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LA MUSIQUE CONTEMPORAINE |
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Auteur : sylvain Date : 01/08/2016 |
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musique contemporaine
Le mélange des générations
L'expression « musique contemporaine », qui renvoie, littéralement, à la musique savante créée du temps de l'auditeur, a acquis une acception particulière dans la seconde moitié du xxe s. Parfois confondue avec l'« avant-garde », elle n'en concerne pas moins tous les styles et toutes les formes esthétiques, un Xenakis, un Poulenc ou un Chostakovitch composant au même moment tout en suivant des directions souvent opposées, voire contradictoires. En effet, la situation de la musique savante au moment où prend fin la Seconde Guerre mondiale coïncide pour une part avec le passage d'une génération de musiciens à une autre : en consacrant la fin d'une époque, 1945 est aussi la date de la mort de Bartók et de Webern, un an avant celle de Manuel de Falla, alors que Schoenberg et Prokofiev en sont à leurs œuvres ultimes. Parallèlement aux compositeurs retirés de la vie musicale depuis longtemps, tels l'Américain Ives ou le Finlandais Sibelius, qui disparaissent respectivement en 1954 et 1957, les membres du groupe des Six, notamment Arthur Honegger (1892-1955), Darius Milhaud (1892-1974) et Francis Poulenc (1899-1963), poursuivent dans leur voie, alors que la jeune génération les ignore superbement. Ce croisement entre générations ne saurait être mieux illustré que par les Quatre Derniers Lieder avec lesquels Richard Strauss clôt son œuvre en 1948, au moment précis où Pierre Boulez (né en 1925) donne sa 2e Sonate pour piano. Toutefois, des grands créateurs qui ont marqué la première moitié du xxe s. reste surtout Igor Stravinski (1882-1971), qui traverse imperturbablement le siècle sans se soucier des modes et des esthétiques, passant, avec une aisance déconcertante, de l'attitude néomozartienne de son opéra The Rake's Progress (1951) à l'adoption, un peu plus tard, des techniques de la série dodécaphonique des compositeurs viennois.
Relativité de la notion d'école
Face aux bouleversements politiques qui agitent le monde pendant la période de la guerre froide, l'art musical est tantôt contraint de se plier aux impératifs des pouvoirs totalitaires, tantôt amené à fonctionner en autarcie en restant indifférent aux remous provoqués par les différents mouvements esthétiques qui luttent pour imposer leur conception. Alors qu'Igor Stravinski, Béla Bartók (1881-1945) et les compositeurs viennois – à l'exception d'Anton von Webern (1883-1945) – ont travaillé à élargir et à enrichir le contexte tonal hérité du passé, l'action de ces mouvements a principalement porté sur le système harmonique, les éléments morphologiques, au premier plan desquels les formes musicales et la dimension thématique constituent encore un lien avec le passé. Les profondes réformes entreprises par la génération d'après 1945 vont précisément affecter ces derniers paramètres, au point de provoquer avec l'époque précédente une scission d'autant plus forte que les grands noms qui l'illustrent seront souvent rejetés par les jeunes compositeurs qui interviendront au lendemain de la guerre.
La notion d'« école », fréquemment avancée au sujet de la musique de cette époque, demande à être nuancée, sinon révisée : si l'idée de disciples réunis autour d'un maître à penser peut être prise en compte pour l'« école de Vienne » – expression consacrée –, Alban Berg (1885-1935) et Webern n'en ont pas moins trouvé très rapidement leurs style et personnalité, tout en mettant à profit l'enseignement d'Arnold Schoenberg (1874-1951). Plus encore, on ne peut accepter la confusion entre l'appartenance à un groupe identifié et la communauté d'esprit qui rapproche certains compositeurs pendant une période réduite, comme pour ce qu'on a appelé trop rapidement l'« école de Darmstadt », qui ne peut être qualifiée comme telle. La seconde moitié du xxe s. musical n'en est pas moins profondément marquée par les personnalités de cette génération qui ont pour souci essentiel de reconstruire ou de fonder leur œuvre sur de nouvelles bases. C'est principalement en France et en Allemagne que les premiers éléments de ce renouveau font leur apparition dans l'immédiat après-guerre.
Les créateurs français de Messiaen à la musique concrète
Si la période qui va des années 1930 à la fin de la guerre n'a pas favorisé les échanges culturels, et surtout a relégué au second plan les créateurs originaux qui, pour la plupart, ont fui l'Europe, l'émigration qui en est résultée, principalement au profit des États-Unis, n'a pas suscité un renouveau particulier de ce côté-là de l'Atlantique. Plus précisément, ce sont les jeunes compositeurs américains, tels Aaron Copland (1900-1990) ou Elliott Carter (né en 1908), qui sont venus à Paris, pendant l'entre-deux-guerres, chercher un enseignement de qualité, les préparant solidement à leur métier, auprès de Nadia Boulanger (1887-1979), alors fervente admiratrice de Stravinski.
Au lendemain de la guerre, c'est la classe d'Olivier Messiaen (1908-1992), au Conservatoire, qui attire l'attention des jeunes musiciens. En effet, et pendant les quelque trente années de son enseignement, nombre de compositeurs, qui deviendront à leur tour des personnalités essentielles du monde musical, auront fréquenté ses cours. Cependant, la situation de la musique en France, en 1945, n'est guère plus brillante qu'à l'étranger, l'essentiel de l'œuvre de Bartók et de l'école de Vienne n'étant que peu diffusé – pour ne pas dire quasiment inconnu –, et c'est en grande partie à Messiaen que les jeunes musiciens doivent la révélation d'œuvres majeures de la musique de leur temps : Pierre Boulez, de même que Iannis Xenakis (1922-2001), Betsy Jolas (née en 1926), Karlheinz Stockhausen (1928-2007), Jean Barraqué (1928-1973), Gilbert Amy (né en 1936) et bien d'autres profitent de cet enseignement précieux, ainsi que de celui de René Leibowitz (1913-1972), qui contribue à diffuser la pensée de Schoenberg en France. Il est remarquable que Messiaen, alors même qu'il est très engagé dans son esthétique personnelle après les Vingt Regards sur l'Enfant Jésus (1944) ou la Turangalîla-Symphonie (1946-1948), n'influencera jamais ses élèves autrement que par ses conceptions rythmiques inspirées de la prosodie grecque et des traditions de l'Inde. Au-delà de la transmission des notions purement techniques, et de son intense foi catholique qu'il destine plus à la salle de concert qu'au saint lieu, Messiaen joue un rôle déterminant dans le développement de la curiosité de ses élèves, qu'il sait sensibiliser à des musiques de sources et de cultures différentes, notamment les musiques extraeuropéennes – et tout particulièrement les sonorités des gamelans de Bali.
Parallèlement à cet enseignement inscrit dans une tradition, Pierre Schaeffer (1910-1995) diffuse à Radio-Paris, le 20 juin 1948, ses Études de bruits, inaugurant ainsi la musique « concrète » : composée à partir de sons existants, enregistrés puis retravaillés – « Étude aux casseroles », « Étude aux chemins de fer », etc. –, cette musique propose une nouvelle approche de la composition en travaillant directement sur le résultat entendu à partir de la table de mixage. Schaeffer développe ses activités en créant, en 1951, le « Groupe de recherche de musique concrète » (qui deviendra le « Groupe de recherches musicales » en 1957), qu'il dirige avec Pierre Henry (né en 1927), avec lequel il a composé la Symphonie pour un homme seul en 1950. La démarche d'Edgard Varèse (1883-1965) avait largement ouvert la voie à ce rapprochement en tentant de gommer la différence entre les bruits et les sons, au profit d'une musique définie plus largement en termes de « sons organisés ». Très critique à l'égard de l'orchestre traditionnel, « qui ne correspond plus à son époque », Varèse développe l'idée de l'ensemble instrumental composé d'instruments à vent et à percussion. Profitant des perfectionnements des instruments électriques et du magnétophone, il explore la combinaison entre orchestre traditionnel et bande magnétique en faisant alterner l'une et l'autre dans Déserts (1952), qui devient ainsi une œuvre fondatrice de la musique dite « électroacoustique ».
Le parcours consistant à acquérir un solide métier de compositeur auprès de Messiaen, et à explorer le nouvel univers de la musique électroacoustique fait de Paris un centre d'intérêt exceptionnel pour les jeunes musiciens. Là encore, Boulez, Stockhausen, Xenakis et même Messiaen expérimentent, comme beaucoup d'autres le feront après eux, les possibilités offertes par le studio de la Radiodiffusion française.
Les rencontres de Darmstadt
Dès 1946, les Cours d'été créés à Darmstadt par Wolfgang Steinecke (1910-1961) rassemblent des professeurs (Messiaen, Varèse sont parmi les premiers invités) et de jeunes compositeurs qui manifestent fermement leur volonté de repartir sur de nouvelles bases en prônant la « table rase ». Boulez et Stockhausen, auxquels se joignent Bruno Maderna (1920-1973), Luigi Nono (1924-1990) et Luciano Berio (1925-2003), apparaissent comme les chefs de file d'une conception musicale qui se manifeste par son degré d'exigence au service de l'élaboration d'un nouveau langage. Très rapidement, Webern, le troisième compositeur de l'école de Vienne, est élu comme seul modèle, sa musique étant perçue comme débarrassée de toutes les scories de l'univers tonal et surtout aux antipodes des manières néoclassiques qui avaient marqué l'entre-deux-guerres. La série dodécaphonique, que Schoenberg avait inaugurée au début des années 1920, n'est acceptée désormais que sous l'angle wébernien, avec pour conséquence immédiate une accumulation d'imitations serviles du style de ce dernier. On comprend d'autant mieux que cette période soit caractérisée par des oppositions farouches entre les partisans du pointillisme sériel et les compositeurs plus attachés à la tradition : l'article « Schoenberg est mort » – à prendre au sens propre comme au sens figuré – que Boulez écrit en 1951, au moment de la disparition du compositeur viennois, est révélateur de l'état d'esprit de ces jeunes musiciens qui prennent résolument leurs distances avec la plupart de leurs aînés. Seul Claude Debussy (1862-1918), dont l'œuvre atteste une tentative de libération à l'égard des modèles préétablis et des conventions du langage tonal, apparaît comme l'une des autres sources essentielles dans ce réexamen sans concession des acquisitions du passé.
C'est aussi à cette époque que paraît la Philosophie de la nouvelle musique (1949) de Theodor Adorno (1903-1969) – philosophe proche de Max Horkheimer et de l'école de Francfort, et musicien ayant étudié avec Alban Berg –, qui oppose les deux grands courants représentés par Schoenberg et par Stravinski en les analysant respectivement comme les manifestations du progrès et de la restauration. En dépit de la polémique parfois caricaturale du débat très animé entre « modernité » et « néoclassicisme » qui déchaîne alors les passions, Adorno restera l'un des personnages clés par sa réflexion sur la sociologie musicale contemporaine et la relation qu'il établit entre la musique de son temps et la société dans laquelle elle s'inscrit.
La période du sérialisme
Darmstadt apparaît surtout comme le symbole de ce qui deviendra bientôt le « sérialisme généralisé » (l'organisation à partir des douze sons de la série est désormais appliquée aux autres paramètres, par exemple à partir de douze durées, de douze intensités, etc.). C'est une des Quatre Études de rythme pour piano de Messiaen, Mode de valeurs et d'intensités, précisément composée à Darmstadt en 1949, qui est en grande partie à l'origine de cet engouement. En effet, la tendance « sérielle » de cette étude, proposant une dissociation consciente des principaux paramètres, déclenche une vaste réflexion. Les récentes préoccupations visant à forger un nouveau langage destiné à supplanter le précédent donnent ainsi lieu à des œuvres dont les titres révèlent clairement les avancées d'alors, exclusivement centrées sur les conditions du langage : Structures (Boulez), Kontra-Punkte ([« Contrepoints »], Stockhausen), ou Polifonica-monodica-ritmica (Nono), et qui ne seront tempérées que par les Sérénades de Berio et de Maderna.
Cette période de recherche intense, fondée sur un sérialisme le plus souvent rigide, sera en fait de brève durée, et l'assouplissement des techniques permettra bientôt l'émergence, dès le milieu des années 1950, de partitions plus personnelles et plus distanciées par rapport au modèle wébernien (le Marteau sans maître de Boulez, Gruppen de Stockhausen ou Il Canto Sospeso de Nono).
Trop souvent présentée comme le phénomène majeur de la seconde moitié du xxe s., la musique sérielle n'en est qu'une manifestation parmi d'autres et suscite de nombreuses interprétations sous la plume des compositeurs : c'est la force de conviction affichée par ses principaux acteurs et sa revendication à occuper le devant de la scène qui contribueront parfois à la considérer comme un événement dominant.
La génération américaine
En 1949 arrive à Paris un jeune Américain, John Cage (1912-1992), dont Boulez présente aussitôt les Sonates et Interludes (1946-1948) pour « piano préparé » (dans lequel on a inséré des objets – en métal, en bois, en caoutchouc… – entre les cordes), pouvant aller jusqu'à évoquer des sonorités d'instruments extraeuropéens. Dans le sillage de Marcel Duchamp (1887-1968), Cage réfute la notion d'« œuvre », tout autant qu'il refuse le statut de compositeur, et sera l'un des acteurs de l'introduction du hasard en musique avec ses compatriotes Morton Feldman (1926-1987) et Christian Wolff (né en 1934). Autre compositeur de premier plan et particulièrement joué en Europe, Earle Brown (né en 1926), trop souvent rattaché aux idées de Cage, cherche à impliquer l'interprète sans renoncer pour autant à l'œuvre. Féru de jazz et attiré par les arts plastiques (Pollock, Rauschenberg), Brown explore cette marge entre précision et flexibilité qu'il remarque dans les mobiles de Calder, à travers des relations sans cesse changeantes entre des éléments qui, pris isolément, restent fixes.
La rencontre entre cette génération d'Américains qui postulent, à des degrés divers, en faveur de la prétendue « liberté » dans la non-œuvre et celle des Européens adeptes du sérialisme fondé sur une rigueur extrême est à la source des nouvelles orientations qui se feront bientôt jour : bien qu'elles soient aux antipodes l'une de l'autre, ces deux approches se rejoignent dans la recherche d'une forme de contrainte pour parvenir à la liberté, et d'une forme d'assouplissement pour se libérer d'un carcan trop rigide : la convergence des méthodes et la divergence dans l'esthétique compositionnelle se croisent ainsi dans la problématique de la « forme ouverte ».
La musique aléatoire
Considérer les degrés d'introduction du hasard en musique – d'où la notion de musique aléatoire – consiste à examiner les paramètres concernés. La question doit être envisagée tant du point de vue de la composition de l'œuvre que de celui de l'exécution, avec le plus souvent pour conséquence des mutations importantes dans la notation musicale – du solfège traditionnel, mais agencé formellement de façon inhabituelle, à l'utilisation de symboles nouveaux. Le nombre important des attitudes exige que soit précisée cette notion de hasard à laquelle on préférera celle d'« indétermination » concernant l'un des paramètres non fixés, et que l'on répartira ici en trois catégories générales : indétermination du cadre temporel de l'œuvre (le texte musical est écrit, mais flexible à l'intérieur d'une enveloppe de durée dans laquelle le tempo n'est pas strictement déterminé) ; indétermination des hauteurs (le texte est écrit, mais le recours à des symboles qui ne sont pas ceux du solfège introduit une nouvelle flexibilité) ; indétermination de la forme (différents « parcours » – suggérés ou non – autorisent plusieurs déroulements formels).
L'essentiel du débat portant sur la part de l'œuvre soumise à l'indétermination, les orientations qui s'offrent se traduisent par un éventail très large de possibilités, selon la position esthétique du compositeur qui n'entend pas se laisser déposséder de son œuvre – Boulez défend l'idée d'un « hasard dirigé » et Witold Lutoslawski (1913-1994), celle d'un « aléatoire contrôlé » – ou du compositeur qui opte pour l'autre extrême. John Cage, marqué par la philosophie zen dont il a fait son mode de pensée, joue évidemment un grand rôle dans ce contexte, notamment en ayant recours aux tables numériques du Yijing (le Livre des mutations de l'ancienne Chine) pour écrire, en 1951, Music of Changes pour piano et Imaginary Landscape n° 4 pour douze radios (vingt-quatre exécutants plus un chef). Si la première composition, dont la partition est encore notée avec le solfège traditionnel, « libère le temps » de l'œuvre en déterminant le tempo au hasard, la seconde pose le problème différemment, puisque le compositeur est désormais libéré des sons : ici, ce sont les opérations de hasard qui déterminent les volumes sonores, les durées et les fréquences des douze radios.
Musique et littérature
Comme en écho à la célèbre formule mallarméenne qui souhaitait « reprendre à la musique son bien », certains compositeurs en viennent à constater que le renouvellement du langage a été plus considérable dans la littérature de la première moitié du xxe s. que dans la musique. L'intérêt que ces créateurs, principalement les Français, manifestent pour l'œuvre de Mallarmé – dont la conception du Coup de dés ne pouvait qu'attirer l'attention d'un compositeur – et pour celle de James Joyce coïncide avec la double émergence, dans les années 1950, du structuralisme, d'une part, et du « nouveau roman », d'autre part : Claude Lévi-Strauss analyse la situation de la musique atonale dans le Cru et le cuit (1964) et Michel Butor collabore à la composition du Votre Faust (1960-1967) d'Henri Pousseur (né en 1929). Ainsi, on ne s'étonnera pas de voir les œuvres de Proust, des poètes E. E. Cummings et Ezra Pound au centre des préoccupations de nombre de compositeurs, qui trouvent alors dans la littérature l'alternative aux conceptions du hasard proposées par John Cage.
Si Mallarmé influence particulièrement Boulez (3e Sonate pour piano, 1957 ; Pli selon pli, « Portrait de Mallarmé », 1960 ; Éclat-multiple, Explosante-fixe, 1970), Joyce marque profondément de son empreinte la musique de cette époque : des écrits tels qu'Ulysse (1922), qui propose une individualisation et une multiplication des styles et des niveaux de lecture selon les personnages, et Finnegans Wake (1939), qualifié par Joyce lui-même de work in progress (« œuvre en devenir »), amènent certains compositeurs, dont Boulez et Berio en premier lieu, à réfléchir sur les conditions de cette « ouverture » qui se situe à l'encontre de l'œuvre « finie » et figée dans un schéma immuable. Les conséquences sont essentiellement de deux ordres : l'œuvre musicale entend désormais proposer plusieurs niveaux de lecture, et l'interprète se voit chargé d'une responsabilité nouvelle en étant le principal acteur de la forme. Cette notion de « lecture multiple », déjà latente chez l'écrivain Raymond Queneau et étudiée par Umberto Eco dans l'Œuvre ouverte (1962), trouve un écho remarquable dans la musique de Berio, qui fonde le studio de phonologie à Milan, précisément en collaboration avec Maderna, Boucourechliev et Eco. De la Sequenza I pour flûte (1958), où la notation musicale devient proportionnelle, à Epifanie pour voix et orchestre (1961), sur des textes de Proust, Joyce, Machado, Brecht et Claude Simon, Berio explore les niveaux multiples de la perception et de la compréhension d'un texte musical. Dans le même esprit, André Boucourechliev (1925-1997) parvient, avec ses Archipels (1967-1972), chef-d'œuvre de la musique aléatoire, à renouveler la notion de partition – sur laquelle sont notés plus des « matériaux à réaliser » qu'un véritable texte fini – et prolonge les recherches de Brown en inscrivant l'interprète dans l'œuvre même.
La diffusion de la musique contemporaine
Bien que l'Europe occidentale ait su rétablir les réseaux de la musique, en particulier entre Paris et Darmstadt, un certain nombre de compositeurs vivaient encore de façon isolée dans des pays où les options politiques prenaient le pas sur la liberté d'expression. Lorsque, à la faveur des événements de 1956 en Hongrie, György Ligeti (né en 1923) rejoint l'Autriche, il découvre brutalement un pan essentiel de la musique des dix années précédentes. Il s'agit là d'un exemple parmi d'autres, la situation en U.R.S.S. favorisant le même isolement des artistes, qui se devaient de répondre aux exigences du pouvoir en matière d'art, fixées par les directives du réalisme socialiste (rédigées par Jdanov en 1948).
C'est dans ce contexte que Paris affirme son rôle prépondérant, voire centralisateur, dans la création contemporaine, lorsque Boulez fonde en 1954, grâce à des fonds privés, les concerts du Domaine musical, dont les programmes couvriront une part importante de la production de cette époque. Comme pour répondre à Schoenberg, qui laisse entendre que la musique qu'il crée n'est pas « moderne », mais « mal jouée », Boulez travaille sur la qualité des exécutions, cherchant à établir des liens entre le passé et la musique du présent. En programmant de façon originale des œuvres des xviie et xviiie s., voire du Moyen Âge, et des partitions contemporaines, il tente de mettre en relation des conceptions comparables dans des langages différents. Pour en finir avec le divorce – dont l'origine date en réalité du siècle précédent – entre la musique contemporaine et le public, il faut en passer par un effort de communication sociale, qui se traduit notamment par la multiplication des écrits, en forme le plus souvent de justification, des musiciens. Il n'en reste pas moins que le Domaine musical, par son rôle de rassembleur de l'avant-garde, draine, jusqu'en 1973, un nombre important de compositeurs qui répondent aux critères de la nouvelle génération européenne.
La musique électronique
De même, et parallèlement à l'esthétique sérielle alors prédominante, apparaissent les studios de musique électronique, qui tirent parti des progrès de la technologie, et, grâce aux perfectionnements rapides dont bénéficie le magnétophone, le premier studio de musique électronique est fondé à la radio de Cologne en 1951 et placé sous la direction de Herbert Eimert (1897-1972). Dans ce studio, où Stockhausen travaillera de nombreuses années (Gesang der Jünglinge), comme dans ceux de New York, Londres et Paris, de nouvelles approches induisent une autre conception de la perception. Les fortes réactions à la musique sérielle passent en particulier par la critique de Iannis Xenakis, qui, dès 1955, souligne la contradiction qui existe entre le pointillisme éclaté et la perception, entre « le système polyphonique linéaire et le résultat entendu qui est surface, masse ». Postuler ainsi en faveur d'une perception globale et non plus individuelle conduit Xenakis à favoriser la continuité entre les sons dans Metastasis pour un orchestre de 61 instruments (1953-1954) et Pithoprakta (1955-1956), où les longs glissandos des quarante-six cordes effacent le sentiment de totale dispersion sonore. Architecte de formation, Xenakis sera notamment l'assistant de Le Corbusier pour l'élaboration du pavillon Philips à l'Exposition universelle de Bruxelles en 1958 – pour lequel Varèse composera son Poème électronique pour bande magnétique – et prendra en compte les phénomènes de spatialisation dans sa musique (musiciens disposés en cercle autour du public dans Persephassa, pour 6 percussionnistes, 1969).
L'expérience électronique, en termes de gestion des masses impliquant une perception globale des phénomènes, trouve surtout une application chez Ligeti, qui, après avoir exploré les techniques en ce domaine, travaille au déplacement des masses dans Atmosphères (grand orchestre, 1961). À la même époque, la jeune génération polonaise, dont Krzysztof Penderecki (né en 1933) apparaît alors comme l'une des personnalités prééminentes, accentue cette recherche de perception globale en choisissant de privilégier la profusion de sons (les « clusters ») et en adaptant la notation musicale, qui devient à son tour plus globale (Thrène à la mémoire des victimes d'Hiroshima, 1960).
Ainsi, le sérialisme, qui ambitionnait d'élaborer un nouveau langage à dimension internationale, connaît un premier démenti sévère, d'autant plus que l'électronique oriente, dans un second temps, les préoccupations vers l'exploration intérieure du son : certains compositeurs proposent désormais des œuvres limitées sur un matériau très réduit, voire un son, tel Giacinto Scelsi (1905-1988) dans ses Quatre Pièces sur une seule note pour orchestre (1959), ou travaillent sur la lente élaboration à partir d'un son progressivement enrichi, tel Ligeti avec Lux aeterna, pour 16 voix (1966).
Les « indépendants »
Il serait caricatural de réduire la production musicale de cette époque à ce débat entre perception « individualisée » et perception « globalisée », tant il concerne principalement les avant-gardes. Nombre de compositeurs restent en effet à l'écart de ce contexte, et souhaitent garder leur indépendance, soit qu'ils manifestent un fort attachement à la tradition, soit que leurs recherches aient été ignorées par les mouvements esthétiques dominants : André Jolivet (1905-1974), marqué à ses débuts par Varèse, Maurice Ohana (1914-1992), proche par ses origines de la culture espagnole, et autant séduit par le jazz qu'intéressé par l'écriture en micro-intervalles en tiers de tons, ou encore Henri Dutilleux (né en 1916), dont l'œuvre orchestrale reste l'une des plus remarquables de cette époque (Métaboles, 1964 ; Tout un monde lointain, concerto pour violoncelle, 1970), sont parmi les compositeurs qui subissent le contrecoup de la politique de l'avant-garde. De même, à l'étranger, le Suisse Frank Martin (1890-1974), l'Américain Aaron Copland ou les Britanniques Michael Tippett (1905-1998) et Benjamin Britten (1913-1976) poursuivent en marge leur œuvre dérivée de l'univers tonal, parallèlement aux bouleversements qui agitent la musique savante contemporaine.
C'est pourtant aux États-Unis qu'apparaît un mouvement qui se répandra rapidement et qui prône une autre approche de la perception fondée sur la répétitivité. Les musiques répétitives développées par Terry Riley (né en 1935), La Monte Young (né en 1935), Steve Reich (né en 1936) et Philip Glass (né en 1937) sont moins conçues sur la qualité même des éléments musicaux que sur leur répartition dans la durée. L'œuvre de ces musiciens, qui est plus diversifiée que l'appellation générique pourrait le laisser croire, va marquer certains courants en Europe, et la musique, souvent subtile, d'un Reich est parfois à rapprocher de celle de compositeurs attachés à la notion d'écriture et apparemment très éloignés de cette attitude.
Le théâtre musical
En cette période où se multiplient les anathèmes contre les genres consacrés – notamment l'opéra, déclaré « mort » –, le théâtre musical tantôt est l'objet d'expériences de renouvellement, comme celles de Bernd Alois Zimmermann (1918-1970) dans son opéra Die Soldaten (1958-1960, créé en 1965) – où les dimensions du passé, du présent et du futur sont présentées simultanément –, tantôt s'inspire des happenings qui marquent les arts en général : après les « anthropométries » du peintre Yves Klein en 1960 – des femmes nues enduites de peinture bleue appliquent leurs corps sur la toile –, les œuvres de théâtre musical cèdent à divers degrés à la provocation en mettant en scène les dimensions sociales. Berio introduit un chœur dispersé dans le public dont la fonction est d'interpeller la chanteuse sur scène (Passagio, 1962), Ligeti prend le parti de l'ironie (Aventures, 1962-1963) et Peter Maxwell Davies (né en 1934), celui de l'absurde (Huit Chants pour un roi fou, 1969), alors que l'Argentin Mauricio Kagel (1931-2008) interprète de façon critique la situation du concert et de l'opéra (Staatstheater, « anti-opéra », 1967-1970). Ce n'est que dans les années 1970 que se produisent des tentatives de réactualisation de l'opéra, avec le Grand Macabre de Ligeti (1974-1977) ou les œuvres de Berio composées en collaboration avec Italo Calvino (La Vera Storia, 1977-1978 ; Un re in ascolto, 1979-1984).
Le tournant de la fin des années 1960
Symboliquement, 1968 consacre la crise de la société que la musique illustre aussi à sa manière. Après la faillite du sérialisme et l'épuisement des solutions expérimentales, la crise de la communication sociale entre les compositeurs et le public passe par la réintégration de l'histoire, qui avait été brutalement évacuée vingt ans plus tôt au nom de la table rase. Cette réconciliation avec le passé revêt différents aspects sous forme de « relectures », dont l'un des premiers exemples est offert par Berio dans ses Folk Songs fondés sur d'authentiques chants populaires (1964). La dimension thématique, qui avait été gommée au profit de la réflexion sur le langage, permet ainsi cette réconciliation dans des œuvres aussi représentatives que Musiques pour les soupers du roi Ubu (1967) de Zimmermann, la Sinfonia (1968) de Berio – dont un mouvement est basé sur la musique de Mahler à laquelle sont intégrés nombre de fragments d'autres auteurs –, ou Ombres (1970), pour onze instruments à cordes, de Boucourechliev, « en hommage à Beethoven ». Une seconde attitude, plus dégagée des références précises au répertoire du passé, est dictée par les emprunts stylistiques à d'autres cultures : on la trouve chez Messiaen, marqué par le Japon dans les Sept Haï-Kaï (ou Esquisses japonaises, 1962), chez Kagel dans ses Musiques pour instruments de la Renaissance (1965), chez Stockhausen dans Hymnen (1966-1967) pour bande magnétique d'après des hymnes nationaux mixés et travaillés, ou encore chez le Japonais Takemitsu Toru (1930-1996), qui propose le croisement entre l'Orient et l'Occident dans November Steps II (1967) pour biwa et shakuhachi – deux instruments traditionnels – et orchestre symphonique. Plus généralement, l'attrait pour l'Orient qui s'exerce sur la jeune génération à cette époque n'épargne pas certains compositeurs qui s'engagent dans les musiques « méditatives » (Stimmung de Stockhausen, 1968) ou qui succombent aux vertus redécouvertes de l'improvisation, favorisant parfois un rapprochement avec le free jazz.
Des voies de recherche sans cesse renouvelées
À cette période de crise qui a conduit à une réévaluation complète de la production musicale de deux décennies correspondent, d'une part, l'émergence de nouvelles institutions qui entendent traiter la relation entre la musique et les autres domaines culturels et scientifiques et, d'autre part, l'arrivée d'une nouvelle génération critique à l'égard de ses aînés. Parallèlement à la création à Paris du Centre national d'art et de culture, à l'initiative du président Georges Pompidou, qui voulait doter la France d'une grande institution d'art contemporain, Pierre Boulez, qui poursuit sa carrière de chef d'orchestre, est rappelé en France, après son exil volontaire de plusieurs années, pour prendre en charge l'I.R.C.A.M. (Institut de recherche et de coordination acoustique-musique) à partir de 1974. Deux ans plus tard est fondé l'Ensemble InterContemporain, dont la mission est de jouer la musique de notre temps dans les meilleures conditions et en relation avec les technologies informatiques mises au point à l'I.R.C.A.M. L'un des événements majeurs de cette collaboration technique, scientifique et musicale sera Répons (1981-1988) de Boulez, qui utilise l'ordinateur pour la spatialisation et les transformations de la musique jouée par l'ensemble instrumental disposé au centre de la salle.
Les dernières années de l'enseignement de Messiaen au Conservatoire sont marquées par la présence de jeunes compositeurs qui, hostiles au sérialisme, entendent fonder leur approche compositionnelle sur le son lui-même, en se réclamant de Varèse, de Scelsi ou de Ligeti. La « musique spectrale » d'Hugues Dufourt (né en 1943), de Gérard Grisey (1946-1998), de Tristan Murail (né en 1947) ou de Michaël Lévinas (né en 1949) traduit la volonté de ces compositeurs de placer la perception du son au premier plan de leurs préoccupations, l'analyse du son fournissant les conditions mêmes du déroulement temporel de l'œuvre (les Espaces acoustiques de Grisey, 1974-1985).
Le sérialisme n'en trouve pas moins un second souffle à travers les conceptions de Brian Ferneyhough (né en 1943), qui cultive une forme particulière de complexité à partir de ses Sonatas pour quatuor à cordes (1967), et surtout dans les années 1980, où l'on observe des tentatives de croisement entre ces techniques d'écriture réactualisées et des approches influencées par la musique spectrale. L'œuvre de la jeune génération – représentée par l'Allemand Wolfgang Rihm (né en 1952), qui renoue avec une forme d'expressionnisme personnalisé, le Français Pascal Dusapin (né en 1955), explorant un nouveau théâtre musical, ou le Finlandais Magnus Lindberg (né en 1958), à la croisée des chemins – révèle un éclectisme qui est le résultat d'une recherche située délibérément hors des débats qui ont agité l'art musical pendant près d'un demi-siècle. Mais le véritable renouvellement semble venir de l'épuration sonore pratiquée par Nono dans ses dernières œuvres, où le son devient intense dans un discours traversé par un silence habité (Fragmente Stille an Diotima, pour quatuor à cordes, 1979-1980), ou par le Hongrois György Kurtág (né en 1926), qui, nourri de Schumann et de Webern, produit une musique exigeante et séduisante d'où l'anecdote est irrémédiablement évacuée (Stele pour orchestre, 1994).
Émancipation à l'Est et postmodernisme
Tout aussi symboliquement, vingt ans après les événements de 1968, les mutations politiques de l'Europe de l'Est vont bouleverser le paysage musical dans la mesure où l'Occident découvre, le plus souvent avec un décalage important, des compositeurs dont l'œuvre était restée méconnue. Il est vrai que, dès le début des années 1980, des musiciens soviétiques comme Edison Vassilievitch Denisov (1929-1996), Sofia Goubaïdoulina (née en 1931) et Alfred Schnittke (1934-1998) ont pu rejoindre l'Europe de l'Ouest. Schnittke apparaît rapidement comme le compositeur le plus remarquable de cette génération, sachant réactualiser avec talent des genres consacrés (symphonie, concerto, opéra). Par ailleurs, l'affirmation nationale qui s'exprime dans les Républiques nouvellement indépendantes permet notamment la diffusion des musiques en provenance d'Estonie, qui trouvent leur origine dans la tradition vocale des siècles passés et exploitent une forme de musique répétitive – à ne pas confondre avec les tentatives américaines, tant cette dimension est présente dans les sources de la musique populaire estonienne. Apôtre de la simplicité et d'un dépouillement au mysticisme avoué, Arvo Pärt (né en 1935) est bientôt reconnu comme le personnage central de cette esthétique. Par le « minimalisme » ambiant qui marque le style tardif du Polonais Henryk Górecki (né en 1933) ou du Britannique John Tavener (né en 1944), ou encore par la filiation « néotonale » de l'Américain John Adams (né en 1947), on constate combien ces compositeurs se réjouissent de rétablir un lien avec un public dont la soif de nostalgie n'est qu'une des manifestations de cet éclatement généralisé des années 1990.
La fin du xxe s. restera donc marquée par le cheminement parallèle d'esthétiques très différentes : les diverses conceptions d'écriture, l'intervention de l'ordinateur dans le travail du compositeur, les préoccupations fondées sur l'analyse du spectre sonore voisinent avec les formes du postmodernisme qui affecte une part de la production musicale. L'idée même de postmodernisme, qui sous-entend la capacité à prendre en considération les références du passé pour les injecter dans l'œuvre, est présente à toutes les époques, et un mouvement comme celui de la « Nouvelle Simplicité » apparu en Allemagne à la fin des années 1970, proclamant le retour nécessaire au système tonal, n'est qu'un exemple parmi d'autres de ces allers et retours de l'histoire sur elle-même. (→ dodécaphonisme ; → opéra contemporain.)
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ORIGINE DES FORMES MUSICALES |
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Auteur : sylvain Date : 10/06/2016 |
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L'ORIGINE DES FORMES
La musique et les sons ont-ils une forme ?
l'origine des formes - dans mensuel n°305 daté janvier 1998 à la page 98 (3093 mots)
Au-delà des « formes » musicales sur lesquelles travaillent les compositeurs, les sons eux-mêmes peuvent être traduits en termes de formes. Mais les différentes façons de les représenter sont toutes imparfaites : la perception du son et de la musique, fruit de notre histoire évolutive et sujette à de fascinantes illusions, est loin de se réduire à un problème de physique.
Claude Debussy reprocha un jour à Erik Satie de ne pas se soucier assez de la forme dans ses compositions. Piqué au vif, Satie lui adressa peu après ses Trois M orceaux en forme de poire . Sous couvert de dérision, Satie pose là le problème de la forme en musique. Chacun connaît des formes musicales Ñ suite, fugue, choral, cantate, sonate, symphonie, concerto Ñ dont le choix prescrit le schéma de fabrication, la succession des parties, l'agencement global d'une oeuvre. La forme rondo se définit ainsi par le retour cyclique d'un même motif musical entre des couplets successifs. La forme sonate est plus complexe : elle s'applique en réalité au premier mouvement d'une sonate ou d'une symphonie. On la décrit souvent comme le jeu de deux thèmes qui se répondent, mais le schéma de la sonate classique fait intervenir aussi les modulations, c'est-à-dire les changements de tonalité.
La forme sonate est donc inséparable de la grammaire musicale. La musique occidentale classique possède une syntaxe tonale rigoureuse. Les sons utilisés doivent avoir une hauteur déterminée, les seules échelles de hauteur permises Ñ les gammes Ñ sont majeures ou mineures1, et certains degrés de ces gammes tonique, dominante ont un statut privilégié. Les mouvements obligés que stipule la syntaxe tonale déterminent des relations d'attraction ou de répulsion entre les hauteurs sonores, créant une véritable « gravitation » tonale. Fortement structurante du temps de Haydn, Mozart et Beethoven, cette syntaxe a été graduellement érodée par la multiplication des modulations et l'invasion des glissements chromatiques, notamment chez Chopin, Liszt et Wagner. En même temps que la syntaxe musicale, les formes ont évolué au cours de l'histoire de la musique. Suivant le style, le propos de la musique, les éléments déterminants de la forme diffèrent : l'effectif, comme pour la cantate, qui fait nécessairement intervenir des chanteurs, le procédé de composition, comme pour la fugue, fondée sur les présentations échelonnées d'un même motif, la disposition, comme la structure du menuet ou du scherzo. Mais si l'on peut définir une forme d'école par une structure prototype2, les musiciens novateurs Ñ comme Beethoven dans ses dernières oeuvres ou Liszt dans sa sonate pour piano en si mineur Ñ s'écartent souvent de ce modèle académique.
A l'époque moderne, la syntaxe tonale est affaiblie, et la forme évolue en conséquence. Chez Debussy, les accords prennent valeur de sonorité, de timbre, plutôt que de fonction tonale. Arnold Schoenberg « suspend » la gravitation tonale : conscient des problèmes que cela pose pour assurer le soutien architectonique de la « grande forme »3, il prône la variation continue, la reformulation toujours différente d'une forme de base.
Edgard Varèse refuse de réduire la forme musicale à ce qu'il appelle le schème formel : pour lui, la forme n'est pas un moule, mais plutôt la résultante des tractations musicales intervenant au cours du devenir de l'oeuvre. Ces conceptions seront poussées à l'extrême, jusqu'au bord de l'informel, avec la moment-form proposée par Karlheinz Stockhausen, où la genèse de la forme est liée au « mystère de l'instant »4.
Une autre manière d'atténuer la tyrannie des schèmes formels est apparue au cours des années 1950 dans la musique occidentale, en réaction sans doute aux prescriptions « totalitaires » de la syntaxe sérielle de Schoenberg et Boulez : elle a consisté à autoriser Ñ ou à imposer Ñ une certaine indétermination dans la forme musicale, devenant « forme ouverte », en laissant le choix final de la forme au hasard, ou à une détermination extérieure à la musique elle-même, à l'instar des sculptures mobiles d'Alexandre Calder. Parmi les oeuvres ouvertes ou aléatoires de cette époque, il faut citer les Avalaible forms d'Earle Brown, le Mobile d'Henri Pousseur, la Troisième sonate de Pierre Boulez, les Archipels d'André Boucourechliev, et de nombreuses oeuvres de John Cage.
Les matériaux nouveaux appellent de nouvelles architectures. Ce principe, illustré par Debussy et Varèse dans leurs oeuvres instrumentales, s'applique a fortiori aux musiques électroacoustiques et numériques, dont le vocabulaire sonore puise dans un univers sonore illimité, incluant les sons naturels, les sons de synthèse et toutes leurs transformations ou combinaisons. Non content de composer avec des notes ou des sons préfabriqués, le musicien peut alors donner forme directement à un matériau sonore ductile, le sculpter, le modeler, en somme composer le son lui-même, en joignant aux responsabilités du compositeur celles de l'interprète et du luthier. Comme on l'imagine, ces possibilités entraînent pour la forme musicale de nouveaux avatars : il est donc de plus en plus vain de répertorier les formes musicales d'aujourd'hui suivant les modes d'agencement de leurs éléments.
Suivant les termes d'Arnold Schoenberg, la notion de forme recouvre « tout ce qui assure la logique et la cohérence du discours musical ». La musique est un art du temps. L'unité d'une oeuvre, sa forme musicale, ne peuvent se saisir pleinement qu'après l'écoute intégrale. Remonter à la forme musicale implique une conception exigeante de l'écoute, cherchant à s'absorber dans le temps propre de l'oeuvre et à revivre un « temps retrouvé ».
La partition représente les hauteurs successives en fonction du temps : on peut remarquer qu'il s'agit, historiquement, de la première représentation temps-fréquence , ou plus exactement temps-échelle d'un signal. Le mot échelle, ici, implique que les fréquences sont figurées suivant une échelle logarithmique, sur laquelle des intervalles égaux correspondent à un même rapport de fréquence et non à une même différence de fréquence. Sur une partition, une figure mélodique apparaît comme le contour d'une ligne de crête qui monte et descend. Le compositeur Heitor Villa-Lobos a d'ailleurs réalisé la composition New York skyline en transposant sous forme de notation musicale le profil des gratte-ciel de Manhattan.
Si la notation musicale a servi d'abord à aider la mémoire, elle a par la suite influencé la façon de composer en permettant un travail d' écriture . La complexité polyphonique a augmenté : on trouve des canons de Ockeghem à trente six voix. Les symétries selon les axes de coordonnées de la partition, évidentes sur la représentation graphique, ont suggéré les transformations mélodiques du contrepoint Ñ le renversement des intervalles, la rétrogradation des mélodies Ñ alors que ces transformations ne sont guère utilisées dans les musiques de tradition orale. Le canon présenté en figure 1, extrait de L'Offrande musicale de Jean-Sébastien Bach, illustre la rétrogadation : il se lit de la même façon du début à la fin ou de la fin au début.
Il existe quelques exemples de passages de formes visuelles à des formes sonores. Varèse, décrivant sa musique, utilise des images tirées de la géométrie et de la cristallographie : « Lesformes musicales possibles sont aussi innombrables que les formes extérieures des cristaux ». Stravinsky parle des « précieux diamants » de la musique d'Anton Webern, dont l'écriture recourt souvent à des figures symétriques. Outre New York skyline déjà cité, il faut mentionner diverses partitions graphiques de Sylvano Bussotti, John Cage et Earle Brown. Dans ma pièce Moments newtoniens , j'évoque les travaux de Newton en calcul différentiel par des trajectoires tangentes de fréquence. Metastasis de Iannis Xenakis 1954 est une oeuvre orchestrale majeure : les cordes y tissent d'étonnants glissandi désynchronisés.
Cette oeuvre utilise la transcription sur papier à musique de f ormes spatiales, en l'occurrence des surfaces réglées engendrées par des droites comme le paraboloïde hyperbolique, les pentes des droites de la surface déterminant les vitesses de glissement des hauteurs sonores. Xenakis, alors assistant de Le Corbusier, a plus tard utilisé ces surfaces pour la conception du pavillon Philips de l'Exposition universelle de Bruxelles en 1957.
La partition représente la succession dans le temps des notes de musique, dont chacune possède une hauteur déterminée. On a longtemps pensé qu'une note correspondait à une onde sonore à peu près périodique dont la fréquence déterminait la hauteur perçue, et que des formes d'ondes différentes donnaient des notes de timbres différents Ñ comme ceux de divers instruments.
Mais Ohm et Helhmoltz avaient remarqué que des formes d'onde différentes pouvaient sonner de la même façon à l'oreille : ils ont interprété cette observation à partir de l'analyse de sons périodiques en série de Fourier.
Le baron Fourier avait démontré au début du XIXe siècle qu'on pouvait reconstituer toute onde périodique régulière de fréquence f comme la superposition d'« harmoniques », c'est-à-dire de sinusoïdes de fréquence f, 2f, 3f, etc., avec des amplitudes et des phases appropriées. Ohm a établi que l'oreille était insensible aux relations de phases des harmoniques des sons périodi-ques, ce qui est compréhensible car ces relations sont brouillées au cours de la propagation dans une salle réverbérante : elles n'apporteraient qu'une information non significative perturbant la reconnaissance de la source.
L'allure du « spectre de Fourier » Ñ l'ensemble des amplitudes des harmoniques successifs Ñ devenait alors la signature du son, le déterminant du timbre musical, la matière même du son. Cette conception ne faisait que justifier la pratique des musiciens qui connaissaient les harmoniques depuis longtemps : dès le XVe siècle, les facteurs d'orgue savaient « composer » le timbre des jeux dits de mixture en faisant sonner ensemble plusieurs tuyaux accordés suivant des harmoniques de la note jouée. Pour la parole, la position des maxima spectraux influence le timbre du son et sa qualité « vocalique ». Ainsi une voyelle donnée Ñ a, i ou o Ñ s'obtient en donnant au conduit vocal une certaine forme , qui donne lieu à certaines fréquences de résonance, lesquelles déterminent le spectre émis fig. 2.
Cependant, cette idée du timbre s'est révélée trop simpliste : elle ne s'appliquait qu'à des sons stables, comme les sons d'orgue. Or le timbre d'un piano devient méconnaissable si l'on fait défiler le son à l'envers, ce qui est facile à partir d'un enregistrement sur bande magnétique. Il faut donc prendre en compte l'évolution temporelle du son, la façon dont l'attaque ou l'entretien par l'instrumentiste modèle ce son Ñ ce que Pierre Schaeffer a appelé la forme imprimée à la matière sonore. Aussi a-t-il fallu développer des représentations figurant l'évolution du spectre dans le temps, et comportant donc trois dimensions : fréquence, amplitude et temps fig. 3.
En réduisant la représentation au plan temps-fréquence, on obtient un sonagramme. Quelques sonagrammes de sons musicaux fig. 4 suffisent à montrer l'extrême variété des morphologies sonores5, particulièrement pour les exemples synthétisés par ordinateur : ce processus permet de produire des matériaux sonores très divers et ductiles. Schaeffer, développant la musique concrète au Groupe de recherches musicales à Paris dans les années 1950, avait introduit la notion d'objet sonore, entité pouvant exister isolément et susceptible d'être représentée en trois dimensions fréquence, amplitude, temps. Mais un objet sonore ne correspond pas forcément à une note, et il est des formes sonores qui se laissent difficilement décomposer en objets séparés. Les sonagrammes donnent probablement des sons les images les plus « parlantes » qu'il soit possible d'obtenir. Cependant, il faut se garder de les tenir pour le reflet fidèle de la perception auditive.
D'un son orchestral complexe mais dans lequel l'oreille peut discerner clairement des parties, elles peuvent donner une image confuse et illisible. Et l'oreille confère une valeur toute particulière à certains intervalles de hauteur comme l'octave ou la quinte : un intervalle d'une octave juste est très consonant les notes fusionnent facilement à l'oreille, alors qu'une augmentation d'un demi-ton de cet intervalle le rend très dissonant : il donne lieu à une rugosité, à des battements ou des frottements. A l'inverse, des symétries spatiales peuvent sauter aux yeux sur la représentation sans que l'oreille les remarque. Ainsi les palindromes sont vite repérés par l'oeil mais pas par l'oreille, qu'il s'agisse des canons réversibles de L 'Offrande musicale de Bach fig. 1 ou du palindrome phonétique de Luc Etienne : « Une slave valse nue ». Le sonagramme est donc une représentation du son suggestive, mais infidèle.
La transformée de Gabor et la transformée en ondelettes s'apparentent au sonagramme : elles analysent le son en termes non pas de sinusoïdes, fonctions du temps qui s'étendent jusqu'à l'infini, mais de fonctions limitées dans le temps Ñ grains de Gabor ou ondelettes. Elles donnent lieu à des représentations physiquement complètes, puisqu'elles permettent de reconstituer le son initial6, mais qui sont elles aussi infidèles.
Depuis le siècle dernier, on a réalisé des illusions visuelles et construit des formes « impossibles », comme l'escalier sans fin de Penrose fig. 5 ou la célèbre cascade d'Escher. Grâce à la précision que permet la synthèse des sons par ordinateur, on a pu depuis une trentaine d'années produire des illusions auditives, souvent homologues aux illusions visuelles7 voir l'article de Jacques Ninio dans ce numéro.
La perspective visuelle nous fait interpréter les images suivant certains indices qui nous aident à mieux saisir la dimension des personnages indépendamment de la distance, à favoriser la « constance » de l'objet. Mais cette interprétation peut donner lieu à des illusions, par exemple faire juger comme inégales des longueurs objectivement égales fig. 6.
De la même façon, l'affaiblissement de l'intensité n'est pas un indice suffisant pour évaluer la distance d'une source sonore, dans la mesure où nous ignorons l'intensité qu'elle émet : le son d'une radio ne paraît pas s'éloigner si nous diminuons l'amplification. En revanche, on peut donner l'impression qu'une source sonore s'éloigne s'il existe une réverbération. La réverbé-ration est évidente dans une salle très résonnante, mais même faible sa présence nous aide à jauger la distance d'une source sonore : si une source émettant à intensité constante s'éloigne de l'auditeur, l'énergie du son direct qu'elle envoie diminue, mais le son réverbéré reste approximativement constant. Ainsi notre oreille, évaluant inconsciemment l'importance relative des sons direct et réverbéré, tient compte d'une véritable perspective auditive. De plus, si la source se déplace par rapport à l'auditeur, sa fréquence apparente augmente si elle se rapproche et diminue si elle s'éloigne, en vertu de l'effet Doppler. C'est d'ailleurs avec des musiciens du conservatoire de Vienne que Doppler a effectué ses premières expériences sur l'effet qui porte son nom. Dans les années 1960, John Chowning de l'université Stanford a simulé la perspective auditive et l'effet Doppler pour réaliser des sons de synthèse donnant des illusions convaincantes de mouvement : dans ses musiques « cinétiques », qui utilisent simplement quatre, voire deux haut-parleurs fixes, les sons paraissent se rapprocher, s'éloigner, virevolter autour de l'auditeur, et décrire des trajectoires que l'oreille peut « voir » avec une précision quasi graphique.
En 1964, aux Bell Laboratories, Roger Shepard a synthétisé par ordinateur douze sons formant les intervalles d'une gamme chromatique, mais paraissant monter indéfiniment lorsqu'ils sont répétés. J'ai généralisé cette illusion, homologue à l'escalier indéfini de Penrose. Egalement aux Bell Laboratories, j'ai produit des sons paraissant glisser indéfiniment vers le grave ou vers l'aigu, et des gammes qui paraissent descendre mais aboutissent pourtant à un point plus haut, à l'image de la cascade paradoxale d'Escher.
On voit que la hauteur d'un son est un attribut composé Ñ avec un aspect grave-aigu et un aspect circulaire comme do-si-la-sol-fa-mi-ré-do. Dans les sons normaux, ces aspects varient de façon concomitante, mais ils peuvent être dissociés en contrôlant séparément les fréquences des composantes et l'enveloppe spectrale qui détermine leur amplitude.
« Les illusions, erreurs des sens, sont des vérités de la perception » disait le physiologiste Purkinje : elles révèlent certains mécanismes qui nous permettent d'extraire des formes significatives à partir des données des sens. Au laboratoire de Mécanique et d'Acoustique à Marseille, j'ai pu synthétiser des sons qui paraissent baisser si l'on double toutes les fréquences qui les constituent, ou qui semblent ralentir si l'on double la vitesse de défilement de la bande magnétique. Ces démonstrations ne sont pas de simples truquages ou curiosités sur les imperfections des sens : elles montrent que les formes, reconstruites par notre esprit à partir des données des sens, donnent lieu à des relations qui ne sont pas forcément similaires ou « isomorphes » aux relations entre les aspects mesurables des objets physiques. Les formes sonores que nous percevons sont mentales, elles dépendent de notre être interne et pas seulement des sons que nous captons.
Depuis la dernière guerre mondiale, les travaux du psychologue américain James Gibson, complétés et nuancés par de nombreuses recherches sur la cognition, ont aidé à comprendre nombre d'idiosyncrasies singulières de la perception : leur raison d'être est non pas de mesurer les paramètres physiques des signaux que reçoivent les sens Ñ fréquence, intensité par exemple Ñ mais plutôt de tirer de ces signaux le plus possible d'informations fiables sur l'environnement. Sous la pression de la sélection naturelle, l'évolution des espèces a abouti à un fonctionnement perceptif de plus en plus performant à cet égard. Ainsi distinguons-nous sans hésitation un son émis avec intensité par une source lointaine d'un son doux émis par une source proche, même si l'oreille reçoit dans les deux cas une énergie équivalente.
Aucun dispositif de mesure ne peut égaler l'oreille dans ce genre de tâche. L'audition a évolué pendant des millénaires dans un monde où les sons étaient produits mécaniquement, et c'est avec des sons acoustiques qu'elle atteint ses meilleures performances, mais les enquêtes qu'elle réalise sur la genèse du son fonctionnent « à faux » avec des sons produits électroacoustiquement ou numériquement. L'oreille tend à classer les sons suivant des catégories issues de son expérience acoustique Ñ sons percussifs, frottés, soufflés, percussion de peaux, de bois ou de métal Ñ et cela même avec des sons calculés, produits sans intervention d'actions mécaniques ou de matériaux spécifiques. C'est ainsi que l'on peut évoquer des formes « virtuelles », purement phénoménales8.
Il y a complémentarité entre vision et audition pour percevoir le monde qui nous entoure, et les formes sonores qu'extrait l'audition sont confrontées avec les formes visibles. Par la seule écoute, on peut se former une certaine idée de l'espace, mais lorsque cet espace n'est pas conforme à l'espace visuel, les indices visuels, plus robustes, tendent à dominer et à masquer les indices auditifs contradictoires : seeing is believing . Dans certains cas, on a pu noter une altération des indices visuels par les indices auditifs. En revanche, une concordance d'indices issus de différentes modalités sensorielles tend à renforcer l'emprise de la scène perçue. Au-delà du ballet et de l'opéra, les artistes ont toujours rêvé d'une forme d'art « totale » mettant les cinq sens à contribution. Qu'il s'agisse d'art, d'image ou de son, ces créations ont en tout cas un point commun : la forme tient moins à ses éléments constitutifs qu'à la disposition de ces éléments et à leurs interrelations.
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MUSIQUE ET INTELLIGENCE ... |
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Auteur : sylvain Date : 08/05/2016 |
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L’Influence de la Musique sur l’Intelligence des Enfants.
Posted on September 9, 2013 by uberslan
children & music
Des études nous montrent avec insistance qu’apprendre la musique peut favoriser l’intelligence chez l’enfant. Quand votre enfant apprend à jouer d’un instrument de musique, il apprend non seulement comment reproduire des mélodies, mais il améliore aussi d’auters de ses capacités cérébrales. Ainsi :
Une étude sur 10 ans portant sur 25.000 élèves montre que la pratique de la musique améliore les scores aux tests standards, ainsi qu’aux examens mesurant l’aisance en lecture (Source : James Catterall, UCLA, 1997).
Les musiciens lycéens obtiennent de meilleurs scores dans les sections mathématiques & élocution du SAT, comparés à leurs pairs (profils des candidats au SAT ainsi que d’autres tests, le College Board, compilé par la Conference des Educateurs de Musique, 2001).
Les QI de jeunes étudiants qui avaient suivi neuf mois de formation hebdomadaire au piano ou au chant augmentaient de presque trois points de plus que leurs camarades non formés (étude d’E. Glenn Schellenberg, de l’Université de Toronto à Mississauga, 2004).
Les étudiants pianistes peuvent comprendre des concepts mathématiques et scientifiques plus naturellement. Les enfants ayant reçu une formation au piano ont montré des dispositions plus élevées de 34%, lors des tests mesurant le raisonnement proportionnel – rapports, fractions, proportions & pensée dans l’espace et le temps (Recherche Neurologique, 1997).
Reconnaissance des formes et scores de représentation mentale améliorés significativement chez les étudiants qui avaient reçu un enseignement de piano de 3 ans (Dr Eugenia Costa-Giomi, étude présentée à la réunion de la Conférence Nationale des Éducateurs de Musique, Phoenix, AZ, 1998).
Les étudiants en musique reçurent davantage de prix & récompenses académiques que les étudiants non-musiciens. Ces étudiants musiciens obtiennent davantage de A et B par rapport aux étudiants non-musiciens [Note du Traducteur : les tests, devoirs & autres projets scolaires sont notés de A à F] (National Educational Longitudinal Study of 1988 premier suivi, U.S. Department of Education).
Davantage de diplômés en musique ayant postulé pour des études de médecine ont été admis, comparés à ceux d’autres disciplines, y compris l’Anglais, la Biologie, la Chimie & les Mathématiques. (« Les capacités académiques comparatives des étudiants dans l’Éducation & d’autres domaines d’une Université pluri-disciplinaire. » Peter H. Wood, ERIC Document no ED327480 ; « Promouvoir la musique dans les écoles », Phi Delta Kappan, 1994)
Une autre étude a mis en lumière que les leçons de musique pour enfants aiguisaient leurs esprits tout au long de leur croissance. Selon la chercheuse Brenda Hanna-Pladdy, neurologue à l’École de Médecine de l’Université Emory, « l’activité musicale tout au long de la vie peut être un exercice cognitif exigeant, qui rend les cerveaux plus efficaces & plus à même de relever les défis du vieillissement. Puisque l’étude d’un instrument nécessite des années de pratique & d’apprentissage, il peut ainsi créer de nouvelles connexions dans le cerveau, capables de compenser en partie le déclin cognitif dû au vieillissement. »
D’autres recherches lient également la pratique d’un instrument à un développement du langage plus avancé, des résultats scolaires améliorés, ainsi que des comportements sociaux plus adaptés.
kids-making-music
Pourquoi cela se produit-il ? Quel sont les mécanismes à l’œuvre ici ?
L’exposition à la musique produit de nombreux bienfaits sur un cerveau d’enfant. Il accélère l’acquisition du langage, l’écoute des compétences, la mémoire et la motricité. Les expériences musicales intègrent ces différentes compétences en même temps, ce qui entraîne la création de multiples connexions neuronales dans le cerveau.
Les chercheurs pensent que puisque le piano et l’apprentissage de la musique impliquent appréciant la durée des notes proportionnellement à d’autres (Une Blanche jouée dure la moitié d’une Ronde, etc.), quand un enfant joue de la musique, il exerce la partie de son cerveau qui traite la pensée proportionnelle.
Une maîtrise des mathématiques des fractions & proportions est indispensable à l’élève, s’il espèrent comprendre les mathématiques à des niveaux supérieurs. Les enfants qui n’en maîtrisent pas ces bases ne comprendront jamais les mathématiques plus complexes, qui sont incontournables dans les domaines faisant appel aux hautes-technologies.
L’exposition à la musique améliore également le raisonnement spatio-temporel. Il s’agit de la capacité de voir des pièces démontées, et pouvoir les réassembler mentalement. Les compétences en mathématiques dépendent aussi de ce genre de raisonnements.
L’apprentissage des instruments de musique implique également l’interprétation des notes et des symboles musicaux que le cerveau voit & déchiffre, afin de restituer des mélodies (une série de sons qui varient dans le temps). Par conséquent, la pratique de la musique renforce le « câblage » du cerveau, & notamment sa capacité à visualiser & manipuler les objets dans l’espace & le temps.
Apprendre à jouer de la musique développe également la discipline, qui contribue au parcours & à la réussite scolaires.
« Dans les leçons de musique, car il y a tellement de fonctions différentes mobilisées – comme la mémorisation, l’expression d’émotions, identifier les intervalles musicaux & les accords – la nature multidimensionnelle de l’expérience peut favoriser l’effet [IQ], » a déclaré auteur de l’étude E. Glenn Schellenberg, de l’Université de Toronto à Mississauga.
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LA MÉMOIRE |
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Auteur : sylvain Date : 03/04/2016 |
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LA MÉMOIRE
Notre mémoire se structure en sous-systèmes regroupant, chacun, des souvenirs différents. Le modèle le plus courant consiste à les distinguer en fonction de la durabilité des souvenirs.
Mémoire à court terme
Appelée également mémoire de travail, elle a une capacité limitée : elle permet de conserver un petit nombre d'items en tête pendant quelques dizaines de secondes. Cette forme de mémoire permet la répétition immédiate d'une information - un numéro de téléphone par exemple -, qui peut parfois être « manipulée », pour faire du calcul mental.
Mémoire à long terme
Elle permet de conserver durablement des informations pendant des jours, voire des années. Elle est subdivisée en quatre formes de mémoire différentes : la mémoire épisodique, sémantique, perceptive et procédurale.
1 Mémoire épisodique
Elle conserve les événements personnellement vécus par l'individu, ainsi que leur contexte date, émotions.... Elle donne au sujet l'impression de revivre l'événement initial.
2 Mémoire sémantique
Elle permet le stockage des connaissances générales sur le monde et sur soi profession, taille, âge, etc.. Elle conserve également tout ce qui se rapporte au langage.
3 Mémoire perceptive
Elle conserve les informations apportées par les sens sur la forme des objets, leur texture, leur odeur, et est souvent sollicitée à l'insu du sujet, de façon automatique.
4 Mémoire procédurale
Elle enregistre les gestes dont l'utilisation devient automatique au fil du temps faire ses lacets, conduire une voiture, etc., ainsi que les procédures mentales protocole pour résoudre un problème de mathématiques, par exemple.
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