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LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

 

 

 

 

 

 

Révolution française (1789-1799)



Ensemble des mouvements révolutionnaires qui mirent fin en France à l'Ancien Régime.
Introduction

1789 a ébranlé l'Europe et le monde. Des Allemands, comme le philosophe Kant ou l'étudiant Hegel, ont aussitôt perçu l'ampleur de la rupture entraînée par la prise de la Bastille et la Déclaration des droits de l'homme. Leurs œuvres ont témoigné de leur attente d'un monde rénové par l'action politique. Les Anglais et les Américains se sont déchirés sur les enseignements à tirer de ce qui se passait en France : pour le Britannique Edmund Burke, député whig aux Communes (Reflections on the Revolution in France, 1790), l'insurrection populaire a ruiné les fondations historiques de la nation française ; le démocrate anglo-américain Thomas Paine répond à ce violent réquisitoire par The Right of Man (1791-1792), où la Révolution est présentée comme l'annonce d'un monde meilleur bâti par les hommes.

La Révolution de 1789 n'apparaît pas par hasard. La France, comme les nations voisines, est alors traversée par des interrogations politiques sur son devenir. Certains penseurs, dans le sillage du duc de Saint-Simon, souhaitent revenir à un État fondé sur la prééminence des aristocrates, garants des libertés provinciales et porteurs d'une tradition; d'autres, les « philosophes », parmi lesquels Diderot et Voltaire, imaginent de nouveaux rapports entre les hommes, remettant en cause les hiérarchies sociales et même, dans certains cas, les autorités religieuses. Certains ont échafaudé de véritables utopies, modèles possibles de rénovation.
C'est en fonction de ces opinions préétablies que les observateurs ont jugé les événements de 1789. Les partisans des réformes ont accepté et défendu tout ce qui pouvait corroborer leurs espoirs, et dénigré leurs adversaires, qu'ils ont qualifiés d'« aristocrates », d'« esclaves » ou d'« ennemis de la liberté ». Ils ont justifié les répressions les plus terribles par la nécessité de juguler une « contre-révolution » toujours renaissante et toujours plus dangereuse, voire féroce.
Le rejet de la Révolution n'a pas été moins fort de la part de nombreux Français « émigrés » de l'intérieur ou de l'étranger : nobles et membres du clergé, mais aussi toute une partie de la population qui a pris peur ou s'est sentie persécutée. Certains ont lutté ouvertement contre la Révolution, dans les « armées des princes » et dans les journaux ; d'autres plus discrètement, dans les réseaux d'espionnage ou dans une résistance quotidienne.
La réalité de la Révolution n'est ni toute blanche, ni toute noire : la fin de l'année 1794, par exemple, voit des révolutionnaires disqualifiés depuis quelques mois reprendre le pouvoir, envoyer les plus radicaux à la guillotine et nouer des contacts avec certains extrémistes comme avec des modérés, voire des royalistes. Il n'est pas facile de rendre compte, au fil du temps, de ces évolutions complexes et parfois contradictoires.
À propos de ces temps d'extrême tension, tous les arguments, toutes les condamnations ne sauraient être adoptés sans précaution par l'historien. Cependant, précisément parce qu'il y a eu ces conflits d'idées qui nous concernent encore, il n'est pas possible de réduire la Révolution à une suite d'actions aveugles menées par des acteurs inconséquents. C'est en rendant compte du bruit, de la fureur et de leurs conséquences imprévisibles, mais aussi de la confrontation d'idéaux élevés, d'analyses rigoureuses et de projets chimériques, que l'on pourra tenter de faire l'histoire de cet événement majeur.
1. Origines et causes de la Révolution
1.1. Introduction

À remuer les documents d'archives qui disent le pain cher et la révolte des pauvres, les premiers historiens, tel Michelet, virent dans la misère la cause essentielle de la Révolution. « Hommes sensibles, s'écrie Michelet, qui pleurez sur les maux de la Révolution (avec trop de raison sans doute), versez donc aussi quelques larmes sur les maux qui l'ont amenée. Venez voir, je vous prie, ce peuple couché par terre, pauvre Job, entre ses faux amis, ses patrons, ses fameux sauveurs, le clergé, la royauté. Voyez le douloureux regard qu'il lance au roi sans parler. »
Les recherches entreprises par certains historiens spécialistes de la période (→ Albert Mathiez, Georges Lefebvre, Ernest Labrousse, Albert Soboul) confirment le fait, mais ne lui accordent plus la même place dans le déclenchement de 1789. La misère se développe à la fin d'un siècle, qui, dans son ensemble, est marqué par la prospérité. Les bourgeois en profitent. Ils réclament une meilleure place dans la patrie aux aristocrates, qui la leur refusent. Ils la conquièrent.
1.2. « Ce peuple couché par terre, pauvre Job » (Michelet)
À la veille de 1789, le vin, dont la vente permet à chaque paysan d'avoir les quelques sous nécessaires à la vie, est trop abondant pour se bien vendre. À cette abondance néfaste succède le malheur des terres ensemencées. Le climat se détériore et les racines des plantes gèlent à près d'un pied sous terre. Les arbres fruitiers ne portent plus que de maigres et insuffisantes récoltes. En 1785, une formidable épizootie tue peut-être la moitié du bétail du royaume, d'où un enchérissement de la laine, alors que le coton a été consacré aux uniformes des soldats partant en Amérique. De plus, le tout début de la révolution industrielle, et notamment l'introduction de nouvelles machines, rend plus aléatoire le recours au travail dans les manufactures pour les paysans les plus pauvres qui y recherchent un appoint. Enfin, l'année 1788 est marquée par un mauvais été, avec une récolte médiocre, que suivit un « grand hyver » ; le prix du blé monte alors de 50 à 100 % selon les régions entre octobre 1788 et mars 1789. Or, c'est à ce moment-là que sont rédigés les cahiers de doléances.
1.3. La crise économique
Le pouvoir d'achat des paysans s'est érodé durant le demi-siècle qui précède la prise de la Bastille. Les paysans consacrent un peu plus de la moitié de leur pouvoir d'achat à leur alimentation, à base de céréales. Or, les prix augmentent plus vite que les salaires : 50 % pour les premiers entre 1735 et 1789, contre 20 % pour les seconds. Le prix des céréales a même une tendance nette à croître nettement plus vite que celui des autres marchandises. Un pain de quatre livres vaut, au début du règne de Louis XVI, environ huit sous, mais ce prix double, et augmente même davantage lors de la guerre des Farines (1775). Or, le salaire d'un ouvrier ou d'un journalier agricole est compris entre dix et vingt sous par jour, pour 250 jours travaillés par an. Il apparaît donc que, pour les familles les plus modestes, la question du pain était d'une acuité réelle.
La crise agricole se répercute sur l'industrie et le commerce. Le paysan restreint ses achats au moment même où les riches clients s'adressent aux fournisseurs étrangers, tels les Anglais, qui vendent à meilleur prix dans une France ouverte par un traité de commerce à leurs marchandises.
1.4. Révoltes urbaines et rurales
Les foules rurales et citadines, plus nombreuses qu'au début du siècle, se mettent en branle. Le mouvement se continue à la veille et pendant la réunion des États généraux. Ainsi, à Cambrai, des pauvres assaillent et pillent les marchés ; parmi eux, la justice royale frappe. C'est le cas de Thérèse Leprêtre, « duement atteinte et convaincue d'avoir, le 7 mai, partagé sur le marché de ladite ville un sac de blé qui avait été pillé et d'avoir participé aux excès commis à l'abbaye de Premy, en avançant des pierres aux hommes qui cassaient les vitres ». Elle sera, avec d'autres, condamnée à être frappée de verges, marquée au fer rouge d'une fleur de lis et envoyée dans une maison de force.
La faim est donc le moteur du mouvement de révolte populaire, mais celui-ci aide et pénètre une révolution bourgeoise.
1.5. La bourgeoisie : « une position d'autant plus insupportable qu'elle devenait meilleure […] » (Tocqueville)
Des petits bourgeois plus riches et plus industrieux que les nobles…
La crise intervient dans un pays qui, depuis plus d'un demi-siècle, s'est enrichi. Cette richesse se voit aussi bien dans l'animation des ports de la façade atlantique, qui commercent avec les Indes orientales, qu'à l'intérieur des terres, où les entreprises textiles se multiplient. Ces affaires ont beaucoup rapporté à la bourgeoisie. Un contemporain, le marquis François Claude Amour de Bouillé (1739-1800), note ce que la recherche confirme : « Toutes les petites villes de province devenues plus ou moins commerçantes étaient peuplées de petits bourgeois plus riches et plus industrieux que les nobles. » La hausse de longue durée qui a stimulé la manufacture et le négoce a, certes, d'abord touché les prix agricoles et donné un bénéfice aux possesseurs de rente foncière, parmi lesquels les nobles. Mais le profit industriel a monté beaucoup plus vite que le profit agricole et la rente, le profit colonial plus encore que le profit industriel, à l'exception, toutefois, souligne Ernest Labrousse, du profit minier.
…mais écartés des meilleures places
Majeure économiquement, « la bourgeoisie, remarque un historien, Jean Sentou, est plus que jamais mineure sur le plan politique ». La noblesse accepte de la fréquenter dans les salons, mais elle la rejette de la direction de la cité et entend se réserver les meilleures places. « La bourgeoisie, remarque encore le marquis de Bouillé, avait dans les villes de province la même supériorité que la noblesse ; cependant elle était partout humiliée ; elle se voyait exclue, par les règlements militaires, des emplois de l'armée ; elle l'était en quelque manière du haut clergé par le choix des évêques parmi la haute noblesse et des grands vicaires en général parmi les nobles ; elle l'était de plusieurs chapitres de cathédrale.
La haute magistrature la rejetait également, et la plupart des cours souveraines n'admettaient que des nobles dans leur compagnie. Même pour être reçu maître des requêtes, le premier degré dans le Conseil d'État qui menait aux places éminentes d'intendant, et qui avait conduit les Colbert et les Louvois et tant d'hommes célèbres aux places de ministres d'État, on exigeait dans les derniers temps des preuves de noblesse. » Alors que la bourgeoisie recherche avidement des offices anoblissant, que les rois ont d'ailleurs créés à foison pour soulager leurs finances, les titres de noblesse acquis depuis peu sont annulés à deux reprises – sous Louis XIV et sous Louis XV – renforçant encore, si cela était possible, le caractère de caste du second ordre.
Le roi lui-même est à l'origine d'un mouvement de délégation de son pouvoir, par le biais des nombreux offices – « Pour un peu d'argent, on s'ôta le droit de diriger, de contrôler et de contraindre ses propres agents » (Tocqueville, l'Ancien Régime et la Révolution). De nombreux bourgeois se trouvent ainsi investis d'offices peu utiles voire inutiles au fonctionnement de l'État, qu'ils ont achetés et au nom desquels ils revendiquent une part du pouvoir qui leur échappait pourtant tout à fait.
La crise morale



Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social
« Une nouvelle distribution de la richesse prépare, comme le soulignera le révolutionnaire Antoine Barnave, une nouvelle distribution du pouvoir. » Les philosophes se sont faits les porte-parole des ambitions bourgeoises ; ils ont réclamé avec la liberté l'égalité des propriétaires. Ils ont aidé à la prise de conscience de la bourgeoisie. Les écrivains sont devenus les principaux hommes politiques du royaume. Leurs œuvres, leurs systèmes, leurs critiques, leurs réfutations sont discutés et participent à l'entretien de l'effervescence réformatrice. Les idées des Lumières pénètrent toutes les parties du royaume et de la société monarchique.

Ainsi, l'abbé de Véri constate que l'idée d'égalité s'insinue jusque dans l'armée, et représente une menace grave pour la monarchie : « Malheur à la nation lorsque les partis opposés voudront s'étayer des troupes. […] Le soldat raisonne et n'obéit plus en machine. Les idées d'égalité et de république fermentent sourdement dans les têtes. » Les loges maçonniques, si elles n'ont pas été un lieu de complot, ont favorisé la diffusion de l'idéal nouveau. Chez l'ensemble des acteurs de la Révolution domine un souhait, qui constitue en quelque sorte l'origine « philosophique » de la Révolution française : donner aux Français un contrat social, redonner ainsi vie à la société française.
La monarchie incapable de se réformer
Une réforme profonde du corps politique est nécessaire ; la monarchie s'y essaie. Elle n'y parvient pas. Son pouvoir s'affaiblit encore par la crise financière : les dépenses publiques sont passées de 200 à 630 millions de 1728 à 1788. Les rentrées d'argent sont faibles ; c'est non seulement le fait d'un mauvais système, mais aussi le résultat d'un état social qui dispense de tout impôt les aristocrates, possesseurs parfois de gros revenus.
L'Administration, complexe et inadaptée, est devenue inefficace ; l'intendant sans appui s'est souvent laissé gagner par la noblesse de la région qu'il contrôlait. L'armée, instrument de répression entre les mains du roi, joue difficilement ce rôle depuis que les mêmes problèmes qui hantent la société civile la préoccupent : les petits nobles rejoignent les bourgeois dans l'opposition à un système qui leur refuse avec l'avancement toutes possibilités d'amélioration sociale ; tandis que, dans la troupe, les citadins, un peu plus nombreux que jadis, contestent la discipline « à la prussienne ».
La monarchie est d'essence aristocratique ; or, les réformes nécessaires passent par la destruction des privilèges aristocratiques. La monarchie ne pourra sortir de cette contradiction.
1.6. L'aristocratie : l'impossible compromis
Des nobles encore riches…
La noblesse qui, avec le haut clergé, se livre à cette réaction aristocratique, à un exclusivisme nobiliaire qui réserve les places dans l'État, est un ordre encore riche. Elle détient une part importante du sol : 22 % dans le Nord, 31 % dans le Pas-de-Calais, 40 % en Brie. Elle possède des seigneuries qui sont un ensemble de droits assurant un prélèvement sur la récolte du paysan. Elle exerce encore parfois un pouvoir de commandement et intervient dans les échanges.
Disposant d'un surplus appréciable de denrées, des nobles réalisent, au cours du siècle, sur un marché à la hausse, où ils vendent les premiers, des profits non négligeables. Certains, comme ceux qui sont établis autour de Toulouse ou dans quelques parties de Bretagne, gèrent bien leurs terres et participent aux affaires de la bourgeoisie. Le comte de Tessé, qui est le plus grand seigneur et le plus grand propriétaire en valeur du futur département de la Sarthe, a aussi des mines, et le revenu de tous ses biens s'élèvent à 202 017 livres ! Le minimum vital d'une famille ouvrière est estimé alors à 500 livres.
Les témoignages ne concourent pas tous pour nous montrer une noblesse effrayée, en son entier, par la perte du privilège fiscal. Certains nobles se rassurent de la prise de position d'une partie de la bourgeoisie, qui reconnaît les droits féodaux comme une propriété ; en tant que telle, ceux-ci ne pourront pas être supprimés, comme des paysans le réclament, sans qu'il y ait rachat.
… quoique menacés d'appauvrissement
Mais cette noblesse connaît aussi, dans son ensemble, un appauvrissement « relatif ». Ses sources de richesses fournissent moins et moins vite que celles de la bourgeoisie. Les dépenses nombreuses, pour qui doit tenir son rang, sont plus élevées. Il y a ainsi dans la noblesse, à côté des riches, des pauvres. Toute « une plèbe nobiliaire » (Mathiez) attachée à des privilèges qui lui permettent seuls de subsister. Les riches, quant à eux, ne songent qu'à utiliser le tiers état pour mieux brider la monarchie. Il ne peut y avoir de compromis à long terme entre les ordres. L'entente ne durera que le temps de la révolte de l'aristocratie.
Après Tocqueville, Albert Mathiez et Georges Lefebvre ont souligné l'importance de cette révolte. Celle-ci bloque toute réforme véritable, résiste victorieusement au roi, mais finit, en ouvrant la voie au tiers état, qui s'en dissocie, par se retourner contre ses promoteurs.
… La noblesse de robe : opposée au roi mais conservatrice
Quant à la noblesse de robe, elle n'obéit plus au roi depuis l'époque de Louis XV, mis à part un intermède de quelques années, lorsque Maupeou a renvoyé le parlement. Or, cette noblesse de robe, qui n'hésite pas à faire grève ou à démissionner en bloc pour protester contre l'autorité royale, monopolise des charges que la machine monarchique se devait d'assumer pour faire respecter le pouvoir du roi dans l'ensemble du royaume.
La fermentation liée au jansénisme et la prétention des cours de représenter le peuple ont amené les parlements à constituer une opposition conservatrice au pouvoir royal. Opposition réelle car les magistrats affirment représenter les sujets pour contrebalancer le pouvoir d'un roi qu'ils jugent trop indépendant, et ils font appel à de très vieux souvenirs, comme ceux des champs de Mars carolingiens, pour démontrer que le roi ne peut se passer d'eux. Opposition conservatrice pourtant, car si les parlements font souvent bloc contre le roi, ils s'élèvent tout autant contre l'idée des états généraux, en tout cas jusqu'à la veille de leur convocation, quand celle-ci devient évidente : ils estiment être les seuls qualifiés pour parler au nom du peuple. Leur opposition devient subversion : par leur capacité à propager leurs propres thèses dans le public, par exemple en publiant sous forme de brochures les remontrances qu'ils adressent au roi lors des enregistrements de textes législatifs, ils répandent de façon efficace l'irrespect du pouvoir monarchique.
1.7. La « féodalité d'Ancien Régime »
Il y a donc coïncidence entre une crise conjoncturelle de l'économie et une crise plus profonde des structures sociales et politiques d'un royaume gouverné par un roi faible.
La « féodalité d'Ancien Régime », selon l'expression de l'historien Albert Soboul, qui veut ainsi marquer la différence avec la féodalité médiévale, opprime l'énergie et les capacités d'invention du tiers état. La bourgeoisie se plaint du système des « métiers », qui entrave les initiatives, interdit la création et empêche le patron de discuter librement avec le compagnon de la rémunération de son travail. Déjà Turgot, en 1775, remarquait que, « dans presque toutes les villes de notre royaume, l'exercice des différents arts et métiers est concentré dans les mains d'un petit nombre de maîtres réunis en communauté qui peuvent, seuls, à l'exclusion de tous les autres citoyens, fabriquer ou vendre les objets du commerce particuliers dont ils ont le privilège exclusif ; en sorte que les sujets qui, par goût ou par nécessité, se destinent à l'exercice des arts et métiers ne peuvent y parvenir qu'en acquérant la maîtrise à laquelle ils ne sont reçus qu'après des épreuves aussi longues et aussi pénibles que superflues, et après avoir satisfait à des droits ou à des exactions multipliées par lesquelles une partie des fonds dont ils auraient eu besoin pour monter leur commerce ou leur atelier ou même pour subsister se trouve consommée en pure perte ».
Quant au travail, l'intendant Trudaine reconnaissait, en 1768, que « le juste milieu à prendre ne peut se trouver que dans la libre concurrence entre les maîtres qui achètent le travail et les ouvriers qui le vendent ». Les commerçants dénoncent aussi les barrières douanières qui parsèment le royaume et la gêne apportée par certains seigneurs à la constitution d'un vaste marché.
La servitude de la terre
Mais la « féodalité d'Ancien Régime », c'est surtout la servitude de la terre, sur laquelle pèsent les rentes foncières inaliénables, les redevances perpétuelles, « les lods et ventes » et les dîmes. Or, la France, à l'encontre de l'Angleterre, par exemple, ou des pays de l'Europe de l'Est, est caractérisée par l'existence d'une catégorie nombreuse de paysans qui sont propriétaires de terres et qui ont à payer ces droits. Sont-ils lourds à la veille de la Révolution ?
Appauvris, certains nobles entreprennent une réaction seigneuriale qui, par la révision des « terriers », tend à une mise à jour des droits tombés en désuétude. Pour juger du poids réel de cette « féodalité » sur le paysan, on recourt, de nos jours, à des sources qui ne sont pas toujours les mêmes et qui parfois présentent mieux le poids soutenu par la terre que la dimension sociale du phénomène. Ce qui compte, c'est l'évaluation de la charge par rapport au revenu du paysan. Les réponses ne sont donc pas toujours toutes utilisables. Quand elles le sont, elles donnent l'impression d'une très grande variabilité de région à région et à l'intérieur de chaque région, dans un même terroir. La charge, souvent lourde, est d'autant plus insoutenable en années de disette. C'est pour s'en débarrasser que les paysans vont pénétrer, au côté des populations urbaines, dans une révolution bourgeoise qui, comparée à celle que connurent d'autres pays comme l'Angleterre et l'Amérique, acquiert ainsi sa spécificité.
2. 1789 : de Versailles à Paris
2.1. Spécificité de la Révolution française

En 1955, un Américain, Robert R. Palmer, et un Français, Jacques Godechot, étudiant la Révolution française, ont conclu que, pour mieux la comprendre dans ses origines comme dans son déroulement, il fallait la replacer dans le cadre d'une « Révolution atlantique ». La Révolution française s'inscrit en effet dans une chaîne de révolutions animées à des degrés divers par la bourgeoisie et qui se déroulent presque toutes en Europe occidentale et en Amérique : révolution américaine (1770-1783) ; troubles révolutionnaires en Irlande et en Angleterre (1780-1783) ; révolution aux Provinces-Unies (1783-1787) ; révolution aux Pays-Bas autrichiens (1787-1790) ; révolutions démocratiques à Genève (1766-1768 et 1782) ; révolution en France (1787-1815) ; révolution polonaise (1788-1794) ; reprise de la révolution belge avec l'aide de la France (1792-1795) ; révolution en Allemagne rhénane avec l'aide de l'armée française (1792-1801) ; reprise de la révolution à Genève (1792-1798) ; révolution dans divers États italiens (1796-1799).
Mais la thèse estompe les caractères spécifiques de la Révolution française. Si cette dernière ne peut s'isoler du reste de l'histoire européenne, elle est le produit d'une société particulière. Dans les autres pays, les conditions existent pour que la bourgeoisie parvienne à un compromis avec ses ennemis d'hier, pour que soit ainsi sauvée une partie de l'ancien mode de production et pour que se construise une démocratie favorable aux possédants. En France, au contraire, si « la bourgeoisie se serait contentée d'un compromis qui l'eût associée au pouvoir, l'aristocratie s'y refusa. Tout compromis achoppait à la féodalité » (A. Soboul).
En face de la résistance de la noblesse, il y a aussi la volonté des paysans d'en finir avec les survivances de la féodalité. L'alliance nécessaire de la bourgeoisie avec les populations urbaines et rurales conduit à l'élaboration d'une démocratie plus large et plus ouverte que dans les autres pays où s'était établi ce régime. C'est notamment cette poussée populaire qui fait de la Révolution française la Révolution de la liberté et de l'égalité.
2.2. Les états généraux
Pourquoi les états généraux ?

Lorsque le roi réunit les états généraux à Versailles, à partir du 5 mai 1789, il renoue moins avec une institution tombée en désuétude depuis 1614 qu'il n'ouvre des voies inédites à la vie politique française, tant les habitudes d'organiser une telle assemblée sont oubliées et tant cette réunion entraîne un débat inhabituel dans le pays.
Les représentants des trois corps, ou « états », ont été élus au printemps (mars-avril) – in extremis, le tiers état (les roturiers) a obtenu un nombre de députés double de celui de la noblesse ou du clergé –, mais rien n'a été prévu pour organiser les votes par la suite, et aucune question précise n'a été inscrite à l'ordre du jour. En outre, chaque communauté paroissiale et chaque corps de métier ont été appelés à rédiger des cahiers de doléances, dont les synthèses doivent être apportées à Versailles par les députés, élus au terme d'élections en cascade (suffrage à deux ou trois niveaux). Cependant, toute la société française est alors traversée par l'espoir de changements importants dans la marche du royaume.
La convocation des états généraux a été décidée le 8 août 1788 ; elle consacre en fait l'échec du gouvernement, qui n'a pas pu faire face au déficit croissant du Trésor royal, ni trouver les appuis politiques nécessaires au lancement d'une nouvelle collecte des impôts. L'échec est d'autant plus grave que la crise économique frappe de plus en plus les Français, et que la police ne réussit pas à maintenir le calme dans les rues de Paris. En avril 1789, une émeute subite contre un manufacturier, Réveillon, a causé la mort de plusieurs centaines de personnes, avant que l'ordre ne soit difficilement rétabli (→ affaire Réveillon).
Ouverture des états généraux : des aspirations divergentes
Les quelque 1 150 députés arrivent à Versailles, non sans une certaine angoisse – beaucoup de provinciaux sont ignorants de la cour et de Paris, et ont du mal à trouver où se loger. Ils attendent en général beaucoup de ces états généraux, pour lesquels ils ont été élus au terme de réunions nombreuses, et parfois de luttes vives, qui leur ont donné le sens de leurs responsabilités. Chacun se sent investi d'une mission nouvelle, mais tous ne partagent pas, évidemment, les mêmes objectifs. En Bretagne, les députés du tiers se sont affrontés aux nobles, qui ne voulaient ni modifier l'autonomie de la province ni perdre leur prééminence politique, et qui, après une rixe ayant entraîné mort d'homme (janvier 1789), ont fini par boycotter les élections aux états. Dans le Dauphiné, des mouvements de protestation avaient posé dès 1788 les revendications d'une Constitution écrite et d'une égalité devant l'impôt ; la population des villes avait appuyé ces demandes, manifestant violemment contre les troupes du roi (→ Journée des tuiles, à Grenoble, le 7 juin 1788).

Une partie de la noblesse est venue aux états généraux pour réaffirmer le rôle politique éminent dont elle estime avoir été dépossédée par l'entourage du roi. Elle veut bien accepter des réformes si ses privilèges politiques ne sont pas remis en cause. À l'occasion des élections, elle a déjà rejeté dans le tiers état nombre d'anoblis récents. Certains nobles ont lutté tant qu'ils ont pu contre le doublement des députés du tiers, finalement décidé par le roi et son ministre Necker. Les pamphlets hostiles aux aristocrates ont donc fleuri, comme celui publié par l'abbé Sieyès, Qu'est-ce que le tiers état ? qui réclame que les roturiers soient reconnus comme seuls représentants de la nation.
Les querelles commencent aussitôt entre représentants des divers ordres, qui sont différenciés par leurs habits et par leur place dans la salle des Menus-Plaisirs : les aristocrates sont proches du roi, tandis que les roturiers ne peuvent pas l'entendre. Le mécontentement s'accroît lorsque Louis XVI et ses ministres, négligeant les prétentions réformatrices de nombreux députés, assignent comme objectif essentiel aux états généraux un accroissement des impôts. Les jours suivant la séance d'ouverture, tandis que le roi pleure la mort de son fils, le dauphin Louis (1781-1789), et qu'aucune directive ne vient encadrer les travaux des députés, les antagonismes se fixent sur la vérification des mandats – le tiers voulant une vérification commune qui permette de valider le vote par tête (et non par ordre entier).
2.3. L’Assemblée nationale
Le tiers état seul représentant de la nation

Le blocage est dénoué le 17 juin, lorsque le tiers état se proclame seul représentant de la nation et prend le nom d'« Assemblée nationale », qu'il déclare ouverte aux députés des autres corps. L'Assemblée s'arroge aussitôt le pouvoir de consentir à tous les impôts, déniant au roi le droit d'exercer son veto sur les décisions qu'elle avait prises et qu'elle prendrait par la suite. Devant ce coup de force, qui rallie une majorité des membres du clergé et quelques nobles libéraux, les nobles intransigeants se liguent avec le roi.
Le serment du Jeu de paume

Le 20 juin, les députés du tiers trouvent la porte de leur salle fermée ; ils se réunissent alors dans la salle du Jeu de paume, où ils prêtent serment de ne pas se séparer avant d'avoir donné une Constitution au royaume. L'épreuve de force est commencée. Quelques jours plus tard, à la séance du 23 juin, le roi somme les députés de délibérer par ordre, séparément; à l'ordre de dispersion donné par le maître de cérémonies, le comte de Mirabeau répond, selon la légende, par la formule célèbre : « Nous sommes ici par la volonté du peuple et nous n'en sortirons que par la force de baïonnettes ! »
Le renvoi de Necker



Le 27 juin, Louis XVI fait mine de céder en invitant les ordres privilégiés à se joindre à l'Assemblée nationale. Mais, le 26 juin, il fait venir des troupes (20 000 hommes de régiments étrangers) sur la capitale, puis renvoie ses ministres jugés trop libéraux, parmi lesquels Necker, contrôleur des Finances, congédié le 11 juillet. La peur d'une répression militaire gagne les députés et les Parisiens, qui se heurtent dans les jardins des Tuileries aux soldats du régiment Royal allemand commandé par le prince de Lambesc, accusés d'avoir tué des manifestants.
La prise de la Bastille

Jean-François Janinet, Prise de la Bastille par les gardes françaises et les bourgeois de Paris
L'effervescence grandit, les Parisiens vont chercher des armes, en trouvent au Châtelet et viennent, le 14 juillet, se masser aux portes de la prison royale de la Bastille. Après de longues heures d'échanges de coups de feu et de négociations confuses, la foule s'empare de la forteresse redoutée et en tue le gouverneur. Le roi avalise cette violence en se rendant à l'Assemblée, le lendemain 15 juillet, pour annoncer le retrait des régiments étrangers de la capitale ; le 17, il se rend à Paris et accepte la cocarde tricolore des mains du député Bailly, président de l'Assemblée nationale, qui vient d'être élu maire de la Commune de Paris. Pendant ce temps, la renommée des « vainqueurs de la Bastille » gagne la France entière. La force l'a emporté, venant au secours des réformateurs.
2.4. La Grande Peur et ses conséquences
Dans tout le pays, ce choc ébranle les autorités. Les partisans des réformes (qui s'appellent entre eux les « patriotes ») prennent le pouvoir dans les municipalités urbaines et, parfois, chassent les troupes stationnées dans les châteaux royaux. Dans les campagnes, des rumeurs incontrôlées poussent les ruraux à s'armer contre de mystérieux « brigands », accusés de brûler les récoltes. Ils forment des attroupements qui s'en prennent aux propriétaires, détruisent des titres de propriétés, dévastent des logis seigneuriaux, molestent des personnes jusqu’à parfois les tuer.
Les événements parisiens, aussi inquiétants que prometteurs, trouvent manifestement un écho qui témoigne des attentes et des craintes des ruraux français, lesquels espèrent souvent la fin des impôts, celle de la police des blés, et des terres à acheter ! Cette manifestation de psychose collective, que l'on a appelée la « Grande Peur », se répand du 20 juillet au début d'août dans presque toute la France – n'y échappent guère que la Bretagne, l'ouest de l'Aquitaine, la Lorraine et l'Alsace.
Pour en savoir plus, voir l'article la Grande Peur.
La nuit du 4 août 1789

Elle provoque en retour, à Versailles, au sein des ordres privilégiés, le sentiment qu'il faut abandonner d'urgence des principes devenus caducs. Le 4 août, sous la poussée d'une poignée de nobles libéraux (dont le vicomte de Noailles et le duc d'Aiguillon), et dans l'effusion générale, l'Assemblée décrète la fin des privilèges et la destruction complète du régime féodal.
D'un seul coup, sans aucune préparation, toutes les habitudes sociales sont jetées à bas dans la confusion. Le clergé perd ses ressources (en l'occurrence son impôt, la dîme), et les seigneurs lâchent leurs droits honorifiques, obtenant toutefois que leurs droits de propriété soient rachetables. Évidemment, l'abolition des privilèges mécontente toute une partie de la noblesse, dont certains représentants éminents (comme les frères du roi) émigrent ; mais elle déçoit également les paysans, qui comprennent que leurs charges ne sont qu'allégées.
La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen

Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Cette liquidation du passé débouche logiquement sur la recherche de nouvelles bases sociales. Une discussion complexe s'engage sur une Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (dans le sillage des déclarations adoptées par les États américains quelques années plus tôt) ; elle est votée le 26 août. Placée sous les auspices de l'« Être suprême » (principe supérieur de raison et de vertu), la France admet dorénavant que tous ses habitants sont « libres et égaux en droits » et qu'ils détiennent la souveraineté du pays. Louis XVI devient « roi des Français », la religion catholique perd son statut de religion d'État : l'Assemblée nationale a ainsi réalisé une véritable révolution politique.
Louis XVI prisonnier du peuple de Paris

Pourtant, rien n'est réglé. La cour résiste, la reine Marie-Antoinette jouant un rôle manifeste dans ce refus. Des troupes sont rappelées autour de Paris ; certains officiers sont accusés d'avoir foulé aux pieds la cocarde tricolore – mêlant les couleurs bleue et rouge de la capitale à la couleur blanche de la royauté –, qui est devenue l'emblème des patriotes après le 14 juillet. Dans le camp opposé, les députés de l'Assemblée nationale ont réussi, difficilement, à faire accepter l'idée que le pouvoir législatif soit exercé par une Chambre unique et n'ont accordé au roi qu'un droit de veto « suspensif » par rapport aux décisions de la Chambre (septembre 1789). Le roi repousse la signature des décrets qui promulguent ces changements, alors que la crise économique frappe toujours le petit peuple, qui ne mange pas à sa faim.
Une foule de Parisiens et de Parisiennes se rend au château de Versailles et l'envahit, le 5 octobre, tuant quelques soldats. Au soir du 6, après avoir avalisé les mutations politiques, le roi est contraint de revenir à Paris avec le cortège des émeutiers. Désormais, Louis XVI peut se considérer – c'est le point de vue qu'il adoptera – comme prisonnier du peuple de Paris.
Ainsi, en quelques mois, la violence a fait basculer la France dans une aventure politique dont les enjeux sont énormes et les règles inconnues. À partir d'octobre 1789, les Français vont prendre conscience d'être entrés dans une ère nouvelle, qui dépasse les débats sur la monarchie constitutionnelle : la Révolution.
3. L'Assemblée nationale constituante
3.1. Nouveaux principes
L'Assemblée nationale a été proclamée constituante le 9 juillet 1789 (elle siégera jusqu'au 30 septembre 1791). Ses membres, qui ne se considèrent plus comme les députés de l'« Ancien Régime » – la formule commence à être employée à la fin de 1789 –, appliquent immédiatement leur volonté de modifier l'organisation politique et sociale du royaume : c'est dans cette perspective qu'ils entament la rédaction de la Constitution.

Le principe de la « souveraineté du peuple » étant admis, la question de la division des pouvoirs vient au centre du débat. Les éléments les plus radicaux l'emportent : le projet de la Chambre unique est adopté, contre l'avis des modérés, qui souhaitaient une Chambre haute, à l'image de la Chambre des lords britannique, pour tempérer les changements – proposition rejetée car elle risquait de réintroduire une hiérarchie sociale jugée inacceptable. Par la suite, les députés affirment la supériorité de la Chambre sur le roi. Louis XVI, dorénavant « roi des Français », régnera « par la grâce de Dieu et la loi constitutionnelle de l'État ». Le corps législatif, composé de 745  députés, élus pour deux ans, établira et votera le budget et les lois, et décidera avec le roi de la paix et de la guerre ; le monarque ne disposera que d'un droit de veto suspensif, renouvelable deux fois sur une même loi.
Le mode électoral
Les élections seront régies par un système censitaire, ouvert aux hommes de plus de 25 ans payant en impôt l'équivalent de trois journées de salaire ; sont exclues du suffrage les femmes, et toute une population flottante de travailleurs urbains occasionnels et de pauvres journaliers – qui deviennent des citoyens « passifs », par opposition avec les électeurs, citoyens « actifs ». Surtout, ne peuvent être éligibles que les personnes qui paient un minimum de 50 F d'impôts, ou qui possèdent un bien évalué à 150 journées de travail. Ces distinctions, qui mettent en cause le sens même de la Révolution, soulèvent immédiatement un débat national.
Nouvelle organisation territoriale
À partir de 1790, l'organisation administrative, judiciaire et militaire de la nation est remise en chantier. Quatre-vingt-trois départements, de superficie sensiblement équivalente et dénués de tout privilège, remplacent les anciens découpages provinciaux.
Cette mutation touche toutes les dimensions de la vie collective, et bouleverse toutes les organisations préexistantes. Les responsabilités administratives sont attribuées par élection entre candidats compétents, choisis par les citoyens éligibles constitués en « assemblées primaires ».
Une nouvelle hiérarchie judiciaire est mise en place dans les départements, qui déconstruit le réseau complexe et disparate des anciens tribunaux royaux et seigneuriaux au profit d'une organisation uniforme sur l'ensemble du territoire. La réforme judiciaire s'accompagne d'une révision importante de la marche de la justice. Les peines sont mises en relation avec la gravité des délits, et l'usage de la torture et les punitions corporelles sont abolies.
L'organisation religieuse est également profondément touchée : les biens de l'Église sont confisqués (2 novembre 1789) pour être mis à la disposition de la nation. Une telle décision marque la volonté de mettre à contribution l'ordre le plus riche du pays et d'affaiblir les ordres monastiques décriés.
3.2. La question religieuse
Alors que cette attaque contre les ordres monastiques ne provoque pas de véritable réaction, la réorganisation de l'Église – mise en œuvre par la Constitution civile du clergé, votée le 12 juillet 1790 – met le feu aux poudres. Privé de ses ressources propres, le clergé est pris en charge par la nation, qui alloue des salaires à ses membres, mais exige en contrepartie la prestation d'un serment de fidélité. La Constituante procède à un redécoupage des paroisses et des évêchés (dont certains disparaissent), pour les mettre en harmonie avec les communes et les départements. Ce sont les citoyens des assemblées primaires qui élisent désormais les clercs ; et les évêques reçoivent l'investiture spirituelle non plus du pape – qui est seulement informé de leur élection –, mais de leur archevêque.
Cette organisation remet en cause unilatéralement le concordat de 1516, au moment où les propriétés du Saint-Siège, en Avignon, sont agitées par une campagne populaire violente en faveur de leur rattachement à la France. Elle installe le régime dans des difficultés internationales graves, même si le pape ne réagit pas dans l'immédiat. Les membres du clergé français ne peuvent trouver de moyen terme : ils doivent tout accepter ou tout refuser. Après des hésitations et de nombreux débats, un peu plus de la moitié des clercs acceptent de prêter serment à la Constitution civile (nombre d'entre eux reviendront sur cette acceptation par la suite), les autres s'y refusant. Pratiquement tous les évêques sont dans ce dernier cas, ainsi que la majorité des prêtres des régions de l'Ouest, du Nord-Ouest, de l'Est et de la bordure méridionale du Massif central.
La rupture ne se fait pas seulement au gré des opinions individuelles, mais aussi, dans de nombreux cas, en fonction de courants collectifs. Dans l'Ouest notamment, les ruraux sont violemment hostiles à la Constitution civile du clergé, qu'ils accusent de provoquer un schisme éloignant d'eux leurs « bons prêtres ». Dans le Midi, où protestants et catholiques cohabitent difficilement, les querelles tournent aussitôt au drame. Ajoutant les rancunes politiques et sociales aux questions religieuses, catholiques et protestants s'affrontent dans des « bagarres » qui font, au printemps de 1790, une centaine de victimes à Montauban et quatre cents morts à Nîmes. Dans ce débat, le roi ne prend pas ouvertement parti mais désavoue, de fait, la Constitution civile. Lorsque le pape la condamne finalement, le 11 mars 1791 – huit mois après son adoption –, le schisme religieux est consommé. Il présage le schisme politique. La France, qui avait cru à la fraternité, est maintenant partagée en camps opposés.
3.3. Premiers troubles
La fête de la Fédération (14 juillet 1790)

L'élan fédérateur témoigne paradoxalement de cette déchirure. Les patriotes de la Garde nationale, milice civique chargée depuis 1789 du maintien de l'ordre dans presque tous les bourgs et villes du royaume, ont éprouvé le besoin de manifester leur cohésion dans des rencontres provinciales, appelées « fédérations ». Le point d'orgue de ce mouvement est la fête de la Fédération, célébrée le 14 juillet 1790 à Paris, sur le Champ-de-Mars, en présence du roi. L'unité proclamée masque mal les tensions et les réticences. On en voit la preuve en août, lorsque des troupes soldées, les suisses casernés à Nancy, se révoltent, prétextant des droits des citoyens pour demander des augmentations et un meilleur sort, et qu'elles sont violemment réprimées par les soldats du marquis de Bouillé.
La question financière
À ce climat troublé s'ajoute la question financière. Les biens du clergé sont mis en vente progressivement comme « biens nationaux », sur lesquels sont gagés des billets émis par l'État, les assignats, qui deviennent une véritable monnaie en avril 1790 ; cette mesure provoque une hausse des prix et une pénurie de l'argent qui aggravent par contrecoup les conditions de vie des plus pauvres, renforçant le parti des opposants à la Révolution.
Une multitude de mécontentements

À compter de 1791, ces derniers vont composer un véritable mouvement, dont l'unité se réalise en particulier dans le Midi : en août 1790 déjà, des milliers de gardes nationaux se sont rassemblés au camp de Jalès, dans le Vivarais, où un comité de nobles les a engagés à récuser la Constituante. Ils ont promis de lutter pour « rétablir le roi dans sa gloire ». Dispersé une première fois, le camp de Jalès se reconstituera. Dans l'Ouest, les querelles se cristallisent sur le remplacement des prêtres qui ont refusé le serment. De véritables affrontements, parfois mortels, ont lieu épisodiquement ici ou là. Ailleurs, en Normandie, dans le Quercy, dans le Limousin ou en Bourgogne, des paysans s'opposent aux propriétaires, mettent à mal des châteaux et refusent de payer les redevances et les impôts.
En dépit de ces tensions, les bases du nouvel État français paraissent solidement implantées. Les cadres administratifs ne seront plus remis en question par la suite, ni les principes qui président à l'organisation des instances judiciaires – voire religieuses. Mais les bouleversements entraînés par ces modifications, qui heurtent parfois de façon délibérée les habitudes issues de l'Ancien Régime, s'ajoutent pour créer de multiples mécontentements poussant à une lutte politique ouverte.
3.4. Le déshonneur du roi
La fuite de la famille royale

Dans ce contexte troublé, l'annonce de la fuite du roi éclate comme un coup de tonnerre. Le 20 juin 1791, la famille royale s'enfuit vers la frontière orientale dans une lourde berline, le roi laissant derrière lui un manuscrit important qui désavoue toute l'œuvre de l'Assemblée. L'équipée est cependant arrêtée non loin de son objectif, dans la petite ville de Varennes, par le maître de poste Drouet, promu héros national ; les fugitifs sont aussitôt reconduits sous escorte à Paris, où ils sont de retour le 25 juin.
Le pays est traumatisé par cet événement, qui symbolise l'impossibilité de tout compromis. La mobilisation a été générale sur toutes les frontières, où les troupes s'attendent à être attaquées par les émigrés et les étrangers hostiles à la Révolution. Le retour dans la capitale se fait dans le silence, tandis que l'Assemblée tente de maintenir la fiction de l'enlèvement du roi, décrète l'inviolabilité de sa personne et le prive de tout pouvoir.
La volonté de préserver les institutions prévaut, alors que certains imaginent déjà l'instauration d'une république. Une campagne de presse d'une intensité et d'une férocité considérables se développe dans tout le pays. Le roi et sa famille sont présentés sous des formes infamantes et obscènes. La personne du roi n'a plus rien de sacré après cet épisode, qui fait considérer définitivement le pouvoir comme la résultante d'un rapport de forces.
Le mouvement républicain : Jacobins et Feuillants
Cette fermentation est aggravée par l'agitation sociale entretenue par le club révolutionnaire des Cordeliers, qui accepte en son sein des citoyens « passifs » désireux de jouer un rôle politique. Les tensions culminent le 17 juillet 1791, lorsqu'une manifestation contre la personne du roi se tient, malgré l'interdiction de l'Assemblée, sur le Champ-de-Mars. Les troupes, débordées, font feu et tuent une cinquantaine de manifestants. La réponse politique est immédiate. Les patriotes se divisent entre ceux qui veulent poursuivre le cours de la Révolution, et se rassemblent dorénavant dans le club des Jacobins, et ceux qui veulent mettre fin aux innovations révolutionnaires, et se retrouvent dans celui des Feuillants.
3.5. La montée des périls et la guerre
La déclaration de Pillnitz (août 1791)
Partisans et adversaires de la Révolution sont donc entrés dans des luttes ouvertes pour le pouvoir, et tout le pays est concerné par les divisions politiques. Comme les clercs, les officiers de l'armée sont confrontés à l'obligation de prêter serment, ce qu'une partie d'entre eux refuse de faire : ils sont nombreux à émigrer vers les villes frontalières des principautés allemandes. Les menaces internationales grandissent contre la Révolution. Après les empiétements français en Avignon et les restrictions appliquées aux propriétés des princes allemands en Alsace, les cours européennes ont été choquées par l'arrestation du roi et de la reine, princesse autrichienne. Son frère, l'empereur d'Autriche Léopold II, et le roi de Prusse, Frédéric-Guillaume, se concertent en août 1791 dans la ville de Pillnitz et signent une déclaration conjointe dans laquelle ils se déclarent prêts à intervenir pour rétablir les droits du roi en France. Cette proclamation, maladroite puisque aucun des deux souverains n'envisage d'entrer en guerre, sonne cependant comme une menace intolérable, radicalisant les positions et présentant le couple royal comme traître à la France (→ déclaration de Pillnitz).
Les débuts de l'Assemblée législative
Alors que, le 14 septembre 1791, le roi approuve la Constitution du pays – permettant qu'une nouvelle Assemblée, la Législative, soit élue pour deux ans –, le pays est gravement divisé.
La Législative se réunit en séance inaugurale le 1er octobre 1791, avec des hommes nouveaux – les députés de la Constituante ont en effet été déclarés non rééligibles. Bien que leur majorité reste modérée, tous ces hommes appartiennent au camp révolutionnaire. Ils se méfient du roi, avec lequel les frictions se multiplient d'emblée. L'Assemblée commence par renforcer les mesures à l'encontre des prêtres réfractaires et des émigrés, demandant aux princes de l'Empire – les Électeurs de Trèves et de Mayence en particulier – de disperser leurs bandes rassemblées aux frontières (29 novembre 1791). Le comte de Provence, frère du roi (futur Louis XVIII), est sommé de regagner la France, sous peine d'être déchu de ses droits au trône.
Pour en savoir plus, voir l'article les assemblées politiques en France.
Le recours à la guerre
Une politique étrangère belliqueuse va bientôt réunir, pour des motifs évidemment opposés, les espérances des différents groupes politiques. En cas de guerre, la « droite » et le roi attendent de la désunion du pays et du départ des officiers une défaite rapide des troupes françaises, qui serait le prélude à une restauration monarchique ; la « gauche » espère que les traîtres se démasqueront et escompte d'une croisade de la liberté le soutien des autres peuples européens. Certains, comme La Fayette, veulent profiter des circonstances pour obtenir des avantages politiques. Rares sont ceux qui, comme Robespierre, prêchent la prudence, redoutant la prise du pouvoir par des intrigants.
Au milieu de ces luttes politiques incertaines, le 20 avril 1792, le roi et l'Assemblée déclarent la guerre au chef du Saint Empire, l'empereur François II d'Autriche, allié au roi de Prusse ; ces derniers prennent aussitôt l'offensive. Les armées françaises doivent reculer dès les 28 et 29 avril, tandis qu'à Paris l'atmosphère se fait orageuse : les contre-révolutionnaires se réjouissent ouvertement, leurs journaux applaudissent aux défaites, tandis que les révolutionnaires dénoncent les trahisons, impliquant la reine, leurs officiers et une partie de l'Assemblée.
L'alliance du peuple en armes et de la Révolution

Isidore Pils, Rouget de Lisle chantant la Marseillaise pour la première fois
Isidore Pils, Rouget de Lisle chantant la Marseillaise pour la première fois
Or, bouleversant les calculs politiques, un élan patriotique imprévu se manifeste. De nombreux jeunes gens s'enrôlent dans les armées : un appoint de médiocre valeur dans l'immédiat, mais qui scelle l'alliance du peuple en armes et de la Révolution. Le Chant de guerre pour l'armée du Rhin, composé à Strasbourg par un jeune officier, Rouget de Lisle, deviendra, après juillet 1792, le symbole de cet élan populaire sous le nom de la Marseillaise.
Les luttes politiques ont donc conduit à un échec des modérés au profit des extrémistes des deux bords. Les partisans d'une révolution limitée n'ont pas pu trouver un allié dans la personne du roi, qui a préféré la politique du pire. Les contre-révolutionnaires se sont continuellement renforcés, recrutant des alliés à l'étranger et des soutiens à l'intérieur, dans les milieux hostiles à la Constitution civile du clergé. Les révolutionnaires, pour leur part, ont trouvé dans les événements la preuve que leurs craintes de trahison étaient fondées.
4. Vers la République
4.1. La nuit du 10 août 1792 : le renversement de la monarchie

Dans cette conjoncture où les menaces intérieures semblent faire écho aux menaces extérieures, les contre-révolutionnaires devenant chaque jour plus nombreux, le gouvernement durcit sa politique. Le 27 mai 1792, un décret exige la déportation des prêtres réfractaires, tandis qu'un autre ordonne, le 4 juin, la constitution d'un camp de volontaires fédérés sous les murs de Paris pour arrêter l'avancée des armées étrangères. L'opposition du roi à ces mesures provoque une réaction des sans-culottes (dirigés par le club des Cordeliers), qui envahissent le palais des Tuileries, le 20 juin, pour contraindre le roi à revenir sur ses refus. Acculé dans l'enseigne d'une fenêtre, coiffé d'un bonnet rouge et obligé de boire à la santé de la Révolution, Louis XVI maintient cependant ses décisions. Il est soutenu, peu apr&

 
 
 
 

JÉRUSALEM

 

 

 

 

 

 

Jérusalem
en arabe al-Quds

Jérusalem
Ville de Palestine, sainte pour les trois monothéismes, Jérusalem a été divisée en 1948 entre un secteur occidental, incorporé à Israël, et un secteur oriental, annexé par la Jordanie. Jérusalem-Est a été en 1967 occupée par l'État hébreu, qui a proclamé l'unification de la ville, avant d'en faire sa capitale. Ce fait accompli n'a cependant jamais été reconnu par la communauté internationale. La définition du statut de la ville dépend ainsi de la conclusion d'un accord de paix israélo-palestinien.
Population : 790 719 hab. (estimation pour 2011)
Nom des habitants : Hiérosolymitains ou Hiérosolymites


GÉOGRAPHIE
Juxtaposant une ville ancienne à l'est, des quartiers modernes à l'ouest et au nord, Jérusalem est un centre administratif et culturel (université, musées). C'est aussi un centre religieux et un lieu de pèlerinage pour les juifs, les musulmans et les chrétiens. Les Lieux saints sont placés sous la juridiction des trois confessions. Un tramway relie le mont Herzl, au sud-ouest, à Pisgat Zeev, au nord-est, depuis 2011, faisant une incursion dans Jérusalem-Est et desservant le camp de réfugiés de Shouafat.


L'HISTOIRE DE JÉRUSALEM
1. Les origines de la cité
La ville apparaît dans l'histoire vers 2000-1900 avant J.-C. Elle porte alors le nom de Urushalem (« fondée par le dieu Shalem ») et est une étape sur la route des crêtes, moins fréquentée que la via maris et que la « chaussée royale », entre l'Égypte et le Croissant fertile. Cité d'importance moyenne, moins riche que Hébron, Sichem ou Gabaon, elle pouvait compter, au moment de la pérégrination d'Abraham, environ 15 000 habitants.
Ses rois, qui selon la conception sémitique la plus ancienne assumaient également la fonction sacerdotale à l'égard de la divinité locale (El Elyon, le « Dieu très haut »), portaient des titres incluant le mot sedeq (justice) : Melchisedech, Adonisedech. Les lettres d'Al-Amarna (vers 1350 avant J.-C.) et le deuxième livre de Samuel (XXIV, 16) mentionnent toutefois un roi portant un nom hourrite et un autre un nom indo-européen. La population y était donc mêlée. D'après les lettres d'Al-Amarna, ces rois payaient tribut au pharaon d’Égypte.


2. La Jérusalem biblique
2.1. La conquête de Jérusalem
Lors de la conquête de Josué, la cité, tenue par des Cananéens du nom de Jébuséens, conserva son autonomie et constitua une enclave au milieu des Israélites, les séparant en tribus du Nord et tribus du Sud. Des fouilles récentes ont montré que la citadelle enlevée vers l'an 1000 avant J.-C. par Joab, général du roi David, fut bien capturée, ainsi que le rapporte la Bible, en empruntant son canal souterrain, le sinnor (II Samuel, V, 8), stratagème resté légendaire.
La « cité de David »
Comme les assaillants étaient des gens du roi, la ville ne fut attribuée par David à aucune des tribus, devint domaine royal et fut appelée « cité de David ». Le roi en fit le ciment de l'unité du peuple hébreu. En transférant l'Arche d'alliance de Kiryat Yearim (cité de la confédération gabaonite où elle était entreposée) à Jérusalem, il y fixa le sanctuaire amphictyonique, autrefois à Silo. Puis, en élevant un autel sur l'aire de battage du dernier souverain jébuséen, Arauna, il érigea Jérusalem en centre religieux de tout Israël.
Salomon et la construction du Temple
Cette consécration de la cité fut parachevée par le roi Salomon, qui construisit le Temple (969-962 avant J.-C.) et le Palais royal. L'édification du Temple suivant les consignes laissées par Moïse marque une étape importante dans l'histoire du monothéisme. Le Temple devint le centre national et liturgique du peuple hébreu en attendant de devenir, avec la réforme de Josias et la promulgation du Deutéronome (622 avant J.-C.), le lieu de culte exclusif. Salomon fit de Jérusalem une cité opulente.


2.2. Capitale du royaume de Juda (931 avant J.-C.-587 avant J.-C.)
La période de deux cents ans qui s'écoula entre le schisme du royaume (931 avant J.-C.) et la destruction de l'État du Nord (721 avant J.-C.) fut une période d'instabilité pour Jérusalem, capitale du royaume de Juda. Quand la menace assyrienne fondit sur le royaume d'Israël (721 avant J.-C.), le petit État du Sud, où se manifestait alors la personnalité marquante du prophète Isaïe, survécut à la tourmente. Il succomba pourtant en 587 avant J.-C. sous les coups du roi Nabuchodonosor. Mais, entre-temps, les promesses prophétiques avaient été attachées au royaume de Juda, et l'espoir de sa restauration accompagnera les déportés à Babylone où fut composé le psaume 137 : « Si je t'oublie Jérusalem, que ma droite m'oublie ! » C'est en exil aussi que s'élabora une représentation idéalisée du Temple à rebâtir.


2.3. La période perse achéménide
Après l'édit de Cyrus (538 avant J.-C.), une caravane de retour, conduite par Zorobabel, procéda à l'édification du Temple, mais de façon beaucoup plus modeste qu'il n'avait été prévu (520-515 avant J.-C.). Lorsque Néhémie, revenu un siècle plus tard avec des groupes plus nombreux, voulut relever les murs (445-443 avant J.-C.), il dut affronter l'opposition de Sanaballat, gouverneur de Samarie, et ne put exercer son autorité au nom du roi de Perse que sur une ville restreinte, soumise à un numerus clausus. Une fois le pays repeuplé, le scribe Esdras procéda dans une « grande assemblée » à la publication du texte de la loi et à l'établissement du cadre légal qui donna à la nouvelle communauté sa cohésion religieuse et nationale (428 avant J.-C. ou, plutôt, 398 avant J.-C.).


2.4. La période hellénistique (332-142 avant J.-C.)
L'invasion de la Syrie par Alexandre le Grand (332 avant J.-C.) mit fin à l'hégémonie perse et fit passer Jérusalem sous la domination des diadoques et de leurs successeurs lagides(319-197 avant J.-C.), puis séleucides(197-142 avant J.-C.). L'influence des maîtres de l'heure ne devint cependant marquante qu'au iie siècle avant J.-C. ; les mœurs grecques pénétrèrent alors le peuple juif ; les jeux du stade firent leur apparition à Jérusalem. L'autorité du sacerdoce aaronide, compromise dans cette situation, en fut atteinte ; il en résulta des luttes entre deux grandes familles hiérosolymitaines, les Oniades et les Tobiades, et la formation de groupes religieux dissidents dont certains préférèrent l'exil à l'imposture (communautés de l'Alliance de « Damas », esséniens de Qumran).
À cette époque naquit le parti pharisien, de recrutement surtout populaire, qui s'opposa au parti sadducéen, lié au sacerdoce du Temple et soutenu par les classes dirigeantes.
En 167 avant J.-C., le roi syrien Antiochos IV Épiphane prit occasion de ces divisions pour intervenir et pour mettre à exécution son programme d'assimilation forcée : hellénisation de la cité et du Temple, où il instaura le culte de Zeus Olympien, confiscation des impôts du culte au profit du trésor de la Couronne, érection d'une place forte pour la lutte contre l'Égypte (construction de l'Acra au centre de la ville).
La crise amena au pouvoir les hellénistiques radicaux réunis autour du grand prêtre Ménélas. Ce coup de force fut à l'origine de la révolte des Maccabées. Judas Maccabée, après une lutte de guérilla contre les généraux Nicanor et Gorgias, parvint à s'emparer du sud de la ville et du Temple, qu'il purifia le 25 kislev 164 avant J.-C., jour d'où date la fête juive de Hanoukka. Mais le nord de la ville, appuyé à l'Acra, resta aux mains des troupes grecques, et la cité fut partagée en deux tronçons par un mur. La partie fortifiée ne cédera qu'en 143, sous les coups de Simon l'Asmonéen.


2.5. La période asmonéenne (143-63 avant J.-C.)
Jérusalem redevint alors pour quatre-vingts ans la capitale d'un État juif florissant. Les Asmonéens (ou Hasmonéens) eux-mêmes n'en furent pas moins amenés à se conformer très rapidement sous de nombreux aspects aux coutumes de la civilisation hellénistique. Le conflit des sadducéens et des pharisiens rejaillit alors et prit sous leur règne un tour aigu. Le dernier roi asmonéen, Aristobule II (67-63 avant J.-C.), ne put empêcher l'intervention des légions romaines et l'installation à leur solde de l'Iduméen Hérode le Grand (37-4 avant J.-C.).


3. Jérusalem sous les Hérodiens
3.1. Le centre de la Diaspora
Hérode le Grand, vassal de l'empereur romain, fut un grand constructeur. La majesté de la Jérusalem d'Hérode, rehaussée par Hérode Agrippa Ier (37-44 après J.-C.), n'était que la façade de changements plus importants. Jérusalem devint le centre de l'importante diaspora impériale qui s'étendit de la Perse à l'Espagne en passant par l'Égypte, la Syrie, l'Asie Mineure et la Proconsulaire. Dans la diaspora, un prosélytisme actif accrut fortement le nombre des communautés juives. À l'occasion de la Pentecôte, des fidèles des synagogues de toutes les parties du monde se rassemblaient à Jérusalem.
La tradition pharisienne, soucieuse de garder le contact avec les communautés de tout l'Empire, fut formulée au cours de cette période dans les écoles de Shammaï et de Hillel ; elle se maintiendra après 70 à Yabne grâce aux efforts des rabbis Johanan ben Zakkaï et Akiba. Tout au long du ier siècle après J.-C., l'occupation romaine suscita cependant la protestation ascétique des esséniens et l'opposition politique des zélotes.
C'est dans ce contexte que se fit entendre, vers 28, la voix de Jean-Baptiste, invitant les juifs pieux à revenir aux préceptes de la loi et à recevoir un baptême de pénitence. Accueilli par certains comme le « nouvel Élie », il ouvrit la voie à la prédication de Jésus de Nazareth (29-30). La naissance du christianisme, la condamnation de Jésus par Ponce Pilate, sa crucifixion, l'annonce de sa résurrection, bien qu'à peine remarquées à l'époque sans doute, allaient modifier le caractère de la ville de Jérusalem.


3.2. La révolte contre l'occupant romain
La révolte qui couvait depuis le début du siècle éclata sous Néron. En 66, Menahem, troisième fils de Judas le Galiléen, chassa les Romains de la ville, mit le feu aux archives du Temple afin de rendre impossible l'acquittement des impôts, et, en 68, le nouveau chef zélote, Simon Bar-Giora, proclama la libération générale des esclaves juifs. Tandis que le parti zélote se scindait en factions rivales, la réaction romaine se fit plus violente. Selon Flavius Josèphe, son chroniqueur, 25 000 soldats tinrent tête dans la ville pendant trois ans à une armée romaine quatre fois plus forte. Après la chute de la ville en 70, la résistance se poursuivit dans la ville haute, puis dans la forteresse de Massada, dont les défenseurs, autour du zélote Eléazar, tinrent en échec pendant plusieurs mois les troupes du général L. Flavius Silva et finalement se suicidèrent plutôt que de se rendre (Pâques 73).


4. Jérusalem, cité romaine (135-636)
4.1. La révolte de Kokhba
Après un second soulèvement sous l’empereur Trajan (117), qui fut maté, l'empereur Hadrien (117-138), décida de faire de Jérusalem une ville romaine. La création de cette colonie, sous le nom d'Aelia Capitolina, provoqua un nouveau sursaut de la conscience nationale autour du prince et général juif Bar-Kokhba (ou Bar-Kochba, « fils de l'étoile »). Les Romains durent évacuer la ville, et pendant deux ans (132-134) la souveraineté juive fut restaurée.
La réaction impériale fut impitoyable : échange de populations et implantation des colons païens venus de tout l'Empire. La communauté juive ne retrouvera un statut légal dans le pays qu'à la fin du iie siècle. Aelia Capitolina ne fut plus qu'une ville secondaire, soumise à Césarée, et où l'on parlait grec.
Avec l'instauration de l'empire chrétien (325), Jérusalem, ville sainte du christianisme, devint un centre de pèlerinages. Sur l'emplacement où sera bâti ensuite le Saint-Sépulcre, l'église de l'Anastasis (Résurrection) fut construite à l'instigation de l'impératrice Hélène, qui se rendit sur place pour la mise au jour du bois de la « vraie Croix ». Origène, en érudit, procéda à la localisation des données topographiques indiquées dans les Évangiles. L'Illyrien saint Jérôme vint s'y établir et y procéda avec l'aide de juifs lettrés à la traduction de la Bible en latin.
L'impératrice Eudoxie, au ve siècle, fit bâtir Saint-Étienne et permit de nouveau aux juifs d'acquérir des propriétés dans la ville. Justinien, enfin, édifia Sainte-Marie-la-Neuve, en contrebas de l'actuelle mosquée al-Aqsa.
Au début du viie siècle, la suprématie byzantine commençant à décliner, le sort de Jérusalem se joua à trois reprises. En 614, le roi Khosrô II, auquel les populations chrétiennes de Syrie, persécutées par les Byzantins, faisaient bon accueil, enleva Antioche et Damas. En Galilée, 26 000 juifs se joignirent à son armée, et Jérusalem tomba sans grande résistance. L'Anastasis, les églises du mont des Oliviers, la basilique de Justinien furent en grande partie détruites, et la relique de la Croix emportée en Perse avec une longue file de captifs. Les juifs retrouvèrent alors pour un temps un plein droit de cité dans la ville.
Mais en 629 l'empereur Héraclius vainquit Khosrô, reprit possession des territoires perdus et poussa jusqu'en Perse. Il y retrouva la relique de la vraie Croix, qu'il rapporta lui-même solennellement à Jérusalem. L'entrée de la ville fut de nouveau interdite aux juifs, et les églises furent reconstruites. Mais Byzance et la Perse s'étaient épuisées, matériellement et spirituellement, dans ce conflit.
En 632 apparurent sur la scène des conquérants aux forces neuves, les Arabes, récemment unifiés par le message de Mahomet, qui se réclamait à la fois d'Abraham et de Jésus. En 638, le calife Umar Ier se présenta devant Jérusalem : le patriarche Sophronius opta pour une reddition sans combat, garantie par la présence du pacificateur. Umar Ier promulgua alors un édit de tolérance à l'égard des « gens du Livre ». Les chrétiens demeurèrent dans la ville, et des juifs purent commencer à venir s'y installer.


5. La Jérusalem musulmane (638-1099)
Jérusalem fit alors partie du « djund Filastin », dont Lod puis Ramla furent la capitale. La ville, restée en majorité chrétienne, garda le nom de Iliya (Aelia), remplacé plus tard par celui de Bait al-Maqdis (« le Sanctuaire »), simplifié en Al-Quds (« la Sainte »), quatrième cité sainte de l'islam après La Mecque, Médine et Damas.
Sur l'esplanade du Temple, qui prend le nom de Haram al-Charif et où, selon la croyance musulmane, doit se dérouler le jugement dernier, Umar ne fit dresser qu'une minuscule mosquée de bois, semblable à celles des premiers disciples du prophète.
Mais le calife Abd al-Malik (685-705), mû par de nouvelles conceptions, résolut de faire de Jérusalem un centre de pèlerinage islamique comparable à La Mecque et entreprit la construction de la Coupole du Rocher. Si l'on considère le tracé de la Coupole, un cercle – flanqué de deux octogones – qui symbolise le centre du monde avec des continents et les océans à son pourtour, on peut supposer que le calife Abd al-Malik voulut reprendre à son compte les traditions juive et chrétienne sur le rôle de la ville « nombril du monde ». L'esplanade retrouva son rôle biblique d'enceinte sacrée, le plan de la Coupole, unique dans l'architecture musulmane, fut emprunté aux basiliques byzantines, tandis que les citations coraniques de caractère polémique qui y sont inscrites manifestent le dessein d'assumer et de supplanter le judaïsme et le christianisme.
À côté de la Coupole promue lieu de pèlerinage, une mosquée fut bâtie sur le versant sud de la montagne du Temple afin de servir de maison de prière. La tradition musulmane identifia par la suite cet édifice avec la « mosquée la lointaine » (al-Aqsa), où Mahomet eut son « ascension nocturne » (surate XII, 1). Plusieurs fois endommagée par les tremblements de terre, la mosquée al-Aqsa a été remaniée à de nombreuses reprises.
La dynastie des Omeyyades (de 661 à 750) respecta la politique de tolérance instaurée par Umar. Mais avec la prise de pouvoir des califes abbassides, juifs et chrétiens subirent un certain nombre de préjudices. C'est pourtant à cette époque que le Sanhédrin recommença de se réunir.
Les chrétiens de Jérusalem durent chercher appui à l'extérieur. Au ixe siècle, après un accord avec le calife Harun al-Rachid, l’empereur Charlemagne leur apporta son aide. Mais l'alliance entre l'islam et l'Empire carolingien ne durera pas au-delà du xe siècle. L'empereur byzantin Nicéphore Phokas en profita pour faire une incursion jusqu'à Jérusalem, qui provoqua la chute de la ville aux mains des Fatimides d'Égypte (969).
En 996, le calife Hakim instaura une politique d'élimination des chrétiens et fit détruire le Saint-Sépulcre. Au xie siècle, malgré un accord momentané pour la reconstruction des églises entre le calife al-Mustansir Bi-llah et l'empereur Constantin IX Monomaque (1048), la situation s'aggrava de nouveau. En 1077, les Turcs Seldjoukides entrèrent dans la ville, y semant la désolation. Les pèlerinages cessèrent. Les académies rabbiniques se replièrent sur Tyr. Les chrétiens s'enfuirent. Cette situation désastreuse déclencha la réaction des croisades.


6. Le royaume latin de Jérusalem (1099-1187 et 1229-1244)

Les chrétiens croisés mirent vingt années pour atteindre leur objectif : la prise de Jérusalem (15 juillet 1099). Au lieu de se porter seulement contre les oppresseurs turcs pour en délivrer la ville, les croisés se livrèrent à un massacre tant des juifs que des musulmans. Tandis que le pays conquis était partagé en trois principautés (→ Antioche, Édesse, Tripoli), Jérusalem, en tant que cité du Christ, fut d'abord laissée à part avec le titre de simple avouerie et confiée à Godefroi de Bouillon.
La courte présence des Francs marqua profondément le visage de Jérusalem. Le Saint-Sépulcre fut rebâti, de nombreuses églises de style roman furent édifiées. Un chemin de croix avait été inauguré sur la Via dolorosa. La spiritualité franciscaine, orientée vers l'humanité du Christ, s'explique pour beaucoup par l'influence de la Terre sainte. C'est aussi à cette époque que s'est implanté en Palestine un patriarcat latin qui est venu doubler les juridictions chrétiennes existantes et qui a perduré depuis lors.
Pour en savoir plus, voir les articles États latins du Levant, royaume latin de Jérusalem,


7. L'occupation mamelouke (1260-1517)
Après une occupation mongole (1244-1260), les Mamelouks d'Égypte rétablirent l'ordre à Jérusalem. Un accord fut signé avec les Francs d'Acre. Les chrétiens restés à Jérusalem durent s'accommoder d'un régime de partage des sanctuaires entre les diverses communautés et d'une simple protection étrangère, première étape d'un statu quo des Lieux saints qui dure encore aujourd'hui. Des pèlerinages purent être organisés sous l'égide des Vénitiens.
C'est à cette époque que Jérusalem devint, pour la première fois, une ville à prédominance musulmane et fut dotée d'un rôle administratif véritable. En 1267, le philologue juif Nahmanides vint de France réorganiser la communauté juive ; il établit à Jérusalem une synagogue et une école séfarade dont la célébrité s'étendra jusqu'au xvie siècle.
En 1390, avec l'arrivée des immigrants allemands, une école ashkénaze fut également fondée par Isaac Ha Levi. Par la collecte de la haloukah, destinée aux habitants de Jérusalem, par la venue de savants renommés comme Élie de Ferrare (1437), le contact sera maintenu sans cesse, pendant toute cette période, entre la communauté juive de Jérusalem et celles de l'Europe.


8. L'occupation ottomane (1517-1917)
Le 30 décembre 1516, Selim Ier fit son entrée à Jérusalem. Son fils Soliman II, dit le Magnifique (1520-1566), pourvut la ville d'aqueducs, de portes et de murs, tels qu'on peut les voir aujourd'hui, et donna à la vieille cité l'aspect qu'elle a gardé pendant quatre siècles. Soliman signa en outre avec François Ier des capitulations qui accordaient à la France, à côté de certains avantages politiques, la protection des chrétiens. Mais la prospérité conférée par Soliman à Jérusalem ne dura pas.
Après sa mort, la ville entra dans son déclin ; les pèlerinages latins se raréfièrent et la communauté grecque orthodoxe, dont les sujets étaient ottomans, acquit une position plus forte dans les Lieux saints. En 1555, l’empereur Charles Quint obtint de reconstruire la chapelle du Saint-Sépulcre, qui devint ainsi propriété latine. Un conflit déclaré s'installa alors entre Grecs et Latins, qu'accrut encore la réunion des patriarcats latins de Jérusalem et de Constantinople sous une seule autorité.
Au début du xviie siècle, la Russie tsariste donna aux orthodoxes de Géorgie les moyens d'acquérir des droits à Jérusalem. Ainsi fut inaugurée une concurrence pour la possession des Lieux saints ; la puissance ottomane, attachée à faire régner l'ordre, entérina la situation.
Aux xviie et xviiie siècles, l'influence de la communauté juive de Turquie, en majorité originaire d'Espagne, et le développement des cercles mystiques de Safad et de Tibériade permirent un renouveau de la vie juive à Jérusalem. Quand surgit le faux messie Sabbatai Zevi (1626-1676), il y eut même un véritable mouvement de migration vers la cité sainte.
Après les massacres de 1648 et 1656, les juifs de Russie et de Pologne vinrent nombreux en Palestine. En 1700, le rabbi Juda Hehassid, un disciple de Sabbatai Zevi, se mit en route avec 1 500 personnes ; il acquit à Jérusalem le terrain de la synagogue de Nahmanide, la transforma, et elle devint la célèbre « Hourva ». En 1721, les Arabes brûlèrent la Hourva avec ses quarante rouleaux de la Torah ; il n'y eut plus alors que la synagogue ashkénaze ; la Hourva fut reconstruite en 1743. En 1777, le rabbi hassidique Menahem Mendel de Vitebsk s'établit à Jérusalem avec trois cents disciples.
La campagne de Bonaparte, conduite sous le signe de la liberté des peuples, fut le signe d'un changement de situation. Bien que l'armée française ne pût atteindre Jérusalem, l'influence européenne ne tarda pas à se manifester par la création d'écoles, d'hôpitaux et d'instituts de recherches archéologiques. La présence des Latins s'accrut alors fortement à Jérusalem.
Vers 1850, une nouvelle puissance, la Russie, vers laquelle se tournaient naturellement les orthodoxes, fit son entrée en scène. C'est alors que le Sultan publia un firman fixant le statu quo des Lieux saints (1852). Malgré une tentative de Napoléon III pour dissocier le problème des Lieux saints de celui des détroits, principal objet des convoitises russes, l'affaire déclencha néanmoins la guerre de Crimée. D'autres intérêts, tant politiques que religieux, conduisirent à la fondation d'un évêché anglican (1841), d'une église luthérienne (1898) et de nombreux instituts scientifiques.
Dans la seconde moitié du xixe siècle, la situation de plus en plus précaire des communautés juives dans l'empire tsariste amena un réveil national et la formation de divers mouvements (Amants de Sion, groupe « Bilou », etc.), d'inspiration sioniste. Des colonies de juifs originaires d'Europe orientale commencèrent à s'installer sur la côte dans la région de Jaffa, puis en Galilée. À ce moment, les haloutsim juifs s'unirent aux éléments avancés de la population arabe pour obtenir le départ des Turcs. Quand, en 1917, le général anglais Allenby fit son entrée dans Jérusalem, une légion juive se trouva parmi ses troupes aux côtés de contingents arabes. Au même moment, le Royaume-Uni, par la déclaration Balfour (2 novembre 1917), prit la décision de favoriser la reconstitution d'un Foyer national juif en Palestine. La Société des Nations confiant en 1922 au Royaume-Uni le mandat sur la Palestine, ratifia implicitement ce projet.


9. La période du mandat britannique (1922-1947)
À partir de 1918, des quartiers modernes – Talpiyot, Rehavia, Beit-Hakerem – virent le jour à l'ouest et au sud de la vieille ville, contrastant avec le centre de Mea Shearim et avec celui des Boukhariens, au nord. Cette implantation juive accrue provoqua des réactions arabes, qui éclatèrent à Jérusalem en 1920 et 1928. Le haut-commissaire britannique Herbert Samuel freina l'immigration juive et nomma au poste de grand mufti de Jérusalem l'intransigeant Hadjdj Amin al-Husayni. La montée du nazisme (1933) et la multiplication des réfugiés juifs d'Europe centrale n'infléchirent pas la politique britannique, qui, faute de mieux, commença à s'orienter vers un partage du pays, Jérusalem devant se trouver sur la ligne frontière, à titre de ville ouverte.
Au lendemain du conflit mondial, le Royaume-Uni voulant limiter l'entrée en Palestine des nombreux rescapés juifs des camps hitlériens (affaire de l'Exodus), et les revendications arabes devenant plus vives, la tension contre le gouvernement anglais monta rapidement des deux côtés. Le 22 juillet 1946, l'Irgoun, organisation juive clandestine, fit sauter une aile de l'hôtel du roi David, siège de l'administration britannique. Ce fut le signal du conflit.
Les Nations unies, appelées par les Britanniques à intervenir, nommèrent une commission qui préconisa le partage de la Palestine et l'internationalisation de Jérusalem. L'Assemblée des Nations unies vota le projet (29 novembre 1947). La résolution fut acceptée par les Juifs et rejetée par les États arabes, qui s'y opposèrent aussitôt par la force. La ville fut le centre de durs combats.


10. Jérusalem et l'État d'Israël
Le 14 mai 1948, le Royaume-Uni mit fin à son mandat. L'État d'Israël, proclamé le jour même 5 iyyar 5708 (14 mai 1948), et reconnu au cours des semaines suivantes par les grandes puissances, garda la nouvelle ville, tandis que la Transjordanie annexait le reste de la Palestine avec la vieille ville de Jérusalem (28 mai 1948). Dans la zone israélienne, l'implantation juive fut aussitôt intensifiée, et le gouvernement ne tarda pas à transférer à Jérusalem plusieurs ministères de l'État d'Israël.
Lors de la « guerre des six jours » (→ guerres israélo-arabes, 5-10 juin 1967), la vieille ville de Jérusalem tomba, presque intacte, aux mains des troupes israéliennes. La ville fut aussitôt réunifiée et administrée comme partie intégrante de son territoire par Israël. Cette annexion de facto fut officiellement entérinée lorsque le Parlement israélien adopta, le 30 juillet 1980, une loi fondamentale proclamant « Jérusalem réunifiée capitale éternelle d'Israël ».
Depuis le début du processus de paix (1991), le futur statut de Jérusalem constitue l'une des pierres d'achoppement majeures entre Israéliens et Palestiniens pour parvenir à un règlement de paix définitif.)
Pour en savoir plus, voir les articles Israël : histoire, Palestine, Orient arabe, Question palestinienne.


L'ARCHÉOLOGIE ET L'ART À JÉRUSALEM
L'époque judaïque

Ce n'est que sous le fils et successeur de David, Salomon (vers 970-931 avant J.-C.), que Jérusalem se couvre de monuments et devient une capitale royale qui cherche à rivaliser avec les grandes cités de l'Orient. Selon les livres bibliques, la plus grande gloire de Salomon fut la construction du Temple. Pour une si vaste entreprise, il fit appel à son voisin et allié, le roi de Tyr Hiram Ier, qui lui fournit le bois des cèdres du Liban et la pierre. On ne connaît ce Temple que par ce qu'en rapportent le livre des Rois et les Chroniques, et on a longtemps discuté pour savoir quelle influence avait subi la construction : égyptienne, philistine, néo-hittite, assyrienne. Selon T. A. Busink, le type du Temple serait phénicien avec entrée à colonnade, plan à disposition axiale et adyton d'origine israélite ; les sanctuaires phéniciens exhumés à Hazor en 1959 et à Arad en 1963 pourraient nous donner une idée de sa disposition. Selon le livre des Chroniques, le Temple mesurait 30 m de long, 10 m de large et 13 m de hauteur. L'or et le bronze y abondaient, ciselés et fondus par des artisans phéniciens dirigés par l'orfèvre tyrien Hiram. Près du Temple, Salomon se fit aussi ériger un palais somptueux. Afin de protéger ces nouvelles constructions, l'enceinte primitive fut étendue vers le nord, tandis que la ville s'étendait à l'ouest, par-delà le Tyropœon, en direction de la vallée de Hinnom (la Géhenne).
Après la mort de Salomon et la scission du royaume, Jérusalem resta la capitale de l'État de Juda, mais les vicissitudes de son histoire ne favorisèrent pas l'essor de la ville. Devant la menace assyrienne, Ozias (781-740 avant J.-C.), Joatham (740-736 avant J.-C.) et Manassé (687-642 avant J.-C.) relèvent ou renforcent les murailles, tandis qu'Ézéchias (716-687 avant J.-C.) fait creuser un canal de 550 m pour amener dans la piscine de Siloé les eaux de la source de Gihon. Mais, en 587 avant J.-C., c'est la prise de la ville par Nabuchodonosor, le démantèlement de ses murs, la destruction du Palais et du Temple. Après 538 avant J.-C., la ville est lentement rebâtie. Le second Temple est dédicacé en 515 avant J.-C., et Néhémie, « gouverneur » sous la souveraineté perse, relève une partie des murs (entre 445 et 433 avant J.-C.) : cette enceinte aurait mesuré 2 600 m.
L'époque grecque et romaine
En 167 avant J.-C., Antiochos IV Épiphane met la ville à sac, construit face au Temple une citadelle, l'Acra, et installe dans le Temple un autel dédié à Zeus. En réaction à cette profanation, Judas Maccabée soulève les Juifs et s'empare du Temple (164 avant J.-C.) et de la ville basse, où il se retranche. Ce n'est qu'en 141 avant J.-C. que Simon Maccabée se rend maître de l'Acra et que la cité redevient capitale de la nouvelle dynastie asmonéenne. Un nouveau palais est érigé, un pont est construit reliant le Temple à la ville haute, les murailles sont renforcées et étendues. La ville connaît alors un siècle de prospérité et d'indépendance, jusqu'à sa prise par les forces romaines de Pompée en 63 avant J.-C.
Le roi de Judée Hérode (37-4 avant J.-C.) inaugure une politique d'urbanisation qui fait de lui l'égal de Salomon. Il reconstruit somptueusement le Temple et en étend l'esplanade, qu'il enferme dans une enceinte, élève la forteresse Antonia, ainsi nommée en l'honneur de Marc Antoine, se fait bâtir un palais flanqué de trois tours et protégé par un rempart ; il construit encore un Sénat, un théâtre et un amphithéâtre et fait enfermer dans une seconde muraille le haut Tyropœon, où étaient installés les commerces. Les fouilles de K. M. Kenyon ont révélé que l'enceinte hérodienne n'enfermait pas encore le Saint-Sépulcre et le Golgotha. Ce n'est que son petit-fils, Agrippa Ier (37-44 après J.-C.), qui inclut le Golgotha dans une troisième enceinte, celle-ci protégeant aussi la « nouvelle ville » (Kainepolis).
Après la révolte juive de 132-134, Jérusalem est complètement rasée par l’empereur Hadrien, qui reconstruit sur son site Aelia Capitolina selon le plan classique romain, avec decumanus et cardo partageant la ville en quatre quartiers : l'actuelle vieille ville a conservé ce plan régulier. Le Capitole est construit vers la hauteur du Golgotha et on élève forum, temples, thermes, théâtre et stade à la mode romaine. Des portes sont érigées sur les voies d'accès : de celles-ci subsiste l'arc dit « de l'Ecce Homo », dont une arcade est insérée dans le chœur de l'actuelle basilique des Dames de Sion ; c'est là un des rares vestiges de la ville romaine.
Après le triomphe du christianisme, au ive s., l’empereur Constantin fait détruire le Capitole, élève des édifices sur le Calvaire et le Saint-Sépulcre et une basilique sur le mont des Oliviers. Cet effort de construction se poursuit avec l'impératrice Eudoxie et le patriarche Juvénal au ve s., puis avec Justinien au siècle suivant. La prospérité de la ville est soudainement arrêtée par l'incursion des Perses, en 614 ; en 638, elle tombe au pouvoir du calife 'Umar Ier et devient une cité musulmane.

De l'époque byzantine, il subsiste encore la crypte de l'église Saint-Jean-Baptiste (vers 450), la chapelle Saint-Georges, l'église Saint-Étienne. Cependant, la relique la plus célèbre de la Jérusalem antique reste le « mur des Lamentations ». Haut de 15 à 17 m, constitué par de puissants blocs de pierre soigneusement équarris, il constituait le soubassement de l'esplanade du Temple d'Hérode et représente tout ce qui reste de la demeure sacrée de Yahvé.


La Jérusalem musulmane
Introduction
C'est à deux monuments anciens que Jérusalem doit d'occuper une place essentielle dans l'histoire des arts islamiques : la Coupole du Rocher et la mosquée al-Aqsa, construits l'un et l'autre sur l'esplanade de l'ancien Temple de Salomon. Voisine de la Coupole du Rocher, la Coupole de la Chaîne (Qubbat al-Silsila), petit édifice polygonal à onze côtés, avec arcs en plein cintre reposant sur des colonnes antiques ou byzantines, en est aujourd'hui une annexe ; mais, construite un peu antérieurement, elle a pu l'inspirer.
La Coupole du Rocher
Néanmoins, on considère à juste titre que la Coupole du Rocher (Qubbat al-Sakhra), faussement nommée mosquée d'Omar (ou d'Umar) [alors que ce n'est pas une mosquée et qu'aucun lien ne la rattache au célèbre calife], est le plus ancien monument de l'islam. Ce sanctuaire tout à fait singulier a été mis en chantier en 688 et achevé en 691 pour recouvrir un rocher éminemment sacré aux yeux des musulmans et répondre aux exigences du pèlerinage (circumambulations rituelles). Admirable de proportion et d'équilibre, il se dresse sur une plate-forme que bordent de grandes arcades à quatre baies, sortes d'arcs de triomphe. C'est un octogone régulier de 20,60 m de côté, haut de 9,50 m (non compris le parapet), que surmonte un dôme doré portant sur un tambour percé de multiples fenêtres. On y accède par quatre portes disposées aux quatre points cardinaux. Un double déambulatoire, formé de piles et de colonnes alternées, disposées en quinconce et offrant de belles perspectives, entoure le roc central. Le décor, d'une rare harmonie, comporte, outre de remarquables pièces en bronze (aux portes, aux tirants, aux poutres), de grandes plaques de marbre à l'extérieur, dans les parties basses, et un revêtement de mosaïques en pâtes de verre dues à des artistes syriens formés aux techniques byzantines, mais ayant soumis leur art aux impératifs de la nouvelle religion. Malgré diverses restaurations, et en particulier celles de Soliman le Magnifique au xvie s., qui fit réaménager les portes et remplacer, sur la façade, les mosaïques par des faïences, au reste de grande qualité, la parure primitive reste en place sur le tambour et dans la plupart des parties intérieures de l'édifice.
La mosquée al-Aqsa
Construite à peu près en même temps que la Coupole du Rocher, la mosquée al-Aqsa semble avoir subi au cours des temps de nombreux remaniements, dont on discute et qui rendent son histoire imprécise. Selon K. A. C. Creswell, l'essentiel de l'ordonnance daterait du xie s. Selon d'autres, la magnifique coupole, le transept, maintes parties du décor seraient d'époque omeyyade. Tel qu'il s'offre à nous, ce grand sanctuaire présente un plan assez particulier qui n'est pas sans rappeler celui des basiliques chrétiennes : la nef centrale, très large, bordée d'arcs sur colonnes, est flanquée à droite et à gauche d'un double bas-côté moins élevé. Cependant, trois nefs parallèles au mur du fond l'apparentent à la mosquée de Damas. La façade, de grande pureté, est d'un sobre classicisme. À l'intérieur, un beau minbar d'Alep (1168) a été mis en place par Saladin.


La Jérusalem latine
Après la première croisade (xie s.), un vigoureux rameau d'art occidental s'insère dans le Proche-Orient islamique. Malgré les destructions, Jérusalem garde encore de cette époque des monuments faits avec une technique aussi parfaite qu'en Bourgogne ou en Provence : le « Tombeau de Marie », l'église Sainte-Anne et des éléments des trois églises du wSaint-Sépulcre. Si les reliefs ont particulièrement souffert de l'iconoclasme musulman, on peut encore juger de leur qualité à la façade du Saint-Sépulcre, proche par le sujet des frises provençales (Entrée du Christ à Jérusalem) ou italiennes (tympan du porche du Calvaire). Le patriarcat grec de la ville conserve les plus beaux chapiteaux historiés de l'Orient latin (certains proviennent de Nazareth).


La ville moderne
La ville moderne de Jérusalem compte d'intéressants édifices, parmi lesquels le centre médical du mont Scopus, par E. Mendelsohn (1937), le Musée national d'Israël, par A. Mansfeld et D. Gad (1965), avec le « sanctuaire » des manuscrits de la mer Morte, par F. Kiesler.

 

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SOMALIE

 


 

 

 

 

Somalie


GÉOGRAPHIE
1. Le milieu naturel
2. La population
3. Une économie dévastée par la guerre civile
HISTOIRE
1. Les origines et la pénétration musulmane
2. Les Somalies anglaise et italienne (1887-1960)
3. Indépendance et union
4. Le régime socialiste du général Siyad Barre (1969-1991)
5. La guerre civile (1990-1995)
6. Une paix introuvable
7. La recomposition de la nation somalienne
7.1. La République autoproclamée du Somaliland
7.2. Le Puntland
8. Le gouvernement fédéral de transition aux prises avec l'insurrection islamiste
9. L'intervention de l'Éthiopie (décembre 2006)
10. L'internationalisation du conflit (2009-)
11. Vers une stabilisation politique ?
11.1. La persistance de la violence terroriste

Plan
Somalie
en somali Soomaliya, en arabe al-Sumaliyya


État d'Afrique orientale, la Somalie occupe la corne de l'Afrique ; son littoral longe au nord (golfe d'Aden), à l'est et au sud l'océan Indien. Elle est bordée à l'ouest par le Kenya, l'Éthiopie et Djibouti.
Superficie : 638 000 km2
Nombre d'habitants : 10 496 000 (estimation pour 2013)
Nom des habitants : Somaliens
Capitale : Muqdisho (Mogadiscio)
Langues : arabe et somali
Monnaie : shilling somalien
Chef de l'État : Hassan Sheikh Mohamud
Chef du gouvernement : Omar Abdirashid Ali Sharmake
Constitution :
Une Constitution provisoire a été adoptée le 1er août 2012.
GÉOGRAPHIE

L'élevage nomade était la ressource essentielle de ce pays, en majeure partie aride. Seul le Sud, à une latitude équatoriale, possédait quelques cultures (canne à sucre, coton, banane), souvent irriguées. La sécheresse et surtout la guerre civile ont ruiné l'économie et provoqué des déplacements de populations et des famines.
1. Le milieu naturel

Les montagnes qui dominent le golfe d'Aden (monts Ogo et monts Midjourtin, qui culminent à 2 408 m, constituent le rebord abrupt d'un plateau dissymétrique descendant en pente douce vers le sud, en direction de la vallée du Djouba. Des formations secondaires et tertiaires (grès, calcaires) recouvrent l'essentiel de ce plateau haché de failles. Au pied de l'escarpement dominant le golfe d'Aden, une plaine côtière étroite à l'est s'élargit vers l'ouest jusqu'à 30 km dans la région de Berbera : c'est le Guban. Au sud, sur la côte de l'océan Indien, une plaine littorale, parfois frangée de récifs coralliens, est interrompue vers l'intérieur (90 à 100 km de la côte) par un escarpement qui marque la limite du plateau. L'obstacle créé par les dunes parallèles à la côte a dévié vers le sud, sur près de 400 km, le Chébéli, qui rejoint finalement le Djouba. Seul le Sud a une pluviosité moyenne (600 mm par an, avec concentration des pluies en été). Le reste du pays est semi-aride, même les hauteurs du Nord (250 à 400 mm par an). S'il n'y a pas de désert intégral, une steppe sahélienne et des boisements ouverts d'acacias recouvrent le pays.
2. La population


La Somalie est l'un des rares pays d'Afrique subsaharienne à avoir une population homogène : les Somalis, en majorité musulmans, parlent pratiquement tous la même langue couchitique, sauf dans quelques îlots d'origine bantoue. Entre le xe et le xiiie s., les Somalis, hamites venus d'Arabie, se sont établis dans la corne de l'Afrique en deux vagues d'immigration. Les Dir Somalis, Hawiye et Issas s'y sont d'abord installés, bientôt suivis par les groupes Darods et Isaqs. À la même époque, les navigateurs arabes, qui donnèrent naissance à la civilisation swahilie sur la côte orientale de l'Afrique, s'installent à Muqdisho (Mogadiscio) – l'actuelle capitale – mais aussi à Berbera et Marka. Le taux d'accroissement démographique, 2,9 % par an, est l'un des plus élevés d'Afrique, avec un indice de fécondité de 6,4 enfants par femme, l'un des plus élevés du monde.
3. Une économie dévastée par la guerre civile

Depuis 1990, les organismes internationaux ne fournissent que des statistiques très partielles sur l'économie de la Somalie en raison de son terrible état de délabrement et de la quasi disparition de l'État. Le produit national brut (P.N.B.) par habitant est l'un des plus faibles d'Afrique. Le pays – désertique pour une bonne partie – a été frappé à plusieurs reprises par la sécheresse ; de graves inondations ont eu lieu dans la vallée du Djouba. Les Somalis sont un peuple de pasteurs nomades, dont l'élevage est la principale ressource (il procure plus des deux tiers des recettes à l'exportation). Leur cheptel est relativement important : le pays comptait 7 millions de chameaux (1er rang mondial), 12,7 millions de caprins (12e rang mondial), plus de 5,3 millions de bovins et 13,1 millions d'ovins en 2007. Le commerce des animaux sur pied et de la viande en conserve se fait traditionnellement en direction de la péninsule arabique. D'autre part, les Somalis cultivent la banane, qui constituait, avant la guerre civile, le second poste à l'exportation. Sa culture est surtout pratiquée dans le sud du pays, dans les vallées du Djouba et de son affluent, le Chébéli, où l'on produit également des céréales (sorgho, sésame), du coton et de la canne à sucre. Les eaux côtières sont très poissonneuses, mais la guerre civile a entravé les efforts pour le développement de la pêche.
La Somalie est très peu industrialisée : elle possède des conserveries de viande et de fruits, une raffinerie de sucre et une industrie textile. Ce secteur a été ruiné par la guerre civile. Le pays dispose d'une route entièrement bitumée reliant Muqdisho à Hargeisa ; il ne possède, en revanche, aucune voie ferrée. Le Somaliland – qui a fait sécession en 1991 et dont le budget est principalement alimenté par les taxes portuaires et routières – a introduit sa propre monnaie en 1996. La dette extérieure ne cesse de croître. Par ailleurs, le déficit de la balance commerciale est toujours considérable. Depuis l'indépendance et jusqu'à la guerre civile, les institutions internationales, les États-Unis, l'Italie, la Communauté européenne et les pays arabes ont apporté une aide substantielle à la Somalie.
HISTOIRE

1. Les origines et la pénétration musulmane

Le dessèchement intervenu pendant la fin du IIIe millénaire et la totalité du IIe chassa vers le sud les populations nomades et pastorales, qui ont laissé des peintures rupestres représentant un bétail à longues cornes. Les Zendj, cultivateurs bantous, occupent le Sud entre les fleuves Chébéli et Djouba, liés à des communautés de chasseurs, les Ribis et les Bonis. Arabes et Iraniens, dont la pénétration sur les côtes somaliennes était ancienne, constituent de petites communautés marchandes, qui, après l'hégire, introduisent l'islam.
Ainsi se développent les ports de Berbera, de Mait et de Zeila (Zayla) [à la fin du ixe siècle], enrichis par le commerce avec l'Abyssinie, et plus au sud ceux de Mogadishu (aujourd'hui Muqdisho), Brava et Merca (aujourd'hui Marka). Les Gallas (ou Oromos) occupant le nord du pays, les Dir Somalis s'installent sur la côte de cette zone vers le xe siècle.
À partir de cette date se succèdent des vagues d'invasions de Somalis venus d'Arabie, les Darods d'abord, puis deux siècles plus tard les Isaqs. La pression démographique, augmentée par l'arrivée des Arabes, peut-être de graves sécheresses entraînent les Somalis à la recherche de nouveaux pâturages, suivant deux axes principaux, la vallée du Chébéli et les collines parallèles à la côte.
Aux xvie et xviie siècles, Darods et Isaqs occupent l'essentiel de la région nord et l'Ogaden. Les Oromos sont repoussés vers l'Éthiopie et les Zendj vers le sud ; les Somalis Hawiye s'installent au contact des Arabes (xiiie siècle), comme les Ajurans dans la région de Mogadishu (xve-xvie siècles).
Au début du xvie siècle, l'État musulman d'Ifat (incluant Adal), sous la dynastie Walachma (Zeila), bat l'Abyssinie chrétienne, mais celle-ci occupe Zeila vers 1420. Un siècle plus tard, sous la direction d'Ahmad Gran, les musulmans repartent à l'attaque et les Somalis participent activement aux campagnes (surtout les Darods). Adal décline rapidement, finalement détruit par des nomades Afars. De nombreuses villes musulmanes fleurissent aux xve et xvie siècles, dans l'hinterland somalien. Dès la fin du xviiie siècle, les Somalis ont atteint à peu près leur extension actuelle et les diverses tribus se heurtent les unes aux autres ; celles venant du nord atteignent les Chébélis et tentent de repousser les Digils jusqu'à ce que les Rahanouins les arrêtent vers 1840. Les Darods se retournent alors contre les Gallas et leur infligent une défaite sévère vers 1865. En 1909, la Tana (Kenya) sera atteinte à son tour.
2. Les Somalies anglaise et italienne (1887-1960)

Au xviie siècle, Zeila est sous la coupe, au moins théorique, de l'Empire ottoman, la côte au sud de Mogadishu reconnaissant la suzeraineté de Zanzibar. Le xixe siècle voit augmenter les contacts avec les puissances européennes. L'Égypte réclame les anciens droits turcs et, de 1874 à 1884, occupe différents points de la côte, dont Zeila et Berbera, où elle est remplacée par les Anglais, installés à Aden, qui établissent leur protectorat en 1887 et signent avec la France un accord sur les frontières en 1888.
Quant aux Italiens, qui ont déjà pris pied en Érythrée, ils signent des traités de protectorat en 1889 avec les chefs de la côte ; en 1892, le sultan de Zanzibar leur cède les ports de Brava, Merca et Mogadishu, tandis que les explorateurs italiens visitent l'hinterland et y signent aussi des traités de protectorat. Un protocole anglo-italien en 1894 délimite les sphères d'influence respectives. En 1897, les Anglais doivent faire des concessions aux Éthiopiens, notamment la région du Haud (au sud de Harar), et les Italiens reconnaître une définition vague de leur zone d'influence qui laisse l'Ogaden à l'Éthiopie. De 1900 à 1920 se déroule la révolte des « Derviches », jusqu'à la mort de leur chef Sayyid Muhammad, tandis que l'Italie affermit son emprise sur la côte.
Malgré des tentatives de mise en valeur, la Somalie italienne (colonie en 1905) n'évolue guère. L'incident de Oual-Oual, le 5 décembre 1934, entre une garnison italienne et une troupe éthiopienne, sert de prétexte au déclenchement de la guerre d'Éthiopie ; l'Ogaden et les bassins supérieurs du Djouba et du Chébéli sont intégrés à la Somalie. En 1940, l'offensive du duc d'Aoste conduit les Anglais à évacuer la Somalie anglaise, qui est reconquise en 1941 ; ils occupent la Somalie italienne et l'Ogaden, régions qu'ils administreront jusqu'en 1950. Pendant cette période se développera le sentiment nationaliste d'une Somalie unifiée. En 1950, l'ONU met la Somalie sous tutelle italienne pour dix ans. Le 1er juillet 1960, la République indépendante de Somalie est proclamée.
3. Indépendance et union

En 1948, l'Ogaden avait été rendu à l'Éthiopie et la Somalie britannique avait retrouvé son statut civil antérieur, mais une évolution était en cours, notamment sur le plan de la scolarisation. L'évacuation du Haud souleva maintes protestations et attisa le sentiment national, si bien qu'en 1956 la Grande-Bretagne annonce l'introduction d'un gouvernement représentatif en précisant qu'elle ne s'opposerait pas à l'union avec la Somalie italienne. Une nouvelle Constitution est promulguée en 1959, et la Somalie anglaise devient indépendante le 26 juin 1960. Les deux Somalies décident alors de s'unir. Mais la Somalie unie réclame les « provinces » qu'elle estime lui avoir été arrachées : l'Ogaden, une partie du Kenya et une partie de l'actuelle République de Djibouti. En 1963, elle rompt les relations diplomatiques avec la Grande-Bretagne. En 1966, la Somalie réclame à l'ONU l'indépendance de la Côte française des Somalis. Les premiers combats sur la frontière somalo-éthiopienne ont lieu en 1964.
Aden Abdullah Osman occupe la présidence de la République de 1960 à 1967 ; il sera remplacé par Abdirachid Ali Shermarke, lui-même Premier ministre de 1960 à 1964. Le 5 juillet 1967, Muhammad Haji Ibrahim Egal, qui appartient, comme Osman et Shermarke, au parti majoritaire, la Somali Youth League (SYL), est nommé Premier ministre. Il se prononce en 1968 en faveur de la présence française dans le Territoire des Afars et des Issas, ce qui suscite le mécontentement des milieux nationalistes. Aux élections législatives de 1969, la SYL conserve la majorité, tout en perdant des sièges.
4. Le régime socialiste du général Siyad Barre (1969-1991)

L'assassinat, le 15 octobre 1969, du président A. A. Shermake sonne le glas de la démocratie parlementaire. Six jours plus tard, le général Siyad Barre prend le pouvoir à la tête d'un Conseil supérieur de la révolution (CSR) avant de proclamer la Somalie « République démocratique » et d'instaurer un régime de type socialiste ; se fixant pour but de redresser le pays et de renforcer l'unité nationale, il s'efforce de lutter contre la corruption et de relever le potentiel économique du pays, en nationalisant, notamment, les entreprises étrangères. La coopération avec l'URSS, Cuba et les pays d'Europe de l'Est s'intensifie. En 1972, le régime décrète le somali langue officielle et adopte l'alphabet latin pour l'écriture. En 1974, le pays adhère à la Ligue arabe. À la suite de la dissolution du CSR, le 1er juillet 1976, ses membres entrent au Comité central du parti socialiste révolutionnaire, qui devient le parti unique du pays. Le Comité élabore une nouvelle Constitution (adoptée par voie référendaire en août 1979), auquel un amendement (1984) confère tout le pouvoir au président.
En 1977, la Somalie signe un accord de coopération avec l'URSS, qui obtient des bases navales à Berbera et Kismaayo. Au mois d'août de la même année, elle entre en guerre contre l'Éthiopie afin de lui reprendre la région de l'Ogaden. Mais, dès le mois d'octobre, l'offensive somalienne est enrayée par un soudain revirement de l'URSS, qui approvisionne en matériel militaire l'Éthiopie, en même temps que Cuba lui fournit des troupes. La Somalie reprend alors les bases navales concédées à l'URSS, mais doit bientôt admettre sa défaite militaire : en 1978, elle évacue l'Ogaden ; en 1980, Muqdisho signe un accord avec Washington et concède aux États-Unis la base de Berbera.
Le régime somalien sort affaibli de cet échec militaire. En 1986, S. Barre, alors âgé de 70 ans, est victime d'un grave accident de la route. Néanmoins réélu (fin décembre 1987), il renonce officiellement le 4 avril 1988 à l'Ogaden après une série d'entrevues avec le président Mengistu. De plus, son gouvernement est contesté par plusieurs mouvements de guérilla, dont le Mouvement national somali (MNS), le Congrès de la Somalie unifiée (CSU-Mostahil, dirigée par le général Mohamed Farah Aïdid) et le Mouvement patriotique somali (MPS). En 1990, les forces du CSU s'emparent de Muqdisho et, l'année suivante, le président S. Barre quitte la capitale. Il s'exile ensuite au Nigeria, où il mourra en 1995.
5. La guerre civile (1990-1995)

Les différents mouvements de guérilla ne tardent pas à s'opposer et à se diviser. En 1991, le MNS proclame la sécession de l'ex-Somalie britannique, qui devient alors la République du Somaliland, non reconnue par la communauté internationale. De son côté, le CSU se divise entre partisans du président par intérim, Ali Mahdi Mohamed, et partisans du général Mohamed Farah Aïdid, les deux dirigeants se disputant le contrôle de la capitale. Quant aux troupes du général S. Barre, conduites par son gendre Hersi Morgan, elles s'installent dans la région de Kismaayo. Par ailleurs, une faction du MPS, conduite par le colonel Omar Jeff, s'allie avec le CSU. Tiraillé entre ces multiples factions, le pays sombre dans la guerre civile.
En 1992, l'ONU décide l'envoi de Casques bleus (Onusom) pour tenter de contrôler la distribution de l'aide humanitaire destinée à 2 millions de Somaliens victimes de famine mais systématiquement pillée par les insurgés. À la fin de l'année, les États-Unis, sous la bannière de l'ONU, prennent la tête d'une opération militaro-humanitaire, baptisée « Restore Hope » (« Rendre l'espoir »), à laquelle s'associent 21 pays – dont la France – et qui rassemble jusqu'à 38 000 hommes en janvier 1993. À la suite de l'assassinat de 23 soldats pakistanais (3 juin 1993) par des partisans du général Aïdid, l'ONU entame des poursuites contre lui, tandis que le contingent américain, renforcé par des troupes d'élite entament une chasse à l'homme qui tourne au fiasco : après le bombardement d'un repère de présumés partisans du général Aïdid à Muqdisho (12 juin), l'opération spéciale lancée le 3 octobre par la Force Delta se solde, côté somalien, par des centaines de victimes, côté américain, par la mort d'une vingtaine de marines dont les corps sont traînés dans les rues de Muqdisho. Les accords signés fin 1993 à Addis-Abeba entre l'Alliance nationale somalie (ANS, nouvelle appelatio de la formation du général Aïdid) et l'Alliance pour le salut de la Somalie (ASS) du président par intérim A. M. Mohamed (décembre 1993), puis à Nairobi (mars 1994), restent inappliqués. Humiliés, les États-Unis, et la plupart des pays européens, décident de retirer leurs troupes de Somalie (mars 1994) ; les derniers Casques bleus de l'Onusom sont évacués sous la protection de la marine américaine au début de l'année 1995.
6. Une paix introuvable

Après le retrait international, les combats se poursuivent entre les différentes factions : le CSU-ANS formé par Osman Ali Ato, un homme d'affaires qui se pose en rival du général Aïdid. Ce dernier trouvant la mort au cours d'un combat en juillet 1996 à Muqdisho, son fils, Hussein Mohamed Aïdid, lui succède à la tête de l'ANS. annihilant plusieurs tentatives de réconciliation parrainées par l'Éthiopie et l'Égypte.
En mai 2000, une nouvelle conférence pour la paix, rassemblant un grand nombre de chefs traditionnels, responsables de la société civile et représentants de la diaspora (dont l'ancienne élite du régime de S. Barre), est organisée à l'initiative de Djibouti avec le soutien de l'ONU. La conférence d'Arta institue un Parlement de 245 membres, qui doit exercer le pouvoir législatif avant la tenue d'élections générales prévues dans 3 ans ; un président, Abd al-Qasim Salad Hasan, est élu par ce même Parlement, enfin un gouvernement national de transition (GNT) est constitué, avec à sa tête Ali Khalif Galaydh. Ces nouvelles autorités ne réussissent pas à s'imposer : les chefs de guerre, qui se partagent le pays – H. M. Aïdid en tête –, demeurant hostiles au processus. Les combats se poursuivent et le GNT s'avère incapable de mettre en place une administration ni même de contrôler la capitale. En octobre 2001, le Parlement démet de ses fonctions le Premier ministre, victime de son incurie et de sa rivalité avec le président Galaydh. Pendant ce temps, certaines zones du pays sont à nouveau menacées par la disette – voire la famine. Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 à New York et à Washington, la Somalie est soupçonnée par les États-Unis d'héberger des réseaux terroristes sur son sol ; à partir de 2002, les Américains s'appuient sur les chefs de guerre pour tenter de freiner la progression des islamistes.
7. La recomposition de la nation somalienne

7.1. La République autoproclamée du Somaliland

Dans la République du Somaliland, autoproclamée en 1991, le gouvernement, qui a établi sa capitale à Hargeisa, parvient tant bien que mal à préserver une paix précaire dans les années qui suivent la déclaration d'indépendance. En 1993, son premier président, Ahmed Ali Tur, est évincé par l'ancien Premier ministre Ibrahim Egal, élu par le shir, une réunion des clans. Ce dernier poursuit l'œuvre d'affaiblissement des milices et d'institutionnalisation progressive de son État : en 1997, une nouvelle Assemblée nationale proclame une Constitution. Avec une administration minimale (fonction publique et armée volontairement limitées), une presse libre, un pouvoir judiciaire indépendant et une totale liberté des échanges, le Somaliland réussit à survivre économiquement en développant le commerce du bétail avec l'Arabie saoudite via le port de Berbera, ou en percevant des taxes sur le poisson capturé au large de ses côtes par les navires étrangers. Si la Ligue arabe reste opposée à toute reconnaissance du Somaliland, l'ONU lui a concédé, début 1998, un statut d'observateur. Dahir Riyale Kahin succède à I. Egal, décédé en mai 2002. Candidat de l'Unité des démocrates, il l'emporte de quelques voix sur le candidat de l'opposition, Ahmed Mohamed Silanyo, lors de la première élection présidentielle au Somaliland. Reportée depuis 2008 en raison de désaccords entre l’opposition et la commission électorale, l’élection présidentielle de juin 2010 permet au Somaliland de renouer avec sa tradition démocratique. Avec 49,6 % des voix, A. M. Silanyo l'emporte face au président sortant, Dahir Riyale Kahin (33,2 %). Kulmiye (« Unité »), le principal parti d'opposition, que dirige Silanyo, gagne également les élections législatives.
7.2. Le Puntland

Une autre province située au nord-est de la Somalie, le Puntland, crée une administration autonome en 1998 et prend Garowe pour capitale ; un gouvernement est mis en place ; Abdullahi Yusuf Ahmed en devient le premier président. Jami Ali Jama le remplace en 2001, après son élection à la présidence, mais il est aussitôt capturé par les hommes d'armes de l'ancien président, qui reprend le pouvoir et y demeure jusqu'en octobre 2004, date à laquelle il est élu à la présidence de la Somalie. Dirigé par Muhammad Abdi Hashi, Mohamud Muse Hersi Adde (2005-2009) puis Abdirahman Mohamed Farole (depuis 2009), le Puntland, à la différence du Somaliland, ne cherche pas une reconnaissance internationale mais entend constituer une entité fédérale de la Somalie unie. Il revendique deux régions frontalières (Sool, Sanaag) rattachées au Somaliland.
8. Le gouvernement fédéral de transition aux prises avec l'insurrection islamiste

Une nouvelle conférence de paix s'ouvre à Nairobi, en octobre 2002, sous l'égide de l'Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) – une organisation régionale créée en 1996, regroupant Djibouti, l'Érythrée, l'Éthiopie, le Kenya, l'Ouganda, la Somalie et le Soudan. Elle réunit le GNT et le Conseil somalien de réconciliation et de restauration (CSRR), formé par les chefs de guerre. Fin janvier 2004, un accord engageant tous les leaders du sud et du centre du pays y compris ceux du Puntland, prévoit la désignation par chaque clan, au prorata de son importance, de 275 délégués au sein d'un Parlement devant élire un nouveau président pour une période transitoire de 5 ans. Le 10 octobre 2004, Abdullahi Yusuf Ahmed, chef militaire de la région du Puntland, est élu par le Parlement à la présidence d'un gouvernement fédéral de transition (GFT). Ali Mohammed Gedi, désigné Premier ministre, nomme une équipe de 89 ministres et secrétaires d'État, parmi lesquels se trouvent les principaux chefs de guerre ; H. M. Aïdid devient ainsi vice-Premier ministre.
Mais les nouvelles institutions de transition se trouvent rapidement confrontées à la montée en puissance des milices défendant les Tribunaux islamiques, formés dans les années 1990 et regroupant des confréries soufies, d'anciens Frères musulmans et des représentants du parti islamiste al-Ittihad al-Islami. Regroupées au sein de l'Union des tribunaux islamiques (UTI), ces milices cherchent à reprendre le pouvoir et à créer un État islamique régi par la charia. Elles bénéficient de l'appui logistique discret de l'Érythrée et ont, par ailleurs, accès à des réseaux d'appui financier solides.
À l'issue de trois vagues de combats engagés en février 2006, l'UTI s'empare, début juin, de Muqdisho – dont elle chasse les chefs de guerre regroupés au sein de l'Alliance pour la restauration de la paix et contre le terrorisme (ARPCT), parrainée par les États-Unis – et étend progressivement son contrôle dans le sud du pays où elle fait, temporairement, régner la loi : les barrages routiers sont démantelés, le port rouvert au commerce, la piraterie presque stoppée. L'UTI signe même avec le GFT, retranché à Baidoa, un accord de cessation des hostilités et de reconnaissance mutuelle le 22 juin 2006 à Khartoum.
Cependant, une composante extrémiste, la milice al-Chabab (« la Jeunesse »), qui entend faire de la Somalie une terre de djihad international, prend une importance croissante au sein de l'UTI. Recrutant de nombreux jeunes en Somalie ou l'extérieur, notamment au Kenya, les chabab se dotent d'une structure politique : le Conseil suprême des tribunaux islamiques de Somalie (SICS), dirigé par Cheikh Hassan Dahir Aweys, l'un des vétérans de la lutte armée menée par les islamistes dans les années 1990. Après la chute de Kismaayo en septembre 2006, les chabab contrôlent tous les ports du sud du pays, réduisant le GFT à l'asphyxie.
9. L'intervention de l'Éthiopie (décembre 2006)

L'Éthiopie voisine, inquiète de la menace islamiste pesant sur l'ensemble de la Corne de l'Afrique et, en particulier, sur ses régions orientales peuplées de Somalis musulmans, officialise, fin décembre 2006, son aide militaire au GFT. Grâce au soutien logistique des États-Unis, l'armée éthiopienne parvient rapidement à déloger les insurgés islamistes et permet au GFT de s'installer, pour la première fois depuis sa création en 2004, à Muqdisho, en mars 2007.
Mais l'intervention éthiopienne, perçue comme une guerre d'occupation par les Somaliens, favorise l'émergence d'une nouvelle insurrection regroupant une part croissante de la population somalienne, les milices chabab et les milices tribales. En septembre 2007, alors que des tentatives de « réconciliation nationale » demeurent dans l'impasse, les insurgés islamistes lancent une nouvelle offensive contre les forces gouvernementales et éthiopiennes à Muqdisho, plongeant la capitale dans le chaos.
Un accord de cessation des hostilités conclu sous l'égide des Nations unies en août 2008 entre le GFT et l'Alliance pour une nouvelle libération de la Somalie (ARS), un groupe d'anciens responsables des Tribunaux islamiques et de députés formé à Asmara en septembre 2007, reste sans effet. Les plus radicaux des insurgés islamistes, qui entretiennent des liens avec des mouvements djihadistes internationaux et bénéficient sur place du ralliement de représentants claniques, reprennent leur offensive.
Parallèlement, les actes de piraterie maritime, limités à quelques dizaines au début des années 2000, se multiplient dans l'océan Indien et le golfe d'Aden, où sévissent des groupes organisés originaires du Puntland attirés par l'argent facile. En octobre, un nouvel accord visant à appliquer la cessation des hostilités et prévoyant le retrait des forces éthiopiennes dans un délai de 4 à 5 mois est signé entre le GFT et l'opposition islamiste modérée. En décembre 2008, l'Éthiopie entame son retrait.
10. L'internationalisation du conflit (2009-)

Lâché par l'Éthiopie et en désaccord avec son Premier ministre partisan d'un rapprochement avec les islamistes modérés, le président Yusuf Ahmed limoge ce dernier avant de démissionner (décembre 2008), abandonnant les bribes du pouvoir. Le 31 janvier 2009, le Parlement, réuni à Djibouti, élit à la présidence du GFT, Charif Ahmed, ex-dirigeant des Tribunaux islamiques considéré depuis comme un « modéré ». À la tête du GFT, fragile et corrompu, protégé par la force de l'Union africaine en Somalie (Amisom), Charif Ahmed bénéficie du soutien de la communauté internationale et tente de mener une politique de réconciliation, dialoguant avec toutes les parties.
En vain : dès le mois de mai, il est confronté aux assauts de ses anciens frères d'armes, les milices chabab et le Hizbul islam (parti islamique) dirigés par Cheikh Hassan Dahir Aweys. En outre, le conflit somalien s'internationalise avec l'intervention à des degrés divers de l'Érythrée, de l'Éthiopie et du Kenya soutenant le GFT et celle de plusieurs centaines de combattants étrangers ayant rejoint les rangs des milices chabab. Tout au long de 2009, les combats, la sécheresse et les inondations provoquent le déplacement d'un demi-million de personnes, alors que 20 % des enfants souffrent de malnutrition.
Début 2010, alors que le Programme alimentaire mondial (PAM) doit suspendre ses opérations dans la plupart des localités du sud majoritairement sous le contrôle des islamistes radicaux, l'Union européenne lance une mission militaire dont l'objectif est de former 2 000 soldats somaliens loyaux au GFT et qui doit opérer en étroite coopération avec les Nations unies, l'Amisom et les États-Unis. De son côté, l'Union africaine décide de renforcer l'Amisom : 2 000 soldats doivent s'ajouter aux 6 000 soldats ougandais et burundais, sous-payés, sous-équipés et de plus en plus mal perçus par la population somalienne, victime des affrontements. En juillet 2011, deux régions du Sud, Bakool et Lower Shabelle, frappées par une gravissime sécheresse et par la guerre civile, sont déclarées en état de famine par les Nations unies : la communauté internationale tente de se mobiliser en urgence pour secourir des milliers de victimes se réfugiant au Kenya.
Au mois d’août 2011, les forces du GFT et de l’Amisom parviennent à expulser les milices chabab de Muqdisho mais les combats se poursuivent dans les quartiers périphériques de la ville. Si les miliciens présentent ce repli comme tactique et sont à l’origine d’un attentat-suicide très meurtrier dans la capitale le 4 octobre, ils sont assaillis sur plusieurs fronts après l’intervention de l’armée kenyane à partir du 14 octobre dans le but de s’emparer du port de Kismaayo, dans le sud du pays, principale source de financement des islamistes radicaux.
L’Éthiopie se joint également à cette offensive après une nouvelle intervention militaire dans l’ouest du pays contre les milices chabab qui conduit notamment à la reprise de la ville de Baidoa avec les troupes du GFT et à sa sécurisation par les forces de l’Amisom. Ces dernières prennent le contrôle du port de Marka, au sud de Muqdisho, en août 2012.
11. Vers une stabilisation politique ?

Parallèlement, avec la médiation des Nations unies – et la participation de l’UE, de l’IGAD, de la Ligue arabe et de l’Organisation de la conférence islamique (OCI) – les principaux dirigeants en exercice (présidents du Parlement et du gouvernement de transition, Premier ministre) affichent leur volonté de surmonter leurs divisions en vue d’une stabilisation politique et institutionnelle.
Après la nomination comme Premier ministre d’Abdiweli Mohamed Ali, ils signent ainsi à Muqdisho une feuille de route (6 septembre) prévoyant une série d’étapes en vue d’achever la transition avant le 20 août 2012. Le document, auquel souscrivent également les deux États semi-autonomes du Puntland et du Galmudug (créé en 2006), prévoit notamment le renforcement de l’autorité du GFT sur les forces régionales et les milices locales, l’adoption d’une législation et l’application de mesures effectives contre la piraterie, la révision de la charte fédérale de transition avant l’adoption d’une nouvelle Constitution.
Le mandat du gouvernement de transition prenant fin, une Assemblée constituante, formée de plus de 800 délégués, adopte, le 1er août 2012, un nouveau projet de Constitution qui institue un régime fédéral et comprend une charte des droits fondamentaux mais dont plusieurs articles restent en suspens. Désigné par un comité de chefs coutumiers à la suite de discussions entre clans, un nouveau parlement élit le président de la République le 10 septembre. Contre toute attente, Charif Ahmed, candidat à sa propre succession, est écarté à l’issue du second tour de scrutin au profit de Hassan Sheikh Mohamud, un universitaire, fondateur du parti de la Paix et du Développement. L’économiste et homme d’affaires Abdi Farah Shirdon prend la tête d’un gouvernement dont les premières mesures visent à lutter contre le terrorisme, rétablir les services publics et faciliter les investissements étrangers.
11.1. La persistance de la violence terroriste

Bien qu’affaiblies depuis qu’elles ont été chassées par l’armée kenyane de leur bastion de Kismaayo en octobre 2012, et divisées entre factions rivales, les milices chabab (Harakat al-Chabab al-Moudjahidin [« Mouvement de la jeunesse des moudjahidin »]), – officiellement affiliées à al-Qaida depuis février 2012 – conservent leur capacité de nuisance comme en témoigne notamment l’attentat spectaculaire et meurtrier commis en représailles dans un centre commercial de Nairobi les 21-24 septembre 2013.
Tandis que le gouvernement parvient difficilement à maintenir une fragile unité nationale en passant un accord avec les autorités régionales du Jubbaland (sud du pays) reconstituées à la faveur de la reprise de Kismaayo, la communauté internationale confirme son appui au processus de transition par la création de la Mission d’assistance des Nations unies en Somalie (Manusom, juin 2013) et en réunissant deux nouvelles conférences à Londres (mai) puis à Bruxelles (septembre) qui débouchent sur un programme d’aide à la reconstruction du pays.
Toutefois, s’ajoutant aux attentats des milices chabab visant notamment les parlementaires, les luttes intestines, qui conduisent à la démission du Premier ministre, rendent la transition très fragile. Les différentes factions parviennent à un accord pour investir un nouveau gouvernement en février 2015, tandis que les États-Unis nomment leur premier ambassadeur (basé au Kenya) depuis 1991. La situation économique de la population devient d’autant plus précaire que l’envoi de fonds par les émigrés est menacée par le retrait de plusieurs banques de ce circuit, essentiel pour de nombreux Somaliens, en raison des mesures prises contre le financement du terrorisme. Résolus à faire échouer le processus de transition, les Chababs, réorganisées en cellules plus autonomes et mobiles, reprennent leurs opérations meurtrières au Kenya en vue de déstabiliser également ce pays où vit une importante population somalie outre quelque 400 000 réfugiés ayant fui la guerre et la sécheresse (camps de Dadaab). Après l’attaque contre un centre commercial de Nairobi en septembre 2013, plus de 140 étudiants, expressément visés pour leur confession chrétienne, sont massacrés en avril 2015 sur le campus de l’université de Garissa (Est du pays).

 

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ADOLF HITLER

 

 

 

 

 

 

Adolf Hitler

Adolf Hitler
Né en Autriche et soldat pendant la Première Guerre mondiale, Hitler devient le chef du parti nazi en 1921. Après un putsch manqué (1923), il expose la doctrine national-socialiste dans Mein Kampf et la met peu à peu en application après son arrivée au pouvoir en 1933. Il transforme l’Allemagne en un État totalitaire dont il se proclame le « Guide » (Führer) et sa politique extérieure mène à la Seconde guerre mondiale, guerre totale marquée par la domination allemande sur l’Europe et le génocide des Juifs.
Formation
Après des études médiocres et un échec aux Beaux-Arts, Hitler s’ouvre aux milieux pangermanistes et antisémites de Vienne. Profondément marqué par la guerre, la défaite de 1918 et la situation pré-révolutionnaire qui en résulte en Allemagne, il entre en 1920 au parti nazi (NSDAP), dont il prend bientôt la direction.
Le chef du parti nazi (1921-1933)
Hitler fait du parti une machine de guerre contre la République parlementaire de Weimar. Sa tentative de putsch à Munich le conduit en prison où il rédige Mein Kampf, guide d’action plus que traité de doctrine. Il en ressort une haine viscérale des Juifs, rendus responsables de tous les maux de l’Allemagne, une aspiration pour son pays à l’hégémonie continentale, voire mondiale, une exaltation de la violence et du principe du chef (Führerprinzip). Ce centralisme, il l’applique d’abord dans son propre parti, d’où sont exclus toutes les tendances opposées, jusqu’à l’élimination physique de ses adversaires (→ Nuit des longs couteaux, 1934).
La prise du pouvoir (1933-1934)
D’abord freiné par la prospérité des années 1920, le parti nazi est ensuite servi par les conséquences de la crise de 1929. Hitler cultive l’ambiguïté pour puiser des voix dans tous les groupes sociaux : chômeurs, ouvriers, petits bourgeois, enseignants, grande bourgeoisie d’affaires. Le 30 janvier 1933, il devient chancelier du Reich et, le 2 août 1934, président. Entre ces deux dates, il a réduit à néant toute forme d’opposition (→ camps de concentration), pris les premières mesures antisémites et doublé les institutions de la république d'organes et d’agents nazis.


Le Führer du IIIe Reich
Entre 1934 et 1939, Hitler transforme l’Allemagne en un État totalitaire où rien n’échappe au contrôle du Führer ou de ses représentants. Le régime remporte des succès sociaux (disparition du chômage, industrialisation par l’armement) et extérieurs (« coups de force » sur la Rhénanie, l’Autriche, la Tchécoslovaquie) qui expliquent sa popularité, mais provoquent la réaction tardive des puissances occidentales et le début de la Seconde Guerre mondiale.
De 1939 à 1941, Hitler est le maître de la plus grande partie de l’Europe et organise un système continental fondé sur l’asservissement au Grand Reich allemand et la mise en œuvre du génocide des Juifs d’Europe (→ Shoah). Mais l’entrée en guerre de l’URSS, puis des États-Unis en 1941, renversent progressivement la situation. Hitler, de plus en plus coupé des réalités, ne peut empêcher l’invasion de l’Allemagne par les Alliés et se suicide le 30 avril 1945.


1. Les débuts de Hitler (1889-1920)
1.1. Enfance et jeunesse (1889-1907)
Hitler n'est pas un Allemand ; ce fils de douanier est un Autrichien, né le 20 avril 1889 à Braunau, petite ville à la frontière austro-allemande. Il fait ses études en Haute-Autriche, en particulier à Linz, et fréquente le collège moderne (Staatsrealschule) jusqu'en 1905. Il est peu travailleur, et comme il le dit lui-même : « J'étudiais ce qui me plaisait ; je sabotais complètement ce qui me paraissait sans importance ou ne m'intéressait pas. »
Son père, avec lequel il s'entendait mal, meurt dès 1903, mais laisse à sa famille des ressources très convenables, ce qui dément tous les documents montrant Hitler dans la misère. Même quand il habite un foyer pour hommes, il semble bien que ce soit pour éviter de servir dans l'armée des Habsbourg, qui règnent sur l'Autriche-Hongrie. Hitler mène alors une existence oisive, fréquentant les théâtres, découvrant la musique wagnérienne et consacrant de nombreuses heures à l'élaboration de projets architecturaux plus ou moins fantaisistes. Il perd sa mère (1907), qu'il adorait.


1.2. Les années de formation (1908-1914)
Les années viennoises (1908-1913)
Hitler se rend à Vienne en 1908 pour entrer à l'école des Beaux-Arts, où il n'est pas accepté. Il est de même écarté de l'école d'architecture, mais son séjour dans la capitale de l'Empire austro-hongrois le marque profondément. Il vit de sa peinture et vend relativement bien ses aquarelles.
Élevé dans l'antisémitisme par ses maîtres de Linz, il est, de plus, influencé, pendant toute cette période viennoise, par le mouvement social-chrétien autrichien, animé par Karl Lueger (1844-1910), et le parti de Georg von Schönerer (1842-1921), violemment antisémite. Il lit avec avidité Georges Sorel, Nietzsche, Schopenhauer et les pamphlets racistes d'Adolf Lanz. Sa haine s'accroît contre les Juifs, les sociaux-démocrates, les syndicats, le parlement et les Habsbourg. Très vite, il établit un lien entre marxisme, social-démocratie, parlementarisme et judaïsme (→ national-socialisme). Il est aussi impressionné par les structures de l'Église catholique, qui inspireront plus tard l'organisation de son parti.
Dans ce monde cosmopolite qu'est la Vienne des années d'avant-guerre – où cohabitent Allemands, Tchèques, Polonais, Hongrois, Croates et Italiens – se développe chez lui un pangermanisme exacerbé. Hitler vitupère le système des Habsbourg, qui condamne à mort le germanisme « en 10 millions d'êtres humains ». Dès ce moment, il se tourne vers l'Allemagne, où il s'installe en mai 1913.
Si court ait-il été, le séjour à Vienne a profondément marqué Hitler, qui y a conçu l'idée d'une grande nation allemande.
Le séjour à Munich (1913-1914)
Pendant près d'un an et demi, Hitler vit à Munich, capitale de la Bavière (alors Land de l'empire allemand), où il lit beaucoup, et des ouvrages fort divers, de manière souvent superficielle, sans esprit critique, prêt à accepter toute idée qui rejoindrait les siennes propres.


1.3. Hitler soldat (1914-1920)
La guerre (1914-1918)
En août 1914, il s'engage, bien qu'Autrichien, dans l'armée bavaroise, alors que, quelques mois plus tôt, le réfractaire qu'il était avait été déclaré inapte au service. Dès octobre 1914, il est au front de l'Ouest, où il fait preuve de bravoure et remporte plusieurs citations. Blessé à deux reprises, il est même décoré de la croix de fer de première classe, fait très rare pour un simple caporal, grade qu'il n'a jamais dépassé car ses supérieurs estiment qu'il n'a pas les qualités d'un chef. Gravement blessé aux yeux par les gaz, il est envoyé en Poméranie, où il apprend la fin de la guerre et la proclamation de la République de Weimar (9 novembre 1918).


Une année d'attente (1918-1919)
Hitler est renvoyé à Munich, où certains pensent qu'il aurait vainement essayé, avant la chute des soviets, d'adhérer au communisme. En tout cas, il a probablement porté un brassard rouge et transigé jusqu'en 1919 avec les troupes des conseils d'ouvriers et de soldats, dont certains veulent étendre la révolution bolchevique à la Bavière, voire à l'Allemagne. Mais dès l'entrée des troupes légales à Munich, il est désigné pour enquêter, au sein d'une commission militaire, sur les événements révolutionnaires, puis il est envoyé dans un cours de formation civique antibolchevique. Il devient Bildungsoffizier, commissaire politique d'un régiment bavarois, et reste dans la Reichswehr (armée allemande) jusqu'au 1er avril 1920.
L'entrée au parti ouvrier allemand (1919-1920)
Hitler adhère en 1919 au parti ouvrier allemand (Deutsche Arbeiterpartei), fondé par un ouvrier de Munich, Anton Drexler, qui change son nom dès 1920 en « parti national-socialiste des travailleurs allemands » (Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei, NSDAP), abrégé en parti « nazi ». Il y rejoint un ingénieur, Gottfried Feder – le premier théoricien du parti –, et le capitaine Ernst Röhm, le futur chef des SA. Très vite, Hitler entre au comité directeur du mouvement, puis en prend la direction (1921).


2. Hitler chef du parti nazi (1921-1933)
2.1. Les débuts du parti national-socialiste

De ce NSDAP, qui, en 1919, comptait soixante membres, Hitler fait un véritable parti bien à lui, dont le journal, Völkischer Beobachter, tire en 1922 à 20 000 exemplaires ; d'abord hebdomadaire, cet organe devient quotidien à partir de 1923. La même année, le parti nazi domine tous les autres groupuscules extrémistes, rassemblant 55 000 militants. Dès lors, la vie de Hitler se confond avec celle de son parti. Aux côtés du général Ludendorff, l'ancien caporal est devenu l'une des deux grandes figures de l'extrême droite munichoise, et sa réputation commence à s'étendre hors de Bavière.
Dès 1921, Hitler crée un service d'ordre qui deviendra les sections d'assaut, les SA (Sturmabteilung), et associe à son parti des hommes qui prendront bientôt des responsabilités importantes : Hermann Göring, Rudolf Hess, Otto et Gregor Strasser, Alfred Rosenberg, Wilhelm Frick, Röhm et enfin Ludendorff. Deux tendances apparaissent rapidement : l'une autour des frères Strasser est nettement socialiste, hostile au grand capital et veut transformer profondément l'économie allemande ; Alfred Rosenberg, au contraire, qui sera le penseur du parti nazi, est le tenant de la lutte contre le bolchevisme.


2.2. Le putsch de Munich et la captivité (1923-1924)
Les 8 et 9 novembre 1923, Hitler tente à Munich un coup d'État, qui échoue lamentablement : seize nazis sont tués par la police munichoise. Lui-même arrêté, il est condamné à cinq ans de forteresse ; il ne reste que neuf mois (1923-1924) à la prison de Landsberg, où il rédige Mein Kampf (Mon combat), exposé confus de ses idées et de son programme, qui paraît en 1925 et 1926. (Il donnera une formulation plus structurée dans ce que l'on appelle le « Deuxième Livre », rédigé en 1928, mais jamais publié de son vivant.)


2.3. La réorganisation du parti par Hitler (1924-1929)
Reprise en main (1924-1926)
Dès sa sortie de prison, Hitler réorganise son parti, lui donne un caractère moins révolutionnaire et développe son influence sur l'électorat de l'Allemagne du Nord. Il pactise avec les milieux industriels et critique l'anticléricalisme et les tendances au paganisme du parti. En 1926, il nomme Goebbels – un tout jeune intellectuel, dynamique, ancien ami des Strasser – Gauleiter (chef de district) à Berlin ; il peut ainsi renforcer son influence en Allemagne du Nord.. Lors de la réunion de Bamberg, le 14 février 1926, Hitler réussit à restaurer son autorité. Usant de son charisme, il s'impose comme la seule figure capable d'assurer la survie et la cohésion d'un mouvement aux multiples tendances. C'est à partir de cette date que s'élabore le mythe du Führer, du « Guide », fondé sur un rituel sophistiqué, l'usage du salut hitlérien et l'application du principe du chef (Führerprinzip), qui consiste en un respect absolu de la hiérarchie.
Réorganisation totale du parti et structures annexes (1926-1929)
Tout autour du parti, Hitler fonde des associations nombreuses. Les troupes de choc SS (Schutzstaffel) sont instituées en 1925 ; la Jeunesse hitlérienne (→ Hitlerjugend) suit peu après, ainsi que les Associations nationales-socialistes d'étudiants, d'enseignants, de femmes, etc. En même temps, il donne une structure très centralisée au parti, dont les chefs locaux – y compris les Gauleiter –  sont nommés directement par lui.
En dépit de cette consolidation interne, le NSDAP subit le contrecoup de la stabilisation économique et sociale de la république de Weimar, sensible à partir de 1924. Malgré ses 100 000 adhérents et sa solide organisation bureaucratique, le parti nazi n'obtient que 2,6 % des voix et 12 sièges de députés aux élections législatives de 1928.


2.4. L'ascension du parti nazi (1929-1933)

Défilé de l'armée allemande devant la résidence de Hitler à Nuremberg, 1936
Défilé de l'armée allemande devant la résidence de Hitler à Nuremberg, 1936
Mais le développement de la crise économique et les talents d'organisateur de Hitler donnent bientôt au parti toutes ses chances. Le vote protestataire, traduisant le désespoir d'une population confrontée à un taux de chômage élevé, profite essentiellement au parti nazi ; celui-ci mobilise l'opinion sur le thème à la fois vague et exaltant de la « communauté du peuple » (Volksgemeinschaft). Dès 1929, il progresse rapidement.
En 1930, il compte 6 400 000 électeurs et 107 députés ; en juillet 1932, 13 750 000 électeurs et 230 députés ; en novembre 1932, 11 750 000 électeurs et 196 députés. À l'élection présidentielle de mars 1932, Hitler a mis le maréchal Hindenburg en ballottage.
Le NSDAP est devenu le premier parti d'Allemagne grâce à sa démagogie, à sa violence, grâce aussi à sa propagande, qui trouve un large écho dans l'opinion publique. En 1933, quand il prend le pouvoir, le parti nazi a déjà plus d'un million d'adhérents, recrutés dans les classes moyennes, mais aussi dans la classe ouvrière.


3. Les idées de Hitler
Ce qui frappe chez Hitler durant toute cette période, c'est sa démagogie et en même temps son sens de l'action politique. Tout cela apparaît nettement à la lecture de son œuvre essentielle, Mein Kampf, compilation à la fois autobiographique et politique dans laquelle il définit le national-socialisme.


3.1. Le programme de 1920
La théorie en avait été exposée une première fois en février 1920, de manière abrégée, dans le programme en vingt-cinq points du parti ouvrier allemand, inspiré par la société de Thulé, organisation clandestine de l'Ordre germanique fondée en 1912 par le Bavarois Rudolf von Sebottendorff. Le programme avait été rédigé en grande partie par Gottfried Feder, avec la collaboration de Dietrich Eckart et d'Alfred Rosenberg. Le rôle de Feder fut sans doute essentiel, d'autant qu'à cette époque celui-ci apparaissait comme un véritable théoricien politique. C'est lui qui forgea cette formule qui eut tant de résonance : « Lutte contre l'esclavage capitaliste. » En même temps, inspiré par Hitler et par la société de Thulé, le programme du parti nazi eut dès le début un net caractère antisémite.


3.2. Les thèmes de Mein Kampf
La doctrine de Hitler n'est pas vraiment originale : l'idée du grand Reich allemand est empruntée aux pangermanistes ; celle de la supériorité de la race germanique émane du comte Joseph Arthur de Gobineau, de Houston Stewart Chamberlain et de Nietzsche ; l'apologie de la guerre et de la violence, le culte de la force se trouvent déjà chez Ernst Moritz Arndt et Hegel.
Mais les idées de Hitler sont marquées par son caractère passionnel, dû à son tempérament personnel autant qu'à la crise qui frappe l'Allemagne à l'issue de la Première Guerre mondiale. Hitler désigne les Juifs comme les responsables de la défaite : race décrétée impure, ils cherchent à souiller l'ethnie aryenne et à propager les idéologies néfastes : marxisme, internationalisme, individualisme et libéralisme. Il faut donc débarrasser le Reich des Juifs, le régénérer par le sang aryen (→ Aryens) ; les Allemands seront guidés par le Führerprinzip. Pour contrecarrer les clauses du traité de Versailles, l'Allemagne se constituera un « espace vital » (Lebensraum).


3.3. Une propagande plus qu'une doctrine
En fait, l'idéologie de Hitler et du parti nazi est inconsistante : tout Mein Kampf est dominé par l'idée de propagande. Il faut impressionner, et ce sera la raison fondamentale de l'installation de Hitler au Berghof, le « nid d'aigle », sur l'Obersalzberg, près de Berchtesgaden, et de l'édification des palais hitlériens colossaux. Au plan des idées, il faut viser le plus bas possible avec le moins de scrupules possible. Mein Kampf n'est pas un traité idéologique : c'est un guide d'action. Et Hitler sera aussi servi par son sens de la propagande, du discours politique à caractère souvent hystérique, de la mise en scène. Il sera d'ailleurs remarquablement épaulé par ses collaborateurs, tels Goebbels ou Albert Speer.
Hitler, petit-bourgeois lui-même, utilise la peur des petits-bourgeois d'être prolétarisés. Il leur promet le pouvoir, et c'est pourquoi il sera suivi. Mais, parti de formules utopiques contre le profit et les trusts pour séduire la petite bourgeoisie, il s'appuie très vite sur les classes dirigeantes. Au fur et à mesure que le parti grandit, que ses chances d'arriver au pouvoir se précisent, son programme devient de moins en moins social.
Pour en savoir plus, voir l'article national-socialisme.


4. Hitler à la tête du IIIe Reich (1933-1945)
4.1. La mise en place de la dictature (1933-1934)
Hitler est arrivé à la chancellerie grâce à son sens politique, à sa capacité d'utiliser les hommes, à son cynisme et à son bluff. Ceux qui l'ont appelé sont convaincus qu'ils sauront le contrôler, mais c'est le contraire qui, très vite, se produit.


L'accession légale de Hitler au pouvoir (1933)

En dépit des succès remportés lors des élections de 1930 et de 1932, la majorité absolue est cependant loin d'être atteinte par le parti nazi. Mais les conservateurs qui gouvernent sans majorité parlementaire sont également dans l'impasse. Il leur manque le soutien populaire indispensable à l'établissement définitif du régime autoritaire qu'ils appellent de leurs vœux. C'est pourquoi bien des dirigeants conservateurs, notamment le magnat de la presse Alfred Hugenberg, se rallient à l'idée défendue par Franz von Papen, l'un des proches du président Hindenburg, de la participation de Hitler au gouvernement : l'objectif de von Papen est de « ligoter » Hitler dans un cabinet à dominante conservatrice, tout en récupérant la force mobilisatrice de son parti.
Le 30 janvier 1933, Hindenburg décide, après bien des réticences – il traite Hitler de « caporal bohémien » –, de nommer ce dernier chancelier du Reich, à la tête d'un gouvernement qui ne comprend que deux nazis, Hermann Göring et Wilhelm Frick.
La mise au pas de l'Allemagne
Le 4 février 1933, sous le prétexte de lutter contre la « menace communiste », les nazis obtiennent du vieux président Hindenburg la promulgation d'une ordonnance autorisant l'État à interdire toutes réunions et publications qui menaceraient sa sécurité. En Prusse notamment, la police, dirigée par Göring, multiplie les arrestations, qui touchent d'abord les communistes, et épure l'administration de ses éléments démocrates. Rapidement, de nombreux SS et SA sont engagés comme « policiers auxiliaires ».
L'incendie du Reichstag (le Parlement), le 27 février, entraîne la publication par le président du Reich d'une ordonnance « Pour la protection du peuple et de l'État », qui instaure de fait l'État d'urgence et donne tous les pouvoirs au gouvernement de Hitler.


L'élimination des oppositions

La répression se systématise et frappe désormais les sociaux-démocrates et l'ensemble des Allemands hostiles au nazisme ; beaucoup sont assassinés dans les premiers camps de concentration ouverts pour y interner les nombreux opposants. L'interdiction du parti communiste, le soutien des conservateurs et celui, plus réticent, du parti catholique du centre permettent à Hitler d'obtenir du Reichstag, le 23 mars 1933, le vote d'une « loi d'autorisation » (Ermächtigungsgesetz), qui lui assure les pleins pouvoirs pour quatre ans et légalise la dictature. Le 2 mai, les syndicats sont forcés de prononcer leur dissolution, imités dans les semaines qui suivent par tous les partis politiques non nazis. Le 14 juillet, le NSDAP est proclamé parti unique.
Hitler, par un mélange de pseudo-légalité et de violence politique, étend son pouvoir, tirant pleinement parti de l'enthousiasme qu'a suscité son arrivée à la chancellerie ainsi que des divisions de ses opposants. Le 30 juin 1934, lors de la sanglante Nuit des longs couteaux, il se débarasse de Ernst Röhm et des chefs SA les plus gênants, tandis qu'il confie à Göring le soin d'éliminer le général Kurt von Schleicher et l'opposant nazi « de gauche » Gregor Strasser.


Hitler Reichsführer

Hitler s'acquiert ainsi la reconnaissance de l'armée qui l'aide à succéder sans difficulté au président du Reich, le maréchal Hindenburg, après la mort de ce dernier le 2 août 1934. Le 19 août, plus de 89 % des électeurs allemands ratifient les nouveaux pouvoirs du Reichsführer. En un an et demi, Hitler est parvenu à instaurer un pouvoir sans partage, les opposants politiques ayant été assassinés ou étant internés dans les camps.


4.2. L'État totalitaire

Bien que totalitaire, le nouveau pouvoir nazi se révèle vite d'un fonctionnement chaotique, ne supportant pas la discipline du cabinet ministériel : Hitler préside de plus en plus rarement un gouvernement dont l'ultime réunion a lieu en 1938. Abandonnés à eux-mêmes, les ministères voient par ailleurs leurs prérogatives se restreindre considérablement. Pour les court-circuiter, Hitler crée des institutions spéciales, chargées de missions spécifiques, mais dotées de pouvoirs très larges, qu'il confie à ses lieutenants les plus fidèles.
La police et plus généralement les outils de la politique de sécurité échappent totalement au contrôle du ministère de l'Intérieur ; ils sont entre les mains de Heinrich Himmler, le chef des SS, qui bâtit un véritable État dans l'État. Chargé de la mise en œuvre du plan de quatre ans qui devait permettre d'adapter l'économie à l'effort de guerre, Hermann Göring empiète largement sur les domaines de compétence du ministre de l'Économie.
Hitler et son entourage direct, cœur du pouvoir réel
En définitive, dans le système nazi, tout dépend de la volonté du Führer, qui ne prend que rarement l'initiative d'une décision, se contentant de quelques propos vagues qui sont ensuite « interprétés » et présentés sous forme de projets au dictateur, qui donne ou refuse alors son indispensable accord. Cette pratique a été théorisée par le juriste Carl Schmitt. Seuls les dignitaires de l'entourage direct de Hitler détiennent ainsi un pouvoir réel dans un système qui constitue l'une des formes les plus achevées de parti-État totalitaire.


4.3. Les succès du régime (1933-1939)
En l'espace de six ans, de 1933 à 1939, le régime acquiert une popularité certaine, notamment grâce à la maîtrise du chômage et aux succès en politique extérieure.


Le consensus intérieur

En 1939, le consensus réalisé par le régime auprès de la population est incontestable. Il s’explique par l’impression de la majorité d’avoir retrouvé, après la crise, une certaine sécurité, et même, pour les milieux d’affaires, une vraie prospérité, stimulée par la politique d’armement à outrance mise en œuvre par Göring. La paysannerie est satisfaite de la hausse des prix agricoles et de l’allégement de ses dettes. La quasi-disparition du chômage fait supporter aux ouvriers l’allongement de la journée de travail, la baisse des salaires et le grignotage des libertés syndicales. Les classes moyennes, de plus en plus prolétarisées, qui avaient été le principal soutien de la montée du nazisme, en sont aussi les principales victimes – mais des victimes passives – sauf ceux qui font carrière dans les nombreuses organisations du parti, où ils se signalent par leur fanatisme.
Rien d’étonnant à ce que les oppositions, réduites à leur plus simple expression, soient le fait d’exilés des anciens partis politiques ou de membres des Églises catholique et protestante, choqués par le néo-paganisme des nazis et par la persécution des Juifs, mais peu suivis par leur hiérarchie.
Le principal atout du régime est sa politique expansionniste, qui flatte l’orgueil allemand, blessé par la défaite de 1918.
Les coups de force extérieurs
Ne cessant de protester de ses intentions pacifiques, le dictateur concilie habilement concessions apparentes et coups de force audacieux.
– C'est par le bluff que Hitler triomphe des Français, en décrétant en 1935 le rétablissement du service militaire obligatoire et en remilitarisant en 1936 la rive gauche du Rhin (Rhénanie). C'est encore par le bluff qu'il mène en 1938 et en 1939 la politique d'expansion annoncée dans Mein Kampf. Dès 1925, en effet, Hitler déclarait qu'il fallait constituer un noyau allemand de 80 à 100 millions d'habitants en occupant tous les territoires qui, à un moment quelconque, avaient été allemands. Il insistait déjà sur le devoir de dépeupler pour empêcher la prolifération des races inférieures, slave ou juive.

– Hitler essaie d'annexer l'Autriche dès juillet 1934, en laissant ses partisans assassiner le chancelier Dollfuss. En février 1938, il expose sa politique à ses collaborateurs : il vient de se rapprocher de l'Italie fasciste, qui a été pour lui un modèle désormais dépassé. Il organise l'annexion de l'Autriche en mars 1938 (Anschluss). En septembre 1938, misant sur la peur de la guerre et l'anticommunisme des Occidentaux, se jouant du Britannique Sir Arthur Neville Chamberlain et du Français Édouard Daladier à Bad Godesberg et à Berchtesgaden, il prépare l'annexion des Sudètes, qu'il obtient par les accords de Munich (30 septembre).
Dès lors, alors qu’il assume depuis février 1938 le commandement suprême des forces armées (→ Wehrmacht), tout son effort est tendu vers la guerre. En mars 1939, la Tchécoslovaquie cesse d'exister, sa partie tchèque devenant un protectorat allemand. Avec la crise de Dantzig (→ Gdańsk), pendant l'été 1939, il apparaît cependant que la France et la Grande-Bretagne ne sont plus disposées à céder. Mussolini et Göring tentent, en vain, de modérer Hitler. Fort du pacte de non-agression signé entre l'Allemagne et l'URSS le 23 août 1939 (→ pacte germano-soviétique), le dictateur ordonne l'invasion de la Pologne le 1er septembre. C'est le début de la Seconde Guerre mondiale.


4.4. Hitler dans la Seconde Guerre mondiale

Hitler a-t-il été ou non un chef de guerre ? Incontestablement, c'est lui qui impose l'arme blindée à l'état-major allemand ; c'est lui qui décide d'utiliser la guerre éclair (Blitzkrieg) systématiquement. De tout cela, Hitler profite, et les succès qu'il rencontre contre la Pologne, puis contre la France et dans les Balkans lui donnent peu à peu le sentiment d'être infaillible et le conduisent aux erreurs qui apparaîtront lorsqu'il attaquera la Russie en 1941.
Inventif et audacieux dans l'offensive, Hitler ne parvient pas à concevoir une stratégie défensive, notamment sur le front russe. Les défaites (Stalingrad, février 1943 ; Afrique du Nord, mai 1943) ont de profondes conséquences sur son caractère, et il renonce à toute apparition en public, au désespoir de Goebbels, sur qui retombe tout le poids du maintien de la popularité du régime. De plus en plus taciturne, le Führer ne sort de son silence que pour asséner à son entourage des exposés délirants sur la réorganisation de l'Europe, et il passe l'essentiel de son temps penché sur des cartes d'état-major ; ses proches peuvent observer presque à vue d'œil son vieillissement accéléré, dû au surmenage et à l'abus de médicaments.

Malgré tout, le pouvoir de Hitler reste incontesté jusqu'aux derniers jours de la guerre. Son autoritarisme s'accentue encore après l'attentat dirigé contre lui (20 juillet 1944). En dépit des revers (→ bataille de Stalingrad puis débarquement en Normandie en 1944), Hitler croit pourtant encore à la victoire par les armes secrètes (V1, V2). Il supervise la dernière offensive allemande des Ardennes (décembre 1944-janvier 1945). Puis, voyant que l'Allemagne nazie est battue, il retourne dans l'abri bétonné de la chancellerie où il se tue d'un coup de revolver le 30 avril 1945 alors que les troupes soviétiques investissent Berlin.

 

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Cours de musique Toulon

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initiation piano Toulon

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initiation saxophone Toulon

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initiation guitare Toulon