contre leur gradient de concentration (un gradient est créé de fait par les différences de concentration d'une substance de part et d'autre d'une membrane ; celle-ci peut être traversée passivement – sans nécessiter de pompes – par les ions, du milieu le plus concentré vers le moins concentré, c'est-à-dire dans le sens du gradient). La composition ionique du milieu intracellulaire est différente de celle du milieu extracellulaire, et ce pour toutes les cellules de l'organisme. À l'intérieur d'un neurone, il y a dix fois plus de potassium et dix fois moins de sodium qu'à l'extérieur.
La pompe Na-K-ATPase échange trois ions sodium de l'intérieur contre deux ions potassium de l'extérieur. Ces échanges ioniques induisent une différence de potentiel au niveau de la membrane ; celle-ci a un potentiel d'environ 60 mV.
Le potentiel transmembranaire

Comme le milieu intérieur, concentré en protéines chargées négativement, est négatif, et que le milieu extracellulaire, choisi comme référence, est à zéro, le potentiel de repos d'un neurone se situe à − 60 mV. Cette valeur est prise comme base à partir de laquelle les variations traduisent l'apparition d'une information.
Toute augmentation (en valeur absolue) du potentiel transmembranaire (de − 60 à − 70 mV, par exemple) est une hyperpolarisation ; inversement, une diminution de potentiel (de − 60 à − 50 mV, par exemple) est une dépolarisation.
L'hyperpolarisation éloigne du seuil d'apparition d'un potentiel d'action, tandis que la dépolarisation est l'étape initiale pouvant donner naissance, si elle est suffisamment intense, à la « décharge » du neurone : le potentiel d'action. Lorsqu'un signal atteint le neurone, il en résulte une hyper- ou une dépolarisation.
Dans le premier cas, on parle de signal inhibiteur, tandis qu'il est excitateur dans le second. Le stimulus peut être de toute nature : lumière, bruit, odeur, étirement musculaire, molécule chimique libérée par un autre neurone, etc. Il en résulte une perturbation du potentiel de repos de faible amplitude (moins de 10 mV), locale et graduée : locale, car la résistance passive de la membrane limite la diffusion de la perturbation ; graduée, car le changement de potentiel est proportionnel à l'intensité de la stimulation ; on parle de potentiel de récepteur et/ou de potentiel synaptique.
L'ensemble des potentiels qui atteignent un même neurone est intégré au niveau d'une zone spécialisée de la membrane, appelée trigger zone, ou zone gâchette. C'est là que la sommation des hyper- et/ou des dépolarisations élémentaires se transforme ou non en un potentiel d'action.
La naissance du potentiel d'action

Le potentiel d'action est une dépolarisation ample (jusqu'à 110 mV), brève (1/1 000 s), générée selon la loi du « tout ou rien », et propagée activement le long du neurone et de l'axone sans diminution d'amplitude.
Dans le courant des années 1950, Alan L. Hodgkin, Andrew F. Huxley et Bernard Katz démontrèrent, sur l'axone géant de calmar, que la propagation de l'influx nerveux coïncidait avec un brusque changement de la perméabilité membranaire aux ions sodium (Na+) et potassium (K+). Au repos, la membrane est principalement perméable au potassium (on parle de conductance potassique), qui passe par des canaux dits « de fuite ». Hodgkin et Katz avancèrent l'hypothèse que l'influx nerveux modifie la conductance, car il entraîne l'ouverture brutale des canaux sodiques sensibles au potentiel de la membrane. Ces derniers s'ouvrent dès que la différence de voltage atteint un seuil de − 55 mV, et laissent entrer massivement le sodium dans le sens de son gradient ; cette entrée est à l'origine du potentiel d'action, le flux de sodium ouvre davantage de canaux Na+, facilitant ainsi le passage d'autres ions sodium.
La dépolarisation s'amplifie alors jusqu'à activer les canaux K+, sensibles à des valeurs de potentiel proches de 0 mV : le flux sortant de potassium compense le flux entrant de sodium. Le potentiel membranaire reprend sa valeur initiale. Les pompes Na-K-ATPase rétablissent les gradients initiaux au cours d'une phase dite « réfractaire », durant laquelle aucun potentiel d'action ne peut être produit.
La propagation de l'influx nerveux

À partir de la trigger zone, le potentiel d'action avance vers l'extrémité de l'axone à grande vitesse. Toutefois, en raison des pertes dues aux résistances de membrane, ce potentiel doit être régénéré de façon active tout au long de son parcours. Au cours de l'évolution, deux stratégies ont été mises en place par les organismes vivants pour augmenter la vitesse de conduction de l'information le long de l'axone.
Chez certaines espèces, l'augmentation du diamètre de la fibre a été poussée à l'extrême : il atteint 1 mm chez le calmar géant, et peut être vu à l'œil nu – ce caractère évolutif, à l'origine d'un encombrement spatial important, n'est pas compatible avec le nombre de neurones observés dans le cerveau des vertébrés supérieurs.
Chez les mammifères, la vitesse de propagation de l'influx nerveux est augmentée par la présence d'une gaine de myéline autour de l'axone ; cette enveloppe protéique et lipidique, qui s'enroule sur une dizaine de couches, est synthétisée par les cellules gliales spécialisées du système nerveux central, les oligodendrocytes, et par celles du système nerveux périphérique, les cellules de Schwann. La diminution de la résistance passive de la membrane est telle que le potentiel d'action est transporté cent fois plus rapidement : il avance alors de façon saltatoire, en bondissant le long de l'axone, d'un nœud de Ranvier (zone non myélinisée à la jonction entre deux cellules myélinisantes) à l'autre.
Le transfert de l’information d’une cellule à l’autre

Transmission de l'influx nerveuxTransmission de l'influx nerveux
Le transfert de l’influx nerveux d’un neurone à l’autre, ou, en fin de circuit, d’un neurone à une cellule effectrice (cellule musculaire par exemple), se fait au niveau d’une zone de jonction appelé synapse. Il existe deux types de synapses : les synapses chimiques et les synapses électriques. Les premières, majoritaires, font appel à des molécules messagers appelées neuromédiateurs.
→ synapse
Les cellules gliales, partenaires du neurone

Les oligodendrocytes et les cellules de Schwann, nécessaires à la transmission rapide du potentiel d'action, forment une gaine isolante, la myéline ; sa destruction par la maladie (sclérose en plaques) induit une grave perturbation de l'activité neuronale, qui peut conduire à la disparition du neurone.
Les cellules de la microglie, qui assurent la défense immunitaire du système nerveux, sont des cibles privilégiées pour les virus, comme celui responsable du sida. De plus, elles ont un rôle important lors du développement embryonnaire, en éliminant les cellules et les terminaisons surnuméraires, et lors des phénomènes de sénescence.
Les cellules endothéliales, qui bordent les vaisseaux cérébraux, sont responsables de la barrière hémato-encéphalique ; celle-ci isole le système nerveux de la circulation sanguine générale, le protégeant ainsi de l'arrivée de nombreux toxiques et agents infectieux.
Les astrocytes représentent la principale population gliale, et leurs rôles apparaissent aujourd'hui multiples. Lors du développement, ils participent au guidage et au positionnement des neurones. Ils possèdent une capacité de captation rapide du potassium extracellulaire, permettant une rapide repolarisation neuronale et la régénération du potentiel d'action. Ils approvisionnent en substrats énergétiques le neurone, isolé de la circulation sanguine. De plus, ils expriment de nombreux récepteurs pour les neurotransmetteurs libérés par les neurones, les rendant ainsi aptes à prendre une place – qui reste à mieux comprendre – dans les processus de transmission de l'information au sein du système nerveux.
Neurone et intelligence artificielle

Imiter le système nerveux au moyen d'une machine n'est pas une idée nouvelle, mais ce projet connaît aujourd'hui un fort développement grâce à l'informatique, l'ordinateur permettant de tester, de simuler les hypothèses émises par les chercheurs. Et c'est à l'échelle de la cellule nerveuse, ou neurone, que les chercheurs en neuro-mimétisme ont décidé de se placer pour réaliser la copie de la structure du système nerveux. L'ordinateur sert en particulier à faire fonctionner les modèles construits par les mathématiciens à partir des observations et des réflexions fournies par les physiologistes. Ce modèle mathématique du neurone, que l'on appelle le « neurone formel », est dupliqué pour constituer un réseau.
Pour en savoir plus, voir l'article neurone formel.

 

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LE CERVEAU DES DYSLEXIQUES

 

Le singulier cerveau des dyslexiques


 

 

 

voir dans le cerveau - par Michel Habib, Fabrice Robichon et Jean-François Démonet dans mensuel n°289 daté juillet 1996 à la page 80 (4446 mots) | Gratuit

Voilà plus de dix ans que les neurologues se penchent sur le cerveau des dyslexiques. L’imagerie cérébrale a permis de confirmer les particularités anatomiques découvertes chez certains d’entre eux : défaut d’asymétrie des hémisphères cérébraux, taille anormalement grande de la masse de substance blanche qui relie les deux hémisphères. L’imagerie fonctionnelle, en visualisant ce cerveau singulier au travail, aide à comprendre pourquoi il peine à la lecture.
Quelle que soit leur appartenance géographique ou ethnique, 8 à 10 % des enfants d’âge scolaire souffrent de dyslexie. Ils éprouvent des difficultés à apprendre à lire et à écrire qui ne sont dues ni à un retard mental, ni à un trouble psychiatrique ou neurologique, ni à une carence socio-éducative majeure. Ils inversent et confondent les lettres ou les syllabes d’un mot, mais le langage oral peut aussi être plus ou moins perturbé, du simple retard chez l’enfant aux troubles de l’expression chez l’adulte. Dans la grande majorité des cas, la rééducation orthophonique permet à l’enfant d’accomplir sa scolarité, souvent au prix d’efforts considérables. Et les problèmes d’orthographe persistent fréquemment à l’âge adulte.
Depuis quelques années, ce trouble, dont l’origine génétique est fortement suspectée, a pu être relié à une anomalie de la maturation du cerveau. L’imagerie permet aujourd’hui d’en visualiser les conséquences sur l’anatomie cérébrale et d’en discuter les mécanismes. Il devient aussi possible de voir comment ce cerveau singulier, parfois capable de performances hors du commun, traite l’information et se réorganise sous l’effet de la rééducation.
Entre 1979 et 1985, Albert M. Galaburda et ses collaborateurs du Beth Israel Hospital de Boston ont été les premiers à examiner au microscope le cerveau de huit personnes décédées, tous anciens dyslexiques1. Ils ont alors découvert de multiples petites malformations, dont les plus flagrantes sont des « ectopies ». Une ectopie est une véritable verrue à la surface du cerveau, un amas de plusieurs milliers de neurones en position aberrante sur le cortex. Le cerveau des dyslexiques examinés présentait des dizaines de ces amas, témoins d’un défaut survenu au cours de la maturation du cerveau. Ils traduisent en effet une migration anormale des neurones dans la couche la plus superficielle du cortex, normalement très pauvre en cellules. L’anomalie s’est sûrement mise en place chez le foetus, à la fin du deuxième trimestre de la grossesse, lorsque les futurs neurones traversent l’épaisseur du cerveau pour atteindre leur position définitive.
Ces amas de neurones ne sont pas distribués au hasard sur la surface du cerveau : ils sont nettement plus nombreux dans l’hémisphère gauche. De plus, ils prédominent autour d’un des replis du cerveau la scissure de Sylvius, justement dans ce que les neurologues dénomment l’« aire du langage » car chez l’adulte sa lésion entraîne des troubles du langage aphasie.
Il est surprenant que ces malformations microscopiques soient distribuées dans toute la zone du langage. D’abord, on aurait pu s’attendre à ce qu’elles prédominent dans la partie postérieure de l’aire du langage, puisque chez l’adulte, ce sont les lésions de cette zone qui provoquent des troubles spécifiques de la lecture. Ensuite, on peut s’étonner que des malformations dans une vaste zone dévolue au langage en général ne perturbent pratiquement que le langage écrit.
Une explication possible est que le mauvais développement des régions de l’hémisphère gauche affecterait peu la compréhension et l’articulation du langage. Il compromettrait une caractéristique sans doute très élémentaire du traitement des sons qui serait, elle, indispensable à l’apprentissage du langage écrit. Il y a plus de vingt ans, Paula Tallal, de l’université Rutgers à Newark New Jersey, a démontré une caractéristique frappante du fonctionnement cérébral du dyslexique. Souvent celui-ci a particulièrement du mal à distinguer deux sons présentés de manière rapprochée : alors qu’un enfant est généralement capable de discriminer deux sons distants de moins de 20 millisecondes ms, la majorité des dyslexiques ne peuvent le faire que si l’intervalle mesure plus de 300 ms2. Une telle anomalie peut modifier considérablement la perception auditive des dyslexiques, qui seraient alors véritablement « sourds » à certains sons du langage. Par exemple au passage consonne/voyelle dans des syllabes comme /pa/ ou /ba/, dont la différence, du point de vue des caractéristiques acoustiques, se joue à une vingtaine de millisecondes près. On comprend dès lors que l’apprentissage de la lecture, qui consiste fondamentalement à associer un son à une lettre et vice versa , puisse être compromis. Ceci reste cependant à confirmer, d’autant que ce trouble de la discrimination des sons est absent chez environ un tiers des enfants dyslexiques dans ces cas, l’élément déterminant pourrait être d’ordre visuel plutôt qu’auditif.

 

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