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Percée majeure dans le traitement de la maladie de Parkinson : une neuroprothèse permet de restaurer une marche fluide |
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Percée majeure dans le traitement de la maladie de Parkinson : une neuroprothèse permet de restaurer une marche fluide
06 Nov 2023 | Par Inserm (Salle de presse) |
Neurosciences, sciences cognitives, neurologie, psychiatrie
Contrairement aux traitements conventionnels de la maladie de Parkinson, cette neuroprothèse vise la zone de la moelle épinière responsable de l’activation des muscles des jambes pendant la marche. © CHUV
Des neuroscientifiques de l’Inserm, du CNRS et de l’université de Bordeaux en France, avec des chercheurs et neurochirurgiens suisses (EPFL/CHUV/UNIL), ont conçu et testé une « neuroprothèse » destinée à corriger les troubles de la marche associés à la maladie de Parkinson. Dans une étude publiée dans Nature Medicine, les scientifiques détaillent le processus de développement de la neuroprothèse utilisée pour traiter un premier patient atteint de la maladie de Parkinson, lui permettant de marcher avec fluidité, confiance et sans chute.
Des troubles de la marche invalidants surviennent chez environ 90 % des personnes qui présentent un stade avancé de la maladie de Parkinson. Ces troubles de la marche résistent souvent aux traitements actuellement disponibles. Développer de nouvelles stratégies permettant aux patients de remarcher avec fluidité, en écartant le risque de chute, constitue donc une priorité pour les équipes de recherche qui travaillent sur cette maladie depuis de longues années.
C’est le cas d’Erwan Bézard, neuroscientifique à l’Inserm, et de son équipe à l’Institut des maladies neurodégénératives (CNRS/Université de Bordeaux), dont le travail porte notamment sur la compréhension des mécanismes pathogéniques à l’origine de la maladie de Parkinson et sur le développement de stratégies pour rétablir la motricité dans différentes pathologies. Depuis plusieurs années, il collabore avec une équipe suisse dirigée les Pr Grégoire Courtine, neuroscientifique, et Jocelyne Bloch, neurochirurgienne, spécialisés dans le développement de stratégies de neuromodulation de la moelle épinière.
En 2016, l’équipe franco-suisse avait par exemple déjà publié dans Nature des travaux montrant l’efficacité d’une interface cerveau-moelle épinière – dite « neuroprothèse » – pour restaurer le fonctionnement d’un membre paralysé suite à une lésion de la moelle épinière. Les résultats prometteurs avaient incités les scientifiques à poursuivre leurs efforts et laissaient espérer des effets bénéfiques dans la maladie de Parkinson avec un dispositif similaire.
Éviter les chutes et le freezing
Dans cette nouvelle étude, l’équipe a donc mis au point une neuroprothèse comparable pour pallier les chutes et le phénomène de freezing – quand les pieds restent collés au sol pendant la marche – parfois associé à la maladie de Parkinson.
Contrairement aux traitements conventionnels de la maladie de Parkinson, qui ciblent les régions du cerveau directement touchées par la perte des neurones producteurs de dopamine, cette neuroprothèse vise la zone de la moelle épinière responsable de l’activation des muscles des jambes pendant la marche, qui n’est a priori pas directement affectée par la maladie de Parkinson. Néanmoins, la moelle épinière est sous le contrôle volontaire du cortex moteur, dont l’activité est modifiée par la perte des neurones dopaminergiques.
S’appuyant sur leur expertise complémentaire, les équipes française et suisse ont pu développer et tester la neuroprothèse dans un modèle de primate non humain reproduisant les déficits locomoteurs dus à la maladie de Parkinson. Le dispositif a non seulement permis d’atténuer les déficits locomoteurs, mais aussi de rétablir la capacité de marche dans ce modèle en diminuant les phénomènes de freezing.
« L’idée de développer une neuroprothèse stimulant électriquement la moelle épinière pour harmoniser la démarche et corriger les troubles locomoteurs de patients parkinsoniens est le fruit de plusieurs années de recherche sur le traitement de la paralysie due aux lésions médullaires », explique Erwan Bézard, directeur de recherche Inserm à l’Institut des maladies neurodégénératives (université de Bordeaux/CNRS).
« Des tentatives précédentes de stimulation de la moelle ont échoué car elles stimulaient en bloc les centres locomoteurs sans tenir compte de la physiologie. Dans le cas présent, il s’agit d’une stimulation qui se superpose au fonctionnement naturel des neurones de la moelle en stimulant, avec une coordination spatiotemporelle, les différents groupes musculaires responsables de la marche », ajoutent Grégoire Courtine et Jocelyne Bloch, codirecteurs de NeuroRestore, le centre de recherche installé en Suisse romande.
Ces résultats prometteurs ont permis d’ouvrir la voie à un développement clinique, pour tester le dispositif chez un patient.
Une amélioration grâce à la neuroprothèse
Un premier patient, âgé de 62 ans, et vivant avec la maladie depuis trois décennies, a ainsi été opéré il y a deux ans au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), à Lausanne. Au cours d’une intervention neurochirurgicale de précision, Marc, originaire de Bordeaux, a été équipé de cette nouvelle neuroprothèse, constituée d’un champ d’électrodes placé contre la région de sa moelle épinière qui contrôle la marche et d’un générateur d’impulsions électriques implanté sous la peau de son abdomen.
Grâce à la programmation ciblée des stimulations de la moelle épinière qui s’adaptent en temps réel à ses mouvements, Marc a rapidement vu ses troubles de la marche s’estomper. Après une rééducation de quelques semaines avec la neuroprothèse, il a retrouvé une marche presque normale.
Cette neuroprothèse ouvre donc de nouvelles perspectives pour traiter les troubles de la marche dont souffrent de nombreuses personnes atteintes de la maladie de Parkinson. Toutefois, à ce stade, ce concept thérapeutique a démontré son efficacité chez une seule personne, avec un implant qui doit encore être optimisé pour un déploiement à grande échelle.
Les scientifiques travaillent donc à la mise au point d’une version commerciale de la neuroprothèse[1] intégrant toutes les fonctionnalités indispensables pour une utilisation quotidienne optimale. Des essais cliniques sur un plus grand nombre de patients doivent également démarrer dès l’année prochaine[2].
« Notre ambition est de généraliser l’accès à cette technologie innovante afin d’améliorer significativement la qualité de vie des patients atteints de la maladie de Parkinson, partout dans le monde », concluent les chercheurs.
[1] En partenariat avec la compagnie ONWARD Medical, une entreprise installée en Suisse qui développera ces implants.
[2] Grâce à un don d’un million de dollars de la Michael J. Fox Foundation for Parkinson’s research, le centre NeuroRestore va initier des essais cliniques sur six nouveaux patients dès l’année prochaine. Ces essais visent non seulement à valider la technologie développée en collaboration avec ONWARD, mais aussi à identifier les profils de patients les plus susceptibles de bénéficier de cette thérapie innovante. Fondée par l’acteur Michael J. Fox (Back to the future), lui-même atteint de la maladie de Parkinson, cette fondation est le principal donateur privé dans le domaine de la recherche sur la maladie de Parkinson.
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Le vieillissement de la perception visuelle modifie-t-il le sens de l’orientation ? |
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Le vieillissement de la perception visuelle modifie-t-il le sens de l’orientation ?
* PUBLIÉ LE : 25/01/2021 TEMPS DE LECTURE : 3 MIN ACTUALITÉ, SCIENCE
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Si les personnes âgées ont souvent plus de mal à s’orienter, ce n’est pas seulement en raison de troubles de la mémoire ou de l’attention. Leurs capacités d’intégration des informations visuelles semblent aussi impliquées...
Les personnes âgées ont souvent plus de difficultés à s’orienter dans un environnement peu familier que les jeunes. La plupart des travaux menés pour comprendre l’origine de ce phénomène se sont penchés sur les capacités de planification, de mémoire ou d’attention, mais peu ont évalué l’implication du vieillissement du système de traitement des informations visuelles. Afin d’y remédier, des chercheurs ont comparé, dans un environnement virtuel, les performances de navigation spatiale de sujets âgés à celles de sujets jeunes. Ils ont en outre utilisé l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) pour en savoir plus sur les régions cérébrales mises en jeu dans les deux groupes d’individus. Leurs travaux montrent que la capacité à traiter les informations visuelles fines relatives à l’environnement, en d’autres termes les détails, diminue avec le vieillissement. En revanche, les plus âgés activent plus intensément une région du cerveau qui joue un rôle dans le traitement des informations plus globales de notre environnement, comme sa géométrie.
Un sens de l’orientation plus global
« L’étude du déclin des capacités visuelles au cours du vieillissement a souvent été négligée dans les travaux dédiés aux capacités de navigation spatiale des sujets âgés, explique Stephen Ramanoël*. Mais avant d’évaluer la façon dont ces personnes utilisent l’information relative à leur environnement, il faut savoir si la trace ou l’encodage de cette information n’est pas altéré. C’est ce que nous avons donc voulu explorer avec cette expérience. »
Concrètement, les chercheurs ont mis au point un labyrinthe virtuel en trois dimensions dans lequel les participants devaient s’orienter à l’aide de manettes alors qu’on enregistrait leur activité cérébrale par IRMf. Deux groupes de participants ont été recrutés, l’un de vingt-cinq volontaires jeunes (âge moyen de 25 ans), l’autre d’une vingtaine de personnes âgées (73 ans en moyenne). Après un temps d’apprentissage leur permettant de se familiariser avec l’utilisation des manettes, l’expérimentation débutait : la tâche des participants était de retrouver l’emplacement d’une cible dans un labyrinthe en forme de Y, constitué de trois branches reliées par un point central. Pour se faire, ils devaient se servir de la position de différents objets présents au centre du labyrinthe.
« Les sujets âgés apparaissent plus lents que les jeunes pour localiser la cible, ce qui était attendu. Par ailleurs, l’IRMf montre que les deux groupes d’âge ne mobilisent pas de la même façon les différentes régions cérébrales impliquées dans le traitement de l’information visuelle (en l’occurrence les objets placés dans le labyrinthe) et trouver la cible. » Ainsi, les jeunes adultes montraient une plus forte activité des régions occipito-temporales, des zones qui sont notamment impliquées dans le traitement de l’information visuelle fine de l’environnement. Les participants les plus âgés activaient quant à eux davantage les régions pariétales supérieures, avec une implication plus forte d’une zone du cortex occipital qui joue un rôle central dans le traitement des scènes. Elle permettrait d’intégrer les informations visuelles dans une perspective égocentrée, ainsi que la forme globale de notre environnement. « Les sujets âgés semblent avoir plus de difficultés que les sujets jeunes à utiliser les détails pour construire une carte mentale de leur environnement et s’orienter. Afin de compenser ces difficultés, au moins en partie, nous pensons que les plus âgés ont davantage recours à la géométrie de l’environnement. Ces premiers résultats nous motivent à conduire de nouvelles études afin de tester cette hypothèse. »
Ces travaux, et d’autres en cours au sein de l’Institut de la vision dirigé par Serge Picaud à Paris, offrent une meilleure compréhension des conséquences du vieillissement sur les capacités d’orientation spatiale. Ils pourraient aider à concevoir des aides visuelles spécifiques, ainsi que l’aménagement des lieux de vie des personnes âgées, qu’il s’agisse d’habitat ou d’urbanisme. Autant de pistes de réhabilitation novatrices pour maintenir et améliorer l’autonomie des personnes âgées.
Note :
*unité 968 Inserm/CNRS/Sorbonne Université, Institut de la vision, équipe Vieillissement visuel et action, Paris
Source : S Ramanoël et coll. Differential Brain Activity in Regions Linked to Visuospatial Processing During Landmark-Based Navigation in Young and Healthy Older Adults. Front Hum Neurosci du 29 octobre 2020. DOI : 10.3389/fnhum.2020.552111
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Nouvelle étape franchie dans le développement d’un vaccin efficace contre l’asthme allergique |
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Nouvelle étape franchie dans le développement d’un vaccin efficace contre l’asthme allergique
07 Mar 2023 | Par Inserm (Salle de presse) | Immunologie, inflammation, infectiologie et microbiologie
Visualisation au microscope de coupes de poumon de souris dans un modèle d’asthme aux acariens, avec une coloration à l’hématoxyline et à l’éosine montrant une obstruction des bronches et un infiltrat de globules blancs autour des bronches dans le groupe non vacciné (gauche) mais pas dans le groupe vacciné (droite). © Dr Eva Conde.
Pour lutter contre l’asthme allergique, qui touche des millions de personnes à travers le monde, des scientifiques de l’Inserm, du CNRS et de l’université Toulouse III-Paul Sabatier au sein du laboratoire Infinity[1], de l’Institut Pasteur et de l’entreprise française NEOVACS, développent et testent un nouveau vaccin. Dans leur dernière étude, les équipes ont montré que ce vaccin était efficace pour produire des anticorps capables de neutraliser des protéines immunitaires humaines clés dans le déclenchement de l’asthme allergique, les cytokines IL-4 et IL-13. Les résultats, publiés dans la revue Allergy, ouvrent la voie à l’organisation d’un essai clinique.
L’asthme est une maladie chronique qui touche environ 4 millions de personnes en France et 340 millions dans le monde. L’asthme allergique, qui représente environ 50 % des cas d’asthme, se caractérise par une inflammation des bronches et une gêne respiratoire provoquée par l’inhalation d’allergènes, le plus souvent des acariens.
Cette exposition aux acariens et autres allergènes déclenche une surproduction d’anticorps appelés immunoglobulines E (IgE) et de protéines appelées « cytokines de type 2 » (en particulier les interleukines IL-4 et IL-13) dans les voies aériennes. Ce phénomène entraine une cascade de réactions aboutissant à une hyperréactivité des voies respiratoires, une surproduction de mucus et une éosinophilie (un taux trop élevé de globules blancs appelés éosinophiles dans les voies aériennes).
A l’heure actuelle, les corticoïdes inhalés sont les médicaments de référence pour contrôler l’asthme. Cependant, dans le cas d’asthme allergique sévère, ce traitement ne suffit pas toujours. Il faut alors avoir recours à des traitements par anticorps monoclonaux thérapeutiques ciblant justement les IgE ou les voies IL-4 et IL-13. Or ces médicaments sont très onéreux et contraignent les patients à effectuer des injections pendant des années, voire tout au long de leur vie.
Depuis plusieurs années, le directeur de recherche Inserm Laurent Reber et ses collègues au sein du laboratoire toulousain Infinity, avec l’équipe de Pierre Bruhns à l’Institut Pasteur, en collaboration avec l’entreprise française NEOVACS, travaillent au développement d’un vaccin afin d’ouvrir de nouvelles perspectives thérapeutiques pour les patients atteints d’asthme allergique sévère.
Un vaccin efficace contre les cytokines humaines
Dans une précédente étude, ils avaient montré l’efficacité chez la souris d’un vaccin conjugué[2], appelé Kinoïde® (voir encadré). Les résultats suggéraient que ce vaccin induisait une production durable d’anticorps dirigés spécifiquement contre l’IL-4 et l’IL-13 murines, ainsi qu’une réduction des symptômes de l’asthme allergique chez les animaux.
Suite à ces premières données encourageantes et afin d’envisager la mise en place d’essais cliniques chez l’humain, il était nécessaire de développer un vaccin capable de neutraliser également les cytokines IL-4 et IL-13 humaines.
Afin de pouvoir tester l’efficacité de ce nouveau vaccin, les scientifiques ont eu recours cette fois à un modèle d’asthme allergique aux acariens chez des souris « humanisées », dont les gènes codant pour les cytokines IL-4 et IL-13 murines ont été remplacés par les gènes humains respectifs.
Là encore, les résultats sont prometteurs : la vaccination a induit une réponse anticorps importante, capable de neutraliser les cytokines IL-4 et IL-13 humaines, sans diminution de l’efficacité du vaccin, jusqu’à plus de trois mois après l’injection (temps correspondant à la durée totale de cette étude).
Un effet important sur les symptômes de l’asthme a également été observé : chez les animaux étudiés, la vaccination a été associée à une diminution des taux d’IgE et de l’éosinophilie ainsi qu’à une réduction de production de mucus et de l’hyperréactivité des voies respiratoires.
« Cette étude apporte une preuve de concept de l’efficacité du vaccin pour neutraliser des protéines humaines jouant un rôle clé dans l’asthme allergique. Nous ouvrons ainsi un peu plus la voie à l’organisation d’essais cliniques. Nous sommes actuellement en train de discuter avec tous les partenaires du projet pour mettre en place ces études chez l’humain », conclut Laurent Reber.
« Une vaccination contre l’asthme allergique représente un espoir de traitement à long terme de cette maladie chronique, et au-delà, une perspective de réduction des symptômes d’allergie liés à d’autres facteurs, puisque ce vaccin cible des molécules impliquées dans différentes allergies », souligne Pierre Bruhns, responsable de l’unité Anticorps en thérapie et pathologie à l’Institut Pasteur.
Comment fonctionne le vaccin testé dans cette étude ?
Le vaccin Kinoïde® repose sur une technologie qui combine les cytokines recombinantes IL-4 et IL-13 avec une protéine porteuse appelée CRM197 (la forme mutée non pathogène de la toxine diphtérique, utilisée dans de nombreux vaccins conjugués).
Cette protéine est très immunogène, c’est-à-dire qu’elle est capable de provoquer une réponse immunitaire importante. Exposé à la CRM197 contenue dans le vaccin, le système immunitaire se met à produire des anticorps dirigés contre cette protéine, mais également contre les cytokines IL-4 et IL-13. Cela permet de contrôler la surproduction de ces protéines qui sont clés dans l’asthme allergique, et plus généralement dans toute réaction allergique.
En effet, en plus de l’asthme allergique, l’IL-4 et l’IL-13 sont impliquées dans de nombreuses autres pathologies allergiques, dont la dermatite atopique et l’allergie alimentaire. Des études précliniques en cours dans les laboratoires des différents partenaires visent à démontrer que ce vaccin peut également induire une réponse protectrice contre ces allergies majeures.
[1] Institut toulousain des maladies infectieuses et inflammatoires (Inserm/CNRS/Université Toulouse III)
[2] Un vaccin conjugué est un vaccin contenant un antigène associé à une protéine pour augmenter son efficacité
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L’IRM à haut-champ au service de la psychiatrie |
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L’IRM à haut-champ au service de la psychiatrie
Améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de troubles psychiatriques grâce à des traitements plus ciblés, ou même prévenir l’apparition de ces pathologies représente un enjeu de santé publique majeur. C’est l’un des objectifs des chercheurs de NeuroSpin, le centre de recherche pour l’innovation en imagerie cérébrale du CEA, situé à Saclay, en région parisienne. NeuroSpin a la particularité d’héberger des équipes pluridisciplinaires autour d’imageurs à très haut champ magnétique, à la pointe des recherches en imagerie biomédicale. Pour comprendre comment psychiatres, infirmières, physiciens, neuroscientifiques, chercheurs en IA travaillent ensemble pour détecter des anomalies cérébrales « signatures » d’une pathologie, suivre leur évolution et ainsi déterminer le meilleur traitement possible pour les patients, nous sommes partis à leur rencontre.
PUBLIÉ LE 7 MARS 2022
Au plus près du fonctionnement du cerveau
En pénétrant dans la « galleria », le nom donné au hall d’entrée de NeuroSpin, l'œil du visiteur est tout de suite attiré par la courbe sinusoïdale qui orne le mur et dessine ses six arches. Six, comme le nombre d’IRM dont dispose ce centre de recherche pour l'innovation en imagerie cérébrale situé sur le site du CEA Paris-Saclay et rattaché à l’institut des sciences du vivant Frédéric Joliot. « Nous disposons de trois IRM précliniques (utilisés sur les animaux), et de trois IRM cliniques, à 3T, 7T et 11,7T ; ce dernier, issu du projet Iseult, est unique en son genre. Nous sommes désormais le centre le plus avancé techniquement au monde », précise Cyril Poupon, Directeur adjoint de l’Unité BAOBAB et coordinateur technique des Grands Instruments de NeuroSpin.
Ces machines à très haut champ, que ce soit l’IRM 7T ou bientôt l’IRM 11,7T permettent l’acquisition de données de neuroimagerie à très haute résolution. Combinées à la pluridisciplinarité des équipes présentes à NeuroSpin couvrant les domaines de la physique des très hauts champs magnétiques, de l’électronique, de l’informatique, du traitement de l’image, elles sont de véritables atouts pour approcher au plus près le fonctionnement du cerveau, qu’il soit « normal » ou atteint d’une pathologie. Parmi les pathologies étudiées, se retrouvent notamment les maladies psychiatriques que sont le trouble bipolaire, la schizophrénie et les troubles du spectre autistique.
Mieux appréhender les maladies psychiatriques
Selon le Pr. Josselin Houenou, responsable de l’équipe Psychiatrie de l’unité Uniact à NeuroSpin, « l’objectif est de parvenir à mieux comprendre ces maladies, et, à partir de la compréhension que nous en apporte l’IRM, de développer de nouveaux traitements, pour prendre en charge plus précocement les patients et améliorer leur qualité de vie ».
« L’idée est simple, renchérit Edouard Duchesnay, directeur de recherche en machine learning appliqué à la neuroimagerie à NeuroSpin. Actuellement en psychiatrie, pour poser un diagnostic et déterminer une stratégie thérapeutique, on se fie à un entretien clinique. Ce que nous cherchons à développer, c’est l’équivalent d’un ‘thermomètre’ qui, en donnant une mesure quantitative et objective, va aider le praticien à poser un diagnostic ». Pouvoir faire des prédictions d’évolution aurait des bénéfices considérables pour le patient tout d’abord, d’après Edouard Duchesnay : « si on mettait de l’argent sur la table pour suivre des patients pendant plusieurs années, on pourrait être en mesure de déterminer ceux qui présenteraient le plus de risques de devenir psychotiques ».
Et cela s’applique également aux traitements, note Josselin Houenou : « Un exemple typique est le lithium que l’on donne aux patients bipolaires. Une petite moitié des patients n’est pas sensible à ce traitement, sans que nous puissions les identifier a priori. Nous procédons donc par essai-erreur, mais il faut attendre un ou deux ans avant de voir si le traitement est efficace ou pas, ce qui peut faire perdre autant de temps au patient si cela ne fonctionne pas ».
QUELQUES CHIFFRES SUR LES MALADIES PSYCHIATRIQUES
* Le trouble bipolaire, la schizophrénie et les troubles du spectre autistique touchent 0,5% de la population mondiale.
* 15% des patients souffrant de trouble bipolaire décèderont par suicide.
* Moins de 25% des patients souffrant de schizophrénie travaillent en milieu « ouvert » (classique, non protégé).
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Une méthodologie bien établie
A partir de ces interrogations initiales, comment les équipes de NeuroSpin utilisent les outils à leur disposition pour y répondre ? Le centre accueille des patients sélectionnés par l’hôpital qui les suit dans leur parcours de soin, dans le cadre de protocoles de recherche bien définis et validés par les comités d’éthique nationaux.
Chaque patient vient passer quelques heures à NeuroSpin. A son arrivée, il est pris en charge par l’une des infirmières. Elles expliquent : « L’accueil des patients est primordial. Après avoir vérifié les consentements signés au préalable, nous leurs expliquons les différents examens qu’ils vont subir. Ils bénéficient ensuite d’un entretien médical avec un psychiatre au cours duquel sont vérifiées les contre-indications IRM. Puis nous commençons à réaliser les examens prévus par le protocole - cela peut être une prise de sang, une prise de tension. Avant la prise en charge en IRM, nous leurs donnons un pyjama jetable et nous veillons à ce qu’ils n’aient plus aucun objet métallique sur eux ».
L’acquisition d’images, qui dure environ une heure, se passe par la suite dans l’IRM 3T ou 7T, situés chacun dans un sas spécifique dont l’accès est réservé au personnel habilité et aux patients. Chantal Ginisty est l’une des manipulatrices-radio qui mènent ces acquisitions. Dans le cas des patients atteints de maladies psychiatriques, raconte-t-elle, « il y a quelques petites différences dans la prise en charge par rapport à des volontaires sains. Tout d’abord, le psychiatre est là tout le temps que dure l’examen afin de rassurer, si nécessaire, la personne dans l’IRM. Ensuite, nous faisons attention à ce qu’il y ait le moins possible de changements d’intervenants auprès du patient. Enfin, la perception du bruit pour ces patients peut être différente malgré les protections auditives mises en place, et nous sommes particulièrement attentifs s’ils s’en plaignent ». Elle complète : « nous faisons également attention aux mots que nous employons, certains peuvent en effet nous sembler rassurants (‘je vous vois via la caméra’, ‘je vous surveille’ [pour intervenir en cas de problème]), mais peuvent s’avérer stressants pour les malades. Généralement, nous faisons un point à propos de l’état psychologique du patient avec le médecin avant de commencer l’acquisition ». En dehors de cela, la séance d’IRM se déroule en suivant les mêmes étapes qu’avec un volontaire sain, et en veillant à une installation la plus confortable possible du patient dans l’IRM. « L’immobilité est en effet un des critères clés de réussite des acquisitions, appuie Chantal Ginisty, et un patient confortablement installé sera moins susceptible de bouger ».
Identifier des biomarqueurs pour le diagnostic
Après l’examen IRM, les chercheurs ont à leur disposition un grand nombre d’images à analyser, dans lesquelles ils vont chercher des anomalies ou des empreintes cérébrales, révélatrices du trouble psychiatrique. Il s’agit de rechercher des biomarqueurs spécifiques d’une pathologie que l’on confronte à des données d’imagerie existantes, comme l’explique Cyril Poupon :
« Pour identifier ces biomarqueurs en psychiatrie, nos recherches s’appuient sur l’identification de marqueurs présents dans les bases de données de neuroimagerie. Ces marqueurs sont de quatre ordres : anatomiques, microstructurels, fonctionnels ou métaboliques ».
Il détaille : « les marqueurs obtenus grâce à l’IRM anatomique relèvent généralement des mesures d’anomalies de la forme de certaines structures anatomiques macroscopiques comme celle du cortex cérébral dont on peut mesurer l’épaisseur ou les circonvolutions. Les marqueurs microstructurels, obtenus grâce à l’IRM de diffusion, donnent accès à la connectivité anatomique cérébrale, composée des diverses connexions qui relient les régions du cerveau et qui peuvent être altérées chez les patients atteints de troubles psychiatriques. En outre, l’IRM de diffusion sonde l’organisation microscopique des structures cérébrales. Au-delà des anomalies de forme, il peut aussi exister des anomalies dans la composition cellulaire de ces structures, qui ne se traduisent pas toujours par des modifications de la forme des structures macroscopiques. Les marqueurs fonctionnels sont quant à eux obtenus grâce à l’utilisation de l’IRM fonctionnelle qui mesure l’activité des régions cérébrales. L’activité de certaines régions peut être accrue ou diminuée par un trouble psychiatrique. Enfin, de nombreuses réactions biochimiques ont lieu au sein du cerveau et sont aujourd’hui explorées grâce à l’utilisation de l’IRM à très haut champ magnétique. Il est ainsi possible, par exemple, d’aller mesurer les concentrations de métabolites ou d'ions impliqués dans la neurotransmission ».
LES DIFFÉRENTS IRM À TRÈS HAUT CHAMP DE NEUROSPIN
NeuroSpin dispose de 6 imageurs IRM : trois IRM précliniques à 7, 11, 7 et 17,2 Tesla (l’unité de mesure des champs magnétiques) utilisés pour le petit animal et trois IRM cliniques à 3, 7 et 11,7 Tesla - en cours de mise en service. Ces très hauts champs magnétiques permettent d’atteindre une très grande résolution spatiale – le futur IRM clinique à 11,7 T vise une résolution d’environ 100 microns. Quant à l’IRM préclinique à 17,2 T, il permet l’acquisition d’images à une résolution de 25 microns, soit la taille d’un neurone. En France, dans le domaine clinique, il y a seulement 3 IRM à 7T, 200 IRM 3T sur environ 850 IRM au total (la majorité étant des IRM 1,5T).
Selon le spécialiste, « l’enjeu de la médecine du futur en neuroimagerie est d’accumuler à partir de l’ensemble de ces modalités innovantes et non-invasives, un maximum d’informations afin d’identifier et de mettre en place en amont les stratégies thérapeutiques les plus à même de ralentir ou gommer les traits pathologiques relevant de troubles psychiatriques observés en neuroimagerie ».
Comprendre le fonctionnement des traitements
Un autre volet des recherches menées à NeuroSpin s’intéresse au traitement, et en particulier à l’imagerie du lithium, largement utilisé dans le trouble bipolaire. Si on utilise principalement l’IRM pour imager les protons (noyaux des atomes d’hydrogène) de l’eau qui compose près de 80% de notre cerveau, on peut également détecter et imager en IRM d’autres espèces chimiques moins concentrées qu’elles soient endogènes, c’est-à-dire présentes naturellement dans le corps ou exogènes, administrées par voie orale ou intraveineuse. Le lithium possède un isotope stable, le lithium-7 (7Li), ayant des propriétés magnétiques spécifiques qui permettent de cartographier sa distribution dans le cerveau, à condition de développer et d’utiliser des antennes dédiées. L’IRM du lithium vise à mieux comprendre le mode d’action méconnu des sels de lithium sur le cerveau des patients bipolaires. D’après Fawzi Boumezbeur, chercheur spécialiste en spectroscopie et imagerie hétéronucléaire, l’intérêt de ce type d’imagerie est de déterminer « si le lithium rentre vraiment dans le cerveau et à quelle concentration. Nous avons ainsi constaté que le lithium ne se distribue pas de manière homogène dans le cerveau, ce qui voudrait dire qu’il y a un mécanisme actif qui conduit à cette hétérogénéité ». Par ailleurs, ajoute-t-il, « nous utilisons aussi l’imagerie du lithium pour déterminer pourquoi dans certains cas ce traitement ne fonctionne pas. Nous avons mené une étude sur une trentaine de patients bipolaires, avec l’IRM 7T, dans le but de comparer un patient qui prend du lithium et qui est sensible au traitement avec un autre patient qui suit le même traitement avec moins de succès et voir si la concentration ou la distribution du lithium était différente. Pour l’instant, nous n’avons pas encore de réponse mais l’idée est d’étendre l’étude à une plus grande cohorte de patients afin de gagner en puissance statistique et tester nos hypothèses ». Car, « malheureusement, une autre spécificité de ces maladies psychiatriques est l’extrême variabilité des parcours des individus, des symptômes, etc. 30 patients ne permettent pas de capturer toute la variabilité dans ces populations ».
Anticiper les risques avec l’IA
C’est là qu’intervient Edouard Duchesnay. Sur ses ordinateurs, et grâce à son expertise dans la gestion et l’agrégation de données sur des centaines de sujets, il est capable de faire de l’imagerie des populations, et de tirer des informations de cette multitude de données grâce à des modèles d’intelligence artificielle (IA). Le principe est d’analyser un très grand nombre de données d’imagerie issues de larges cohortes, d’une centaine à quelques milliers d’individus, grâce à des algorithmes et de parvenir à identifier des biomarqueurs prédisant l’évolution ou non vers la maladie ou la bonne réponse à un traitement. « L’imagerie cérébrale est un reflet de tout ce qui s’est passé dans le cerveau et on utilise l’intelligence artificielle pour essayer de faire un outil pronostic de l’évolution clinique. Ainsi, des mutations génétiques, un stress chronique ou encore une exposition répétée au stress, au cannabis ou à l’alcool créeront des microatrophies dans le cerveau, non visibles à l’œil humain, visibles sur une IRM classique. Ce sont autant de facteurs de risques qui formeront au final une signature globale que l’IA sera capable de repérer et qui prédira, avec un certain niveau d’incertitude, l’évolution ou non vers la pathologie. Aujourd’hui, les algorithmes peuvent prédire avec une précision de 75-80 % la transition psychotique parmi de jeunes adultes à risque, ce qui est largement au-dessus du hasard qui est à 50 %. C’est donc un fort enjeu de santé publique », indique-t-il.
Concrètement, quel est le principe ? Une image (qui correspond à un sujet) est divisée en voxels (l’équivalent 3D du pixel en 2D). Pour chaque image, il y a environ 300 000 voxels à multiplier par le nombre de sujets, de quelques dizaines à quelques milliers, selon la taille de la cohorte. L’algorithme d’IA apprend à prédire l’évolution clinique à partir des images cérébrales. Ces algorithmes peuvent aussi découvrir que chaque catégorie clinique (schizophrénie, trouble bipolaire, etc.) est en réalité, constituée de sous-groupes différents qui nécessitent une stratégie thérapeutique spécifique.
« Tout le défi, ensuite, sera d’éviter le surapprentissage, c’est-à-dire d’éviter d’apprendre un détail qui est corrélé à ce qu’on veut prédire, sans que cela corresponde à un réel lien de causalité », conclut Edouard Duchesnay.
Si l’IA peut prédire l’évolution vers une pathologie, elle pourrait aussi prédire l’efficacité du traitement au lithium évoqué ci-dessus. C’est l’objectif du projet européen R-Link sur lequel Edouard Duchesnay travaille avec Fawzi Boumezbeur et Josselin Houenou. Lancé en 2021, cet essai clinique vise à suivre 300 patients bipolaires, qui passeront un examen IRM et auront une évaluation clinique et génétique avant d’être mis sous traitement (soit parce qu’ils viennent d’être diagnostiqués, soit parce qu’ils ont pris du lithium et l’ont arrêté, soit parce qu’ils prenaient un autre traitement). « Après cela, ils prendront leur traitement au lithium puis passeront à nouveau une IRM trois mois après, et seront ensuite suivis pendant deux ans, mentionne Edouard Duchesnay. La question à laquelle on veut répondre est : est-ce qu’on peut trouver des marqueurs pronostics de la réponse au lithium, avant le traitement ou pendant les trois premiers mois du traitement ». Et cela pour, à terme, « pouvoir prédire chez qui le lithium fonctionnera ou non », souligne Josselin Houenou.
Développer de nouveaux traitements
A plus petite échelle, l’IRM, en identifiant des dysfonctionnements cérébraux chez les patients atteints de maladies psychiatriques, peut aussi être à la source de nouveaux traitements. « Nous allons lancer courant 2022, à NeuroSpin, un essai clinique pour les malades bipolaires, qui va utiliser le "neuro feedback" en IRM fonctionnelle », annonce Josselin Houenou. Cette méthode nous a permis d’identifier des réseaux qui fonctionnent de manière anormale chez ces patients, en particulier lorsqu’ils doivent réguler leurs émotions. Les sujets passeront une IRM fonctionnelle dans l’imageur 3T pendant laquelle ils regarderont des scènes chargées émotionnellement. On observera l’activité dans leur réseau de régulation des émotions, et on leur demandera de visualiser à nouveau les scènes en leur projetant en direct et en parallèle l’activité de leur réseau de régulation des émotions, pour qu’ils essaient de les réguler en direct ». Un véritable défi technologique, qui n’est possible que grâce à l’expertise en développement de séquences IRM des méthodologistes de NeuroSpin. Ce neuro feedback vise les symptômes dépressifs anxieux qui restent, malgré la prise de médicaments, très handicapants et favorisent les rechutes. « C’est le premier exemple de traitement développé grâce à l’imagerie cérébrale, stipule Josselin Houenou. Il est assez lourd puisqu’il nécessite 4 passages dans l’IRM, ce n’est donc pas un traitement qui, s’il fonctionne, sera accessible à tout le monde, mais on voudrait pouvoir faire la même chose en utilisant une technique plus légère que l’IRM comme l’électroencéphalographie ou la magnétoencéphalographie ».
A terme, l’objectif poursuivi par la combinaison de toutes ces approches est le développement d’une médecine innovante et personnalisée basée sur l’analyse et l’exploitation de grandes bases de données de neuroimagerie.
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