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MUCOVISCIDOSE |
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Mucoviscidose
Dossier réalisé en collaboration avec Claude Férec, directeur de l’unité mixte de recherche 1078 Inserm/Université de Bretagne occidentale/EFS, chef de service du laboratoire de génétique du CHU Brest, directeur adjoint et scientifique de l'EFS Bretagne - Septembre 2014
La mucoviscidose est une des maladies génétiques potentiellement graves les plus fréquentes en France et dans les pays occidentaux. Elle touche surtout les fonctions digestives et respiratoires. Ses symptômes invalidants et les complications infectieuses et fonctionnelles qui en découlent impactent l’espérance de vie des patients. Heureusement, les espoirs thérapeutiques se multiplient.
En France, 200 enfants naissent chaque année avec la mucoviscidose, soit en moyenne 1 sur 4 500 nouveaux-nés, avec une forte disparité régionale due aux socles génétiques locaux : la maladie concerne ainsi 1 enfant sur 3 000 en Bretagne, contre 1 sur 7 à 8 000 en Languedoc-Roussillon. Par ailleurs, les populations européennes sont plus fréquemment concernées que celles d’origine africaine ou asiatique. La France compterait 6 000 patients.
Aujourd’hui, grâce aux progrès de la recherche et à l’amélioration de la prise en charge de cette maladie, l’espérance de vie moyenne d’un patient est approximativement de 40 ans, alors qu’elle n’était que de 5 ans dans les années 1960. Il est probable que les enfants malades nés ces dernières années voient leur espérance de vie encore améliorée, a fortiori si de nouveaux traitements font prochainement leur apparition.
Une maladie liée à l’extrême instabilité du gène CFTR
La mucoviscidose est une maladie génétique dite ‘autosomique récessive’, transmise par deux parents porteurs sains : chacun d’eux transmet un allèle muté du gène codant pour la protéine CFTR (Cystic fibrosis transmembrane conductance regulator), présent au niveau du chromosome 7. Avec l'amélioration de l’espérance de vie des patients, la mucoviscidose peut aussi être transmise par un couple au sein duquel figure un malade et un porteur sain ou même deux malades.
La protéine CFTR est une protéine présente dans la membrane des cellules de différents muqueuses : respiratoire, digestive… Elle fonctionne comme un canal qui permet l’échange d’ions chlorures entre l’intérieur et l’extérieur de la cellule. Lorsque son gène est muté, le canal dysfonctionne. Par le biais de différentes cascades biologiques, il en résulte notamment une diminution de l’eau excrétée au niveau des muqueuses et, en conséquence, une inflammation et un épaississement du mucus qui le recouvre. Ce phénomène entraîne l’apparition des symptômes habituels de la mucoviscidose.
Le gène CFTR peut être porteur de nombreuses mutations : près de 2 000 altérations différentes du gène ont d’ores et déjà été identifiées. Parmi elles, la mutation Delta F508 est la plus fréquente : elle est présente chez 70 % des malades sous forme hétérozygote (une seule copie), et chez 50 % d’entre eux sous forme homozygote (deux copies).
Les différentes mutations identifiées engendrent des dysfonctionnements dont la sévérité est variable. Ainsi, la mucoviscidose est une maladie dont l’expression est plus ou moins sévère selon la nature des mutations portées par le patient. La mutation Delta F508, expose quant à elle à une forme relativement sévère de mucoviscidose.
Par ailleurs, il est aujourd’hui démontré que des gènes modificateurs, codant pour des protéines sans rapport direct avec le canal CFTR, peuvent aussi influencer l’expression de la maladie. Plusieurs d’entre eux ont été identifiés. Ils peuvent expliquer pourquoi deux patients ayant le même profil génotypique ne présentent pas la même expression phénotypique de la maladie.
Des symptômes respiratoires et digestifs prédominants
La mucoviscidose est une maladie qui se manifeste le plus souvent dès la naissance ou les premiers mois de vie. Elle touche principalement la fonction respiratoire et gastro-intestinale.
L’épais mucus qui encombre les bronches entraîne en premier lieu l’installation d’une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) qui épuise progressivement les capacités respiratoires du patient, entraînant à terme une insuffisance respiratoire. D’autres complications peuvent se développer avec le temps, comme des atélectasies (affaissement des alvéoles pulmonaires sur elles-mêmes) ou un pneumothorax (affection de la plèvre).
Le mucus présent dans les bronches fait également le lit d’infections bactériennes fréquentes et spécifiques par Staphylococcus aureus (staphylocoque doré), Haemophilus influenzae ou encore Pseudomonas aeruginosa.
Au niveau gastro-intestinal, près de 85 % des patients touchés par la mucoviscidose ont une insuffisance pancréatique, responsable d’une malabsorption des graisses. Seules les porteurs d’une ou deux mutations peu sévères peuvent espérer conserver la fonctionnalité de l’organe jusqu’à l’âge adulte, voire indéfiniment. Le mucus présent au sein du tractus intestinal favorise par ailleurs les stases (arrêt du transit), les alternances diarrhées/constipation, la malabsorption des nutriments et des vitamines.
Les hommes atteints de la maladie sont généralement stériles : les canaux déférents qui permettent d’évacuer les spermatozoïdes des testicules sont en effet obstrués in utero par un bouchon muqueux, provoquant leur involution.
Enfin, d’autres symptômes peuvent apparaître, souvent secondairement, sans que leur étiologie ne soit bien comprise : cirrhosedu foie, diabète, pathologies cardiaques…
Un diagnostic systématisé
Dans l’immense majorité des cas, la maladie est diagnostiquée dès la naissance de l’enfant, grâce à la démarche de dépistage systématique implantée dans toutes les maternités de France depuis 2002. Seuls quelques rares cas de mucoviscidose modérée ne seront identifiés qu’à un âge plus avancé, voire adulte.
Le dépistage systématique se déroule en deux temps : le premier consiste à doser la trypsine immunoréactive dans le sang des nouveau-nés au troisième jour de vie, à partir de quelques gouttes de sang prélevées par une piqûre au talon. Cette molécule est une enzyme pancréatique dont le passage dans le sang est favorisé par l’obstruction in utero des canaux pancréatiques par du mucus. Un taux élevé est associé à un risque élevé de mucoviscidose. Pour les enfants concernés, la présence des mutations du gène codant pour la protéine CFTR est recherchée dans le second temps, à partir du même échantillon sanguin. Si le test génétique est positif, le diagnostic de mucoviscidose peut être posé.
Un test biologique complémentaire est systématiquement réalisé. Ce test dit ‘de la sueur’ permet de doser les ions chlorures après avoir favorisé la sudation du patient. Ce taux est anormalement élevé chez les malades atteints de mucoviscidose.
Les couples dans lesquels existe une personne malade et ceux ayant déjà un enfant atteint bénéficient d’un conseil génétique. Ces rendez-vous sont notamment l’occasion de proposer une enquête génétique familiale, étendue ‘en cascade’ aux frères et sœurs. Ce travail permet d’identifier les porteurs sains de la famille : si dans un couple, les deux futurs parents sont concernés, ils pourront bénéficier d’un diagnostic prénatal.
Une prise en charge très spécialisée
Dès l’établissement du diagnostic, les personnes atteintes de mucoviscidose sont suivis au sein de centres de soins spécialisés, les Centres de ressources et de compétences de la mucoviscidose (CRCM). Le traitement qui leur est proposé est symptomatique : il vise à réduire les manifestations de la maladie et leurs complications. Il repose sur la prise de mucolytiques et de fluidifiants bronchiques, associée à des séances régulières de kinésithérapie améliorant l’expectoration bronchique. Tous les 3 à 4 mois, un traitement antibiotique préventif est prescrit pour limiter le risque d’infections respiratoires. Lorsque l’insuffisance respiratoire est terminale, une oxygénothérapie devient nécessaire. Une greffe pulmonaire peut aussi être envisagée en dernier recours. Afin de traiter les manifestations extrapulmonaires, des traitements antiinflammatoires, des extraits pancréatiques, des vitamines et supplémentations caloriques sont également prescrits.
Des pistes thérapeutiques encourageantes
Depuis la découverte du gène CFTR défectueux en 1989, les efforts de recherche se sont accentués. Ils ont permis de réelles avancées dans la compréhension de la maladie et ouverts plusieurs pistes de développement thérapeutique.
La première idée qui a émergé a été de corriger les anomalies génétiques responsables de la maladie par thérapie génique. Cette approche utilise un vecteur viral modifié pour introduire puis remplacer au sein des cellules souches pulmonaires le gène muté par sa version normale. Les essais cliniques conduits jusqu’à présent ont été décevants car les vecteurs utilisés (adénovirus, lentivirus) sont apparus immunogènes et le succès du ciblage des cellules souches aléatoire. Pour pallier ces inconvénients, des vecteurs de synthèse sont aujourd’hui développés. L’un d’eux, le GL67A (développé par un consortium britannique) est aujourd’hui en cours d’évaluation clinique.
La seconde alternative consiste à corriger le fonctionnement de la protéine CFTR. Les efforts de recherche ayant permis de déterminer précisément la structure et la configuration du canal sous sa forme normale, l’incidence de chaque mutation sur la fonctionnalité de la protéine CFTR a en effet pu être identifiée. Il est ainsi apparu que certaines mutations engendrent un défaut de repliement de la protéine CFTR sur elle-même, l’empêchant de s’intégrer à la membrane cellulaire. Mais d’autres version de la protéine mutée dysfonctionnent tout en étant bel et bien présente dans la membrane. Aujourd’hui, beaucoup d’équipes internationales cherchent donc à développer des molécules qui interagiraient avec la protéine CFTR, pour lui permettre de s’intégrer dans la membrane (correcteurs), ou pour améliorer son fonctionnement lorsqu’elle est présente mais inactive (potentiateurs).
En 2012, le premier médicament potentiateur, Kalydeco® (Laboratoire Vertex Pharmaceuticals) a reçu une autorisation européenne de mise sur le marché. Alors uniquement destiné aux patients porteurs de la mutation G551D (soit environ 4 % des diagnostics), la commercialisation de ce médicament a été élargie à 7 autres mutations en juillet 2014.
D’autres candidats médicaments sont en phase de développement ou d’essais cliniques ou précliniques. Parmi ces projets, une équipe internationale conduite par des chercheurs de l’Institut fédératif de recherche Necker-Enfants malades (CNRS/Inserm/Université Paris Descartes), étudie actuellement l’association de deux molécules – l’une correctrice et l’autre potentiatrice – qui permettrait de traiter les sujets porteurs de la mutation la plus fréquente Delta F508.
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MALADIES AUTO-IMMUNES |
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Maladies auto-immunes
Dossier réalisé en collaboration avec les Pr Olivier Boyer et François Tron, Unité 905 Inserm/Université de Rouen, Physiopathologie et biothérapies des maladies inflammatoires et autoimmunes & Laboratoire d'immuno-pathologie clinique et expérimentale du CHU de Rouen - Décembre 2012.
Les maladies auto-immunes résultent d'un dysfonctionnement du système immunitaire qui s’attaque aux constituants normaux de l’organisme, ou "auto-antigènes". C’est par exemple le cas du diabète de type 1, de la sclérose en plaques ou encore de la polyarthrite rhumatoïde.
Un système immunitaire pathogène
Normalement, le système immunitaire défend l’organisme vis-à-vis d’agressions extérieures et tolère ses propres constituants. Les maladies auto-immunes surviennent quand cette tolérance se rompt. Le système immunitaire devient alors pathogène et induit des lésions tissulaires ou cellulaires. Ces maladies évoluent de façon chronique tout au long de la vie, avec des phases de poussées et de rémissions.
Maladies systémiques et maladies spécifiques d'organe
Les maladies auto-immunes sont des pathologies hétérogènes. Elles sont classées en deux groupes : les maladies spécifiques d’organes et les maladies plus systémiques.
Dans le premier cas, le système immunitaire attaque les auto-antigènes spécifiques d’un organe donné, comme le pancréas dans le diabète de type 1 ou le cerveau dans la sclérose en plaques.
Dans le second cas, des auto-antigènes attaqués sont partagés par toutes les cellules de l’organisme, comme dans le lupus érythémateux systémique. En général, la thyroïde, les surrénales, l’estomac et le pancréas sont des organes touchés dans des maladies spécifiques d’un organe. La peau, les reins, les articulations et les muscles sont davantage impliqués dans les maladies systémiques.
Néanmoins, il existe souvent des chevauchements entre ces deux groupes.
L’allergie n’est pas une maladie auto-immune
Les allergies et les maladies auto-immunes se caractérisent toutes les deux par une réponse inappropriée du système immunitaire. Les maladies auto-immunes sont caractérisées par une réponse dirigée contre des composants normaux de l'organisme (auto-antigènes) alors que les allergies sont déclenchées par des substances exogènes de l'environnement comme des pollens, des médicaments, des produits chimiques... Leurs mécanismes intimes sont en outre différents.
Des maladies de prévalence croissante
Certaines maladies auto-immunes sont rares, atteignant moins d’un cas pour 6 000 habitants. Mais prises dans leur ensemble, elles sont fréquentes et leur prévalence est en augmentation constante. La plus fréquente d’entre elles est la thyroïdite auto-immune : elle concernerait 3 à 5 % des femmes.
Les maladies auto-immunes touchent en effet préférentiellement les femmes. Ainsi, plus de 80% des cas de lupus érythémateux systémique concernent des femmes. Le rôle des hormones sexuelles féminines rend compte, en majeure partie, de cette observation.
Une éducation du système immunitaire pour contrôler l'auto-immunité
"C'est quoi les lymphocytes ?", avec Karin Tarte
Il existe un certain degré d'auto-réactivité naturelle du système immunitaire. Cela signifie que, chez un individu normal, des lymphocytes B producteurs d’anticorps et les lymphocytes T reconnaissent nos propres cellules et leurs composants (ADN, protéines, noyaux cellulaires…) sans pour autant s’attaquer à eux. Le contrôle de l’autoréactivité, dans sa fréquence et son intensité, est lié à un processus "d’éducation". Celui-ci a lieu dans le thymus pour les lymphocytes T, et dans la moelle osseuse pour les lymphocytes B (tolérance centrale). Il permet d’éliminer les lymphocytes fortement auto-réactifs. Mais ce processus n'est que partiel. Des mécanismes complémentaires (tolérance périphérique) permettent de contrôler les lymphocytes auto-réactifs qui auraient échappé à ce processus central. Ces mécanismes sont variés : ils peuvent passer par la production de cytokines anti-inflammatoires, l’activité de cellules de contrôle appelées lymphocytes T ou B régulateurs, la séquestration d’auto-antigènes dans des tissus ou des régions auxquels les lymphocytes n’ont pas accès (par exemple les cellules du cristallin de l’œil), ou encore par l’indifférence des lymphocytes autoréactifs vis-à-vis des auto-antigènes…
C’est l’altération d’un ou de plusieurs de ces mécanismes qui entraine la prolifération de lymphocytes autoréactifs et l’apparition d’une maladie auto-immune.
Maladie auto-immune, la rupture de la tolérance au soi
Une maladie auto-immune survient quand les mécanismes de tolérance au soi deviennent défaillants, permettant aux lymphocytes autoréactifs d’attaquer les constituants de l’organisme. L’origine de cette rupture reste le plus souvent énigmatique. Il s’agit probablement de l’association de plusieurs facteurs génétiques, endogènes et environnementaux. On parle de maladie multifactorielle.
Les facteurs génétiques
Le terrain génétique est important, ce que souligne le caractère familial fréquent des maladies auto-immunes. Ainsi, dans le diabète de type 1, la fréquence de la maladie est de 0,4 % dans la population générale et de 5 % chez les apparentés.
Plusieurs gènes impliqués dans le fonctionnement du système immunitaire jouent un rôle important. C’est le cas des gènes HLA. Ils codent pour des protéines présentes à la surface des cellules et forgent l’identité biologique de l’individu. L’allèle HLA-B27 est ainsi observé chez plus de 90 % des malades atteints de spondylarthrite ankylosante alors qu’il n’est présent que chez 8 % des sujets sains. De même, il existe une forte association entre la polyarthrite rhumatoïde et l’allèle HLA-DR4 ou encore la maladie cœliaque et l’allèle HLA-DQ2.
Le plus souvent, les maladies auto-immunes d’origine génétique sont liées à l’association de plusieurs particularités génétiques : les cas dont la survenue est liée à la mutation d’un seul gène sont très rares. C'est néanmoins le cas de la polyendocrinopathie auto-immune type 1 (APECED) ou de l’entéropathie auto-immune de type 1 (IPEX). La première est liée à une mutation du gène AIRE qui entraine un défaut de tolérance centrale et la seconde est causée par une mutation du gène FoxP3 qui bloque la production de lymphocytes T régulateurs. Dans ces formes extrêmes, l'auto-immunité se développe dès l'enfance et les atteintes tissulaires sont multiples et graves.
Les facteurs endogènes et environnementaux
Parmi les autres facteurs susceptibles de contribuer au déclenchement de maladies auto-immunes, citons les facteurs endogènes comme les hormones, une inflammation chronique ou encore la libération d’auto-antigènes normalement séquestrés. Les facteurs exogènes comme des virus, des bactéries ou certains médicaments jouent également un rôle important.
La théorie de l’hygiène
Les populations vivant dans des pays développés à haut niveau d’hygiène développent davantage d’allergies et de maladies auto-immunes. Ce constat incite certains scientifiques à considérer que l’hygiène et l'utilisation des antibiotiques favoriseraient l’essor de ces maladies dans des populations de moins en moins soumises à l'épreuve des infections. L’effet protecteur de ces infections n’est pas élucidé, mais il pourrait faire intervenir la production de lymphocytes T régulateurs et de cytokines régulatrices.
Des mécanismes pathogènes bien identifiés
Suivant la maladie, les lésions qu’elle induit peuvent relever d’un seul ou de plusieurs des mécanismes pathologiques :
Les mécanismes liés aux lymphocytes T auto-réactifs
Les lymphocytes T auto-réactifs induisent des lésions cellulaires par différents mécanismes de toxicité (libération de molécules nocives pour les cellules, induction directe de la mort de la cellule cible…). L’identification de l’auto-antigène ciblé par le système immunitaire est alors cruciale pour la compréhension du mécanisme de la maladie.
Les mécanismes liés aux auto-anticorps
Les auto-anticorps produits par les lymphocytes B ont aussi une action pathogène : on observe une toxicité vis-à-vis des globules rouges dans les anémies hémolytiques auto-immunes, la formation de complexes immuns ("attaques" des anticorps) en cas de néphropathies glomérulaires du lupus, ou encore des interactions avec des récepteurs cellulaires comme dans le cas de la myasthénie (anticorps anti-récepteur de l’acétylcholine) ou dans l’hyperthyroïdie (anticorps anti-récepteur de la TSH). Autre exemple : des auto-anticorps dirigés contre des phospholipides peuvent interférer avec des facteurs de la coagulation sanguine.
Certains auto-anticorps peuvent être transmis de la femme enceinte à l'enfant qu'elle porte, via le placenta. C’est le cas des anticorps dirigés contre le récepteur de l’acétylcholine dans la myasthénie. L’enfant présente alors les symptômes de la maladie à la naissance, mais ils disparaissent lorsque les anticorps maternels sont éliminés, au cours des premières semaines de vie.
Les mécanismes liés aux cytokines
La sécrétion anormale de cytokines joue aussi un rôle, en favorisant l’inflammation et la dérégulation de l’immunité. Il peut notamment s’agir de cytokines pro-inflammatoires comme l’interleukine-1 ou le facteur TNF alpha, impliqués dans la polyarthrite rhumatoïde.
Maladie auto-immune, un diagnostic par étapes
Le diagnostic d’une maladie auto-immune repose sur plusieurs éléments cliniques, immunologiques et parfois génétiques :
- Les symptômes cliniques permettent d’évoquer une maladie auto-immune. L’imagerie médicale complète l’examen clinique et caractérise les lésions des organes cibles: par exemple, la survenue répétée de déficits neurologiques accompagnée de lésions démyélinisantes du cerveau à l'IRM permet d’évoquer une sclérose en plaques.
- Le diagnostic immunologique au laboratoire consiste à rechercher des auto-anticorps spécifiques de la maladie: par exemple, anticorps anti-ADN natif au cours du lupus érythémateux systémique, anti-récepteur de l’acétylcholine au cours de la myasthénie ou anti-protéines citrullinées au cours de la polyarthrite rhumatoïde. Dans certaines maladies comme la sclérose en plaques, il n’y a pas d’auto-anticorps spécifiques mais l’analyse du liquide céphalorachidien peut détecter une surproduction d’immunoglobulines.
- Le diagnostic génétique permet d’identifier des gènes de susceptibilité, par exemple HLA-B27 chez les patients suspectés de spondylarthrite ankylosante.
Des traitements immunosuppresseurs aux thérapies ciblées
Les traitements des maladies auto-immunes ont globalement pour objectif de contrôler et réduire la réponse immunitaire et l’inflammation. Ils doivent être pris sur le long terme et ne permettent pas de guérir la maladie. Ils contrôlent les poussées et les manifestations cliniques de la maladie.
Ces traitements reposent sur l’utilisation de médicaments immunosuppresseurs, qui agissent de façon non spécifique sur le système immunitaire. Ils associent habituellement la corticothérapie et d'autres molécules comme la cyclophosphamide, le méthotrexate, l’azathioprine, la ciclosporine...
La plasmaphérèse est parfois utilisée pour diminuer la concentration d'auto-anticorps dans le sang des patients atteints, par exemple, de myasthénie ou du syndrome de Guillain-Barré. Cette technique consiste à filtrer le sang des patients, de sorte à retenir une fraction riche en immunoglobulines (anticorps) et à réinjecter les globules blancs et rouges. La stratégie n'a qu'un effet partiel et transitoire.
L’utilisation d’immunoglobulines intraveineuses peut également être utile dans certaines situations. Un mélange d’immunoglobulines constitué à partir du sang d’environ 1 000 donneurs sains permet d’obtenir un produit aux propriétés immunorégulatrices efficaces, susceptible de neutraliser les anticorps pathogènes ou de réguler la production d’auto-anticorps. Cependant, cette approche n’est pas toujours efficace.
Des biomédicaments sont disponibles pour traiter certaines maladies auto-immunes. On parle de biomédicaments car leur principe de fabrication repose sur la biologie et non sur la chimie. Il s’agit molécules (anticorps monoclonaux ou analogues de récepteurs solubles) qui ciblent des substances impliquées dans le processus pathologique, par exemple le TNF-alpha dans la polyarthrite rhumatoïde, la maladie de Crohn ou le psoriasis, ou encore l’interféron alpha dans le lupus érythémateux systémique. Ces médicaments ont parfois une efficacité spectaculaire. Plus d'une vingtaine de nouveaux biomédicaments sont actuellement en développement dans le monde.
L’ensemble de ces traitements limitent l'activation du système immunitaire. Ils augmentent donc le risque d’infection et nécessitent en conséquence un suivi régulier.
La recherche : des molécules ciblées à la thérapie cellulaire
De nombreux biomédicaments sont déjà sur le marché et d’autres sont en cours de développement. Certaines molécules sont dirigées contre de nouvelles cytokines pro-inflammatoires telle que l'IL-17, active dans la polyarthrite rhumatoïde et les myosites. D’autres sont dirigées contre les lymphocytes B (rituximab) et ont déjà démontré une efficacité certaine. D’autres encore ciblent des "facteurs de costimulation" nécessaires à l’activation des lymphocytes T auto-réactifs (abatacept, déjà utilisés en transplantation d'organe), ou bloquent la migration des lymphocytes vers les organes ciblés par la maladie (sphingolimod).
Pour identifier de nouvelles cibles thérapeutiques, les chercheurs travaillent activement à l’identification des mécanismes en cause dans les différentes maladies auto-immunes. Ils disposent pour cela de modèles animaux reproduisant presque toutes ces pathologies, de façon spontanée ou induite. L’exemple les plus connu est probablement celui des souris NOD, qui développent spontanément un diabète auto-immun ressemblant à celui de l'homme.
Les chercheurs tentent également d’identifier de nouveaux biomarqueurs, le plus souvent des auto-anticorps spécifiques d’une maladie, pour améliorer le diagnostic de ces pathologies et mieux évaluer l’efficacité des traitements. Tout récemment, un progrès a été effectué dans la sclérose en plaques : des chercheurs ont pour la première fois découvert dans cette maladie des auto-anticorps dirigés contre un canal potassique de la membrane cellulaire, empêchant ce dernier de jouer son rôle dans la transmission des influx nerveux.
Des équipes travaillent également sur une autre stratégie thérapeutique : la thérapie cellulaire. L’objectif est de restaurer la fonction d’organes lésés en y injectant des cellules souches capables de se différencier et de fonctionner localement. Ainsi, le Centre hospitalier universitaire de Montpellier coordonne un programme ADIPOA destiné à tester cette technique dans l'arthrose. Les scientifiques travaillent avec des cellules souches mésenchymateuses (présentes dans la moelle osseuse et le tissu adipeux) qui sont injectées dans les articulations des patients. L’objectif est que ces cellules souches se différencient en cellules du cartilage et restaurent la fonction des articulations. Ces cellules pourraient avoir également des propriétés immuno-régulatrices, particulièrement intéressantes dans le cadre de la prise en charge des maladies auto-immunes.
Enfin, d’autres chercheurs s’intéressent au microbiote (flore bactérienne) des patients. Certaines données suggèrent en effet que la composition de la flore intestinale des personnes atteintes de maladie auto-immunes jouerait un rôle dans l’inflammation et la régulation du système immunitaire. C’est le cas dans la sclérose en plaques ou la maladie cœliaque.
L’interleukine 2 régule la réponse immunitaire
Une équipe de l’Inserm a récemment expérimenté avec succès l’utilisation de l’interleukine 2 chez des patients présentant des vascularites liées à une infection par le virus de l’hépatite C. En injectant de petites doses d’interleukine 2 chez ces patients, ils ont réussi à stimuler sélectivement la population de lymphocytes T régulateurs impliquée dans la modération de la réponse immunitaire et à améliorer les symptômes chez les patients. Une première quand on sait que l’interleukine 2 utilisée à haute dose pour lutter contre certains cancers est toxique et que son administration risquait en parallèle de stimuler les lymphocytes T effecteurs responsables de la maladie. Des nouveaux essais doivent venir conforter ces premiers résultats.
Source : David Saadoun, Michelle Rosenzwajg, Florence Joly, Adrien Six, Fabrice Carrat, Vincent Thibault, Damien Sene, Patrice Cacoub, David Klatzmann. Efficacy of low-dose IL-2 in HCV-vasculitis. N Engl J Med 2011;365:2067-77.
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DÉPRESSION |
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Dépression
Dossier réalisé en collaboration avec le Pr Bruno Aouizerate, psychiatre au Centre hospitalier Charles Perrens de Bordeaux, directeur adjoint des soins au sein de la Fondation FondaMental, chercheur au Neurocentre Magendie (unité Inserm 862) – Université de Bordeaux - Août 2014.
La dépression est une maladie qui touche tous les âges, depuis l’enfance jusque très tard dans la vie. Ses nombreux symptômes, parmi lesquels la tristesse ou la perte de plaisir, sont très handicapants et accroissent le risque suicidaire. La maladie peut être soignée efficacement grâce aux médicaments antidépresseurs et à la psychothérapie. Toutefois, le risque de rechute est extrêmement présent et persiste plusieurs années après la rémission. Les chercheurs tentent de comprendre pourquoi certaines personnes sont plus vulnérables que d’autres à la dépression. Au fur et à mesure de leurs découvertes sur les mécanismes de la maladie, de nouvelles pistes thérapeutiques se profilent.
Des symptômes clairement identifiés
Le diagnostic de la dépression répond à des critères très précis fixés par l’Organisation mondiale de la santé (CIM-10, en anglais) et l’Association américaine de psychiatrie (DSM-5, en anglais). Il existe neuf symptômes caractéristiques de la dépression. Pour que le diagnostic de dépression puisse être posé, le patient dépressif doit en présenter au moins cinq, presque tous les jours depuis au moins deux semaines, dont obligatoirement l’un des deux premiers de la liste :
* une tristesse quasi-permanente, avec parfois des pleurs (humeur dépressive)
* une perte d’intérêt et du plaisir à l'égard des activités quotidiennes, même celles habituellement plaisantes (anhédonie)
* un sentiment de dévalorisation et de culpabilité excessif ou inapproprié
* des idées de mort ou de suicide récurrentes, le sentiment que la vie ne vaut pas la peine d’être vécue
* un ralentissement psychomoteur
* une fatigue (asthénie), souvent dès le matin
* une perte d’appétit, souvent associée à une perte de poids
* des troubles du sommeil avec en particulier des insomnies matinales
* des difficultés attentionnelles, de concentration et de mémorisation
Pour les patients qui présentent entre 5 et 7 symptômes, la dépression est considérée comme légère à modérée. Au-delà de 8, elle est dite sévère. Des échelles d’autoévaluation (évaluation par le patient lui-même) ou d’hétéro-évaluation (par le médecin) permettent d’évaluer plus précisément la sévérité de ces symptômes, comme l’échelle de dépression de Hamilton (HDRS) ou encore l’échelle de dépression de Montgomery et Asberg (MADRS).
Les rechutes, principal facteur de risque à moyen et long terme
Un premier épisode dépressif peut se résoudre par une rémission spontanée dans les 6 à 12 mois. Mais les épisodes isolés sont assez rares : une première dépression annonce souvent une récidive. Celle-ci intervient dans les cinq années suivantes dans 50 % à 80 % des cas.
Généralement, plus les récidives sont nombreuses, plus la dépression est sévère et le pronostic à long terme compromis. Certains facteurs, par exemple le fait de vivre seul, augmentent le risque de chronicisation de la dépression.
L’objectif du traitement est de réduire les symptômes mais
aussi de limiter ce risque de récidive à moyen et long terme.
De l’isolement au suicide, des complications dramatiques
Les symptômes dépressifs ont des répercussions familiales, sociales et professionnelles. En effet, il peut être difficile pour l’entourage de comprendre et d’accepter qu’un adulte se lève fatigué, pleure sans raison et n’ait envie de rien faire. Côté vie professionnelle, une étude de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), datant de 2014, indique notamment qu’un homme présentant une dépression caractérisée a moins de chance que les autres de conserver son emploi à moyen terme : 82 % versus 93 % à 4 ans.
Selon un rapport de l’Académie de médecine, le risque de tentative de suicide est multiplié par 21 en cas d’épisode dépressif, et par quatre en cas de rémission partielle par rapport à la rémission complète. Au final, entre 5 à 20 % des patients se suicident. La majorité d’entre eux n’ont pas reçu d'antidépresseurs, faute de diagnostic ou de problèmes de suivi. Les personnes sous antidépresseurs au long cours ont un risque suicidaire moindre.
La dépression est en outre associée à une morbidité et une mortalité cardiovasculaire accrue. Elle altère le pronostic des patients présentant ce type d’affections. Elle est d’ailleurs le principal facteur de mortalité après un infarctus du myocarde.
Une maladie qui touche tous les âges
On estime que près d’une personne sur cinq a souffert ou souffrira d’une dépression au cours de sa vie.
Les données de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé indiquent qu’en 2010, 7,5 % des 15-85 ans avaient vécu un épisode dépressif caractérisé au cours des 12 derniers mois, avec une prévalence deux fois plus importante chez les femmes que chez les hommes. Les chiffres varient par tranche d’âge : 6,4 % chez les 15-19 ans, 10,1 % chez les 20-34 ans, 9 % chez les 35-54 ans et 4,4 % entre 55 et 85 ans. Chez les hommes, la prévalence est maximale entre 45 et 54 ans (10,3 %).
La dépression ne concerne pas que les adultes. La prévalence des troubles dépressifs est estimée à entre 2,1 à 3,4 % chez l’enfant et à 14 % chez l’adolescent. Chez ces jeunes patients, le diagnostic est plus difficile à réaliser que chez l’adulte : les manifestations de la dépression varient en effet en fonction du stade de développement, qui modifie les capacités d’introspection et de communication.
La dépression post-partum
L’arrivée d’un enfant entraine souvent chez la mère des émotions excessives, avec des pleurs incontrôlés dans les jours qui suivent la naissance : c’est le baby blues. Les changements hormonaux brutaux et les facteurs émotionnels en sont la cause. La rémission est le plus souvent très rapide.
Mais chez certaines femmes, cette humeur persiste et une dépression peut alors s’installer. Plusieurs facteurs accroissent le risque de dépression post-partum : se sentir seule, avoir des difficultés financières ou encore des antécédents de dépression.
Cet état peut peser sur la relation précoce entre la mère et son enfant, voire menacer la bonne santé et la sécurité du nourrisson (en cas de difficultés à s’intéresser à l’enfant ou à s’en occuper). Une prise en charge rapide et efficace s’impose.
Des facteurs de risque en cours d’identification
Des situations et des événements de la vie (un décès, une perte d’emploi, une séparation…) sont associés à un risque accru de dépression. C’est aussi le cas de traumatismes précoces, notamment affectifs ou sexuels, survenus au cours l’enfance. Néanmoins, toutes les personnes exposées à ce type d’événements ne développent pas la maladie. De plus, certaines personnes font une dépression sans motif apparent. Il existe donc une susceptibilité individuelle à la dépression.
Cette vulnérabilité est en partie génétique. Ainsi, un individu dont l’un des parents fait une dépression a deux à quatre fois plus de risque d’être lui-même dépressif au cours de sa vie. Certaines variations génétiques associées à cette vulnérabilité ont été identifiées, par exemple au niveau des gènes codant pour le transporteur de la sérotonine (un neurotransmetteur) ou pour un facteur essentiel à la prolifération, la différenciation et la survie des neurones (le BDNF pour Brain-Derived Neurotrophic Factor). Néanmoins, l’impact de ces variations génétiques dépend de l’environnement. On parle d’interaction gène-environnement. Des travaux ont par exemple montré que certains des individus qui développent davantage de dépression et d’idées suicidaires après des stress précoces (menaces, abandon, violences, abus pendant l’enfance) sont ceux qui possèdent des « versions courtes » du gène codant pour le transporteur à la sérotonine.
Neurones à noradrénaline.
D’autres mécanismes semblent impliqués. Ainsi, un déficit dans la régulation du système de réponse au stress (l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien) et des anomalies des neurones de l’hippocampe (région du cerveau impliquée dans la cognition et les émotions) sont souvent observés chez les patients sévèrement déprimés. Ces deux phénomènes sont d’ailleurs vraisemblablement liés : l’altération de la réponse au stress conduit à une sécrétion anormalement élevée de cortisol (l’hormone du stress) qui est potentiellement neurotoxique et peut entrainer une désorganisation, voire une dégénérescence neuronale dans l’hippocampe. L’augmentation de la sécrétion de cortisol entraîne en effet une diminution de la production du BDNF (Brain Derived Neurotrophic Factor), un facteur essentiel à la prolifération, la différenciation et la survie des neurones.
Des traitements efficaces dans près de 70 % des cas
L’objectif du traitement de la dépression est la réduction des symptômes et de leurs répercussions dans la vie quotidienne, ainsi que la prévention de récidives ultérieures. Les traitements antidépresseurs et/ou la psychothérapie permettent d’obtenir une guérison dans 67 % des cas, parfois après plusieurs séquences de traitement.
* Les antidépresseurs
Les médicaments antidépresseurs ciblent en général les neurones à sérotonine et/ou noradrénaline et/ou dopamine. Ils stimulent la neurotransmission monoaminergique par divers mécanismes. Leur efficacité n’est pas immédiate : l’amélioration des symptômes s’observe le plus souvent après 3 semaines de traitement, parfois plus.
Ces médicaments doivent être pris régulièrement pendant 6 à 12 semaines pour surmonter la phase aiguë de la dépression. Le traitement doit se prolonger 4 à 9 mois (phase de consolidation) pour en maintenir le bénéfice et réduire le risque de rechute. Lorsqu’un patient en est à son troisième épisode dépressif ou plus, le traitement doit se prolonger pendant plusieurs années pour éviter une nouvelle récidive (on parle de phase d’entretien). Les données varient sur la durée optimale du traitement, qui peut aller jusqu’à 5 ans.
L’arrêt du traitement avant la durée recommandée par le médecin expose à un risque plus élevé d’échec de guérison, à moyen ou long terme. Cet arrêt doit en outre se faire de manière progressive, habituellement sur une durée de quelques semaines.
Un premier traitement antidépresseur est efficace dans 40 % des cas. En cas d’échec de deux, voire trois séquences thérapeutiques successives, les chances de succès avec un nouveau traitement chutent à 13 %.
* La psychothérapie
La psychothérapie peut être recommandée, seule en cas de dépression légère ou en association avec les antidépresseurs dans les formes plus sévères. Elle peut améliorer les symptômes dépressifs et anxieux, diminuer la fréquence des récidives et même conduire à une rémission durable. La thérapie cognitivo-comportementale a notamment fait la preuve de son efficacité dans la prise en charge de la dépression.
* L’électroconvulsivothérapie
L’électroconvulsivothérapie (électrochocs) a sa place dans le traitement de la dépression sévère, résistante aux antidépresseurs et à la psychothérapie. Elle peut aussi être utilisée en situation d’urgence (risque suicidaire très élevé). Son efficacité est très bonne, avec 80 à 90 % de taux de réponse. Concrètement, lors d’une séance d’électroconvulsivothérapie le patient est placé sous anesthésie générale et un courant électrique est appliqué au niveau de la zone frontale de son cerveau. Deux à trois séances sont réalisées par semaine. L’amélioration des symptômes est rapide, s’observant après quelques séances. Parfois un traitement d’entretien est nécessaire, avec environ une séance par semaine ou tous les 15 jours, voire de façon plus espacée.
* Stimulation magnétique transcrânienne / Stimulation cérébrale profonde
La stimulation magnétique transcrânienne (TMS) est une alternative thérapeutique possible pour les personnes souffrant de dépression. L’utilisation de la stimulation cérébrale profonde est en revanche expérimentale et ne s’adresse qu’aux formes très résistantes de la maladie. En France, seule une dizaine de patients souffrant de dépression a été éligible à la stimulation cérébrale profonde. La technique consiste à implanter deux électrodes dans des régions cérébrales profondes (notamment dans le cortex cingulaire antérieur sous-génual ou le striatum ventral). Les modifications électriques de l’activité des neurones ciblés peuvent très significativement réduire la sévérité des symptômes, avec 50 à 60 % de réponse favorable.
A la recherche de nouveaux traitements et de marqueurs
Les chercheurs tentent de mieux comprendre la dépression et s’orientent pour cela dans des voies très variées : génétique, anatomique, inflammatoire.
Les observations qui découlent de ces travaux renseignent progressivement sur les mécanismes de la maladie et permettent d’envisager de nouvelles cibles thérapeutiques. Il apparaît ainsi par exemple que la dépression est associée à une élévation du taux de plusieurs facteurs d’inflammation, comme des cytokines proinflammatoires (interleukine 6, TNF alpha) et la protéine C réactive (CRP). L’implication des neurostéroïdes ou des endocannabinoïdes est aussi à l’étude. Des modifications des concentrations périphériques de certains neurostéroïdes (DHEA, alloprégnanolone…) ou d’endocannabinoïdes (anandamine, 2-AG) ont en effet été observées chez les patients déprimés.
Les chercheurs tentent par ailleurs d’identifier des marqueurs de réponse aux traitements qui permettraient de choisir d’emblée la bonne stratégie thérapeutique pour chaque patient. Des travaux ont par exemple montré qu’une hypoactivité du cortex insulaire (impliqué dans la réponse émotionnelle) est associée à de bonnes chances de rémission par thérapie cognitive mais à une faible réponse aux antidépresseurs. A l’inverse, si cette région corticale est hyperactive les antidépresseurs donneront de meilleurs résultats que la thérapie comportementale. Par ailleurs, des modifications de l’activité fonctionnelle au niveau du cortex orbitofrontal (qui joue un rôle majeur dans la régulation des émotions) semblent également associées à une bonne réponse à certains antidépresseurs. Enfin, l’activité des récepteurs à la sérotonine pourrait aussi constituer un marqueur de réponse aux traitements : les chances de rémission sont en effet plus élevées si ce récepteur fixe fortement la sérotonine au niveau cérébral.
L’identification de marqueurs de vulnérabilité permettant de prédire une rechute après un premier épisode dépressif est un autre champ de recherche. Pour les découvrir, les chercheurs mesurent les concentrations de différents marqueurs associés à la dépression et regardent comment elles évoluent en cas de rémission. Il a ainsi été montré que le taux de monoamine oxydase (impliquée dans la dégradation de la sérotonine, noradrénaline et de la dopamine) mesuré dans le cerveau est associé au risque de rechute : si ce taux reste élevé après une première phase de traitement, cela laisse présager d’une rechute. Le pronostic est meilleur si ce taux diminue. D’autres travaux récents montrent que les personnes qui ont des taux de cortisol (l’hormone du stress) élevés après traitement par antidépresseur sont plus à risque de récidive dans les 2 à 3 ans qui suivent que celles dont les taux sont plus faibles. Des travaux similaires sont actuellement menés sur certains récepteurs de la sérotonine.
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Corriger la dyslexie en rythme |
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Corriger la dyslexie en rythme
27 octobre 2015
Des séances hebdomadaires de musique rythmée pendant quelques mois améliorent considérablement les capacités de lecture des enfants dyslexiques. Une approche complémentaire à l’orthophonie qui mérite d’être développée.
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La musique pourrait aider votre enfant à venir à bout de sa dyslexie. C’est ce que montre une équipe Inserm qui a soumis des enfants à une cure d’apprentissage musical ou d’art plastique pendant six mois. Les résultats sont très en faveur de la musique, sous réserve qu’elle implique du rythme. Le solfège seul ne suffit pas.
Tout est parti de travaux antérieurs montrant que le traitement de la musique et du langage (impliquant le discernement des sons), s’effectue dans les mêmes zones du cerveau, en particulier les aires temporales et l’aire dite de Broca. Et de fait, des études menées chez de grands musiciens qui s’exercent pendant des heures montrent que leurs capacités de langage sont exacerbées. Ils discriminent beaucoup mieux les sons et apprennent plus facilement une langue étrangère que la moyenne. « Le rythme semble réguler l’activité oscillatoire cérébrale qui est nécessaire au traitement du langage et à la reconnaissance des sons » confirme Daniele Schön*, coauteur de ces travaux.
Or la dyslexie, qui se manifeste par des difficultés de lecture, serait due à un problème d’encodage des sons. Les enfants auraient par exemple du mal à différencier un BA d’un PA, et seraient donc incapables de restituer deux sons différents à la lecture, laissant croire à une incapacité à reconnaître les lettres. Et là encore, de précédents travaux ont montré que les enfants qui ont des difficultés en lecture présentent également des problèmes de coordination sur le rythme que ce soit en chant, en danse, ou tout simplement en tapant des mains sur une mélodie.
Musique versus art plastique
Suite à cette revue de littérature et à ce faisceau d’éléments convergents, les chercheurs ont testé le bénéfice d’une cure de musique chez des enfants dyslexiques de 8 à 11 ans. Pour vérifier que les progrès éventuels ne seraient pas liés à l’investissement personnel dans une activité ou encore au fait de vieillir de quelques mois, ils ont également demandé à un autre groupe d’enfants présentant le même profil de suivre des séances d’art plastique. Ces traitements étaient dispensés lors de séances collectives, deux fois par semaine et pendant six mois. Parallèlement, tous les participants ont également effectué des exercices d’orthophonie. Pour les séances de musique, des professeurs avaient été formés à une pédagogie particulière axée sur les rythmes pour que tous les enfants bénéficient de la même formation. Néanmoins, « en situation réelle, tout programme incluant du rythme, que ce soit via le chant ou encore la danse, est intéressant », précise le chercheur.
Au terme des séances, les auteurs ont demandé à tous les enfants de lire un texte et ont constaté que 60% des enfants du groupe "musique" s’étaient amélioré en lecture au point de sortir des critères diagnostic de dyslexie, contre seulement 28% de ceux du groupe "art plastique". Les chercheurs ont en outre soumis aux enfants un autre texte, contenant des mots inventés de façon à tester leurs capacités de déchiffrage : 75% des enfants du groupe "musique" ont performé, contre 36% dans le groupe "art plastique".
Un programme facilement applicable
Ces résultats sont tout simplement impressionnants. "Il y a véritablement un transfert de compétence au sein du cerveau, du rythme vers l’habilité à discerner les sons et donc à lire correctement, explique le chercheur. Et on peut imaginer que pour les enfants plus lents à progresser, le bénéfice de la musique devrait se poursuivre avec le temps". En outre, ce traitement est assez facilement applicable : "Les séances ne demandent pas d’expertise particulière de la part des professeurs et il existe des musicothérapeutes ou professeurs de musique qui ont l’habitude de ces pratiques. Il faut juste du rythme ! L’enfant doit s’amuser et avoir envie d’y aller. Et le coût peut être assez modéré. Mais ces séances doivent venir en complément de l’orthophonie qui n’a jamais été abandonnée pendant notre étude et qui reste un pivot de la prise en charge", conclut-il.
Note
*unité 1106 Inserm/Université Aix-Marseille, Institut de neurosciences des systèmes, Marseille
Source
E. Flaugnacco et coll. Music Training Increases Phonological Awareness and Reading Skills in Developmental Dyslexia: A Randomized Control Trial PLoS One du 25 septembre 2015
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