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L' ORGUE

 

 

 

 

 

 

 

orgue

Instrument à vent dans lequel les sons sont émis par des tuyaux commandés à partir d'un ou de plusieurs claviers, le vent les mettant en vibration étant fourni par une soufflerie.
L'orgue est le plus ancien des instruments à clavier. Au fil des siècles, il est devenu l'un des plus riches et des plus complexes de tous les instruments de musique savante, celui susceptible de la plus grande étendue du grave à l'aigu et de la plus grande puissance. Ces caractéristiques, jointes à la diversité de ses timbres et à son emploi fréquent dans les lieux de culte, l'ont fait surnommer « le pape des instruments » (Berlioz).

Les variétés
Il n'existe pas deux orgues semblables, à l'exception des petits instruments d'étude fabriqués aujourd'hui en séries de quelques unités. Chaque instrument est bâti selon des principes généraux communs à tous les orgues et souvent fort anciens, mais possède une individualité propre. Il est conçu et « composé » en fonction des desiderata, des goûts et des possibilités financières de son acquéreur, toujours sur mesures. De plus, l'organier donne aux différents jeux choisis pour l'instrument qu'il construit un caractère sonore (attaque, timbre, puissance), qui dépend de son propre style, mais aussi des mélanges de jeux possibles sur cet instrument (afin de réaliser des ensembles et un plénum cohérents) et de l'acoustique du lieu où ce dernier aura à se faire entendre. C'est ce que l'on appelle l'« harmonie » de l'instrument.
Depuis l'instrument primitif et rudimentaire de l'Antiquité, l'hydraule, l'orgue a considérablement évolué. L'instrument traditionnel à tuyaux et à claviers s'est lui-même diversifié en plusieurs formes : le grand orgue, celui que l'on rencontre dans les églises, le petit orgue ou positif, de dimensions et de possibilités plus modestes, et le tout petit instrument portable ou portatif. Au xixe siècle ont été conçus et réalisés de nouveaux instruments : un orgue mécanique, mû par un cylindre tournant remplacé plus tard par des feuilles de carton perforé, l'orgue de Barbarie (souvent appelé du nom de son principal constructeur français, limonaire) ; et un instrument à anches libres, appelé alors « orgue expressif » et connu aujourd'hui sous le nom d'harmonium. Le xxe siècle a vu naître à son tour l'orgue électronique, dans lequel les tuyaux sont remplacés par des oscillateurs électriques, des amplificateurs et des haut-parleurs, et la forme la plus évoluée de l'orgue électronique, le synthétiseur, qui, lui, se démarque radicalement de l'orgue à tuyaux traditionnel.

Les fonctions de l'orgue
L'orgue de l'Antiquité apparaît dans les jeux du cirque, où il assure une fonction d'appel et de signalisation. Chez les Romains, on le trouve aussi associé aux banquets dont il rehausse l'éclat par ses sons très puissants. Dans l'Occident chrétien, il est d'abord toléré dans les monastères et les églises, comme guide-chant, mais avec réticence, en raison de ses origines païennes. Il parvient cependant à s'imposer, au point d'exclure toute autre forme de musique instrumentale pendant plusieurs siècles et de devenir l'instrument par excellence de la liturgie chrétienne. En effet, généralisé dans l'Église catholique, il est également adopté par les luthériens, les anglicans et même les calvinistes, en dépit de la méfiance de ces derniers à l'égard de la musique. Chez eux, il sera relégué au rang d'accompagnateur des cantiques, tandis que, pour les catholiques et les luthériens, il fait partie intégrante de la liturgie : accompagnement des mouvements des fidèles (entrée, communion, sortie, processions), paraphrase des textes chantés (chorals, versets de psaumes, de magnificat, d'hymnes), prière et méditation en musique (offertoire, élévation). Dans les régions comme l'Autriche ou la Bavière, qui pratiquent encore la grand-messe baroque avec orchestre et chœurs, ou pour les cantates exécutées dans les églises luthériennes, l'orgue se joint à l'ensemble orchestral ; il est, entre autres, chargé d'accompagner le récitatif et d'exécuter la basse chiffrée. Le retour massif de la participation chantée de l'assemblée dans l'Église catholique depuis le concile Vatican II, la disparition de la tradition chorale en France et l'introduction dans les lieux saints de musiques nouvelles, d'inspiration profane et exécutées sur la guitare électrique, le synthétiseur ou les percussions, ont considérablement réduit la fonction liturgique de l'orgue, en France particulièrement ; et les orgues d'église de quelque intérêt se font davantage entendre dans des concerts qu'à la messe ou à l'office.
Mais on trouve aussi l'orgue hors de l'église ou du temple. Dans les salles de concert ou de spectacle, où il se fait entendre soit comme soliste en récital, soit dans les œuvres orchestrales requérant sa participation. Au cinéma, où, à l'époque du film muet (et principalement entre 1920 et 1930), l'organiste exécutait des illustrations sonores des images, ou bien agrémentait le temps de l'entracte sur des instruments au caractère adapté à cette fonction (jeux ondulants, jeux de percussion, forte pression d'air, etc.). L'orgue a même pris place dans des grands magasins : le plus volumineux instrument du monde se trouve aux magasins Wanamacker, à Salt Lake City (États-Unis), où il a quotidiennement à distraire les chalands ou à les inciter à l'achat (le talent de l'organiste doit s'y révéler d'une importance décisive).
Les orgues mécaniques accompagnent les fêtes populaires, les bals publics ou les manèges de chevaux de bois, ou font entendre dans les rues et les guinguettes des refrains connus. Quant à l'orgue électronique, s'il sert de succédané à l'orgue à tuyaux auprès des paroisses peu fortunées, il s'est surtout répandu dans les orchestres de variétés et les ensembles de musique pop.

La structure de l'orgue
L'ensemble des commandes accessibles à l'exécutant est réuni en un meuble (console), indépendant ou encastré dans le bâti de l'orgue. Ces commandes sont dirigées vers les organes de production sonore par des éléments de transmission mécanique, pneumatique ou électrique. Le vent destiné à faire sonner les tuyaux est produit par une soufflerie (à moteur électrique de nos jours, mais mécanique jadis, animée par un ou plusieurs souffleurs), puis mis en réserve et sous pression convenable dans des soufflets. Quant aux divers tuyaux, dont le nombre peut aller de quelques unités à plusieurs milliers, ils se trouvent placés sur différents sommiers dans lesquels arrivent l'air sous pression et les différentes commandes. Tuyaux et sommiers sont enfermés dans le buffet, qui joue un rôle à la fois décoratif, protecteur et acoustique.

La console
Elle met à la disposition de l'exécutant le ou les claviers (appelés grand orgue, positif, récit, écho et parfois encore solo, grand-chœur ou bombarde), ainsi que le pédalier. On y trouve aussi un certain nombre de registres, boutons ou tirettes étagés en gradins ou disposés verticalement de chaque côté des claviers, registres qui appellent en fonctionnement les divers jeux de l'instrument. D'autres commandes, mises en œuvre à la main ou au pied, régissent les accouplements et les tirasses, et les éventuelles combinaisons fixes ou ajustables. Ces combinaisons permettent, par l'intermédiaire de dispositifs mécaniques, pneumatiques, électriques et aujourd'hui électroniques, de programmer à volonté diverses registrations (ou mélanges de jeux) ; qu'elles soient préparées par le facteur d'orgues ou ajustables à volonté par l'organiste, elles seront introduites d'un seul coup, au cours de l'exécution, par simple pression sur un bouton ou une pédale. Ce dispositif évite à l'exécutant d'avoir à s'entourer, comme jadis, de tireurs de jeux installés à ses côtés, dont le rôle était de modifier au moment opportun les sonorités requises par le morceau interprété. Les pieds de l'exécutant peuvent encore commander, depuis la console, l'ouverture ou la fermeture des jalousies de la boîte expressive (pédale d'« expression »), et éventuellement un crescendo progressif, faisant intervenir tous les jeux du plénum dans un ordre croissant d'intensité.
L'emplacement longtemps considéré comme le plus logique pour la console a été celui dit « en fenêtre », les organes de commande étant encastrés dans le soubassement du buffet, ce qui réduisait de ce fait la longueur des organes de transmission, génératrice de retards, de dureté de manœuvre et d'incidents. Mais à partir du xixe siècle, on a généralement préféré construire des consoles séparées, placées en avant du buffet et permettant à l'organiste de diriger ses regards vers le lieu du culte dans lequel il a à intervenir. Grâce à la transmission électrique, on peut réaliser aujourd'hui des consoles mobiles, reliées au buffet par un gros câble contenant tous les fils de commande électrique (plusieurs centaines). Cette disposition se révèle particulièrement appréciable dans les salles de spectacle, puisqu'elle permet à l'organiste d'intervenir aussi bien sur la scène, depuis la coulisse ou dans la fosse d'orchestre.

La transmission des commandes des touches des claviers et du pédalier
Elle peut se faire par système mécanique, pneumatique ou électrique, avec possibilité de mêler ces procédés entre eux (par exemple, transmission mécanique des touches et électrique des registres). Mécanique, elle fait appel à des vergettes qui prolongent l'action de l'enfoncement de la touche au sommier ; ce mouvement est relayé par des équerres et un dispositif démultiplicateur appelé abrégé. Dans la transmission pneumatique (dite aussi « tubulaire »), les pièces mécaniques sont remplacées par de petites conduites d'air comprimé ; mais ce type de commande met un certain temps à entrer en action (celui du déplacement de l'air dans les tubes), et les retards parfois très gênants occasionnés ainsi à l'exécution ont conduit à abandonner ce procédé qui, par ailleurs, était beaucoup plus sujet à incidents et pannes que la transmission mécanique. Quant à la transmission électrique, parfaitement au point de nos jours, elle permet de réaliser des consoles mobiles ou éloignées du buffet, et simplifie les commandes dans les très grands instruments. Elle consiste à placer des contacts électriques à toutes les commandes de la console (notes, registres, appels d'accouplements, de tirasses et de combinaisons) ; des câbles véhiculent instantanément le courant jusqu'aux sommiers, où il actionne des électroaimants. On a, un temps, imaginé une combinaison de la transmission pneumatique avec des sommiers à électroaimants ; mais cette transmission « électropneumatique » a cédé le pas devant les possibilités du système électrique. Il faut cependant souligner que, malgré ses incontestables avantages, la transmission électrique présente le lourd inconvénient de dépersonnaliser le toucher du clavier, l'attaque et la pression des doigts de l'organiste sur les touches demeurant sans effet correspondant sur le mode d'ouverture de la soupape.
Pour alléger la transmission mécanique dans les grands instruments (et en particulier dans ceux dont la mécanique avait été mal réglée ou peu entretenue, voire mal conçue), l'organier Barker a imaginé, en 1839, une machinerie de leviers pneumatiques qui prennent le relais de la commande manuelle et constituent en quelque sorte des amplificateurs de puissance à la traction mécanique. Ainsi, l'organiste éprouve moins de difficultés à enfoncer les touches, surtout lorsque les claviers sont accouplés entre eux et qu'il y a une mécanique importante à faire mouvoir. Mais la machine Barker entraîne les mêmes inconvénients sur le toucher que la transmission électrique.

La soufflerie
Elle est assurée par un ventilateur électrique, qui envoie de l'air dans de grands réservoirs à soufflets recouverts de poids. Leur but est de régulariser le débit d'air et de mettre cet air à pression convenable. Il peut alors être dirigé sans à-coups vers les sommiers par l'intermédiaire de tubes porte-vent.

Les tuyaux de l'orgue
Ils peuvent être de deux types, à bouche ou à anche, selon le mode d'émission du son. À bouche, ils composent les jeux de fond ou les jeux de mutation et de mixtures. Ces tuyaux sont rangés par séries, correspondant aux jeux, sur les sommiers. Certains d'entre eux, trop volumineux, sont placés à l'écart, et des tubes porte-vent les alimentent individuellement depuis leur emplacement théorique sur le sommier : ont dit qu'ils sont « postés ». Il en va de même pour les tuyaux placés en façade du buffet, ou en montre, qui ne reposent pas directement sur le sommier, mais sont également postés. Quoique le matériau dans lequel sont fabriqués les tuyaux n'ait pas d'influence sur le timbre du son produit, il peut favoriser la réalisation du sifflet proprement dit qui engendre le son (bouche et biseau), et donc jouer sur l'attaque du son. Les organiers ont de tout temps choisi l'étain, mêlé à un taux variable de plomb, pour réaliser les tuyaux : cet alliage présente en effet la double propriété d'être très malléable pour être travaillé avec précision, et suffisamment solide pour que les plus grands de ces tuyaux ne se tassent pas sous leur propre poids. On construit également des tuyaux en bois, de section carrée, surtout pour les jeux de bourdon. La hauteur du son émis par les tuyaux est fonction de leur partie active, de la bouche à l'extrémité supérieure ; et c'est la forme et la section des tuyaux qui sont responsables du timbre du son.
Les sommiers

Ils assurent la répartition du vent dans les tuyaux que l'organiste veut faire sonner : la soupape correspondant à la note introduit l'air à la base de tous les tuyaux que cette note est susceptible de faire jouer sur le clavier considéré ; mais seuls seront entendus les tuyaux dont l'admission d'air n'est pas obturée par le registre, c'est-à-dire ceux pour lesquels l'organiste aura tiré le registre du ou des jeux qu'il souhaite faire entendre.

L'histoire de l'orgue
Le plus ancien orgue connu est dû à Ctesibios d'Alexandrie, au iie siècle av. J.-C. C'est l'hydraule, qui ne comporte que quelques tuyaux mis en œuvre par l'intermédiaire de touches grossières. En Occident, l'orgue apparaît à l'époque carolingienne ; il y est importé de Byzance. Il se développe assez lentement d'abord : du ixe au xiie siècle, son étendue passe de une à deux octaves, l'unique rangée de tuyaux se double d'une seconde.
Du xiie au xve siècle
L'orgue se développe considérablement : les tuyaux se multiplient, le clavier s'étend et devient chromatique, la soufflerie se fait plus puissante. Dès la fin du xive siècle, l'instrument, placé en tribune dans les églises, est suffisamment important pour nécessiter qu'on lui adjoigne un autre orgue, plus petit, pour accompagner les chanteurs. C'est le positif, installé sur le devant de la tribune. Au xve siècle, les sommiers se perfectionnent, et la possibilité apparaît d'isoler et de mélanger les jeux par tirage de registres, jeux qui, jusqu'à présent, ne pouvaient fonctionner que tous en même temps.
Le grand orgue classique est alors constitué. Il va désormais connaître diverses évolutions, selon les pays et les écoles de facture qui se multiplient, mais tout en restant fidèle aux grands principes de base qui sont maintenant établis. En Italie, c'est un instrument souvent à un seul clavier, dont le plénum se décompose en de nombreux jeux de principaux qui permettent d'en faire varier la couleur et le caractère. Le plus grand représentant de cette facture est l'organier Antegnati.
Les xviie et xviiie siècles
C'est surtout en France, en Allemagne et en Flandres que l'orgue va se développer en coloris, en plénitude et en contrastes. En France, il présente deux claviers accouplables au début du xviie siècle ; à la fin du même siècle, il en compte trois, parfois quatre et même jusqu'à cinq, conçus pour s'opposer et se répondre. Il s'enrichit de jeux de détail, destinés à chanter en solistes ­ jeux d'anches, notamment ­ et son plénum s'étoffe de nombreuses mixtures qui donnent de la légèreté et de la transparence à ses tutti. Son apogée se situe au début du xviiie siècle. Les principaux représentants de la facture française des xviie et xviiie siècles sont les Thierry et les Clicquot. Les théoriciens en sont le père Mersenne et surtout Dom Bédos, dont le monumental traité, l'Art du facteur d'orgues (1766-1778), unique en son genre, consacre tout le savoir-faire acquis au cours des siècles précédents.
En Flandre et en Allemagne du Nord, l'orgue se singularise par ses jeux de flûte et ses batteries d'anches et ses amples proportions, tandis qu'en Allemagne du Centre et du Sud, l'instrument, moins développé, subit l'influence française et réalise un harmonieux équilibre des diverses tendances. Il est représenté par Fritzsche et Compenius pour le nord, les Schnitger et les Silbermann pour l'ensemble du monde allemand. Les orgues d'Allemagne ont la particularité de posséder un pédalier à touches qui favorise la virtuosité, alors que la France reste encore fidèle à son ancien pédalier à chevilles : l'adoption par la facture française du pédalier à l'allemande ne se fera que vers 1860 seulement.
D'autres pays possèdent une école et un style originaux, comme la péninsule Ibérique, avec ses grands chœurs d'anches et ses tuyaux en chamade, et ses claviers coupés permettant des registrations différentes (Brebos). Les Anglais ont également développé un style spécifique, influencé par les écoles française et flamande (Dallam, Harris).
Le xixe siècle
Après une période de stagnation et même de régression (en France surtout, du fait de la Révolution et du profond changement des goûts et des mœurs), l'orgue va se trouver doublement marqué par la recherche d'améliorations techniques d'une part, et par l'influence du style symphonique d'autre part. Il va sacrifier son caractère propre (jeux de détail fortement typés, mixtures) à une imitation approximative des instruments de l'orchestre et des procédés de l'écriture symphonique ; à la poésie de timbres subtils, il préférera la puissance massive et une virtuosité évidemment calquée sur celle du piano qui triomphe alors. Sur le plan technique, l'orgue symphonique améliore la distribution du vent dans les sommiers, introduit la machine Barker, perfectionne la mécanique. Musicalement, il est plus puissant, mais aussi plus rond, plus grave, plus épais et dense, moins diversement coloré que l'orgue classique ou baroque. Procédant par grandes masses, il use d'effets de crescendo par renforcement de la sonorité en camaïeu et non par enrichissement du coloris ; souffrant d'une sorte de complexe du piano et de son impossibilité à faire varier l'intensité du son en fonction de la frappe de la touche, il cherche un nouveau type d'expressivité par l'usage de la boîte expressive. À côté d'un Cavaillé-Coll, qui réalise les chefs-d'œuvre de l'orgue symphonique, et de facteurs comme Callinet, Abbey ou Harrison, bien des organiers moins doués ont bâti des instruments de moindre intérêt sonore, souvent même en modifiant des instruments anciens à jamais défigurés.

Le xxe siècle
Un mouvement de contestation de l'orgue symphonique s'est développé vers 1920, sous l'impulsion de Victor Gonzalez avec, bientôt, la caution du musicologue Norbert Dufourcq et des instances officielles (commission des orgues du secrétariat des Beaux-Arts). Ce mouvement a abouti en France à un instrument baptisé « néoclassique », qui pratiquait un sain retour à une esthétique ancienne plus spécifiquement propre à l'orgue, mais enrichie d'éléments techniques et sonores ultérieurs. Ainsi s'est concrétisé un instrument de style hybride assez mal défini, présentant un échantillonnage varié de jeux basé sur les compositions d'orgues classiques, tout en maintenant des jeux de l'orgue symphonique et en adoptant des techniques nouvelles, comme la transmission électrique pour les instruments importants. Cet idéal d'orgue à tout jouer a été appliqué non seulement à des instruments neufs, mais aussi à bien des instruments anciens ­ y compris les meilleurs représentants de la facture symphonique, qui se sont trouvés de ce fait dénaturés.

Ce mouvement de retour aux sources devait se poursuivre après 1950 par des recherches plus approfondies sur les divers types d'instruments, classiques et baroques, dont il n'existe pas un seul prototype, mais un certain nombre de types très différenciés par le style, la composition et la réalisation technique. Il a abouti à la construction (ou à la restauration) d'instruments d'esthétique beaucoup plus pure et univoque, véritables copies d'orgues baroques allemands ou classiques français ­ orgues « à la Dom Bédos », « à la Silbermann », « à la Clicquot », etc., par exemple. Ce mouvement salutaire a permis d'accroître les exigences en matière de mécanique et de sonorité. On ne peut cependant nier qu'il ne s'agit là que d'un travail d'archéologie, si réussi soit-il (Kern).
Depuis 1970 environ, et sous la pression de quelques organistes compositeurs, se font jour, en Allemagne principalement, des recherches de sonorités nouvelles et de dispositifs de jeu inédits : harmoniques supplémentaires dans les jeux de mutation, tuyaux ou émetteurs de sons inexplorés encore, programmation ajustable de sonorités et de mélanges sur des notes isolées, accords transposables automatiquement d'une note à l'autre pour permettre l'exécution de clusters, etc. Reste à savoir si des instruments réalisés sur de telles données permettront ou non l'exécution d'œuvres anciennes, ou s'ils devront se spécialiser dans les œuvres écrites à leur intention. Peut-être, en tout cas, ces recherches mèneront-elles un jour à la création d'un type d'orgue véritablement nouveau, comme le xxe siècle n'en a pas encore réalisé.

La musique pour orgue
Jusqu'au xvie siècle, l'orgue, comme d'ailleurs les autres instruments à clavier, ne possède pas de répertoire propre. On y exécute des pièces polyphoniques, sacrées (motets, versets) ou profanes (multiples danses, canzone, variations), soit pour accompagner des chanteurs, soit pour dialoguer avec eux en répons, soit encore pour faire danser ou participer aux fêtes. Il est vraisemblable que, dès cette époque, une part importante était faite à l'improvisation (préludes, fantaisies). Quant à la musique écrite, elle l'était sous forme de tablatures.
Le xvie siècle
Au xvie siècle, apparaissent l'édition musicale et les premières pièces spécifiquement instrumentales. Les œuvres destinées à l'orgue ne se différencient d'ailleurs pas toujours de celles que l'on joue à l'épinette, au virginal, voire au luth. Mais des organistes écrivent des œuvres qu'ils destinent expressément à leur instrument, principalement en Italie, en Flandres et en Espagne, la France se montrant plus en retard en ce domaine. Le siècle est dominé par les figures de l'Espagnol Cabezón, spécialiste des variations, du Flamand Sweelinck, auteur de fantaisies, toccatas et variations, et d'une riche école italienne, où l'on peut relever les noms de Cavazzoni, Merulo, A. et G. Gabrieli, Banchieri, Luzzaschi, Palestrina. Les Italiens multiplient toccatas « per l'elevazione » ou « sopra i pedali », ricercari, canzone, pastorales, etc., sans que ces pièces aient toujours une forme, une attribution instrumentale et une fonction bien précises.
Le xviie et le xviiie siècle
Ils voient à la fois l'apogée de l'instrument classique et baroque et de la fonction liturgique de l'orgue, et la consécration de l'autonomie de la musique instrumentale. C'est aussi un temps traversé de courants mystiques profonds (mystiques français du xviie siècle, piétistes allemands du xviiie, etc.), courants qu'illustreront des compositeurs de génie. En Espagne fleurissent tientos et variations sous la plume de Correa de Arauxo, puis de Cabanilles, ainsi que des « battaglie » qui font sonner les batteries d'anches en chamade des instruments ibériques. L'Italie, après avoir jeté ses feux au xvie siècle, ne produit plus d'œuvres marquantes, et l'Angleterre développe ses voluntaries avec Blow, Purcell, Boyce ou Stanley. Mais les deux pays dominants sont alors la France et l'Allemagne.
En France, une première génération, au début du xviie siècle, celle de Titelouze et de Racquet, pratique les versets contrapuntiques et les fantaisies polyphoniques. Avec Roberday et Louis Couperin (1650), le style se fait moins sévère, sous l'influence de l'art italien. Mais c'est ensuite que l'orgue français connaît ses plus grandes heures. C'est alors le triomphe des grandes pièces faisant sonner le riche plénum de l'instrument classique (grand jeu, plein jeu, préludes, fantaisies), encadrant des pages de caractère poétique, mettant en valeur un ou plusieurs des jeux de détail dont l'orgue français abonde : récits, basses et dessus, duos, trios, dialogues, etc. Telle est l'ordonnance type de ces Livres d'orgue qui vont éclore à profusion en une centaine d'années, de Nivers (1665) à M. Corette (1734), en passant par Lebègue, Jullien, Gigault, Raison, Boyvin, Guilain, Du Mage, Clérambault, Marchand, les sommets du genre étant les deux messes de François Couperin (1690) et le Livre d'orgue de Grigny (1699). Dès 1730, cependant, l'orgue est envahi par les frivolités de style et les coquetteries de virtuoses, empruntées au genre mondain du clavecin, étalant à profusion les variations brillantes (Daquin), paraphrasant les chansons populaires (noëls), et, à la fin du siècle, introduisant des effets descriptifs (orage, tonnerre, oiseaux) dans des pièces imitatives d'un goût douteux et d'une substance musicale extrêmement indigente.
En Allemagne, les musiciens du sud sont influencés par l'Italie, dans leurs chorals, leurs fantaisies ou leurs préludes, d'un caractère volontiers serein et méditatif : Froberger, Muffat, Fischer, Pachelbel. Au nord, au contraire, se développe un art puissant, à la fois dans le développement polyphonique (fugues, chorals variés) et dans la virtuosité proprement organistique (toccatas), en des architectures sonores solidement charpentées. C'est la manière des disciples de Sweelinck, Scheidt, Scheidemann, puis de Boehm, Bruhns, Hanff, Lübeck et surtout Buxtehude.
Tous les éléments sont réunis pour que le prodigieux génie synthétique de J. S. Bach les rassemble, les fonde et les développe en une œuvre unique en son genre, qui résume les deux siècles précédents et semble en épuiser toute la sève : ni les frères Haydn ni Mozart n'apporteront à la musique d'orgue d'éléments majeurs (les deux admirables Fantaisies de Mozart, que l'on joue à l'orgue, étaient destinées à un instrument mécanique).

Le xixeet le xxe siècle
Le xixe siècle et la première moitié du xxe, tout entiers tournés vers la symphonie et l'opéra, négligent d'abord l'orgue, et pour plusieurs décennies. En Allemagne, les œuvres de Schumann, de Mendelssohn, de Brahms et de Reger coulent un langage et une pensée romantiques dans des formes héritées de Bach (préludes et fugues, préludes de chorals) ; seules les quelques pages de Liszt font entrevoir un monde expressif résolument neuf. En France, après un siècle d'effroyable décadence que couronne un Lefébure-Wély, la double influence des organistes demeurés fidèles à la grande tradition germanique (Lemmens, Hesse) et de l'effort de curieux et de chercheurs pour retrouver la musique ancienne et renouer avec le plain-chant, va aboutir à un renouveau d'abord marqué par Boély, puis par Saint-Saëns et Franck, dont les premières pièces datent de 1862.
Le rayonnement personnel de Franck amène à l'orgue de nombreux disciples. Mais c'est Widor qui va former au Conservatoire de Paris la plus réputée des écoles d'organistes, plaçant la France au premier rang mondial. Widor crée la symphonie pour orgue, grande fresque qui fait valoir les instruments de Cavaillé-Coll, et prône une improvisation en style rigoureux (sonate, choral, fugue, etc.). Parmi ses disciples, Vierne, Tournemire, Dupré sont les meilleurs représentants du style symphonique, qui se tourne aussi vers la paraphrase des motifs grégoriens.
Mais la musique d'orgue reste le fait d'organistes-compositeurs. Ni Debussy ni Stravinski n'écrivent pour l'orgue, et les œuvres que lui consacrent un Ives ou un Schönberg sont trop peu nombreuses pour être significatives. Deux compositeurs renouvellent le langage de l'orgue et l'extirpent de son épaisse gangue symphonique : Jehan Alain, trop tôt disparu, et Olivier Messiaen, dont l'œuvre profondément originale ouvre à l'orgue des chemins nouveaux. Auprès d'eux, ni Heiller ou David en Autriche, ni Hindemith en Allemagne, ne font figure de novateurs.
Depuis les années 60, les compositeurs portent un intérêt nouveau à l'orgue. Ce ne sont plus exclusivement des organistes confinés dans le langage de leur chapelle, mais des musiciens qui entrevoient des possibilités expressives nouvelles sur l'instrument à tuyaux : Kagel, Ligeti, Yun, Darasse, Pablo, Zacher, Boucourechliev ouvrent des voies qui pourraient mener, avec un instrument mieux adapté à leur imagination, à une renaissance de l'orgue.

 

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O N U

 

 

 

 

 

 

 

ONU
sigle de Organisation des Nations unies

Organisation internationale constituée par les États qui ont accepté de remplir les obligations prévues par la Charte des Nations unies en vue de sauvegarder la paix et la sécurité mondiales et d'instituer entre les nations une coopération économique, sociale et culturelle.
1. La création de l'ONU

       L'organisation des Nations unies (ONU) est née officiellement le 24 octobre 1945, date officielle d'entrée en vigueur de la Charte des Nations unies, signée le 25 avril de la même année, à San Francisco, par la Chine, les États-Unis, la France, le Royaume-Uni, l'Union soviétique et 45 autres pays. À ces membres originaires s'ajoutait la Pologne, qui, absente à la conférence, signa le texte peu après. L'idée maîtresse qui présida à la création de l'Organisation des Nations unies était la préservation de la paix. Les nations fondatrices étaient alors engagées solidairement dans la lutte contre les forces de l'Axe (Allemagne, Italie et Japon).
Pour en savoir plus, voir l'article Charte des Nations unies.

2. Avant l'ONU, la SDN
Une autre institution intergouvernementale ayant les mêmes buts existait avant l'ONU : la Société des Nations (SDN), créée en 1919 par le traité de Versailles, et qui avait pour mission, après la Première Guerre mondiale, d'asseoir définitivement la paix entre les nations et de fournir des garanties réciproques d'indépendance politique et territoriale aux États, petits ou grands. Mais la SDN ne parvint à rassembler que les démocraties européennes et se limita rapidement à une simple association de ces dernières. Les États-Unis n'en firent jamais partie, en raison du refus du Sénat de ratifier le traité. L'entrée décisive, en 1933, de l'Union soviétique – qui fut exclue en 1939 après qu'elle eut attaqué la Finlande (→ campagnes de Finlande) – coïncida avec le départ du Japon et de l'Allemagne.
La SDN, dont on ne retient le plus souvent que la faiblesse ou l'inefficacité, réussit pourtant à introduire au sein de la communauté internationale l'idée d'une grande organisation intergouvernementale à vocation mondiale et à caractère égalitaire ; cette idée prit définitivement corps pendant la Seconde Guerre mondiale.
Pour en savoir plus, voir les articles Seconde Guerre mondiale, Société des Nations (SDN).

3. Les étapes de la création de l'ONU
– 12 juin 1941 : Franklin Roosevelt et Winston Churchill, réunis à Londres au Saint James Palace, font la première déclaration interalliée, réclamant que fût fondée une organisation pour assurer la paix partout dans le monde.
– 14 août 1941 : Roosevelt et Churchill se retrouvent en tête à tête, avant de faire une déclaration connue sous le nom de « charte de l'Atlantique », dans laquelle ils s'engagent à appliquer des principes communs dans les politiques nationales des pays où leurs pays respectifs jouissent d'une influence : c'est le prélude à la décolonisation. Intégrée à la conférence de Washington de 1942, la charte de l'Atlantique devient ipso facto le programme de paix des Nations unies.
– 1er janvier 1942 : Roosevelt utilise pour la première fois l'expression « nations unies ». Ce jour-là, ces « nations unies » (au nombre de 26) s'engagent à poursuivre la lutte contre les forces de l'Axe, ensemble, jusqu'à leur défaite.
– 20 octobre 1943 : alors que la guerre est à son paroxysme, l'Union soviétique, le Royaume-Uni, les États-Unis et la Chine affirment, dans leur Déclaration des quatre nations clôturant la conférence de Moscou, la nécessité d'établir, aussi tôt que possible, une organisation internationale fondée sur le principe de l'égalité souveraine entre tous les États pacifiques.
– 28 novembre-1erdécembre 1943 : dans une déclaration signée à Moscou le 30 octobre 1943, l'URSS, le Royaume-Uni, les États-Unis et la Chine préconisent la création d'une organisation internationale chargée du maintien de la paix et de la sécurité. Cet objectif est réaffirmé à la conférence de Téhéran, le 1er décembre 1943.
– 21 août-7 octobre 1944 : réunis à Dumbarton Oaks, près de Washington, les délégués de l'URSS, du Royaume-Uni, des États-Unis et de la Chine s'entendent pour établir la paix et la sécurité internationales. Cette conférence élabore le plan de l'Organisation des Nations unies et fixe les dispositions qui devaient assurer, du point de vue économique et social, les libertés essentielles de l'être humain.
– 4-11 février 1945 : conférence de Yalta. Roosevelt, Staline et Churchill achèvent l'examen de ce projet et décident de convoquer une conférence internationale en vue de la création de l'Organisation.
– 25 avril-26 juin 1945 : conférence de San Francisco. La « conférence des Nations unies sur l'organisation internationale » convoquée par les États-Unis, le Royaume-Uni, l'URSS et la Chine, regroupe 50 États. Elle adopte un traité multilatéral signé le 26 juin 1945 : la Charte de l'Organisation des Nations unies. La Pologne, non représentée à la conférence, signera la Charte plus tard, mais est néanmoins devenue l'un des 51 membres originels.
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– 24 octobre 1945 : l'entrée en vigueur de la Charte de l'ONU, ratifiée par la Chine, les États-Unis , la France, le Royaume-Uni, l'URSS et la majorité des autres pays signataires, marque l'existence officielle de l'Organisation des Nations unies.

États membres de l'Organisation des Nations Unies
4. La Charte de l'ONU
La Charte est l'instrument constitutif de l'Organisation des Nations unies. Elle fixe les droits et les obligations des États membres et établit les organes et les procédures.
Elle comprend 111 articles regroupés en 19 chapitres auxquels se rajoute le statut de la Cour internationale de justice (CIJ).
Le principe de base qui y est affirmé est l'égalité souveraine de tous les membres. Néanmoins, un droit de veto  est reconnu de fait à chacun des cinq membres du Conseil de sécurité.
Les buts et les principes de l'ONU, définis dans les premiers chapitres, sont les suivants :
– le maintien de la paix et de la sécurité internationale ;
– le développement des relations amicales entre les nations ;
– la coopération internationale et le développement des droits fondamentaux de l'homme.
À cet égard, la Déclaration universelle des droits de l'homme, adoptée par l'Assemblée générale réunie à Paris le 10 décembre 1948, demeure le texte de référence. L'attachement aux libertés fondamentales, aussi bien de l'homme (« respect universel et effectif des droits de l'homme, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion ») que des peuples (égalité des droits et droit à disposer d'eux-mêmes), est explicitement proclamé.
Pour en savoir plus, voir les articles Charte des Nations unies, Déclaration universelle des droits de l'homme.

5. La structure de l'ONU



5.1. L'Assemblée générale

Créée par la Charte des Nations unies en 1945, l'Assemblée générale est le principal organe délibérant, directeur et représentatif de l'ONU.
Elle est composée des représentants de tous les États membres, chacun d'entre eux disposant d'une voix. Diverses questions y sont débattues. Pour celles afférentes aux sujets de première importance – sécurité internationale, admission d'un État, budget – les décisions sont prises à la majorité des deux tiers. Sur les autres sujets, la majorité simple suffit.
L'Assemblée tient chaque année une session ordinaire (de septembre à décembre). Elle peut se réunir en session extraordinaire, convoquée par le Conseil de sécurité, par la majorité des États membres, ou par un seul État appuyé par une majorité des autres.
Les décisions votées par l'Assemblée ne constituent aucune obligation juridique pour les gouvernements nationaux. Toutefois, l'interdépendance croissante des États et des continents, la médiatisation des événements de toute nature donnent aux résolutions adoptées un poids moral qui n'échappe pas à l'opinion publique mondiale. De plus, l'œuvre entreprise durant l'année par l'Organisation découle, en grande partie, des décisions prises par l'Assemblée générale.

5.2. Le Conseil de sécurité
Le Conseil de sécurité, à la fois organe exécutif et organe d'initiative, assume la responsabilité principale du maintien de la paix. Il est appelé à œuvrer « par voie de négociation, d'enquête, de médiation, de conciliation, d'arbitrage, de règlement judiciaire, de recours aux organismes ou accords régionaux ». Une singularité le distingue des autres institutions, puisqu'il est le seul organe à prendre des décisions que les membres de l'Organisation sont tenus d'appliquer.
Quinze membres siègent au Conseil de sécurité, dont cinq membres permanents : il s'agit de la Chine, des États-Unis, de la Fédération de Russie (qui a succédé à l'Union soviétique), de la France et du Royaume-Uni. Les dix autres membres sont élus tous les deux ans par l'Assemblée générale, qui les choisit en fonction d'une répartition géographique et d'un dosage politique.
La nécessité d'un élargissement du nombre de membres permanents pour une meilleure représentativité au Conseil de sécurité fait l'objet, depuis les années 1990, de longues et difficiles négociations.
Pour en savoir plus, voir l'article Conseil de sécurité.

5.3. Le Conseil économique et social
Composé de 54 membres élus pour trois ans par l'Assemblée générale selon un critère de répartition géographique et disposant chacun d'une voix, le Conseil économique et social est l'instance où sont examinées les questions économiques et sociales internationales, et où sont réalisées les études et les rapports sur ces questions. Il convoque les conférences internationales sur les sujets de sa compétence. Il consulte 900 organisations non gouvernementales (ONG), qui travaillent sur le terrain. Le Conseil s'emploie à faire respecter les droits de l'homme et les libertés fondamentales. Il agit par recommandations, les décisions sont prises à la majorité simple.

5.4. Le Conseil de tutelle
Le Conseil de tutelle se compose de représentants de 7 États membres et des 5 membres permanents du Conseil de sécurité. Il a pour tâche de surveiller l'administration des territoires placés sous le régime de la tutelle (chapitre XIII, articles 86 et suivants de la Charte de l'ONU). Ce régime a pour but de confier l'administration de territoires non autonomes à une autorité chargée de tutelle, et de faire en sorte que les gouvernements chargés de cette administration prennent les mesures qui conviennent pour préparer ces territoires à la réalisation des objectifs énoncés dans la Charte.
Au cours des premières années d'existence de l'ONU, 11 territoires furent placés sous régime de tutelle. Ces territoires ont tous aujourd'hui accédé à l'indépendance ou se sont volontairement unis à un État pour constituer un pays indépendant. En 1994, le Conseil de sécurité a mis un terme à l'accord de tutelle régissant le dernier territoire – celui des îles du Pacifique (Palau), administré par les États-Unis – après que la population de ce territoire se fut prononcée pour son autonomie. Palau devint indépendant en 1994 et adhéra à l'ONU en tant que 185e État membre. Avec l'indépendance de Palau, dernier territoire sous tutelle des Nations unies, le régime de tutelle avait ainsi achevé sa mission historique, et le Conseil décida officiellement de suspendre ses activités à partir du 1er novembre 1994. Il demeure toutefois un organe de l'ONU à part entière.
5.5. La Cour internationale de justice (CIJ)
Créée en 1945, la Cour internationale de justice est l'organe juridictionnel des Nations unies. Elle applique, conformément à l'article 38 de son statut (partie intégrante de la Charte des Nations unies), les conventions internationales qui établissent les règles reconnues par les États nationaux en litige, mais aussi la coutume internationale acceptée comme le droit et les principes généraux de droit reconnus par les nations. Chaque membre de l'ONU est partie au statut de la Cour. Siégeant à La Haye, la Cour se compose de 15 magistrats élus indépendamment par l'Assemblée générale et le Conseil de sécurité, pour une durée de 9 ans. La Cour siège en séance plénière, mais peut constituer des organes plus restreints, appelés « chambres », à la demande des parties. Les délibérations sont secrètes et les arrêts sont pris à la majorité des juges présents.
Pour en savoir plus, voir l'article Cour internationale de justice (CIJ).

5.6. Le Secrétariat des Nations unies
Environ 7 500 personnes, appartenant à 170 pays, composent le Secrétariat, dont le siège est à New York. Ces fonctionnaires internationaux sont en principe indépendants de leur pays d'origine : au terme de l'article 100 de la Charte, les États membres s'engagent à reconnaître le caractère exclusivement international de l'activité du secrétaire général et du personnel du Secrétariat et à ne pas chercher à les influencer. Ces fonctionnaires sont choisis en fonction de leur compétence et selon un subtil dosage géographique. Ils sont nommés par le secrétaire général.
Considéré comme la machine administrative de l'ONU, le Secrétariat se voue à des tâches multiples, touchant à l'administration des opérations du maintien de la paix, à la traduction de documents dans les langues officielles, à l'analyse des problèmes économiques et sociaux, enfin, à l'organisation des conférences internationales.

5.7. Le secrétaire général
Il est nommé par l'Assemblée, sur recommandation du Conseil de sécurité. La Charte ne précise pas la durée de ses fonctions, mais elle est habituellement de cinq ans. Le secrétaire général est rééligible. Décrit par la Charte comme « le plus haut fonctionnaire de l'Organisation », il en est de fait l'emblème. Il a pour mission d'attirer l'attention du Conseil de sécurité sur toute affaire qui, selon lui, pourrait mettre en danger la paix et la sécurité partout dans le monde. Mais la Charte lui demande également de remplir « toute autre fonction » dont il serait chargé par le Conseil de sécurité, l'Assemblée générale et les organes principaux de l'ONU.
Dans les faits, il est le porte-parole de la communauté internationale, tout en étant au service des États membres. Il propose ses bons offices dans l'intérêt général, donc, par définition, en toute impartialité. Pour cela, il est amené tout naturellement à rencontrer les chefs d'État et dirigeants mondiaux. Chaque secrétaire général a défini sa mission dans le contexte des événements mondiaux de l'époque. Il est notable qu'aucun d'entre eux n'ait appartenu à une grande puissance. C'est que le choix du titulaire doit véritablement reposer sur un consensus. D'une part, une entente entre les deux organes souverains s'impose, car le secrétaire général étant nommé par l'Assemblée générale sur recommandation du Conseil de sécurité, il doit recueillir non seulement l'aval des grandes puissances mais aussi l'assentiment des pays du Sud.
Le plus haut fonctionnaire de l'Organisation ne s'est pas cantonné à la place que lui avaient assignée les fondateurs de l'ONU. Il a été amené à jouer un rôle de plus en plus important dans la politique internationale, en multipliant missions de bons offices et initiatives diversement appréciées (par exemple pour empêcher in extremis, en 1998, une nouvelle intervention armée, souhaitée par les États-Unis, contre l'Iraq).

5.7.1. Les secrétaires généraux de l'ONU
– Trygve Lie (1946-1952) : ce Norvégien a accompli son mandat durant la guerre de Corée, à l'occasion de laquelle les soldats furent dépêchés pour s'interposer entre les belligérants. L'hostilité de l'URSS envers lui était telle qu'il décida de démissionner un an avant l'expiration de son mandat.
– Dag Hammarskjöld (1953-1961) : le mandat de ce Suédois s'est déroulé dans le contexte de la crise de Suez et de celle du Congo. Il est mort en Afrique, à la suite d'un accident d'avion aux causes non élucidées. Il a obtenu le prix Nobel de la paix à titre posthume.
– Sithu U Thant (1961-1971) : représentant permanent auprès de l'ONU, ce diplomate birman a été le premier secrétaire général issu d'un pays du tiers-monde. Du fait du décès de son prédécesseur, il a occupé le poste par intérim, avant d'être élu. Son mandat s'est déroulé alors que la guerre du Viêt Nam s'intensifiait. Ses incessants efforts pour que s'ouvrent des négociations ne furent guère récompensés.
– Kurt Waldheim (1972-1981) : cet Autrichien a effectué deux mandats pleins. Désireux de se présenter pour un troisième, il dut retirer sa candidature. L'opinion publique, en effet, s'était penchée – fort tardivement – sur son attitude durant la Seconde Guerre mondiale, à laquelle il participa comme officier de l'armée allemande, et avait estimé que son passé ne pouvait s'accorder avec des fonctions conférant une haute autorité morale.
– Javier Pérez de Cuéllar (1982-1991) : représentant permanent auprès de l'ONU, ce diplomate péruvien a accompli deux mandats successifs, alors que s'écroulait le mur de Berlin, annonciateur de la fin de la guerre froide. Javier Pérez de Cuéllar était encore en poste lors de la guerre du Golfe.

– Boutros Boutros-Ghali (1992-1996) : Ce diplomate égyptien a accompli son mandat alors que sévissaient des crises majeures : Somalie, Rwanda, ex-Yougoslavie. Énergique et autoritaire, il a voulu s'atteler à réformer l'Organisation. Les États-Unis n'ont guère apprécié ses prises de position et se sont opposés à ce qu'il se présente pour un second mandat. La France le soutint d'abord, à la satisfaction de nombre d'États arabes et africains, mais, quand un successeur africain sachant s'exprimer en français fut pressenti, elle renonça à maintenir le candidat sortant jusqu'au bout. Boutros-Ghali a été nommé secrétaire général à la francophonie peu après.

– Kofi Annan (1997-2006) : la carrière de ce diplomate ghanéen s'est déroulée essentiellement à l'ONU. S'étant donné comme tâche prioritaire de rénover les Nations unies, il cherche, par ailleurs, à maintenir l'engagement de la communauté internationale en faveur de l'Afrique, le plus désavantagé des continents, et doit gérer maintes situations politiques essentielles telles que la réintégration de l'Iraq dans le concert international ou le conflit israélo-palestinien. Réélu à l'unanimité pour un second mandat, K. Annan se voit décerner, conjointement à l'Organisation, le prix Nobel de la paix en septembre 2001.

– Ban Ki-moon (2007-2016) : diplomate sud-coréen, il intègre les Nations unies dès 1975 et défend inlassablement la vision d'une péninsule coréenne pacifique. Outre les opérations de paix en Afrique – Mali, République centrafricaine, RDC, Soudan –, le développement durable et la lutte contre les dérèglements climatiques (Accord de Paris, 2016) ainsi que la protection et la promotion des femmes sont les principales questions qui ont marqué ses deux mandats, à l’issue desquels de graves crises restent cependant irrésolues (Syrie notamment).
– António Guterres (depuis 2017) : ancien Premier ministre du Portugal (1995-2002), il est à la tête du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) de 2005 à 2015.
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6. Les moyens de l'Organisation

6.1. Les moyens financiers
Le budget ordinaire de l'ONU tourne autour de 3 milliards d'euros. Les États membres sont soumis au paiement de leur contribution en fonction de leur capacité financière. Les plus riches, tels les États-Unis, contribuent à hauteur de 22 % de ce budget, le Japon 12,5 %, l'Allemagne 8,01 %, le Royaume-Uni 6,6 %, la France 6,1 %, l'Italie 4,9 %, alors que le Burkina, la Bolivie ou le Cambodge ne doivent couvrir chacun que 0,01 % de ce budget.
Les États membres sont également appelés à financer les opérations de maintien de la paix. De plus, toutes sortes d'activités de l'ONU sont assurées par des contributions volontaires, en dehors du budget ordinaire, tels que les programmes du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), du Programme alimentaire mondial (PAM).

6.2. Les moyens juridiques
L'article premier de la Charte ne laisse planer aucun doute sur la mission des Nations unies, appelées à régler les différends internationaux par des moyens pacifiques, conformément au principe de la justice et du droit international. Hormis le Conseil de sécurité, qui élabore des « recommandations », mais qui prend aussi des « décisions » exécutoires, les organes onusiens, tel le Conseil économique et social, ne peuvent formuler que des recommandations. Quant aux nombreuses « résolutions » prises par l'Assemblée générale, elles ne constituent pas un moyen d'action. Tout au plus servent-elles de bases aux recommandations et autres décisions. La Charte ignore le mot « sanction ». Mais les articles 5 et 6 prévoient la suspension et l'exclusion d'un État membre, la suspension du droit de vote à l'Assemblée générale (article 19) ou encore (article 41) la rupture, ou la réduction, des relations diplomatiques, économiques, sportives et culturelles avec l'État membre incriminé.

6.3. Les moyens humains
Aux fonctionnaires rattachés aux sièges de New York, de Genève et de Vienne s'ajoute le personnel des institutions et programmes rattachés (environ 50 000 personnes). Les délégués des pays ne sont pas comptabilisés, car ils travaillent pour leurs gouvernements respectifs.
L'ONU utilise aussi du personnel pour les opérations de maintien de la paix : ce sont des soldats appartenant aux contingents militaires des pays membres – l'Organisation n'a pas d'armée propre –, auxquels se joignent aussi des civils. Ces « volontaires civils », selon leur appellation officielle, sont des professionnels qualifiés et expérimentés, spécialistes dans quelque 115 domaines. Ils participent aux opérations humanitaires et aux programmes de développement. On en dénombre 4 000 environ qui travaillent dans 130 pays.

7. Les programmes d'action
7.1. Le maintien de la paix
L'objectif majeur de l'ONU est de maintenir partout la paix et la sécurité. Depuis sa fondation, elle a été souvent sollicitée pour empêcher qu'une situation dangereuse ne dégénère en conflit armé. Les méthodes et les moyens utilisés à cette fin varient. Force militaire et diplomatie peuvent être utilisées alternativement ou simultanément.  7.1.1. Des Casques bleus sur le terrain
Si la Charte prévoit que les États membres doivent régler leurs différends par la voie pacifique, elle stipule aussi que c'est au Conseil de sécurité qu'incombe la responsabilité de la paix et de la sécurité dans le monde. Ce dernier met donc en place un dispositif de maintien de la paix que dirige le secrétaire général. Ces opérations revêtent diverses formes. La plus spectaculaire consiste en l'envoi des fameux Casques bleus, soldats de la paix issus des contingents des pays membres. Les Casques bleus agissent dans le cadre d'un mandat qu'ils se doivent de respecter scrupuleusement. Ces forces militaires ont obtenu en 1988 le prix Nobel de la paix.
Le dispositif de maintien de la paix consiste aussi à envoyer des missions d'observation militaire composées d'officiers non armés. Dans tous les cas, les forces onusiennes gardent le contact avec les deux parties, qui sont traitées sur un pied de stricte égalité.

L'envoi de forces armées pose un problème politico-diplomatique majeur aux États du monde. L'expédition, sous mandat onusien, de forces coalisées pour forcer l'Iraq à évacuer le Koweït, qu'il avait envahi le 2 août 1990, l'a démontré (→ guerre du Golfe). Les coalisés, épaulant le « gendarme » américain, se muaient en « bras armé » de l'Amérique. De même, en juillet 1995, l'ONU a-t-elle confié à trois pays, États-Unis, Royaume-Uni et France, le soin d'opérer, mandatés par elle certes, mais sous leurs propres couleurs, les engagements militaires rendus nécessaires par la situation en Bosnie-Herzégovine. La FORPRONU s'était montrée incapable de les assumer.

7.1.2. L'assistance électorale
Dans le cadre des efforts onusiens pour garantir les conditions de paix, la surveillance des élections est une intervention qui a fait ses preuves. Inaugurée en 1989 en Namibie, cette mission s'est généralisée, au Nicaragua et en Haïti (1990), en Angola (1992), au Cambodge (1993), et ainsi chaque année en divers points du globe.
Plusieurs fois honorée, l'Organisation est pour la première fois en tant que telle lauréate du prix Nobel de la paix en septembre 2001.

7.1.3. La réglementation de l'armement et le désarmement
En 1959, la notion de désarmement général et complet fut mise à l'ordre du jour de l'Assemblée générale en tant que sujet distinct. Au début des années 1960, les États-Unis et l'URSS soumirent bien des plans à cet effet, mais on se rendit vite compte que l'objectif d'un désarmement complet s'éloignait chaque jour davantage. Depuis, une autre approche a vu le jour. Elle s'appuie sur des organes subsidiaires : le Département des affaires de désarmement (créé en 1982, supprimé en 1992 et rétabli en 1998), et la Conférence du désarmement, autonome de l'Assemblée générale.
EN SAVOIR PLUS
*         • arme nucléaire
*         • armes chimiques
*         • désarmement
*         • prolifération
*         • sécurité collective
En 1993 est conclue la Convention sur les armes chimiques. En matière nucléaire, plusieurs traités, allant de la non prolifération nucléaire à l'interdiction complète des essais nucléaires, ont vu le jour depuis 1963. Certains d'entre eux interdisent la mise en place d'armes nucléaires dans l'espace extra-atmosphérique (1967) ou sur le fonds des mers et des océans (1971).

7.2. Le développement économique et social
La philosophie onusienne privilégie les actions de développement économique, social et culturel, gage de stabilité. C'est là le second rôle majeur de l'Organisation. Consciente de leur importance, l'ONU entend faire progresser le consensus mondial en la matière. Elle agit au moyen de programmes et d'institutions spécialisées.

7.2.1. Les programmes
Avec les programmes et les stratégies de développement approuvés par l'Assemblée générale, l'ONU met en œuvre des projets globaux, mais aussi des actions ponctuelles concernant tous les domaines économiques et sociaux. Ces programmes revêtent diverses formes : coopération technique, enquêtes et études, organisations de conférences internationales, etc. En outre, certains de ces programmes sont liés à des catégories de populations spécifiques, tels les enfants, les femmes, les vieillards, les réfugiés, les migrants, les handicapés, et d'autres encore.
Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), constitue, pour les 177 pays où il est présent, la principale source de financement gratuit pour le développement humain.

7.2.2. Les institutions spécialisées
L'ONU s'est donnée des institutions spécialisées qui sont des organisations internationales disposant d'une autonomie budgétaire et d'une indépendance de fait. Elles sont rattachées au Conseil économique et social par accords latéraux approuvés par l'Assemblée générale (article 63 de la Charte). L'article 57 en précise la création par accords intergouvernementaux, la définition de leurs compétences dans leur domaine spécifique, et leur rattachement à l'ONU. Ces institutions, sous leur appellation propre, ont en commun d'être dotées, classiquement, de trois organes : une Assemblée plénière (ou Conférence), un organe exécutif restreint (le Conseil, ou Conseil exécutif, voire Conseil d'administration), un Secrétariat (ou Bureau international).
On distingue les organisations à vocation globale :
– l'Organisation internationale du travail (OIT),
– l'Organisation mondiale de la santé (OMS),
– l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO),
– l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco).
Parmi les organisations à vocation économique et financière figurent notamment le groupe de la Banque mondiale, le Fonds monétaire international (FMI).
Les organisations fonctionnelles à vocation technique regroupent par exemple :
– l'Union internationale des télécommunications (UIT),
– l'Organisation maritime internationale (OMI),
– l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI),
– l'Union postale universelle (UPU).

8. Les débats d'idées et les droits de l'homme

8.1. Débats d'idées
Plusieurs fois par an, par le biais de ses institutions, programmes ou conférences, l'ONU mobilise l'opinion publique mondiale, sur des sujets variés et d'intérêt commun.
Ainsi la protection de l'environnement fut-elle à l'honneur à Rio de Janeiro en 1992. Le développement des micro-États insulaires (Bridgeton, 1994), la prévention des catastrophes naturelles (Yokohama, 1994), l'égalité des femmes (4e conférence mondiale sur ce thème à Pékin, en 1995) ou encore le racisme (Durban, 2001) ont aussi capté l'attention mondiale.

8.2. Droits de l'homme
Le 10 décembre 1948, l'Assemblée générale adopte la Déclaration universelle des droits de l'homme, « l'idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations ». Plus tard, deux pactes sont élaborés et entrent en vigueur en 1976 :
– le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui concerne le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, la libre circulation, la présomption d'innocence, la liberté de pensée, de conscience et religieuse, etc.
– Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, qui concerne le droit de travailler dans des conditions justes et favorables, la protection sociale, le droit à l'éducation, etc.
En outre, il existait une Commission des droits de l'homme, principal organe chargé de la promotion des droits de l'homme du monde. Créée en 1946, avec pour objectif l'élaboration de normes relatives aux droits de l'homme, elle consacrait une grande part de son activité aux problèmes de leur mise en œuvre et se réunissait en session annuelle à Genève. Dans le cadre de la réforme de l'ONU, la Commission, discréditée par la présence dans ses rangs de régimes jugés répressifs, a été remplacée, en juin 2006, par le Conseil des droits de l'homme (CDH), qui regroupe 47 pays membres, élus par l'Assemblée générale pour trois ans maximum.
Parmi les mécanismes créés par la Commission des droits de l’homme et repris par le Conseil des droits de l’homme figurent les rapporteurs spéciaux ou groupes de travail mandatés pour examiner la situation particulière d’un pays ou des thèmes spécifiques (alimentation, logement, racisme, discrimination raciale, xénophobie, etc.). Lors de sa création, le CDH s'est doté d'un nouveau mécanisme, l'examen périodique universel (EPU), qui contraint les 193 États membres de l'ONU à se soumettre tous les quatre ans à une évaluation par les autres États membres du respect des droits de l'homme.

 

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CARTHAGE

 

 

 

 

 

 

 

Carthage


Localité de Tunisie, sur la côte est du golfe de Tunis, faubourg résidentiel de Tunis.
*         Population : 15 922 hab. (recensement de 2004)


Archevêché. Centre touristique. — C'est le site de la ville antique du même nom. Vestiges phéniciens. Ruines romaines (pour la plupart du iie s. : aqueduc, thermes d'Antonin, théâtre, port militaire, maisons ou sièges de sociétés). Basiliques chrétiennes. Important musée archéologique.

La Carthage punique
Histoire
Une cité conquérante


Carthage (en latin Carthago) est un des nombreux comptoirs fondés par les Phéniciens venus de Tyr en longeant les côtes de l'Afrique. La ville fut fondée vers 820 avant J.-C. selon la tradition, qui l'attribuait à la Phénicienne Élissa, ou Didon, sous le nom de Qart Hadasht (« Ville neuve »). Modeste bourgade à ses débuts, Carthage doit, en signe d'allégeance, verser une dîme à Tyr et, pendant un siècle et demi, payer un tribut aux Libyens. Mais, au cours de la seconde moitié du viie s., la ville, profitant du déclin de Tyr, incapable de contenir la progression des Grecs en Méditerranée occidentale, va progressivement mettre fin à cette dépendance. En 654, la fondation d'Ibiza (Baléares) marque une étape importante dans l'ascension de Carthage. Elle traduit sa volonté de s'implanter sur les routes commerciales établies par les Phéniciens, et tout particulièrement celles des matières premières – plomb, cuivre, fer, étain – et métaux précieux – or, argent surtout –, dont regorge l'Espagne.
Progressivement, Carthage impose donc sa domination aux comptoirs phéniciens de la Méditerranée occidentale et fonde un empire maritime sous la conduite de la famille des Magonides, en installant ses comptoirs sur les côtes d'Espagne, aux Baléares, en Sardaigne et dans l'ouest de la Sicile. Pendant près de huit siècles, Carthage va en effet disputer la Méditerranée aux Grecs puis aux Romains, attirés eux aussi par les mines d'Espagne, les greniers de Sardaigne, la Sicile et les relais maritimes indispensables à l'hégémonie commerciale.
Entre 750 et 600, les Grecs, tributaires d'un territoire exigu et pauvre, se lancent à la conquête de la Méditerranée – tels « des grenouilles autour d'une mare », selon Aristophane. Ils fondent des colonies en Italie méridionale (Tarente, Crotone, Naples), en Sicile (Agrigente, Syracuse), à Nice, Marseille, Agde et en Corse. Ils ambitionnent aussi de s'installer en Sardaigne et d'accéder au commerce ibérique. Ces projets sont incompatibles avec la politique marchande et, au moins depuis le vie s., l'expansionnisme territorial de Carthage. En 580, Carthage défend les Phéniciens de Motyé et de Palerme contre les Grecs, dont elle défait les armées à Sélinonte, sur la côte sud-ouest de la Sicile. Un demi-siècle plus tard, elle s'allie aux Étrusques d'Italie occidentale et expulse de Corse les Phocéens de Marseille. En 510, elle empêche, aux côtés des Libyens, les Spartiates de fonder une colonie en Tripolitaine.


Désormais, Carthage domine toute la Méditerranée occidentale et les grandes îles, laissant à ses alliés étrusques le contrôle de l'Italie continentale, comme en témoigne une feuille d'or trouvée à Pyrgi (au nord de Rome), sur laquelle est portée une dédicace du roi étrusque à Astarté, après la victoire d'Alalia (535) sur les Grecs. Cependant, Gélon, tyran de Gela et de Syracuse – devenue la ville la plus prospère du monde hellénique – et allié du puissant Théron d'Agrigente, ne tarde pas à reprendre l'offensive. Battue à Himère en 480, Carthage réussit cependant à sauvegarder les territoires convoités, dont le golfe de Gabès, mais doit payer une lourde indemnité de 2 000 talents. Après leur victoire d'Himère, les Grecs poursuivent leur progression en Méditerranée et remportent des victoires durant les guerres médiques contre les Perses et leurs alliés phéniciens et contre les Étrusques d'Italie. Dès lors, l'arrière-plan africain prend de l'importance dans la politique de relance économique engagée par Carthage.
La cité prend conscience de la précarité d'une économie entièrement subordonnée au commerce méditerranéen et engage une politique agricole. À défaut d'informations directes, l'étude de l'iconographie des stèles, des épigraphes, et la lecture du Traité d'agriculture, en vingt-huit volumes, rédigé au ive s. par Magon, peut éclairer cet aspect de la civilisation carthaginoise. La chora, c'est-à-dire la cité proprement dite, assure son autosuffisance alimentaire, notamment en produits d'arboriculture (olives, raisins, figues, amandes) et en viande. La Megara, quartier périphérique au nord de Carthage, abrite une agriculture intensive avec des potagers et des jardins séparés par des clôtures en pierres sèches, des haies vives d'arbustes épineux, de canaux, nombreux et profonds. Au-delà de la chora, les plaines du bassin de la Medjerda et de l'oued Miliane sont consacrées au blé. Le palmier-dattier, souvent représenté sur les stèles votives et les monnaies, a peut-être eu une fonction religieuse, alors que la grenade carthaginoise est si réputée que les Romains la dénomment mela punica. Entre autres instruments agricoles, on utilise pour le dépiquage le plostellum punicum, sorte de traîneau en bois pourvu de roulettes dentées, des araires munis d'un long mancheron recourbé accroché à un manche, avec, à l'extrémité, une poignée à angle droit et un soc dans la partie inférieure, comme on en trouve encore en Afrique. Le fourrage est transporté dans des chars à roues pleines, équipés de montants ouverts. Les rendements céréaliers sont modestes, les meilleures terres étant consacrées à la vigne et à l'olivette. Le territoire agricole ne se limite plus à une étroite bande côtière, de surcroît menacée par les Libyens, qui exigent un tribut, mais couvre la majeure partie de la Tunisie.
L'intérêt que porte Carthage à l'Afrique occidentale, dans la seconde moitié du ve s., est attesté par le développement de Sabratha et de Leptis Magna, débouchés de pistes transsahariennes. Les Garamantes et les Nasamons installés au sud du golfe de Syrte, à trente jours de marche de la côte, sont les intermédiaires entre le « Pays des Noirs » et Carthage. Ils connaissent aux ve et ive s. un accroissement démographique et un essor agricole qui ne sont pas sans relation avec l'influence des établissements carthaginois du littoral. Carthage reçoit des escarboucles et probablement de l'ivoire, des peaux, et des esclaves capturés par les Garamantes. Le transport de l'or est moins probable. Le redressement de Carthage est tel que, à la fin du siècle, elle reprend les hostilités, profitant des dissensions grecques. Elle met à sac Sélinonte, Himère, Gela, et occupe les territoires à l'ouest du fleuve Halycus. Jamais l'Empire punique n'a été aussi étendu. Cependant, en 310, Agathocle, tyran de Syracuse, réussit à débarquer au sud du cap Bon, dans le nord-est de la Tunisie actuelle, avec 14 000 hommes, et, durant trois années, dévaste un grand nombre de cités puniques, avant de regagner Syracuse. Carthage reste sauve, mais la preuve est désormais faite que son territoire est loin d'être inaccessible.
Pendant qu'elle combat les Grecs, Carthage s'allie avec Rome, comme en témoignent les accords d'échanges de 508, de 348 et de 306, ainsi que le traité de défense mutuelle signé en 279. Les intérêts des deux États semblent convergents. Mais une fois les Grecs évincés de la Méditerranée occidentale, au milieu du iiie s., les impérialismes romain et punique se retrouvent face à face. « Les Romains, selon l'historien grec Polybe, constatant que les Carthaginois avaient étendu leur domination non seulement sur les rivages de l'Afrique, mais encore sur une bonne partie de l'Espagne et qu'ils étaient en outre maîtres de toutes les îles de la mer Tyrrhénienne, songeaient avec inquiétude que, si la Sicile tombait également entre leurs mains, ils auraient là des voisins excessivement encombrants et dangereux, par lesquels ils se trouveraient encerclés, et qui pourraient menacer directement toutes les parties de l'Italie. »

Les guerres puniques
La première guerre punique (264-241) se solde par la victoire de Rome. Après vingt-deux années de guerre, Carthage est définitivement vaincue à la bataille navale des îles Égates. Elle doit évacuer la Sicile et la Sardaigne, payer un lourd tribut de 4 400 talents, restituer les prisonniers de guerre, renoncer à toute hostilité contre Rome et ses alliés, s'abstenir de conduire des navires dans les eaux italiennes et d'engager des mercenaires dans la péninsule.


Carthage et Rome
L'équilibre de la Méditerranée s'en trouve profondément modifié. Pour la première fois au cours de son histoire, Carthage perd la suprématie navale. Les Romains s'inspirent de la technologie punique et l'enrichissent par la création d'une passerelle qui s'accroche au navire ennemi et sur laquelle on combat comme sur la terre ferme. Carthage doit faire face à d'énormes problèmes de trésorerie alors que ses ports sont pillés et ses campagnes dévastées. En 240, plusieurs dizaines de milliers de Libyens, accablés par l'effort de guerre, mais aussi les mercenaires d'Afrique et de Sardaigne, restés plusieurs mois sans salaire, se soulèvent, occupent l'isthme de Carthage, assiègent Utique et Bizerte. Il faut quatre ans et des méthodes sanguinaires au général Hamilcar Barca pour remporter cette « guerre inexpiable » décrite par Flaubert dans Salammbô.


Carthage, meurtrie, prépare sa revanche ; cette fois à partir de l'Espagne, où, en 237, Hamilcar Barca fonde un État prospère, bien administré et doté d'une armée de plus de 50 000 hommes. En 221, son fils Hannibal accède au pouvoir. Élevé dans les campements de l'armée carthaginoise d'Espagne, nourri de culture grecque, doté d'un grand courage physique, il se révèle un génie militaire hors pair. Par ses conquêtes, il élargit les limites de l'Empire punique et réorganise l'armée de manière à tirer le meilleur parti des particularismes culturels et militaires de chaque peuple : Numides, Ibères, Gaulois ; les Libyens cessent de combattre comme les hoplites grecs et remplacent la pique par l'épée, plus adaptée aux combats rapprochés. En 219, Hannibal prend Sagonte, alliée de Rome, qui, alors, rompt la trêve et déclenche la deuxième guerre punique en 218. Hannibal traverse l'Èbre, franchit les Alpes avec des éléphants et pénètre en Italie, où il écrase plusieurs armées romaines ; on retient les victoires du lac Trasimène (217) et de Cannes (216). Rome évite le combat frontal. Hannibal, coupé de ses arrières – Rome conquiert les possessions espagnoles de Carthage en 209 –, mal soutenu par le sénat carthaginois et en butte à l'hostilité des populations demeurées fidèles à Rome, doit abandonner le siège de Capoue et regagner Carthage. En 201, Cornelius Scipion, dit l'Africain, s'allie à Masinissa, chef des Numides de l'Est, et défait l'armée punique à Zama, en terre africaine. Encore une fois, les conditions de la paix (201) sont draconiennes pour les Puniques. De retour à Carthage, Hannibal entreprend le redressement économique, notamment par l'exploitation des ressources agricoles, en dépit des agressions de son vieil ennemi numide, Masinissa. Mais l'hostilité de l'aristocratie le conduit à l'exil en 195, et au suicide en 183.
Cependant, Carthage est redevenue si prospère que Rome, dirigée par les courants politiques les plus extrémistes, décide de l'anéantir : delenda est Carthago (« Carthage doit être détruite »). C’est sous l'impulsion de Caton, auteur de la formule, qu’une troisième guerre punique (149-146 avant J.-C.) vient à bout de Carthage, qui est anéantie après un siège de trois ans.

Civilisation
L’économie de Carthage
Les conceptions de l'économie sont très simples. L'État prélève des taxes sur les importations et les exportations, mais ne pratique pas de politique commerciale spécifique.
La monnaie, dont l'étalon est phénicien, est apparue tardivement, au ive s. Dans la première phase de son développement, Carthage importe des denrées alimentaires de ses colonies. Mais ce sont les métaux précieux de la péninsule Ibérique, particulièrement l'argent, qui constituent l'essentiel de ses importations. Ils sont destinés à l'artisanat et à la fabrication des monnaies. De la Berbérie, la cité carthaginoise obtient des produits agricoles et des animaux – autruches, éléphants de Numidie, singes, perroquets, fauves – qu'elle revend en Méditerranée, notamment pour les jeux d'amphithéâtre. De nombreuses mosaïques, comme celles d'Hippone au ive s., représentent des scènes de capture de fauves. Elle exporte des produits d'artisanat – tapis, parfums, étoffes de couleurs, cuillères, tuyaux en terre cuite, etc. – et de pacotille, dont de petits masques en pâte de verre.

Organisation politique et sociale
Sur le plan politique, les suffètes exercent la magistrature suprême. Au nombre de deux, ils sont élus pour un an et veillent à la bonne marche des affaires politiques et administratives, à l'exécution des décisions du conseil des anciens (sénat), de 300 membres, ou de celles de l'assemblée du peuple. Ils remplissent aussi une fonction législative et judiciaire importante. La cour des Cent, composée de nobles, contrôle le gouvernement. La vie politique reste dominée par les riches, et tout particulièrement les Magonides (535-450) et les Barcides, même si les citoyens participent à l'élection des suffètes et sont consultés en cas de désaccord entre ces derniers et le conseil.
Au sommet de l'échelle sociale trône une aristocratie de riches armateurs, négociants et propriétaires fonciers. Elle tire son prestige et sa légitimité de son origine phénicienne, rappelée avec ostentation dans les épigraphes, ainsi que de sa fortune, acquise par le commerce, l'exercice de charges publiques et, à partir du ve s., par l'exploitation des riches domaines agricoles. Cette aristocratie réussit à sauvegarder ses privilèges en dépit des réformes entreprises par les Barcas. Par exemple, elle écarte Hannibal lorsque celui-ci, devenu suffète après la bataille de Zama, fait voter par le peuple des lois visant à limiter le pouvoir des nobles en matière de justice et à réprimer les abus financiers.
Dans les rues de Carthage, sur les ports, grouille une foule de citoyens modestes – artisans, marins, dockers, ouvriers agricoles, mineurs – à laquelle se joignent de nombreux étrangers originaires, pour la plupart, des colonies grecques et étrusques, et qui jouent un rôle important dans l'économie.Au bas de l'échelle sociale, on retrouve une importante main-d'œuvre servile, employée dans les champs, les carrières, les mines, les ateliers, ou vouée aux tâches domestiques.
Bien que vivant dans des conditions misérables, les esclaves jouissent de la liberté de culte et ont la possibilité d'acheter leur liberté. Est-ce la raison pour laquelle ils ne sont jamais source d'agitation, du moins dans les villes ? Les Libyens, c'est-à-dire les Africains autochtones vivant en dehors de Carthage, connaissent les pires conditions. Certes ils sont libres, mais n'ont aucun droit civique et doivent payer de lourdes charges. En cas de guerre, par exemple, ils versent à l'État une redevance pouvant représenter jusqu'à la moitié de leur récolte. Ils sont, avec les esclaves ruraux, à l'origine des révoltes survenues en 396 et 379.

La vie religieuse
La civilisation et les mœurs ont gardé une forte empreinte orientale dont témoigne particulièrement la vie religieuse. Le panthéon est dominé par Baal Hammon, le dieu mâle suprême, très souvent associé à Tanit, la divinité féminine surnommée « face de Baal ». L'épithète Hammon (« ardent ») pourrait évoquer le soleil ou le brasier sur lequel s'accomplissent les sacrifices. Contrairement à celui de Baal et de Melqart, le culte de Tanit n'est pas d'origine phénicienne mais africaine. Divinité de la Fécondité, elle semble surtout liée à un rite agraire. Elle porte aussi le nom africain d'Ashtart et prend le pas sur Baal au ve s., au moment où Carthage se tourne vers l'agriculture et semble renouer avec son contexte africain. Les Carthaginois croient en l'existence de forces maléfiques contre lesquelles l'homme mène un combat inégal, et en la possibilité d'agir à distance sur les choses. La maladie est considérée comme le résultat d'une absence de protection divine et appelle l'intervention d'un guérisseur. Eshmoun, le dieu guérisseur, réside dans le temple le plus riche, au sommet de la colline de Byrsa. Ils croient aussi à la divination : il semble qu'Hamilcar ait attaqué Syracuse parce qu'un devin lui avait prédit qu'il dînerait le soir même dans la ville. La vie se poursuit dans l'au-delà ; le mort, pour éviter qu'il devienne un esprit malfaisant, est l'objet de certains soins : lavé, épilé, maquillé, habillé et paré, il est incinéré et enterré, avec mobilier et provisions, dans une fosse pour les pauvres et dans un caveau pour les riches. Le sacrifice, humain ou animal, est l'acte essentiel du culte punique. Le sacrifice d'enfants effectué dans des sanctuaires spéciaux, les tophets, choque beaucoup, mais était une pratique courante dans les sociétés antiques, où il accompagnait souvent l'accomplissement d'un vœu.
Comme en Phénicie, la prostitution sacrée est aussi pratiquée. Sous l'influence des résidents grecs (ive s. avant J.-C.), Carthage a adopté le rite de l'incinération des morts ; de même, le culte de Déméter et de Coré a été institué avec succès jusqu'à la fin de l'Antiquité.

Littérature punique
Divers témoignages, surtout extérieurs, confirment que les Puniques avaient élaboré une riche littérature : annales, chroniques, ouvrages de droit, d'histoire, de géographie, d'agronomie, textes religieux, poèmes mythologiques, etc. On sait, en effet, par les écrivains grecs et latins, que Carthage avait constitué d'immenses bibliothèques, dont la plupart ont disparu lors de la destruction de la cité. De toute cette littérature, les quelque 7 000 inscriptions puniques connues ne nous ont conservé que d'infimes vestiges : il s'agit avant tout d'inscriptions votives et, à un moindre degré, funéraires, mais on possède aussi de longs tarifs sacrificiels, des textes commémoratifs, etc. Cependant, des spécimens de textes proprement littéraires sont connus en transcription latine (ainsi dans le Poenulus de Plaute) et en traduction, ou adaptation, grecque et latine, comme c'est le cas du Serment d'Hannibal, transmis par Polybe, du célèbre Périple d'Hannon ou du Traité d'agriculture de Magon, non dépourvu de qualités littéraires.

Topographie de la Carthage punique
Carthage était située sur une presqu'île comprise entre le golfe et le lac de Tunis. La triple enceinte barrait l'isthme, à 4 km environ du front de mer. Le port, creusé dans les terres, comprenait un bassin de commerce rectangulaire et un bassin de guerre circulaire. L'un et l'autre subsistent encore. Tout près de là s'étend le tophet, où des milliers de stèles et d'urnes contenant les ossements calcinés de milliers d'enfants ont été découvertes, ainsi qu'une chapelle du viiie s. avant J.-C. Sur les collines (notamment Byrsa, lieu du premier habitat), les vestiges de quelques maisons ont été retrouvés. Recouvertes par les cendres de l'incendie de 146 avant J.-C., elles ne diffèrent guère des maisons hellénistiques. L'eau était emmagasinée dans de nombreuses citernes. Entre les nécropoles qui bordaient la ville et l'enceinte, la vaste banlieue de Megara était occupée par des maisons de campagne, des champs et des jardins.
La Carthage romaine, chrétienne et byzantine


En 122 avant J.-C., C. Gracchus tente de fonder une colonie Colonia Junonia sur le site de Carthage. Après son échec, la colonisation est reprise en 44 avant J.-C. par César et complétée par Auguste. La nouvelle Carthage (Colonia Julia), port du blé d'Afrique exporté vers Rome, siège du proconsul d'Afrique, a été une des plus grandes villes du monde romain. Les communautés chrétiennes y ont été précoces et très vigoureuses : les noms de Tertullien (iie-iiie s. après J.-C.) et de saint Cyprien (iiie s.) témoignent de leur éclat, en attendant saint Augustin (ve s.). Geiséric prend Carthage en 439, et en fait la capitale des Vandales. Bélisaire la reconquiert au profit de l'Empire byzantin, en 534. Justinien en fait le siège de son diocèse d'Afrique, reconstruit sa muraille et restaure ses monuments. Mais les séditions, la peste décimèrent la population, divisée par les querelles religieuses. Après la conquête arabe (698), la ville est abandonnée au profit de Tunis, bâtie avec les pierres de la cité disparue.

L’art carthaginois


Dans le monde punique, la limite est difficile à fixer entre art et artisanat ; aussi considère-t-on comme œuvres d'art tous les objets, sacrés ou profanes, magiques ou apotropaïques, en métal, pierres précieuses, terre cuite, ivoire ou os, que sont bijoux, amulettes, figurines et scarabées, auxquels il faut ajouter les masques et les stèles.
Les masques semblent ne rien devoir à la tradition syro-palestinienne. Ce sont des têtes avec ou sans amorce de buste, présentant parfois un aspect négroïde, et dont le visage, plus ou moins grotesque, contraste avec l'impassibilité ou la jovialité des protomés. Accrochés dans les demeures et dans les tombeaux, ils remplissent une fonction apotropaïque, mais peuvent aussi, reproduits en miniature, servir de parures ou d'amulettes. Les bijoux constituent la production la plus abondante, la plus représentative et, sûrement, la plus attrayante de l'art punique.
Les traditions syro-palestinienne, phénicienne et grecque se combinent au génie punique en une profusion de genres : pendants d'oreilles, bracelets, bagues, pendentifs, colliers, pendeloques et amulettes réalisés au repoussage ou au grènetis. Les plus anciens remontent à la seconde moitié du viie s. De très bonne facture, ils se caractérisent par un décor granulé, le filigrane étant utilisé en bordure. Les productions postérieures sont pauvres, tant au niveau de la facture que des matériaux.
Quant aux stèles, en pierre ou en grès, de dimensions variables (entre 0,20 et 1 m), elles portent, gravé, un décor géométrique, anthropomorphe ou animal. Elles sont particulièrement riches entre les iiie et iie s. et se trouvent en grand nombre dans les tophets, où elles signifient l'accomplissement d'un vœu.
Archéologie
L'exploration de Carthage (quartiers d'habitations sur la colline de Byrsa et dans la ville basse, ports et tophet), menée sous l'égide de l'Unesco, a enrichi l'archéologie punique ; quant à Kerkouane (à la pointe du cap Bon), qui a été détruite en 256 avant J.-C. par Regulus, elle a livré ses temples, ses habitations et quantité d'objets. La civilisation punique, tout en gardant de fortes traditions phéniciennes, s'en distingue nettement. Motyé en Sicile et les colonies puniques de Sardaigne reflètent fidèlement la culture punique.

 

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Bruniquel : une grotte qui change notre vision de Néandertal

 



 

 

 

 

 

Paris, 25 mai 2016


Bruniquel : une grotte qui change notre vision de Néandertal


Dans la grotte de Bruniquel (Tarn-et-Garonne), à 336 mètres de l'entrée, des structures1 aménagées viennent d'être datées d'environ 176 500 ans. Cette découverte recule considérablement la date de fréquentation des grottes par l'Homme, la plus ancienne preuve formelle datant jusqu'ici de 38 000 ans (Chauvet). Elle place ainsi les constructions de Bruniquel parmi les premières de l'histoire de l'humanité. Par ailleurs, des traces de feu à proximité révèlent aussi que, bien avant Homo sapiens, les premiers Néandertaliens savaient utiliser le feu de manière à circuler dans un espace contraint, loin de la lumière du jour. Ces travaux, publiés le 25 mai 2016 dans Nature, ont été menés par une équipe internationale impliquant notamment Jacques Jaubert de l'université de Bordeaux, Sophie Verheyden de l'Institut royal des Sciences naturelles de Belgique (IRSNB) et Dominique Genty du CNRS, avec le soutien logistique de la Société spéléo-archéologique de Caussade, présidée par Michel Soulier. Ils ont été soutenus par le ministère de la Culture et de la Communication.
La grotte de Bruniquel, un site exceptionnel

La grotte de Bruniquel, qui surplombe la vallée de l'Aveyron, a été découverte en février 1990. Grâce à l'équipe de spéléologues en charge de sa gestion, le site est impeccablement conservé avec de nombreuses formations naturelles (lac souterrain, calcite flottante, draperies translucides, concrétions en tous genres), des sols intacts recelant de nombreux ossements et des dizaines de bauges d'ours2 avec d'impressionnantes griffades. Mais la grotte conserve surtout des structures originales composées d'environ 400 stalagmites, ou tronçons de stalagmites, accumulées et agencées en des formes plus ou moins circulaires. Elles sont associées à des témoins d'utilisation du feu : de la calcite rougie, noircie par la suie et éclatée par l'action de la chaleur, mais aussi des vestiges brûlés, notamment des os calcinés. Dès 1995, une première équipe de chercheurs et de spéléologues3 avait déterminé, à partir de la datation au carbone 14, un âge minimum d'au moins 47 600 ans (la limite de la technique) d'un os brûlé sans qu'une suite soit donnée à ces premiers travaux.

Des structures de stalagmites étonnantes pour un nouveau concept : des « spéléofacts »

C'est à partir de 2013 qu'une équipe de chercheurs, avec le soutien du service régional de l'archéologie de la Drac Midi-Pyrénées, a lancé une nouvelle série d'études et d'analyses. Outre le relevé 3D des structures de stalagmites et l'inventaire des éléments constituant les structures, l'étude magnétique, qui permet de révéler les anomalies occasionnées par la chaleur, a permis d'établir une carte des vestiges brûlés retrouvés dans cette partie de la grotte. Ces feux représentent, a priori, de simples points d'éclairage.

Aucune autre structure de stalagmites de cette ampleur n'étant connue à ce jour, l'équipe a développé un nouveau concept, celui de « spéléofacts », pour nommer ces stalagmites brisées et agencées. L'inventaire de ces 400 spéléofacts montre des stalagmites agencées et bien calibrées qui totalisent 112 mètres cumulés et un poids estimé à 2,2 tonnes de matériaux déplacés. Ces structures sont composées d'éléments alignés, juxtaposés et superposés (sur 2, 3 et même 4 rangs), avec des étais extérieurs, comme pour les consolider, et des éléments de calage. Des traces d'arrachement des stalagmites empruntées pour la construction sont observables à proximité.

Sur les traces des premiers « spéléologues »

Les sols alentour n'ont livré aucun vestige pouvant aider à dater cet ensemble : une croûte épaisse de calcite fige en effet les structures et dissimule le sol d'origine. Les chercheurs ont donc utilisé, avec le concours de collègues des universités de Xi'an (Chine) et du Minnesota (USA), une méthode de datation appelée uranium-thorium (U-Th) basée sur les propriétés radioactives de l'uranium, omniprésent en faible quantité dans l'environnement. Au moment de la formation des stalagmites, l'uranium est incorporé dans la calcite. Au fil du temps, l'uranium se désintègre en d'autres éléments, dont le thorium (Th). Il suffit donc de doser, dans la calcite de la stalagmite, le thorium produit et l'uranium restant pour en connaître l'âge.

Pour construire ces structures, il a été nécessaire de fragmenter les stalagmites et de les transporter. Une fois abandonnées, de nouvelles couches de calcite, comprenant aussi des repousses de stalagmites, se sont développées sur celles déplacées et édifiées par l'Homme. En datant la fin de croissance des stalagmites utilisées dans les constructions et le début des repousses scellant ces mêmes constructions, les chercheurs sont parvenus à estimer l'âge de ces agencements, soit 176 500 ans, à ± 2000 ans. Un second échantillonnage de calcite, notamment sur un os brûlé, a permis de confirmer cet âge, étonnamment ancien.

Les premiers Néandertals : explorateurs et bâtisseurs ?

L'existence même de ces structures était déjà en soi étonnante, quasi unique dans le registre archéologique, toutes périodes confondues. Pour la Préhistoire, il faut en effet attendre le début du Paléolithique récent4 en Europe, et ponctuellement en Asie du Sud-Est ou en Australie pour noter les premières incursions pérennes de l'Homme dans le milieu souterrain, au-delà de la lumière du jour. Ce sont presque toujours des dessins, des gravures, des peintures, comme dans les grottes de Chauvet (- 36 000 ans), de Lascaux (- 22 000 à - 20 000 ans), d'Altamira en Espagne ou encore de Niaux (- 18 000 à -15 000 ans pour les deux sites) et, exceptionnellement, des sépultures (grotte de Cussac, Dordogne : - 28 500 ans). Or, à Bruniquel, l'âge des structures de stalagmites est bien antérieur à l'arrivée de l'Homme moderne en Europe (- 40 000 ans). Les auteurs de ces structures seraient donc les premiers hommes de Néandertal5, pour lesquels la communauté scientifique ne supposait aucune appropriation de l'espace souterrain, ni une maîtrise aussi perfectionnée de l'éclairage et du feu, et guère plus des constructions aussi élaborées.

De nouvelles questions autour de Néandertal

Près de 140 millénaires avant l'Homme moderne, les premiers représentants européens de Néandertal se seraient donc approprié les grottes profondes, y construisant des structures complexes, y apportant et entretenant des feux. Ces structures intriguent beaucoup les chercheurs à cause de leur distance par rapport à l'entrée actuelle et supposée de la grotte à l'époque. Ils s'interrogent quant à la fonction de tels aménagements, si loin de la lumière du jour. Si l'on écarte l'hypothèse peu viable d'un refuge, les structures étant trop loin de l'entrée, était-ce pour trouver des matériaux dont l'usage ou la fonction nous échappe ? S'agissait-il de raisons «techniques » comme le stockage de l'eau par exemple ? Ou de lieux de célébration d'un rite ou d'un culte ? D'une manière plus générale, les chercheurs constatent le haut degré d'organisation sociale des Néandertaliens nécessaire à une telle construction. Les recherches à venir tenteront donc d'apporter des explications sur la fonction de ces structures, principale question non résolue à ce jour.

Une équipe internationale et pluridisciplinaire

Ces travaux ont associé les laboratoires suivants :
-    Le laboratoire « de la Préhistoire à l'actuel : culture, environnement et anthropologie » (PACEA - CNRS/Université de Bordeaux/ministère de la Culture et la Communication) avec Jacques Jaubert, Catherine Ferrier, et Frédéric Santos.
-    L'Institut royal des Sciences naturelles de Belgique (IRSNB), Bruxelles, Belgique, avec Sophie Verheyden et Christian Burlet.
-    Le Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement (LSCE - CNRS/CEA/UVSQ) avec Dominique Genty, Dominique Blamart, et Édouard Régnier.
-    L'Université de Mons, Belgique, avec Serge Delaby.
-    Le laboratoire Archéovision (CNRS/Université de Bordeaux Montaigne) pour le relevé en 3D des structures, avec Pascal Mora.
-    Le laboratoire « Littoral, environnement et sociétés » (CNRS/Université La Rochelle) pour les analyses magnétiques des traces de feux, avec François Lévêque.
-    Le Laboratoire de géologie de l'Ecole Normale Supérieure (CNRS/ENS Paris) pour les analyses Raman avec Damien Deldique et Jean-Noël Rouzaud.
-    L'université Xi'an en Chine et l'université du Minnesota aux États-Unis avec Hai Cheng et Lawrence R. Edwards.
-    Des équipes des sociétés Hypogée, Archéosphère (France) GETinSITU (Suisse) pour les relevés topographiques.

Les opérations de recherche archéologiques ont été financées par la Drac Midi-Pyrénées et les différentes institutions. La Société spéléo-archéologique de Caussade, présidée par Michel Soulier, a assuré la gestion du site, la couverture photographique et le soutien technique et logistique durant les opérations programmées.

Une demande de protection au titre des monuments historiques est en cours auprès du ministère de la Culture et de la Communication, de même qu'un suivi climatique et des mesures d'équipement et de protection adaptées. Les opérations de recherche devraient se poursuivre en 2016.

La grotte de Bruniquel est située sur une propriété privée et toute visite est strictement impossible.

Ressources disponibles :

Photos : Ces photos sont disponibles auprès d'Alexiane Agullo.


Films :

Film CNRS le journal sur la découverte : https://lejournal.cnrs.fr/videos/bruniquel-la-grotte-qui-bouleverse-notre-vision-de-neandertal

Des rushs sont disponibles à la demande. Merci de contacter Alexiane Agullo : alexiane.agullo@cnrs-dir.fr / 01 44 96 43 90.


Notes :
1 Composées d'environ 400 stalagmites, ou éléments de plancher stalagmitique, la plupart tronçonnées, et agencées en deux formes plus ou moins circulaires et en quatre autres accumulations.
2 Elles permettent aux ours de s'y établir l'hiver afin d'hiberner dans des conditions thermiques stables.
3 Menée par François Rouzaud, alors conservateur en chef du patrimoine à la Drac Midi-Pyrénées et par Michel Soulier, président de la Société spéléo-archéologique de Caussade.
4 De - 45 000 à - 12 000 ans.
5Les fossiles de Néandertaliens ont des âges compris entre - 250 000 à - 40 000 ans.
Références :
Early Neandertal constructions deep in Bruniquel Cave in southwestern France. Jacques Jaubert, Sophie Verheyden, Dominique Genty, Michel Soulier, Hai Cheng, Dominique Blamart, Christian Burlet, Hubert Camus, Serge Delaby, Damien Deldicque, R. Lawrence Edwards, Catherine Ferrier, François Lacrampe-Cuyaubère, François Lévêque, Frédéric Maksud, Pascal Mora, Xavier Muth, Édouard Régnier, Jean-Noël Rouzaud, Frédéric Santos. Nature, le 25 mai 2016. DOI: 10.1038/nature18291.
Contacts :
Chercheur université de Bordeaux l Jacques Jaubert l T 05 40 00 84 50 l j.jaubert@pacea.u-bordeaux1.fr
Chercheur IRSNB (Belgique) l Sophie Verheyden l T +32 2 238 34 54 l sophie.verheyden@naturalsciences.be
Chercheur CNRS l Dominique Genty l T 01 69 08 28 66 l dominique.genty@lsce.ipsl.fr
Presse CNRS l Alexiane Agullo l T 01 44 96 43 90 l alexiane.agullo@cnrs-dir.fr

 

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