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MUSIQUE ET MATHEMATIQUE
Le lien entre les mathématiques et la musique est l'un des thèmes de la philosophie. Cette affinité trouve sa source dans le système de Pythagore qui relie l'arithmétique fondamentale non seulement aux composants de base du son (en particulier les sons émis par une corde vibrante) mais en fait à toutes les parties de l'Univers comme les planètes et les étoiles.
Pendant des siècles, la vision du monde héritée des Grecs anciens et répandue par le christianisme a dominé toute la culture scientifique de l'Europe occidentale. Elle présentait l'énorme avantage de proposer un système unifié du monde, gouverné par des lois simples qui pouvaient être vues comme des preuves de la rationalité divine. Tout l'enseignement de la science chrétienne médiévale semble pouvoir se résumer comme suit : la raison est la part de Dieu dans l'homme. Avec l'aide de la raison, l'homme est capable d'arracher au chaos apparent l'ordre caché de la Création. Sur la magnifique rose allégorique du transept nord de la cathédrale de Laon, dite " rose des Arts Libéraux ", les artistes du Moyen Age ont représenté la théologie entourée de sa cour dont arithmétique, géométrie et musique sont membres.
Cependant, de sérieuses ruptures sont vite apparues dans un système trop parfait et donc trop rigide. Lentement, mais comme une conséquence inévitable de ces brèches, les mathématiques et la musique se sont mis à suivre des voies séparées. Néanmoins, le poids de l'héritage culturel était si lourd que ses effets étaient encore perceptibles longtemps après la séparation entre les musiciens et la science pure. De grands scientifiques comme Kepler, Euler ou Lagrange se sont intéressés à la musique d'un point de vue scientifique et ont cherché à la comprendre par des systèmes formels.
Les dernières tentatives pour trouver des explications scientifiques unifiées pour la musique au XIXe siècle ont rapidement tourné court. Certaines d'entre elles étaient astucieuses, mais la plupart furent grossières, comme le remarque Laurent Fichet dans son ouvrage Les théories scientifiques de la musique aux XIXe et XXe siècles (éd. Vrin, 1996). Le système dodécaphonique de Schönberg et l'École de Vienne dans les années 1920 peuvent être également vus comme une quête de théorie unificatrice. Le fameux cycle de conférences prononcées par Webern en 1932 (Chemins de la musique nouvelle) "démontre", par un choix ciblé d'exemples, que le système dodécaphonique inclut toute la musique précédemment écrite. Même si avec le recul, cette opinion est aujourd'hui contestable, il n'en reste pas moins qu'en consacrant officiellement la rupture avec le système tonal, le dodécaphonisme a marqué un tournant réel qui a mené à la musique d'aujourd'hui : il a ouvert la porte à l'idée que chaque compositeur est libre de choisir son propre système de composition. Et, à ce stade, de nouveaux liens avec les sciences et en particulier les mathématiques ont vu le jour pour réfléchir à des plates-formes de raisonnement formel sur lesquelles l'artiste peut fonder son langage personnel.
Aujourd'hui, une nouvelle importance est donnée à l'étude mathématique du phénomène physique très particulier qu'est le son musical. Un des objectifs est d'en obtenir une meilleure compréhension et développer de nouvelles techniques et de nouveaux instruments, précieuses ressources du compositeur.
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