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Paludisme : rigidifier les globules rouges infectés pour stopper la transmission de la maladie |
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Paludisme : rigidifier les globules rouges infectés pour stopper la transmission de la maladie
11 Avr 2023 | Par Inserm (Salle de presse) | Immunologie, inflammation, infectiologie et microbiologie
Dans une récente étude publiée dans la revue Nature Communications, l’équipe du Professeur Pierre Buffet (UMRS 1134, Université Paris Cité – Inserm), s’intéressant aux proportions de globules rouges infectés par le parasite du paludisme présentes dans le sang et la rate, a explicité les mécanismes de filtration du sang par la rate et identifié deux médicaments susceptibles de décupler l’efficacité de cette filtration. Les globules rouges infectés seraient alors retenus dans la rate pour y être détruits et éliminés, stoppant ainsi la transmission de la maladie.
Le paludisme est une maladie infectieuse potentiellement mortelle due à plusieurs espèces de parasites microscopiques appartenant au genre Plasmodium. Transmis à l’Homme par la piqûre d’un moustique lui-même infecté, le parasite s’installe dans le foie, puis se multiplie au bout de quelques jours dans les globules rouges et les fait éclater. Il peut alors se disperser et infecter de proche en proche de plus en plus de globules rouges.
De l’infection à la maladie
Le parasite du Paludisme évolue d’une forme asexuée responsable de l’infection à une forme sexuée, appelée gamétocyte, responsable de la transmission de l’infection.
La forme asexuée se multiplie en quelques jours ce qui rend le patient malade. Une fois traité, les formes asexuées du parasite dans le sang disparaissent et les symptômes aussi. En revanche, les formes sexuées du parasite (dérivés des formes asexuées) persistent dans le sang pendant 2 à 3 semaines et rendent le patient contagieux, donc vecteur de l’infection.
La rate : un filtre mécanique
Dans l’organisme, la rate est l’organe simultanément chargé de générer une réponse immunitaire face aux microbes contenus dans le sang et de filtrer le sang pour détruire et éliminer les globules rouges anormaux, trop vieux ou infectés. Dans une précédente étude, l’équipe de recherche dirigée par Odile Mercereau Puijalon à l’Institut Pasteur (Innocent Safeukui, Peter David, Geneviève Milon and Pierre Buffet,..) avait mis en évidence, que, chez les patients infectés, si la moitié des globules rouges infectés est bien retenue dans la rate pour y être détruite, l’autre partie repart dans la circulation sanguine où elle exerce ses effets néfastes et poursuit les mécanismes d’infection des globules rouges sains. Partant de ce constat, l’équipe a cherché à comprendre pourquoi le rôle de filtre de la rate n’est pas efficace sur tous les globules rouges infectés.
La rate est un organe particulier dans lequel le sang sort des vaisseaux pour entrer en contact avec les macrophages chargés « d’analyser » les globules rouges pour détruire ceux devenus anormaux, trop vieux ou infectés. Le sang entre dans la rate par une artère et sort par une veine. Dans la rate, les globules rouges, se trouvent au contact direct des macrophages, hors du réseau circulatoire habituel, puis traversent la paroi de petites veines (les sinus) en se déformant de façon majeure pour regagner la circulation sanguine générale. Seuls les globules rouges normaux peuvent franchir cet obstacle mécanique et repartir dans la circulation.
Chez les patients atteints de paludisme, les globules rouges infectés entrent dans la rate et une partie n’en ressort pas. Les chercheurs ont donc émis l’hypothèse que les globules rouges infectés, dont la surface membranaire est pourtant normale, ont peut-être simplement des difficultés à se déformer pour franchir la paroi des sinus et retourner dans la circulation. Ils ont alors étudié les propriétés physiques des globules rouges infectés et montré qu’ils sont plus rigides que les globules rouges sains. Les globules rouges infectés sont donc moins capables de se déformer pour franchir le filtre de la rate.
L’équipe de recherche a alors voulu poursuivre ses investigations en s’appuyant sur cette propriété de « rigidité acquise » par les globules rouges lors de l’infection. Leur postulat : si une molécule est capable d’augmenter suffisamment la rigidité de tous les globules rouges infectés par le paludisme, alors la rate pourra retenir l’ensemble des globules rouges infectés pour que les macrophages les détruisent, mettant ainsi fin à la transmission de l’infection.
Traiter la population pour éradiquer la maladie
Pour ce faire, l’équipe de recherche, dont Julien Duez et Mario Carucci sont les principaux acteurs, en étroite collaboration avec le groupe sur la malaria dirigé par Javier Gamo et Laura Sanz-Alonso à GSK Tres Cantos, a testé l’activité de plus de 13 000 médicaments, tous déjà évalués au cours d’essais cliniques de phase 1 chez l’Homme. L’avantage est que pour ces dernières, les chercheurs disposent de beaucoup d’informations relatives à la tolérance vis-à-vis de ces molécules mais aussi à leur mode d’administration.
Le criblage des 13 555 molécules, 1re partie de l’étude, a permis d’identifier 112 médicaments actifs, donc rigidifiant les globules rouges infectés, à forte dose. La 2e étape a permis d’évaluer pour ces 112 médicaments, la dose optimale à administrer pour atteindre le degré de rigidité des globules rouges infectés suffisant pour qu’ils soient retenus dans la rate. L’équipe a alors analysé les données pharmacologiques complètes de ces médicaments et a cherché celles pour lesquelles la dose efficace pouvait être atteinte dans le sang des personnes traitées avec une seule dose administrée par voie orale. En fin d‘étude, seules 2 ont molécules ont été retenues : la cipargamine et la TD-6450.
Des études complémentaires doivent désormais être menées chez l’Homme, afin de confirmer que ces deux médicaments, administrés par voie orale pendant une durée très courte, interrompent en effet la circulation des globules rouges infectés par les gamétocytes chez tous les patients et que, par voie de conséquence, la transmission soit elle aussi interrompue.
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Surdités héréditaires : quand oreille et cerveau auditif sont tous deux touchés |
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Surdités héréditaires : quand oreille et cerveau auditif sont tous deux touchés
13 Juil 2017 | Par Inserm (Salle de presse) | Santé publique
Coupe de cerveau faisant apparaître les neurones en migration vers le cortex auditif. En bleu, les noyaux. En vert, les molécules du « code moléculaire » adressant les neurones vers cette région cérébrale. © Institut Pasteur
Des chercheurs de l’Institut Pasteur, de l’Inserm, du Collège de France et de l’Université Pierre et Marie Curie viennent de montrer que des mutations dans trois gènes responsables de la maladie de Usher – syndrôme héréditaire de surdité-cécité – affectent non seulement le fonctionnement de l’oreille, plus précisémment des cellules sensorielles de la cochlée, mais également le développement du cortex auditif. Leur découverte pourrait expliquer pourquoi, même après la pose d’un implant cochléaire, un dispositif acoustico-électrique permettant de court-circuiter leur cochlée défectueuse, certains patients rencontrent encore des difficultés de compréhension de la parole. Ces travaux font l’objet d’une publication cette semaine dans Proceedings of the National Academy of Sciences of the USA.
Dans la plupart des cas de surdité humaine d’origine génétique, l’atteinte de l’organe sensoriel de l’audition, la cochlée, rend pleinement compte du déficit auditif des patients. Nombre de ces formes ont pour cible la touffe ciliaire, l’antenne de réception du son des cellules sensorielles auditives. La pose d’un implant cochléaire, stimulant directement le nerf auditif et permettant ainsi de s’affranchir de l’étape du traitement du son par la cochlée, restaure une audition satisfaisante. Pourtant, dans certains cas, les patients conservent malgré tout des difficultés anormales de compréhension du langage parlé.
L’équipe de recherche menée par le Prof. Christine Petit[1], – unité de Génétique et physiologie de l’audition, Institut Pasteur/Inserm/UPMC dans laquelle Dr. Nicolas Michalski, responsable de groupe, a encadré le travail de Baptiste Libé-Philippot -, en collaboration avec Dr. Christine Métin (Inserm/UPMC), vient d’identifier chez la souris trois gènes dont l’altération provoque non seulement des atteintes de la cochlée, mais également du cortex auditif, région du cerveau assurant l’analyse de l’information auditive. Ces trois gènes figurent parmi les neuf actuellement reconnus comme responsables du syndrome de Usher (type I et II), première cause de surdité-cécité héréditaire. Les atteintes cochléaires de ces patients privant le cerveau auditif de tout ou partie des informations acoustiques qu’il reçoit normalement, leurs atteintes cérébrales étaient jusqu’à présent passées inaperçues.
Les chercheurs ont plus précisément montré que les protéines codées par les trois gènes incriminés étaient impliquées, durant le développement embryonnaire, dans la migration et la maturation de certaines cellules appelées à devenir des neurones dits « inhibiteurs », et colonisant spécifiquement le cortex auditif. Ceux-ci synthétisent de la parvalbumine. Ils sont fortement impliqués dans la plasticité corticale qui façonne la structure et la fonction des réseaux neuronaux du cortex à partir de l’expérience auditive. Ils jouent également un rôle important dans la précision temporelle de la détection sonore, nécessaire à la compréhension de la parole. Chez la souris, une seule mutation d’un de ces trois gènes suffit à rendre cette population de précurseurs neuronaux incapable d’entrer dans le cortex en développement et d’atteindre le cortex auditif.
Les scientifiques ont en outre mis en évidence que ces neurones synthétisent des molécules jouant le rôle de marqueurs moléculaires. « Comme des étiquettes, ces molécules adressent les neurones depuis le lieu de leur naissance – dans le subpallium, au centre du cerveau – vers leur aire corticale de destination finale. Nous suggérons ici pour la première fois l’existence d’un tel « code moléculaire d’addressage» des précurseurs des neurones inhibiteurs », précise le Prof. Christine Petit.
Ces résultats montrent ainsi que des gènes de surdité dont on pensait qu’ils n’avaient qu’un rôle cochléaire ont un autre rôle, indépendant, dans le développement et la formation des réseaux neuronaux du cortex auditif. Celui-ci précède, lors du développement embryonnaire, celui que ces gènes exercent dans la cochlée.
Pionnière dans l’étude des surdités héréditaires, l’équipe du Prof. Christine Petit avait déjà établi la responsabilité des protéines codées par les gènes responsables du syndrome de Usher de type I et de type II dans le développement et le fonctionnement de la touffe ciliaire, et déchiffré les réseaux moléculaires associés. Avec ces nouveaux résultats, les chercheurs espèrent mettre au point des méthodes de réhabilitation auditive innovantes adaptées à ces atteintes du cortex auditif.
Ces travaux ont bénéficié du soutien de l’Agence Nationale pour la Recherche French Agence Nationale pour la Recherche (LIGHT4DEAF [ANR-15-RHUS-0001] et LabEx LIFESENSES [ANR-10-LABX-65]), la commission européenne (ERC-2011-ADG_294570), the BNP Paribas Foundation, the FAUN Stiftung (Suchert Foundation)and the LHW-Stiftung (CP), le prix « émergence scientifique » et le grant SEIZEAR de la fondation Agir Pour l’Audition (NM).
[1] Le Prof. Christine Petit est Professeur au Collège de France et Professeur à l’Institut Pasteur.
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Vulnérabilité du placenta à la pollution de l’air : quels effets sur le développement de l’enfant à naître ? |
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Vulnérabilité du placenta à la pollution de l’air : quels effets sur le développement de l’enfant à naître ?
07 Mai 2024 | Par Inserm (Salle de presse) | Bases moléculaires et structurales du vivant
© AdobeStock
Comment l’exposition à la pollution de l’air pendant la grossesse impacte-t-elle son bon déroulement et le développement de l’enfant à naître ? Une équipe de recherche de l’Inserm et de l’Université Grenoble Alpes s’est intéressée à la façon dont l’ADN du placenta serait modifié par l’exposition à trois grands polluants aériens. En comparant les données obtenues chez près de 1 500 femmes enceintes, elle a ainsi pu observer que l’exposition à ces polluants durant la grossesse était associée à des modifications épigénétiques[1] susceptibles d’altérer le développement du fœtus, en particulier aux niveaux métabolique, immunitaire et neurologique. Ses résultats, à paraître dans The Lancet Planetary Health, montrent en outre que les périodes de susceptibilité aux polluants de l’air seraient différentes en fonction du sexe du fœtus, impactant ainsi le développement de façon différenciée entre les filles et les garçons.
L’exposition à la pollution de l’air extérieur présente un risque majeur pour le bon déroulement de la grossesse. Elle est notamment suspectée d’être à l’origine de pathologies cardio-métaboliques, respiratoires ou encore neuropsychologiques chez l’enfant à naître. Cependant, si ses effets physiologiques ont été étudiés, les mécanismes moléculaires en jeu sont encore mal compris.
Le placenta est un organe qui joue un rôle clé dans le développement fœtal. Particulièrement vulnérable à de nombreux composés chimiques, il peut être assimilé à une « archive » témoignant de l’environnement prénatal de l’enfant : les modifications épigénétiques survenant dans ses cellules reflètent en partie les expositions environnementales de la mère au cours de la grossesse. Pour étudier ces modifications, on mesure le plus souvent le niveau de méthylation de l’ADN, un des mécanismes épigénétiques les mieux connus, impliqué dans le contrôle et l’expression des gènes.
Une équipe de recherche menée par Johanna Lepeule, chercheuse Inserm, au sein de l’Institut pour l’avancée des biosciences (Inserm/CNRS/Université Grenoble Alpes), s’est intéressée à l’impact de trois polluants aériens – le dioxyde d’azote (NO2), et les particules fines (PM2,5 et PM10) – sur la méthylation de l’ADN placentaire. Grâce aux données de trois cohortes mère-enfant[2] françaises, elle a pu comparer l’exposition à ces polluants et les niveaux de méthylation chez plus de 1 500 participantes pendant leur grossesse.
Ses résultats montrent un impact significatif de l’exposition aux trois polluants aériens sur les niveaux de méthylation de l’ADN placentaire concernant des gènes impliqués dans le développement fœtal. Un tiers de ces modifications étaient directement associées avec des indicateurs du développement de l’enfant (poids et taille de naissance, périmètre crânien, durée de la grossesse…).
D’autres modifications placentaires concernaient des gènes impliqués dans le développement du système nerveux, du système immunitaire et du métabolisme – dont des gènes impliqués dans la survenue du diabète néonatal ou de l’obésité.
Si ces altérations de la méthylation sont présentes chez les deux sexes, les scientifiques ont également pu mettre en évidence des modifications ayant un impact additionnel et touchant des gènes différents en fonction du sexe de l’enfant à naître. Deux périodes de gestation différentes particulièrement vulnérables aux modifications épigénétiques sous l’effet des polluants émergent dans ces travaux : le début de la grossesse (1er trimestre) chez les garçons et la fin de la grossesse (3e trimestre) chez les filles.
« Nos résultats montrent que l’exposition à la pollution de l’air pendant la grossesse induirait des modifications de la méthylation de l’ADN placentaire propres à chacun des deux sexes, indique Johanna Lepeule. Cet impact différencié pourrait contribuer à des altérations du développement et du déroulement de la grossesse différentes en fonction du sexe de l’enfant à naître. »
Ainsi, chez les garçons, ont été détectées des altérations significatives de la méthylation au niveau de gènes impliqués de façon critique dans le développement du système nerveux et de l’intellect.
« Ces observations viennent appuyer les études de plus en plus nombreuses à associer l’exposition à la pollution de l’air pendant la grossesse et une atteinte du neurodéveloppement et/ou une réduction des capacités cognitives, avec une plus grande vulnérabilité des enfants de sexe masculin », précise Lucile Broséus, chercheuse Inserm et première autrice de la publication.
Chez les filles, les méthylations touchaient des gènes impliqués dans le développement fœtal et la régulation du stress oxydatif. Elles pourraient ainsi être associées à des défauts de développement susceptibles d’augmenter les risques de développer des maladies chroniques métaboliques (hypertension, diabète, obésité…) plus tard dans la vie, mais aussi à la survenue de fausses-couches ou de pré-éclampsies chez la mère[3].
Ces travaux fournissent donc de nouvelles données concernant les mécanismes épigénétiques impliqués dans la dérégulation de la croissance fœtale sous l’effet de la pollution de l’air et qui pourraient être à l’origine de modifications à long terme du métabolisme.
« De prochaines études pourront investiguer si les changements épigénétiques placentaires causés par l’exposition à la pollution de l’air pendant la grossesse persistent après l’accouchement et comment ils pourraient influencer le développement durant l’enfance, complète Johanna Lepeule. En outre, ce travail de recherche ayant été réalisé sur des cohortes françaises, ses résultats devront être vérifiés dans des populations d’autres régions géographiques et avec des profils génétiques différents », conclut la chercheuse.
[1] Les modifications épigénétiques sont matérialisées par des marques biochimiques présentes sur l’ADN. Réversibles, elles n’entraînent pas de modification de la séquence d’ADN mais induisent toutefois des changements dans l’expression des gènes. Elles sont induites par l’environnement au sens large : la cellule reçoit des signaux l’informant sur son environnement, et se spécialise en conséquence, ou ajuste son activité.
[2]Les cohortes EDEN, pilotée par l’Inserm, le CHU de Poitiers et le CHU de Nancy ; PELAGIE, pilotée par l’Inserm ; et SEPAGES, pilotée par l’Inserm et le CHU Grenoble Alpes.
[3]La pré‐éclampsie est une pathologie de la grossesse caractérisée par une élévation de la pression artérielle et de la quantité de protéines présente dans les urines. Elle peut survenir au milieu du second trimestre ou plus tardivement, peu de temps avant l’accouchement ou parfois même après. Responsable d’un tiers des naissances de grands prématurés en France, ce syndrome est une cause majeure de retard de croissance intra‐utérin. Non traitée, elle peut mener au décès de la mère et/ou de l’enfant.
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Variole du singe : caractérisation de la réponse immunitaire après une infection |
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Variole du singe : caractérisation de la réponse immunitaire après une infection
06 Juin 2023 | Par Inserm (Salle de presse) | Immunologie, inflammation, infectiologie et microbiologie | Santé publique
En 2022-2023, une épidémie sans précédent de 87 000 cas de variole du singe est apparue dans des zones non endémiques. © Adobe Stock
En 2022-2023 une flambée de variole du singe due au virus monkeypox, appelé maintenant virus mpox (MPXV) a été responsable de 87 000 cas humains dans 170 pays[1]. La majorité des cas a été déclarée en dehors des zones habituelles de circulation du virus. Ce virus fait depuis l’objet d’une surveillance renforcée en Europe, près de 5 000 cas ont été recensés en France[2]. Des scientifiques et cliniciens de l’Institut Pasteur, du CNRS, de l’Inserm, du VRI et de l’AP-HP, ont étudié 470 sérums provenant d’individus vaccinés ou infectés par le virus MPXV afin de comprendre les mécanismes impliqués et de définir des corrélats de protection contre l’infection ou la gravité de la maladie[3]. Ils ont ainsi déterminé la sensibilité de ce virus aux anticorps neutralisants et analysé la réponse immunitaire de ces individus, infectés par MPXV ou vaccinés. Cette étude a permis de mettre en évidence le rôle du complément4, composant du système immunitaire inné, dans cette réponse. Les résultats ont été publiés dans la revue Cell Host & Microbe, le 4 mai 2023.
En 2022-2023, une épidémie sans précédent de 87 000 cas de variole du singe est apparue dans des zones non endémiques ; elle a touché ainsi des personnes sans lien direct avec un voyage en Afrique du Centre ou de l’Ouest où le virus est présent historiquement. Le virus MPXV est transmis essentiellement par des rongeurs à l’homme, puis la transmission interhumaine se fait par des gouttelettes respiratoires ou contact rapproché. Les symptômes sont atténués par rapport à ceux de la variole humaine, et la létalité est plus faible. Selon Santé publique France, environ 5 000 cas d’infection à MPXV ont été recensés en France depuis mai 20222. Le MPXV circule toujours, à très bas bruit dans les zones non endémiques, c’est pourquoi il est important de mieux le caractériser et d’analyser la réponse immunitaire des personnes infectées par le virus ou vaccinées par IMVANEX, le vaccin actuellement disponible, de troisième génération, développé initialement contre la variole humaine.
Les équipes de recherche ont collaboré avec des cliniciens, des vaccinologues et des virologues de trois hôpitaux français (Hôpital Henri Mondor de Créteil, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière et Hôpital d’Orléans) pour réaliser ces travaux multidisciplinaires. Le grand nombre de sérums analysés a permis d’obtenir une puissance statistique, et d’affiner l’analyse sur des sous-groupes de patients selon différents critères comme celui de l’âge par exemple.
Dans cette étude, publiée dans la revue Cell Host & Microbe, revue de référence sur les interactions entre microbes et système immunitaire, les scientifiques ont étudié la sensibilité du MPXV aux anticorps neutralisants (NAbs) générés après une infection par le virus et/ou une vaccination par IMVANEX. En effet, le vaccin IMVANEX a été utilisé comme prophylaxie pré et post-exposition dans les populations à haut risque, mais son efficacité reste mal caractérisée. Pour étudier cette sensibilité du virus, l’équipe de scientifiques a développé deux tests cellulaires pour la quantification des anticorps neutralisants en utilisant soit le virus atténué utilisé comme vaccin (MVA), soit une souche MPXV isolée chez un individu récemment infecté.
Cette étude a permis de mettre en évidence le rôle du complément[4], déjà connu pour d’autres poxvirus, et de décrire l’activité neutralisante des anticorps générés par l’infection ou la vaccination. Des niveaux robustes d’anticorps anti-MVA ont été détectés après une infection, une vaccination antivariolique historique, l’administration d’IMVANEX ou d’un autre vaccin candidat à base de MVA. MPXV est peu sensible à la neutralisation en l’absence de complément. L’ajout de complément issu de sérums améliore la détection par les individus qui ont des anticorps et augmente leur taux d’anticorps anti-MPXV. Quatre semaines après l’infection, des NAb anti-MVA et -MPXV ont été observés chez 94 % et 82 % des individus, respectivement. Deux doses d’IMVANEX ont généré des NAb anti-MVA et -MPXV détectables chez 92 % et 56 % des receveurs du vaccin, respectivement.
Le plus haut taux d’anticorps a été retrouvé chez les individus nés avant 1980 (donc vaccinés contre la variole) que ce soit après infection ou après administration d’IMVANEX, soulignant l’impact de la vaccination antivariolique historique sur les réponses immunitaires à l’infection ou à l’administration d’IMVANEX. Cela suggère qu’une sorte d’immunité hybride a été générée chez les individus infectés qui ont été vaccinés dans leur enfance.
Le nombre d’infections au MPXV ne cesse d’augmenter depuis l’arrêt de la vaccination massive contre la variole dans les années 1980.
« Les tests de neutralisation sensibles développés dans le cadre de ces travaux peuvent aider à définir des corrélats de protection contre l’infection ou la gravité de la maladie. Ces tests peuvent également être utilisés pour des enquêtes épidémiologiques, l’évaluation de la durée de protection conférée par une infection antérieure ou par des vaccins autorisés et candidats, et pour l’analyse de toute intervention immunothérapeutique. Ces tests représentent des outils utiles pour comprendre les mécanismes de multiplication de MPXV, ses effets sur la santé publique, et optimiser la prise en charge des patients, » commente Olivier Schwartz, responsable de l’unité Virus et immunité à l’Institut Pasteur, principal auteur de l’étude.
[1] Chiffres OMS.
[2] Santé Publique France. Variole du singe (MPXV) : point de situation en France au 27 avril 2023.
[3] Cette étude a été soutenue par l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes, qui a fourni des échantillons pour la réalisation de ce travail.
[4] Le complément est un groupe de protéines présent dans le sérum, qui participe à la défense de l’organisme. Il est impliqué dans les mécanismes d’élimination des pathogènes. Les travaux du pasteurien Jules Bordet sur le rôle du complément et des anticorps sont récompensés par le prix Nobel de physiologie ou médecine en 1919.
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