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RÉPARER DES ORGANES ...

 

PARIS, 17 avril 2014


Une stratégie simple et inédite pour réparer des organes


C'est un bond en avant qui se prépare dans la pratique chirurgicale et médecine régénératrice. Une équipe dirigée par Ludwik Leibler du laboratoire « Matière molle et chimie » (CNRS/ESPCI ParisTech) et Didier Letourneur du Laboratoire de recherche vasculaire translationnelle (Inserm/Universités Paris Diderot et Paris 13), vient de démontrer que le principe d'adhésion par des solutions aqueuses de nanoparticules peut être utilisé in vivo pour réparer des organes « mous » et des tissus. Cette méthode de collage, extrêmement simple d'utilisation, a été testée sur les rats. Appliquée à la peau, elle permet de fermer des blessures profondes en quelques secondes et d'obtenir une cicatrisation de qualité et esthétique. Elle a également été éprouvée avec succès pour réparer des organes difficiles à suturer tels le foie. Enfin, sur le cœur battant, cette solution a permis de fixer un dispositif médical démontrant ainsi le potentiel de la méthode pour délivrer des médicaments ou renforcer les tissus. Ces travaux viennent d'être publiés sur le site de la revue Angewandte Chemie.
En décembre 2013, dans la revue Nature, une équipe dirigée par Ludwik Leibler1 a présenté un concept entièrement nouveau de collage des gels et des tissus biologiques grâce à des nanoparticules2. Le principe est simple : des nanoparticules contenues dans une solution étalée sur des surfaces à coller se lient au réseau moléculaire du gel (ou du tissu), phénomène appelé adsorption, et, dans le même temps, le gel (ou le tissu) lie les particules entre elles. Ainsi, se forment d'innombrables connexions entre les deux surfaces. Le processus d'adhésion, qui ne comporte aucune réaction chimique, ne prend que quelques secondes. Dans leur dernière étude qui vient d'être publiée, les chercheurs, à l'aide d'expériences réalisées sur les rats, montrent que cette méthode appliquée in vivo a le potentiel de bouleverser la pratique clinique.
Dans une première expérience, les chercheurs ont procédé à une analyse comparée de la fermeture d'une plaie profonde de la peau par la méthode traditionnelle des points de suture et par l'application au pinceau de la solution aqueuse de nanoparticules. Cette seconde méthode simple d'utilisation permet de refermer la peau rapidement jusqu'à cicatrisation complète, sans inflammation ni nécrose. La cicatrice résultante est presque invisible.
Dans une seconde expérience, toujours chez des rats, les chercheurs ont appliqué cette solution à des organes « mous » qui tels le foie, le poumon ou la rate sont difficiles à suturer car ils se déchirent lors du passage de l'aiguille. Actuellement aucune colle n'allie efficacité d'adhésion et innocuité pour l'organisme. Confrontés à une entaille profonde du foie avec forte hémorragie, les chercheurs ont refermé la blessure en étalant la solution aqueuse de nanoparticules et en pressant les deux bords de la blessure. La perte de sang s'est alors arrêtée. Pour réparer un lobe de foie sectionné, les chercheurs ont également utilisé des nanoparticules : ils ont collé un pansement recouvert de nanoparticules sur la plaie, arrêtant ainsi l'hémorragie. Dans les deux situations, le fonctionnement de l'organe est préservé et les animaux survivent.
« Coller un pansement pour arrêter les fuites » n'est qu'un exemple des possibilités ouvertes par l'adhésion apportés par des nanoparticules. Dans un tout autre domaine, les chercheurs sont parvenus grâce aux nanoparticules à fixer une membrane dégradable utilisée pour la thérapie cellulaire sur le cœur et ce, malgré les fortes contraintes mécaniques liées à ses battements. Ainsi ils démontrent qu'il serait possible de fixer des dispositifs médicaux variés à des fins thérapeutiques ou de réparation et de renforcement mécaniques des organes et des tissus.
Cette méthode d'adhésion est exceptionnelle de par son potentiel champ d'applications cliniques. Elle est simple, facile à mettre en œuvre et les nanoparticules utilisées (silice, oxydes de fer) peuvent être métabolisées par l'organisme. Elle peut facilement être intégrée dans les recherches actuelles sur la cicatrisation et la régénération des tissus et contribuer au développement de la médecine régénératrice.

 

DOCUMENT                CNRS               LIEN

 
 
 
 

CHIRURGIE - C A O

 

Toucher ce qu’il voit et voir ce qu’il touche n’a rien de simple pour un médecin qui opère en chirurgie assistée par ordinateur (CAO). Ajouter la perception tactile à la CAO est aujourd’hui un immense défi pour la recherche.
Opérer un malade à distance à l’aide d’un robot dirigé par un chirurgien ou simuler une opération en réalité virtuelle pour se faire la main sont des prouesses rendues possibles par la chirurgie assistée par ordinateur ou CAO. Celle-ci permet aussi, dans certains cas, d’opérer en ne faisant qu’une toute petite incision dans laquelle on glisse de longs instruments munis de systèmes d’imagerie.
Moins invasive et plus précise que la chirurgie classique, la CAO présente de nombreux avantages. Mais elle implique aussi que les chirurgiens ne perçoivent pas la zone opérée simplement avec les yeux mais plutôt à travers un écran d’ordinateur. Tandis que la sensation de toucher directement les tissus du bout de leur scalpel devient aussi moins évidente. « En n’étant plus en contact direct avec les tissus et les organes opérés, le chirurgien perd des informations très importantes pour la précision de son geste », souligne Vincent Nougier du laboratoire Timc-Imag1, à Grenoble D’où les travaux menés par différentes équipes du CNRS afin d’intégrer le toucher à la CAO et d’améliorer ainsi le geste du chirurgien.
Le rendu haptique – la perception tactile du chaud, du froid, du mou, du dur, etc. – reste un casse-tête pour les chercheurs. Première difficulté : enregistrer ce qu’il se passe quand le chirurgien incise, tâte, perce un organe avec un bistouri ou une aiguille par exemple. De fait, « il faut déterminer comment et où placer les bons capteurs sur les outils et les tissus pour obtenir des données fiables sachant que c’est d’autant plus complexe que l’on travaille avec des objets qui peuvent se déformer », explique Vincent Nougier. Quand il s’agit de simuler des opérations chirurgicales, ce n’est pas plus facile. Dans ce cas, pas besoin de capteurs, mais « la définition des interactions entre l’outil et le tissu se complique, car nous devons modéliser un organe qui est mou par nature et des outils qui sont parfois déformables », relate Christian Duriez, du laboratoire d’informatique fondamentale de Lille2.
Une quantité astronomique de calculs
Une fois ces données obtenues, il faut que le chirurgien les reçoive en temps réel. Ce point est capital, car c’est grâce au toucher qu’il va ajuster son geste. « En chirurgie classique, par exemple quand le médecin pénètre dans une vertèbre, il sent directement les différences de résistance du tissu. Il pourra donc s’arrêter avant d’atteindre la moelle épinière, illustre le chercheur grenoblois. En chirurgie assistée par ordinateur, en toute logique, il doit aussi pouvoir suspendre son geste au bon moment sous peine d’aggraver l’état du malade… » Se posent alors deux problèmes, l’un technique et l’autre humain.
Côté technique, la difficulté réside dans la quantité astronomique de calculs qu’il faut effectuer pour traiter les informations sur le toucher. « Pour le rendu visuel, l’œil perçoit le mouvement en continu avec 24 images par seconde, mais, pour le rendu haptique, la fréquence nécessaire est de 500 à 1 000 forces par seconde. Il faudrait alors plusieurs heures de calcul, ce qui est ingérable pour un rendu en temps réel », explique Christian Duriez. Heureusement, le chercheur a trouvé une parade. Il sépare les calculs de l’action du médecin de ceux de la réaction de l’organe. Ainsi, quand le chirurgien plante une aiguille dans la rétine, l’ordinateur ne rend compte de l’état de l’œil que 30 fois par seconde. Les calculs sont alors suffisamment rapides pour rendre le toucher immédiat.

 Coordonner le geste et la sensation
Birgitta Dresp-Langley, qui vient de rejoindre le laboratoire ICube de Strasbourg3, va justement lancer une étude qui abordera ces aspects. « Il s’agit d’analyser, en vue de l’améliorer, la coordination entre le geste de la main et la sensation de la matière dans le cadre de la CAO », indique la chercheuse. En d’autres termes, améliorer cette coordination en fonction de ce qui est vu sur écran, puisqu’en CAO les chirurgiens n’observent pas la zone à opérer de manière directe.
Avec Yves Rémond et Dominique Bechmann, également du laboratoire Icube, la chercheuse va dans un premier temps sélectionner un grand nombre d’images géométriques abstraites dont la complexité se rapproche de celle des organes et des tissus. Puis elle proposera ces images à des étudiants en médecine et à des chirurgiens qui travaillent de manière classique ou grâce à la CAO. « En mesurant la précision de leurs gestes, nous souhaitons déterminer quels sont les défauts susceptibles d’être compensés et, par exemple, quel type de signal auditif ou autre pourrait être utilisé pour améliorer les informations sensorielles, informe Birgitta Dresp-Langley. Cette amélioration pourra également passer par des dispositifs d’aide à la formation des médecins. »
En la matière, l’équipe de Christian Duriez vient d’ailleurs de mettre au point un œil virtuel. Conçu avec la société Insimo au profit de l’ONG HelpMeSee, le simulateur MSICS (Manual Small Incision Cataract Surgery) permet aux médecins de se former à l’opération de la cataracte en seulement quelques mois. « Dans le même esprit, nous préparons actuellement des simulations d’opérations du cerveau et de l’oreille interne, complète le chercheur. Enfin, à terme, nous espérons proposer des malades virtuels sur lesquels les étudiants s’entraîneront et les médecins prépareront leurs futures opérations. »

 

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TÉLÉMÉDECINE

 

Transcription de la 519e conférence de l'Université de tous les savoirs donnée le 16 janvier 2004

Jacques Marescaux « La robotique médicale et la télémédecine »

Chirurgien universitaire de formation, j'aurais pu reproduire toute ma carrière ce que mes maîtres m'avaient enseigné. Toutefois en 1992, au cours d'une conférence donnée à Washington par le colonel chirurgien Rick Satava, le directeur scientifique de la DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency), ma vision de la chirurgie a été bouleversée. A cette occasion il expliqua comment le chirurgien tel qu'on le connaît actuellement, que ce soit avec son scalpel ou en chirurgie mini invasive avec sa caméra, allait disparaître. Il a insisté sur le développement phénoménal des moyens de l'information dans le domaine chirurgical. Il nous fit découvrir le concept de clone digital du malade, fabriqué à partir de ses images médicales (scanner, IRM), qui pourrait être transformé en matière vivante, et opéré de façon simulée, avant la véritable intervention. Cette dernière pourrait alors se faire au moyen de la chirurgie assisté par ordinateur ou la robotique. Grâce à la robotique qui implique une distanciation du chirurgien avec son patient, Rick Satava imaginait alors la mise au point de la chirurgie à distance, la téléprésence.

C'est donc à partir de 1992 que j'ai voulu développer ces idées. En France, les structure de l'INSERM ou du CNRS ne permettaient pas de débloquer un budget assez important pour un tel projet. Nous avons décidé de créer au centre des hôpitaux universitaires de Strasbourg un institut totalement dédié, d'une part à la recherche dans les nouvelles technologies et d'autre part à la formation de ces nouvelles technologies. Nous avons donc fait appel à des financements privés. Le sponsoring dont nous avons bénéficié jusqu'à présent était presque uniquement américain, même si nous bénéficions maintenant d'importants fonds européens, et notamment allemand.

L'IRCAD (institut de recherche contre les cancers de l'appareil digestif, http://www.eits.org/) a ouvert à Strasbourg en 1994. Nous disposons de 8 000 m² de modernité au service de l'avancement de la chirurgie, avec notamment un bloc opératoire expérimental comportant dix-sept tables d'opération, des salles de visioconférence, etc.

L'ère dite industrielle de la chirurgie est aujourd'hui révolue depuis une dizaine d'année, et a laissé place à l'ère de l'information. Cette chirurgie conventionnelle est remplacée par des techniques de thérapies mini invasives, celles-ci étant le moins agressives possibles pour le patient. L'arrivée de l'informatique et de la chirurgie assistée par ordinateur, modifie la pratique et la conception de l'acte chirurgical puisqu'il sera de plus en plus obligatoire de simuler la veille de l'intervention l'opération sur le clone digital du malade. Le développement toujours plus poussé de ces applications conduit aux notions de chirurgie à distance (la téléchirurgie) et de robotique.

Les trois révolutions majeures dont nous avait parlé Rick Satava en 1992 sont le développement des nouveaux moyens de télécommunication (la télémédecine appliquée à la chirurgie, pour le transport des données réelles), l'échange de données virtuelles (qui permettent la fabrication du clone digital) et enfin l'échange du geste chirurgical puisque le geste est tout aussi crucial en chirurgie que l'intelligence ou la connaissance.

La télécommunication

Le développement de la communication d'informations réelles a un nombre d'applications incalculable dans le domaine de la chirurgie.

Les systèmes de visioconférences nous permettent d'être en permanence en liaison avec le monde entier à coût réduit. La diffusion des savoirs en est ainsi accélérée. Auparavant, pour transmettre une nouvelle technique, le chef de clinique devait se déplacer, parfois une semaine à l'étranger, tout d'abord pour l'apprendre, avant ensuite de la propager lentement. Aujourd'hui, grâce aux transferts audio et vidéo des données, toute nouvelle technique peut être étudiée dès le lendemain de sa mise en Suvre par un très grand nombre de personnes, dans le monde entier. Le télé-training, l'entraînement du chirurgien a aussi été développé sur ce modèle puisque nous disposons à l'IRCAD d'un bloc chirurgical expérimental mis en place grâce à Alcatel comportant dix-sept tables d'opération. Chacune de ces tables présente un moniteur sur lequel les chirurgiens peuvent suivre le déroulement de leur opération puisque depuis 1988 ont été mises en place des techniques de chirurgie dite mini invasive, qui consistent à introduire une caméra dans la zone à opérer, permettant ainsi de réaliser l'intervention sans avoir à ouvrir le malade. Ces chirurgiens s'entraînent sur des modèles vivants comme par exemple des petits cochons ( minipigs). Si le modèle vivant est encore nécessaire, il devrait bientôt être possible de s'en passer.

La notion de télé-médecine appliquée à la chirurgie signifie qu'il n'y a plus de limite de connexion entres chirurgiens de niveaux d'expérience différents. Un chirurgien débutant effectuant une opération au Canada pourra ainsi profiter de l'expérience et des conseils d'un chirurgien senior ayant déjà réalisé la même opération plusieurs centaines de fois, c'est le télé-mentoring. Ce dernier peut par exemple pointer sur son écran de contrôle des organes, qui seront de la même manière pointés sur l'écran du chirurgien en train d'opérer. Nous disposons aussi à l'IRCAD d'un auditorium dans lequel une opération peut être présentée sur l'écran principal, et commentée en même temps grâce au système de visioconférence par quatre experts internationaux sur quatre écrans latéraux. Tous ces systèmes de télécommunications classiques se font par téléphone et ont des limites facilement imaginables : décalage horaire, nécessité d'une infrastructure lourde, avec des techniciens audiovisuels,... C'est la raison pour laquelle nous avons en 1997 utilisé Internet pour développer une université internationale d'entraînement et d'éducation du chirurgien. Ce site (http://www.websurg.com/) est accessible à tous, gratuit, et multilingue. Il utilise très largement le multimédia pour présenter les différentes étapes d'une opération, les instruments à préparer, à utiliser,... et les interventions sont commentées par les plus grands experts mondiaux. Internet a surtout eu un impact considérable sur le public qui s'est emparé de cet outil pour avoir accès aux connaissances médicales. Sur les 930 millions de personnes qui se connectent aujourd'hui régulièrement à Internet, la moitié le font pour recueillir une information médicale.

Le transfert des données virtuelles

La deuxième révolution apportée par l'essor de l'informatique et des télécommunications concerne le transfert de données virtuelles. Il ne faut pas ici considérer le terme virtuel de manière péjorative mais comme la prolongation de nos sens naturels, tels que notre vision ou notre toucher, et cela pour l'amélioration du geste chirurgical. La réalité virtuelle se conjugue de trois manières différentes :

- l'immersion : le fait d'être plongé dans un monde virtuel, par des systèmes de casques sophistiqués par exemple,

- l'interaction : la transformation de l'image en matière, et donc la possibilité de donner au chirurgien l'impression qu'il touche un organe et non plus une image,

- la navigation : le fait de pouvoir tout explorer, par exemple n'importe quel vaisseau sanguin du patient.

Après des années de recherche, nos ingénieurs informaticiens ont mis au point des programmes qui reproduisent en quelques minutes un clone digital tridimensionnel du malade à partir de ses résultats de scanner ou d'IRM. Un organe, un vaisseau ou une tumeur peut alors être simplement coloré sur ce clone digital, ce qui permet au patient d'appréhender et de visualiser la pathologie qui l'affecte beaucoup plus facilement qu'avec le résultat d'un scanner. Cela entraîne aussi une meilleure localisation de la tumeur. Par exemple dans le cas d'une tumeur au foie, si elle est étendue sur plusieurs lobes du foie, la marge de sécurité de la zone à découper pour que le cancer ne reparte pas est dessinée. Le chirurgien peut proposer avec trois points interactifs l'opération à effectuer, et l'ordinateur intègre qu'il restera par exemple 30 % du foie, quantité suffisante pour que l'organe se régénère. Il existe aussi des destructions par radio-fréquence. Dans ce cas une aiguille plantée au centre de la tumeur va chauffer à la manière d'un micro-onde et détruire les tissus alentours. Il est alors crucial que l'aiguille soit placée exactement au cSur de la tumeur et la simulation virtuelle est donc d'une grande aide.

On imagine bien que s'il est possible de simuler un geste aussi simple que de planter une aiguille, la limite avec une opération entièrement robotisée s'estompe. Les techniques développées vont permettre de réaliser l'intervention de manière virtuelle la veille de la véritable opération, en faisant par exemple une laparoscopie virtuelle pour bien appréhender la place des vaisseaux, en décidant où positionner les incisions à faire pour que l'opération soit la moins invasive possible. Le but est dans le futur de mixer l'intervention préparée et la véritable opération. D'autre part, il existe des patients présentant des anomalies anatomiques qui provoquent des accidents lors de l'opération, car telle veine ne devait par exemple pas se trouver à tel endroit. L'exploration du clone digital réduirait nettement la fréquence de tels incidents.

Toutes ces étapes ne représentent que la planification de l'opération. Il faut aller plus loin, c'est-à-dire jusqu'à la véritable simulation de l'intervention. Pour ce faire, des outils ont été mis au point pour développer l'interaction entre le chirurgien et l'organe qu'il opère, et reproduire le toucher qu'il ressent durant l'opération. Lorsque le chirurgien visualise sur son écran le contact avec le foie par exemple, une sorte de gant électronique va lui faire ressentir la consistance et la résistance de l'organe : l'image a été transformée en matière. Bientôt, l'opération virtuelle sera aussi réaliste que l'opération réelle.

Ces logiciels permettent aussi de naviguer à l'intérieur du corps du patient, et de se déplacer par exemple dans ses vaisseaux, ce qui peut permettre d'identifier l'invasion de l'un d'eux par une tumeur. Nous travaillons aussi à la mise au point de la colonoscopie virtuelle pour arriver à identifier automatiquement des polypes du colon, que le logiciel colorerait de manière autonome à l'écran pour les rendre immédiatement apparents au chirurgien. Il est en effet inimaginable qu'un examen aussi invasif que la colonoscopie reste la référence au cours des prochaines années dans la prévention du cancer du colon.

Vers la robotique chirurgicale

Quelles sont les applications de cette réalité virtuelle ? Dans l'idéal le patient se présenterait à l'hôpital et subirait un scanner ou une IRM, pour que son clone digital soit reproduit. L'opération serait alors planifiée, et dans quelques années une opération simulée réaliste deviendrait la règle la veille de l'intervention réelle.

Le futur de la chirurgie réside dans la robotique : le chirurgien et son patient seraient séparés par une interface d'ordinateur. Aujourd'hui, il est uniquement possible de supprimer les imprécisions dues au tremblement. Il est cependant envisageable que le chirurgien devienne demain un véritable metteur en scène : la veille, il simulerait l'opération plusieurs fois pour choisir les meilleurs moment de chaque essai, pour finalement produire le film de l'intervention telle qu'il la souhaite. Ce film serait alors installé dans l'interface de l'ordinateur, et l'intervention se ferait de manière automatique et le chirurgien n'aurait plus que le rôle de superviseur de l'opération.

Cette automatisation a longtemps semblé impossible à part en neurochirurgie ou en chirurgie orthopédique mais il est aujourd'hui clair que la vraie robotique sera un jour possible. Ce qui se fait aujourd'hui n'est en effet pas de la vraie robotique, au sens où le chirurgien contrôle toujours l'interface. Il a deux manettes pour déplacer les instruments et un micro qui commande les mouvements de camera. L'interface améliore donc le geste du chirurgien, le rend le plus parfait possible, mais cela reste de la télémanipulation. C'est ce que l'on appelle la chirurgie assistée par ordinateur.

Toutes les techniques évoquées ici sont extrêmement récentes et ont été développées principalement par les Européens, et notamment les Français. La première opération assistée par ordinateur était une cholécystecomie et elle a été réalisée en 1998 en Belgique. Un américain a exécuté la première opération de gynécologie de cette manière. Le professeur Carpentier a réalisé à Paris en 1999 la première opération cardiaque à l'aide un robot. La première opération urologique assistée par ordinateur (une prostatectomie) a été effectuée par le professeur Abbou. Nous avons en 2001 exécuté la première opération à distance entre New-York et Paris (l'intervention Lindbergh) et une cinquantaine de malades ont été opéré de la même manière, à distance, au Canada. Actuellement tout ce qui est faisable en chirurgie mini invasive peut l'être en chirurgie robotisée, mais personne n'a encore démontré le bénéfice éventuel pour les malades. Pour le moment, cela facilite pour certaines interventions complexes le geste du chirurgien, par exemple pour les pontages coronariens ou la prostatectomie complète pour cancer du fait de l'étroitesse du pelvis chez l'homme. Il est aussi des opérations où l'on opère avec des instruments longs de 30 cm, présentant une extrémité de 3mm où le moindre tremblement du chirurgien se répercute alors de façon beaucoup plus importante sur les organes du patient. Disposer de manettes virtuelles et d'une interface d'ordinateur permet d'annuler tout tressaillement.

Cependant à terme, la finalité de la robotique n'est pas de reproduire la main du chirurgien, mais de lui apporter une intelligence supplémentaire.

Dans notre laboratoire, les ingénieurs informaticiens travaillent dans trois domaines d'application distincts : rendre le robot autonome pour des tâches simples, l'amener à « augmenter » la réalité et développer la téléchirurgie, le partage du geste chirurgical.

Il est imaginable par exemple que le robot puisse faire des sutures de manière indépendante ou qu'il détermine seul où et comment placer les bras du robot pour qu'ils ne se cognent pas. Un logiciel permet de déterminer automatiquement comment déplacer les instruments au cours de l'opération, sans avoir à déplacer la caméra.

L'intelligence phénoménale de cette interface d'ordinateur peut aussi être utilisée pour développer notre perception de la réalité. Nous avons ainsi réalisé en 2004 pour la première fois une opération de chirurgie surrénalienne sur un patient au cours de laquelle les images du clone digital du malade étaient superposées sur notre écran à la même échelle que notre opération. Cela s'est révélé particulièrement pratique dans la mesure où du tissu graisseux empêchait de distinguer précisément vaisseaux et organes. Nous avons donc exécuté l'opération en planifiant avec l'informaticien en temps réel où positionner les instruments pour ne pas abîmer une veine importante qui se trouvait pourtant à moins d'un millimètre de l'endroit sur lequel nous travaillions. C'est ce phénomène que l'on désigne sous le terme de réalité « augmentée ». Dans le futur, il est donc concevable que les chirurgiens pourront voir directement l'organe et les tumeurs en transparence à l'aide d'un casque comme ceux utilisés par les pilotes de chasse en temps de guerre pour voir de l'autre coté d'une montagne par exemple. En chirurgie, cela pourrait être particulièrement utile pour les organes pleins présentant une tumeur dans lesquels on ne peut pas introduire de caméra. Des tests ont été réalisés et une aiguille peut ainsi être placée dans un organe à une précision de 1mm. Si des progrès sont encore à faire, il est toutefois clair que la réalité augmentée n'est plus un rêve, d'autant plus que les logiciels que j'ai mentionnés peuvent être enregistrés sur un simple ordinateur portable.

Une autre difficulté des interventions est le mouvement ininterrompu des organes du fait de la respiration ou des battements de cSur. Nous développons aujourd'hui des outils permettant de bouger l'extrémité de l'instrument au même rythme que la respiration du malade donnée par le respirateur, ce qui aboutit au maintien d'une distance constante entre l'instrument chirurgical et l'organe, ce qui serait autrement impossible.

L'intervention Lindbergh

Le troisième défi auquel se sont attaqués nos ingénieurs est le partage du geste à distance, c'est-à-dire la téléchirurgie. Les premières interventions réalisées par un chirurgien sont moins précises que celles effectuées à la fin de sa carrière. C'est ce que l'on appelle la courbe d'entraînement. L'assistance prodiguée par l'ordinateur permettrait d'éviter que le malade souffre de faire partie des cinquante premiers patients du chirurgien, car un partage du geste avec l'interface augmenterait l'efficacité des résultats des interventions. L'autre opération permise par la robotique est l'intervention à distance. Après l'intervention Lindbergh, le Canada a réalisé un grand nombre d'opération de téléchirurgie car c'est un pays confronté à de très grosses distances où il n'y a souvent pas de spécialistes dans les zones d'intérêt.

Opérer d'un endroit du monde un patient à l'autre bout de la planète était un rêve un peu fou, datant de 1993, dénommé projet MASTER (Minimal Access Surgery Telecommunication and Robotic), constituant surtout un défi technique et non chirurgical. Ce projet européen a été soutenu par les ministères de la Recherche et de l'Industrie. Le problème à résoudre résidait dans la durée de transmission de l'information entre deux points très éloignés, en l'occurrence 600 ms entre New-York et la France. Il est impossible pour le chirurgien de procéder à une opération comportant un tel délai entre ce qu'il voit et ce qu'il fait : s'il se base sur ce qu'il voit sur son écran pour déplacer ses instruments alors qu'entre temps les organes ont légèrement bougé, des accidents très grave peuvent se produire. Deux mois avant notre opération, l'armée américaine avait affirmé qu'une telle intervention était impossible avant cinq ou dix ans, du fait de ce délai incompressible de 600 ms provenant de l'utilisation du satellite pour le transfert d'informations.

Nous avons travaillé avec des ingénieurs pour comprimer les données pour descendre sous la limite de 200 ms. L'intervention Lindbergh a eu lieu en 2001, mais la véritable première expérience a été réalisée en septembre 2000 sur un mini porc. Ce fut un échec complet, du fait de la variation continue du délai de transmission entre 300 et 600ms. Une opération de ce type, facile, dure en moyenne vingt minutes, et elle dura 4h30. Les ingénieurs de France Telecom ont alors réalisé en quelques mois un travail de mise au point remarquable et un an après ce premier échec, nous avions opéré avec succès plusieurs mini porcs, et pouvions opérer le premier patient, en l'occurrence une malade, extraordinaire, qui avait accepté de tenter cette aventure futuriste. Pour réduire le délai de transmission, toutes les informations numériques étaient comprimées à New-York, passées dans une fibre ATM, décomprimées à l'arrivée à Strasbourg, et dès que le geste était effectué, le message repartait dans l'autre sens pour que l'opération soit visible à Manhattan. Nous avions une qualité d'image superbe, et un délai de 130 ms. L'opération s'est déroulée du début à la fin sans l'intervention de l'équipe de Joël Leroy qui se trouvait à Strasbourg, prêt à parer à la moindre défaillance.

Cette opération a eu lieu le 7 septembre 2001, a duré 45 minutes, et a fait l'objet de 450 articles malgré la très lourde actualité internationale et bien que la conférence de presse prévue le 11 septembre ait été annulée. L'intervention a même été acceptée pour publication dans le journal scientifique le plus réputé, Nature, alors que ce journal avait auparavant toujours refusé de publier des articles chirurgicaux. Les reviewers (les personnes qui décident si l'article est accepté ou refusé) ont même argué qu'il s'agissait d'une énorme mutation dans le monde chirurgical, notamment du point de la vue de la suppression de l'individualisme des médecins.

 

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FORMATION MÉDICALE

 

FORMATION MÉDICALE 2011 – LA E-PÉDAGOGIE AU CŒUR DE L'ODONTOLOGIE.
Titre : Formation médicale 2011 – La E-pédagogie au cœur de l'Odontologie : scénarisation d’un cours virtuel de Prothèse Fixée en L2
Auteur (s) : Céline BRUNOT-GOHIN (Reims) ; Rafaël CABRERA (Reims) ; Daniel EUDES (Reims)
Résumé : Se former derrière et par l’intermédiaire d'un ordinateur a été pendant longtemps considéré comme incompatible, voire contraire à une pratique clinique sur patients en Odontologie. Néanmoins, l’Internet fait partie intégrante de la vie de la jeune génération (la digitale native) et ne peut plus être ignoré par la Prothèse. L’e-learning est rentré sur les campus virtuels plongeant notre enseignement préclinique et clinique de Prothèse Fixée (PF) dans l’ère numérique.
A ce jour, l’apprentissage en ligne est reconnu comme une méthode pédagogique efficiente et complémentaire pour l’enseignement. La Prothèse Fixée n’échappe pas à cet engouement technologique et pédagogique, qui plus est avec l’émergence des techniques d’empreintes optiques et l'incursion des logiciels de modélisation pour la Conception et Fabrication Assistée par Ordinateur (CFAO). Des supports pédagogiques virtuels alliés à des outils de communication en ligne permettent un enseignement de la Prothèse sous un angle nouveau. L’efficacité du e-learning en Prothèse Fixée repose, tout comme celle du présentiel, sur un cocktail de facteurs pédagogiques, humains, et techniques. Un projet de promotion en L2 est mis en place cette année pour granulariser notre enseignement magistral et scénariser nos séances de travaux pratiques de PF. Les supports pédagogiques utilisés sont le document Word, le fichier power point, la vidéo, et des bandes sonores enregistrées. Ces documents sont téléchargeables dans le cours virtuel (bureau virtuel de l’Université de Reims Champagne-Ardenne (URCA). Par ailleurs, un travail transversal est réalisé avec le Certificat Internet et Informatique (C2i) ainsi qu’un travail vertical avec les redoublants en L2. Ces travaux sont œuvrés et agencés dans des parcours pédagogiques d’apprentissage (à distance et en ligne) ; des e-tests d’auto-évaluation viennent examiner l’étudiant à distance et en ligne validant l’acquisition des connaissances par l’étudiant.
Le bilan de notre pratique du e-learning en Prothèse Fixée montre que le blended-learning reste l’apprentissage le plus performant, quel que soit le niveau de l’étudiant grâce au mélange des outils en présentiel et en ligne.
Différents problèmes sont mis en lumière à ce jour, d’une part du côté des e-learner pour lesquels la possession d’un ordinateur et d’une imprimante reste indispensable, et d’autre part du côté des enseignants pour lesquels la formation reste complexe et chronophage. La conception et le développement de notre cours virtuel ont été longs et fastidieux mais la qualité de nos supports pédagogiques sont sans aucune mesure de meilleure qualité. L’apprentissage est plus rapide et plus efficace pour les étudiants à condition que l’e-teacher soit régulièrement en ligne. Le e-learning permet ainsi une meilleure communication entre l’enseignant et les étudiants.
Le travail collaboratif réalisé entre la cellule des TICE et la Prothèse Fixée au sein de notre composante universitaire promulgue le blended-learning pour en faire une méthode d’apprentissage courante.
Le rôle majeur de l’enseignant reste pour une matière clinique comme la Prothèse Fixée, de veiller sur la qualité et la maîtrise de ces nouveaux outils technologiques afin que cette digitale native ne devienne pas une digitale naïve.
L’auteur n’a pas transmis de conflit d’intérêt concernant les données diffusées dans cette vidéo ou publiées dans la référence citée.
Conférence enregistrée lors des Etats Généraux de la Formation Médicale (EGFM) : Enjeux, Parcours, Evaluation. Communications orales : utilisation des TICE

 

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