ecole de musique piano
     
menu
 
 
 
 
 
 

JEAN-JACQUES ROUSSEAU

 

 

 

 

 

 

 

Jean-Jacques Rousseau

Cet article fait partie du dossier consacré à la Révolution française.

Écrivain et philosophe de langue française (Genève 1712-Ermenonville, 1778).

Rousseau est un collaborateur de l’Encyclopédie et un philosophe majeur des Lumières françaises. Sa pensée embrasse des domaines variés : critique sociale, théorie politique, morale, théologie, autobiographie ; elle s’exprime dans de nombreux genres : discours, roman, théâtre, traité philosophique, confessions, sans oublier la composition musicale.
La réflexion sur la liberté constitue l’unité de cette œuvre singulière et complexe : liberté originelle de l’homme à l’état de nature, liberté du solitaire abîmé dans la rêverie, liberté politique fondée sur le contrat. Quel que soit l’aspect considéré, il s’agit toujours de mettre au jour la liberté, de lutter contre ce qui en nie l’existence et en empêche la compréhension. Rousseau a montré le lien étroit qui unit égalité et liberté. Il est, par sa sensibilité vive, son amour de la solitude et de la nature, un précurseur du romantisme ; il est aussi un remarquable théoricien de la république.
Rousseau demeure toutefois une figure singulière et paradoxale. Philosophe des Lumières, il est incompris de ses pairs et hostile à des thématiques centrales à son époque. Il s’oppose à l’idée de progrès, méprise l’histoire, condamne le cosmopolitisme. Sa pensée présente elle-même de nombreux paradoxes : éloge de la solitude et du sens civique, éloge de la nature originelle et des vertus civilisatrices de la société du contrat.

Famille

Jean-Jacques Rousseau est né le 28 juin 1712 à Genève, petite république indépendante ; sa mère, fille d'un pasteur protestant, meurt à sa naissance ; son père est maître horloger.

Formation
Il ne reçoit pas d'« éducation » à proprement parler ; c'est en autodidacte qu’il acquiert au fil des ans une très vaste culture.

Début de carrière
À trente ans, il s’installe à Paris, où il mène de front ses activités de musicien (composition, participation à l'actualité musicale et à ses querelles) et ses activités de philosophe (rédaction d'articles pour l'Encyclopédie).

Premier succès
En 1750, le Discours sur les sciences et les arts connaît un succès éclatant et met son auteur à la mode ; en 1755, il publie le Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes.
Tournant de sa carrière
Alors qu'il est admiré et reconnu, il s'isole, se brouille avec ses amis philosophes et quitte Paris pour la campagne ; c’est dans cette retraite qu’il rédige trois œuvres majeures : Julie ou la Nouvelle Héloïse (1761), Du contrat social (1762) et Émile ou De l’éducation (id.). Ces deux derniers ouvrages sont condamnés, au moment de leur parution, par le Parlement de Paris qui leur reproche des thèses outrageantes et en rupture avec l'époque ; un mandat d'arrêt est lancé contre Rousseau, qui est obligé de quitter la France durant plusieurs années.
Dernière partie de sa carrière
Rousseau, qui souffre d'un délire de persécution, consacre ses trois dernières œuvres à l'introspection et à l'écriture de soi : les Confessions (1765-1770), les Dialogues ou Rousseau juge de Jean-Jacques (1772-1776) et les Rêveries du promeneur solitaire (1776-1778).
Il meurt le 2 juillet 1778 à Ermenonville, au nord de Paris ; l'île des Peupliers, où il est inhumé, devient un lieu de culte. Ses cendres sont transférées au Panthéon en 1794.

1. LA VIE DE JEAN-JACQUES ROUSSEAU
1.1. UNE ENFANCE TOURMENTÉE, UNE JEUNESSE ERRANTE (1712-1737)

C'est à Genève, république calviniste indépendante et austère, que Jean-Jacques Rousseau vient au monde. Il est né sous le signe de la musique et du rythme par son père Isaac, horloger, violoniste et maître de danse, et sous celui de la sensibilité et du tragique par sa mère, Suzanne, qui meurt en le mettant au monde. Jean-Jacques enfant seconde son père dans le culte qu'il voue à la défunte ; avec lui, aussi, il fait l'apprentissage de la lecture, dans des romans surtout, jusqu'à ce qu'Isaac soit contraint de quitter Genève, sans pouvoir emmener son fils : le monde préservé s'effondre.
Élevé dès l'âge de dix ans auprès du ministre du culte Lambercier, il apprend l'injustice des punitions non méritées ; en étudiant chez un huissier, à douze ans, il sait qu'il ne sera pas clerc ; en apprentissage chez un graveur, il s'échappe à quinze ans pour une première errance. Décidé à se convertir à la religion catholique, il est recommandé à Annecy auprès de Mme de Warens : il l'appellera « maman ». Cette jeune femme l'envoie très vite à l'hospice des catéchumènes de Turin pour y être baptisé. Après avoir été, sans succès, secrétaire de quelques dames de la ville italienne, il repart sur les routes, enfin hors de la ville, en rupture. Encore un essai avorté, le séminaire, qu'il abandonne, et une passion qui le tient : la musique. Il ne restera pas non plus à la maîtrise de la cathédrale d'Annecy, mais continuera à chanter et à composer.

Nouvelles routes, nouveaux voyages, en 1730-1731, pour enfin rejoindre Paris, en être infiniment déçu (on ne lui propose qu'une place de valet), et revenir auprès de « maman », près de Chambéry, qui l'accueille dans son cénacle, en 1733. De pseudo-mère elle devient maîtresse, pour quatre années : en 1737, elle délaisse Jean-Jacques pour un autre, tout en lui laissant sa propriété, les Charmettes, avec sa bibliothèque.

1.2. FRÉQUENTATION DES MILIEUX INTELLECTUELS ET PREMIERS SUCCÈS (1737-1750)

Page de titre de l'Encyclopédie
Solitude, lectures de toutes sortes : philosophie, romans – l'Astrée (1607-1628) d’Honoré d’Urfé –, traités de mathématiques, le jeune homme dévore les ouvrages. Installé pour un an à Lyon, il devient précepteur, se voit congédié, mais écrit un premier brouillon de l'Émile : théorie et pratique ne coïncident pas toujours. Nouvelle solitude aux Charmettes, nouveaux essais – des épîtres, un opéra, l'élaboration d'un nouveau système de notation musicale –, avant de repartir pour Paris dans l'espoir d'y être reconnu. Entre Fontenelle pour les leçons morales, Marivaux pour corriger les projets d'opéras, Rameau pour les conseils en théorie musicale, Rousseau côtoie très vite le Paris des Lumières.
Plus proche de Diderot, de d'Alembert et de Condillac, il participe à la lutte philosophique et à l'élaboration de l'Encyclopédie, travaille comme secrétaire et documentaliste, s'initie à la chimie, paraît dans quelques fêtes.
Dès 1747, Diderot lui confie la rédaction des articles de l'Encyclopédie concernant la musique, et, en 1749, Rousseau s'engage résolument aux côtés de son ami emprisonné à Vincennes dans son combat contre les faux pouvoirs.
C'est à cette époque qu'il apprend que l'académie de Dijon propose, pour le prix de l'année 1750, de déterminer si le progrès des arts a contribué à corrompre ou à épurer les mœurs. « À l'instant de cette lecture, affirmera-t-il dans les Confessions, je vis un autre univers et je devins un autre homme. » Il se hâte de rédiger, dans son Discours sur les sciences et les arts, un réquisitoire vibrant contre l'Histoire, qui, dans son cours implacable, rejette le monde de la pauvreté et cache les scandaleux privilèges des puissants sous le masque des arts et des sciences. Rousseau reçoit le prix, est imprimé, beaucoup lu : il accède enfin à la gloire.
Il se lie à une servante de vingt-trois ans, de dix ans sa cadette, Thérèse Levasseur, qui lui donnera cinq enfants qu’ils abandonneront à l’assistance publique.

1.3. INCOMPRÉHENSIONS ET DIFFÉRENDS (1750-1762)

Dispute de Voltaire et de Jean-Jacques Rousseau
Malade, Rousseau se veut solitaire, quitte ses protecteurs, se fait copiste de musique et compose en quelques jours un opéra, le Devin du village (1752), chantant l'impossible amour dans le mensonge des villes. Le public, qui n’avait pas apprécié son premier opéra joué la même année, Narcisse ou l'Amant de lui-même, est enthousiaste, et Rousseau s'en inquiète. En 1755, son Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, en réponse au nouveau concours de Dijon, lui permet d'aller encore plus loin : la différence naturelle des hommes n'explique en rien leur inégalité sociale, c'est l'Histoire qui les rend inégaux, non leur nature.
Le « citoyen de Genève », comme il aime signer, retourne alors en son pays, abjure le catholicisme pour revenir à l'austérité calviniste, mais il rejoint Paris en 1754 pour y faire publier son Discours.
Voltaire, déjà attaqué en 1750, et lui aussi citoyen genevois, le moque méchamment, le traite de cynique, de misanthrope, et dénonce son orgueil. Souvent terrifiés par son radicalisme philosophique, généralement désespérés de son concubinage avec Thérèse (qu'il n'épousera que le 30 août 1762, un mois après la mort de Mme de Warens), toujours choqués par son intransigeance, ses amis s'éloignent, et Jean-Jacques s'enferme de plus en plus dans sa solitude hautaine.

Rousseau quitte Paris pour méditer à la campagne, non loin de Montmorency, à l'Ermitage de Mme d'Épinay. En 1757, il se fâche avec Diderot, qui, dans le Fils naturel, stigmatise les ermites et affirme que « l'homme de bien est dans la société ». La même année, il vit un amour malheureux et terrible avec Mme d'Houdetot (que l'on dira être le modèle de la Julie de la Nouvelle Héloïse), s'incline finalement devant la passion de son ami Saint-Lambert pour la jeune femme, défraie la chronique et quitte l'Ermitage pour s'installer dans les environs, à Montlouis, dans une maison en ruine, avec Thérèse.
Seul encore, il s'oppose à d'Alembert dans sa Lettre à d'Alembert sur les spectacles (1758), en soutenant que le théâtre flatte les penchants des hommes et ne peut les amener à la vertu. Le succès de cette lettre amène Monsieur de Luxembourg à s'intéresser à lui, mieux, à faire reconstruire très confortablement sa retraite de Montlouis – une dépendance du château de Montmorency –, où il écrit Julie ou la Nouvelle Héloïse (1761), Du contrat social (1762) et Émile ou De l’éducation (id.).

1.4. DERNIÈRES ERRANCES (1762-1778)

Rousseau contemplant la beauté sauvage de la Suisse
Devant le succès, le scandale et la maladie, Rousseau tente de réparer son attitude à l'égard de ses cinq enfants abandonnés en cherchant à les reconnaître, tout d'abord ; en s'assurant que Thérèse aura toujours de quoi vivre, ensuite. Mais il en vient à considérer que le monde entier complote pour le perdre.
En effet, la violence de ses propos religieux et politiques inquiète : ses protecteurs et ses amis se montrent vite défiants et distants. Monsieur de Malesherbes lui-même, fervent admirateur et directeur de la Librairie, n'est plus en état de le défendre. La cour et les institutions religieuses tonnent, le Parlement condamne l'Émile à être lacéré et brûlé et Rousseau à être arrêté : il faut fuir Paris pour la Suisse.
La principauté prussienne de Neuchâtel l'accueille à Môtiers-Travers et Frédéric II l'assure de sa bienveillance alors que l'Europe catholique et calviniste, de la Sorbonne à Rome et à Amsterdam, condamne ses thèses et brûle ses ouvrages.

1.4.1. UN HOMME INCOMPRIS, UNE ŒUVRE REJETÉE
Genève le rejette : Rousseau abdique à perpétuité son droit de bourgeoisie et de cité dans la République et, au nom d'un christianisme tolérant, se défend, en 1764, dans ses Lettres écrites de la montagne contre tous ceux qui censurent l'Émile. Il rédige en 1765 un Projet de Constitution pour la Corse, à la demande d'émissaires venus de l'île, où cependant personne ne lira son travail sur la démocratie paysanne.
Voltaire frappe de plus en plus fort : il révèle l'abandon des cinq enfants de Rousseau aux Enfants-Trouvés ; il le donne pour séditieux, ce qui aura pour effet de mener au bûcher ses Lettres écrites de la montagne. Chassé de Môtiers, exilé dans l'île Saint-Pierre, sur le lac de Bienne, il lui reste la botanique et l'écriture, l'autobiographie : ce seront les Confessions.

1.4.2. LA QUÊTE DE SOI-MÊME

Expulsé de son île, il erre à nouveau, entre Strasbourg, l'Angleterre, où il multiplie les incidents malgré la bonne volonté des Anglais. En dépit du « complot » de plus en plus véhément et de tous les risques policiers, il revient enfin à Paris en 1770, après avoir erré près de deux ans en France sous de fausses identités. On ne l'y poursuit pas, à condition qu'il ne publie rien. Alors, entre son travail de copiste, la composition de chansons, l'écriture des Lettres sur la botanique et la rédaction d'un ouvrage politique destiné à sauver la Pologne déchirée, il instruit le procès de ses détracteurs, ses anciens amis. Ses lectures des Confessions, dans les salons parisiens, choquent au point que Mme d'Épinay s'emploie à les faire interdire. Il en appelle au peuple, termine Rousseau juge de Jean-Jacques en 1776, et compose, par fragments, les Rêveries du promeneur solitaire, texte qui demeurera inachevé.
Las de Paris, où il ne voit plus avec plaisir que Bernardin de Saint-Pierre, Rousseau accepte l'invitation du marquis de Girardin à Ermenonville. Épuisé, déçu et toujours persécuté, il se promène, herborise, reprend la rédaction des Rêveries, puis s'éteint devant Thérèse, le 2 juillet 1778, non sans avoir appris, deux mois plus tôt, la mort de son grand ennemi Voltaire.

2. L'ŒUVRE DE JEAN-JACQUES ROUSSEAU
Pour la clarté de la présentation, on distinguera ici les œuvres selon leur caractère philosophique ou littéraire. Mais cette distinction ne reflète pas la complexité et l’unité de l’œuvre de Rousseau.
Jamais ne sont réellement opposés le travail conceptuel et l’expression des sentiments. Les textes les plus philosophiques ont des accents littéraires : Du contrat social, par exemple, évoque en un seul chapitre Robinson, Noé, Adam, Ulysse (I,2) ; Émile commence comme un texte philosophique et se termine comme un vrai roman. Les textes les plus littéraires occasionnent des méditations philosophiques et des critiques sociales : Julie ou la Nouvelle Héloïse est ponctuée de réflexion sur le désir, l’absence, l’amour et les difficiles relations sociales.

2.1. LES TEXTES PHILOSOPHIQUES
2.1.1. LES DEUX DISCOURS
Discours sur les sciences et les arts (1750)
Ce discours couronné par l’Académie de Dijon constitue le début de l’œuvre. Rousseau aborde la question de façon très audacieuse, tranchant sur l’optimisme des Lumières. À ses yeux, loin que le rétablissement des mœurs et des arts ait été facteur de progrès moral, il n’a fait que les corrompre davantage. La sophistication des savoirs et des représentations affaiblit le goût de l’homme, favorise la séduction sous toutes ses formes et, en conséquence, accroît les servitudes. La voix de la conscience tend à être étouffée.

Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes (1755)

Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes
L’inégalité n’est pas une nécessité : elle aurait pu ne pas être ; mieux encore : elle aurait dû ne pas être. Si donc il n’y a rien ici qui s’impose par nécessité, il faut comprendre comment on en est arrivé là. La question de l’origine est celle de la genèse d’une réalité inacceptable.
La nature de l’homme, en effet, est rebelle à l’inégalité : par nature, l’homme est autosuffisant ; il n’a pas à se confronter aux autres, à leur demander de prouver quoi que ce soit. L’histoire est une dénaturation de l’homme : depuis l’aube des temps et sous toutes les latitudes, il apparaît pris dans des rapports de forces. Nous ne pouvons donc pas connaître empiriquement un état où il serait accordé à sa nature profonde ; en revanche, nous pouvons nous donner la représentation fictive d’une telle situation. Par conséquent, l’état de nature n’est pas une réalité historique mais un tableau qui permet de mettre en scène la nature humaine dont nous avons l’idée.
La société apparaît ainsi plus clairement dans son principe et ses conséquences : fondée sur un coup de force par lequel certains déclarent posséder, elle repose sur des jeux de domination et de fascination. L’amour propre, par lequel l’homme aime son image aux yeux des autres, a remplacé l’amour de soi, attachement immédiat à sa propre conservation. Les rapports de force prennent l’apparence du droit par un contrat de dupe au service des puissants.

2.1.2. LETTRE À D’ALEMBERT SUR LES SPECTACLES (1758)

Réfutant l’article « Genève » de l’Encyclopédie écrit par d'Alembert, Rousseau examine la valeur éthique et sociale des spectacles. « Le théâtre purge les passions qu’on n’a pas et fomente celles qu’on a. » La comédie, loin de corriger les mœurs en les critiquant, incite à imiter les travers. Au spectacle, qui réitère l’inégalité et l’hypocrisie sociales, il faut substituer la fête républicaine, par laquelle chacun voit en l’autre un membre du souverain comme lui.

2.1.3. DU CONTRAT SOCIAL (1762)

Ni projet de société ni critique sociale, ce livre répond à un projet plus ambitieux. Il s’agit de concevoir les conditions permettant d’accorder la liberté de l’homme avec l’inévitable relation aux autres. Ces conditions sont essentiellement logiques : loin de chercher les moyens concrets de parvenir à une société respectueuse de la liberté, Rousseau cherche une norme universelle grâce à laquelle juger la légitimité des sociétés.
De fait, les hommes sont dans des situations indignes de leur nature : « l’homme est né libre ; partout il est dans les fers ». La solution n’est pas de revenir à un état antérieur à la société : cet état n’a peut-être jamais existé ; il n’est qu’une représentation utile pour notre compréhension de l’homme mais ne peut être un horizon de l’histoire. Nous sommes condamnés à assumer la relation aux autres, à être inévitablement commandés par les autres.
Des penseurs antérieurs à Rousseau se sont déjà penchés sur ce problème ; il est possible de distinguer d’une part Hobbes, et d’autre part la tradition libérale représentée par Locke et Montesquieu. La pensée de Rousseau se constitue par opposition à ces deux courants. La raison est toujours la même : dans les deux cas, pour des raisons différentes, la liberté est mal menée.

Rousseau et la liberté selon Hobbes
Hobbes conçoit un contrat au terme duquel la liberté de se défendre soi-même est échangée contre la sécurité garantie par pouvoir absolu. Or « renoncer à sa liberté, c’est renoncer à sa qualité d’homme, aux droits de l’humanité, même à ses devoirs » (Du contrat social, I, IV) : la liberté ne saurait s’échanger contre quoi que ce soit puisqu’elle est ce qui définit l’humanité de l’homme. Le contrat stipule que l’échange de la liberté est non seulement un contrat de dupe, mais aussi une aberration logique : comment donner la condition même par laquelle on peut donner ?

Rousseau et la liberté selon Locke et Montesquieu
La pensée libérale de Locke et Montesquieu s’oppose à l’absolutisme de Hobbes mais ne satisfait pas Rousseau pour autant. Le schéma libéral repose, en effet, sur des concessions faites par chacun aux exigences de la vie commune ; chacun accepte des restrictions légales imposées à tous pour obtenir en échange la garantie juridique d’une sphère d’indépendance. Or ceci est inacceptable : pas plus qu’elle ne peut être donnée, la liberté ne peut être partagée. La liberté est avant tout la faculté qu’a la volonté de se déterminer elle-même : il n’y a là aucune demi-mesure ; soit je me détermine soit je suis déterminé. Penser la liberté comme une simple capacité d’action sans contrainte, admettant ainsi des degrés, est un appauvrissement très dommageable de la liberté.

La liberté de l’homme selon Rousseau

Les données du problème sont donc simples : « Trouver une forme d'association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun, s'unissant à tous, n'obéisse pourtant qu'à lui-même, et reste aussi libre qu'auparavant » (ibid., I, VI). Ainsi, il faut refuser le renoncement total à la liberté préconisé par Hobbes et le renoncement partiel conçu par le libéralisme politique. Pour Rousseau, chacun n’est libre que s’il n’obéit qu’à lui-même : voilà ce qui est indépassable et non négociable. Cette exigence radicale ne conduit pas, toutefois, à une impossibilité : si et seulement si les associés veulent la même chose, alors chacun n’obéit qu’à soi-même tout en obéissant aux autres.
Le contrat social, ici pour ainsi dire bilatéral, ne suppose pas la présence d'un tiers : ni le tiers du Léviathan) ni le tiers de l’État libéral ; le contrat n’est pas un transfert de souveraineté total ou partiel à une instance sensée garantir les intérêts des contractants. Il est donation réciproque de chacun à tous et de tous à chacun, de sorte que « chacun se donnant tout entier, la condition est égale pour tous ; et la condition étant égale pour tous, nul n'a intérêt de la rendre onéreuse aux autres » (ibid.).

Liberté et égalité
Ainsi, le principe « nul n’est au-dessus de la loi » acquiert ici sa pleine signification : l’égalité est la condition de la liberté puisque personne ne peut imposer à autrui une contrainte à laquelle il échapperait lui-même. Les distinctions ne départagent pas les individus mais s’appliquent également à chacun et à tous : le même homme est sujet, en tant qu’il obéit à la loi et citoyen en tant qu’il en est l’auteur. Par ce contrat, non seulement l’homme reste aussi libre que s’il n’était pas soumis à la relation sociale mais, de plus, sa liberté est pleinement accomplie : la liberté du citoyen, la liberté civile produit la liberté morale « qui seule rend l'homme vraiment maître de lui ; car l’impulsion du seul appétit est esclavage, et l'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté » (I, VIII).

Liberté et propriété privée
Ce contrat n’a rien à voir avec un collectivisme, encore moins avec le totalitarisme. La donation de chacun à tous et de tous à chacun ne concerne en stricte rigueur que le domaine où il y a lieu pour un homme de commander un autre, le domaine du politique : « On convient que tout ce que chacun aliène, par le pacte social, de sa puissance, de ses biens, de sa liberté, c'est seulement la partie de tout cela dont l'usage importe à la communauté » (II, IV, Des bornes du pouvoir souverain). La propriété privée n’est pas abolie mais fondée juridiquement : « ce que l'homme perd par le contrat social, c'est sa liberté naturelle et un droit illimité à tout ce qui le tente et qu'il peut atteindre ; ce qu’il gagne, c'est la liberté civile et la propriété de tout ce qu’il possède » (I, VIII, De l’état civil).

2.1.4. ÉMILE OU DE L’ÉDUCATION (1762)
À l’époque de Rousseau, les ouvrages sur l’éducation ne sont pas rares : une longue et ancienne tradition remontant à l’Antiquité en a donné de très nombreux. L’originalité de l’Émile est de présenter, à travers la question de l’éducation, une véritable anthropologie. La question de l’éducation est, en effet, indissociable d’une conception de l’homme.

Pourquoi l’éducation ?

Deux questions classiques guident les traités d’éducation : pourquoi l’homme a-t-il besoin d’être éduqué ? Quel est l’idéal humain que l’éducation doit atteindre ? Rousseau refuse ces deux questions : elles n’ont pas à se poser. En effet, l’homme n’a pas, en stricte rigueur, besoin d’être éduqué ; cette nécessité est avant tout sociale : l’éducation est, pour une large part, adaptation aux rites et aux codes sociaux ; comme telle, elle « conduit vers le haut », elle ajuste l’enfant à des pratiques qui lui sont d’abord étrangères ; elle l’adapte à des comportements ratifiés par la collectivité. L’éducation ne concerne donc pas l’homme en lui-même. Elle est, pour l’homme, une forme d’aliénation, de détermination forcée d’après des critères extérieurs.
De plus, il n’y a pas lieu de penser un idéal vers lequel l’homme devrait tendre. Cette logique oublie l’essentiel : la vie ne se vit qu’au présent ; il est donc vain et pervers de se projeter sans cesse vers un avenir hypothétique. L’éducation au sens courant repose sur une conception barbare du temps : le présent y est sacrifié constamment à l’avenir ; vidé de sa substance, il n’est que le moment d’un processus. Cette temporalité pernicieuse a, elle aussi, la figure de l’aliénation : « Que faut-il donc penser de cette éducation barbare qui sacrifie le présent à un avenir incertain, qui charge un enfant de chaînes de toute espèce, et commence par le rendre misérable, pour lui préparer au loin je ne sais quel prétendu bonheur dont il est à croire qu'il ne jouira jamais ? » (Livre I). Loin de ces pratiques odieuses, il faut laisser l’enfant être un enfant, ne pas le traiter en adulte potentiel : c’est agir avec humanité que de ne pas priver l’enfant de son innocence.

Accompagner l’autonomie de l’enfant
Que signifie alors le mot « éducation » si ses deux fondements ordinaires sont sapés ? Il ne désigne plus une logique d’anticipation, mais une attention au développement autonome : éduquer c’est aider à l’auto-apprentissage. L’enfant ne retiendra bien que les leçons qu’il est en mesure de comprendre. Il est à lui-même son propre maître : il faut donc le laisser faire ses expériences, éprouver peut-être douloureusement la résistance du monde à son désir. L’éducateur est là pour éviter que les expériences ne tournent mal, mais il n’a pas à se substituer à l’enfant. L’éducation est donc d’abord « négative » : le maître ne fait rien qu’accompagner l’autonomie de l’enfant.
Cet accompagnement ne peut exister que si l’enfant est seul : les regroupements d’enfants reposent sur la négation de leurs singularités comme de leurs tempos particuliers ; ils sont typiques de l’aliénation orchestrée par la société.

Entre roman d’amour et philosophie politique
Émile sera donc seul ; mais seulement le temps qu’il faudra pour qu’il acquiert la conscience de son identité et de ses limites. Un temps viendra où il aura à connaître la relation à l’autre et, en particulier, à l’autre sexe.

Le précepteur jouera alors un rôle discret mais réel : il lui brossera le portrait de la femme aimable, non par ses artifices, mais par sa modestie et sa vertu. Pour rendre ce portrait plus frappant, il va nommer cette femme Sophie. Le dernier livre (V) de l’Émile prend alors la forme d’un roman : la rencontre d’Émile et de Sophie a des accents pathétiques : « À ce nom de Sophie, vous eussiez vu tressaillir Émile. Frappé d'un nom si cher, il se réveille en sursaut, et jette un regard avide sur celle qui l'ose porter. Sophie, ô Sophie ! est-ce vous que mon cœur cherche ? est-ce vous que mon cœur aime ? Il l'observe, il la contemple avec une sorte de crainte et de défiance. »
Émile, enfin homme mûr, peut être initié aux droits et aux devoirs de citoyen : l’ouvrage se termine par un entrecroisement curieux de philosophie politique et de roman d’amour.

2.1.5. PROJET DE CONSTITUTION POUR LA CORSE (1765)
La Corse, libérée de la tutelle génoise en 1730, se cherche une Constitution. Pasquale Paoli, élu général de la nation, fait demander à Rousseau un projet de Constitution. Rousseau accepte sans se rendre dans l’île ; il propose une forme de Constitution permettant de conserver l’agriculture comme une activité économique de subsistance et comme une éducation politique de la liberté. Le régime politique sera une démocratie tempérée sur le modèle des cantons suisses avant le dépeuplement des campagnes et le développement du commerce.

2.1.6. CONSIDÉRATIONS SUR LE GOUVERNEMENT DE POLOGNE (1772)
Ce projet de Constitution, demandé à Rousseau à l’été 1770 par le comte Michel Wielhorski, émissaire des confédérés du Bar, n’aura pas d’utilité politique, la Pologne étant partagée entre ses voisins quelques semaines après la remise du texte. Toutefois, Rousseau nous livre ici des réflexions qui éclairent sa pensée politique.
La liberté du peuple ne saurait être l’œuvre d’un étranger : « Une bonne institution pour la Pologne ne peut être l’ouvrage que des Polonais. » Le salut politique pour les Polonais est de refuser l’aide que pourrait représenter l’expérience d’autres civilisations en la matière, en un mot de refuser tout cosmopolitisme : maintien des palatinats pour éviter les écueils des grands États, conservation des trois ordres (le roi, le Sénat et l’ordre équestre). À cela s’adjoint le renforcement du corps législatif et la substitution de la monarchie élective à la monarchie héréditaire.

2.1.7. ESSAI SUR L’ORIGINE DES LANGUES (PUBLIÉ EN 1781)
La question de l’origine renvoie toujours en amont de l’observable : elle est ainsi une question sans réponse. Cette difficulté inhérente à tout questionnement sur l’origine est accrue lorsqu’il s’agit de l’origine des langues : pour instituer les langues, il aurait fallu déjà parler pour se mettre d’accord sur les signes et leur signification. L’intérêt de la question ne réside donc pas dans de vaines spéculations sur ce qui, par définition, nous échappe. Il est, bien plutôt, dans l’approche critique des réponses habituelles.
On considère souvent que ce sont les besoins qui ont poussé les hommes à parler ; or pour Rousseau il ne peut en être ainsi : les besoins séparent les hommes qui fuient ainsi la rareté. Il faut reconnaître que le principe qui lie les hommes est la passion : « Toutes les passions rapprochent les hommes que la nécessité de chercher à vivre force à se fuir. Ce n'est ni la faim, ni la soif, mais l'amour, la haine, la pitié, la colère, qui leur ont arraché les premières voix » (Chapitre II).
De même, on considère généralement que le sens propre précède le sens figuré : l’image poétique viendrait dans un second temps par une forme de dérivation. Or l’homme sent avant de raisonner ; la sensibilité prime sur la raison : le sens premier est donc le sens imagé ; les langues expriment d’abord un rapport poétique au monde.

2.2. LES ŒUVRES LITTÉRAIRES ET MUSICALES

2.2.1. LE DEVIN DU VILLAGE (1752)
Cet « intermède », opéra en un acte, présenté par Rousseau à Fontainebleau devant Louis XV, est fortement inspiré par la musique italienne. Dans la Lettre sur la musique française qui paraîtra en 1753, Rousseau oppose à la beauté simple de la musique italienne la lourdeur de la musique française, représentée par Jean-Philippe Rameau, suscitant ainsi ce que l’on appellera la « querelle des Bouffons ».
Pour en savoir plus, voir l'article Rousseau [MUSIQUE].

2.2.2. NARCISSE OU L'AMANT DE LUI-MÊME (1752)
Il s’agit d’une comédie satirique qui présente un jeu de séduction original : un jeune prétentieux tombe amoureux de l’image d’une femme dont il ignore qu’elle est sa propre image travestie par la malice de sa sœur. Rousseau critique ainsi la corruption des mœurs par les sophistications sociales. Sa longue préface fait écho au Discours sur les sciences et les arts.
2.2.3. JULIE OU LA NOUVELLE HÉLOÏSE (1761)

Jean-Jacques Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse
Julie ou la Nouvelle Héloïse se présente comme des « Lettres de deux amants habitants d'une petite ville au pied des Alpes ». Roman épistolaire, ce livre se veut plus une exposition des rapports entre les deux amants qu’une suite complexe de péripéties. En cela, Rousseau rompt avec les romans de son époque. Le but de l’ouvrage est exposé par Rousseau dès les premières lignes de la Préface.
Le fil directeur est simple : Saint-Preux, précepteur de Julie, s’éprend de son élève. Cet amour scandaleux lui vaut d’être chassé par le père de Julie. Le parallèle avec l’histoire d’Abélard et Héloïse est très clair. L’ouvrage déploie à loisir les multiples variations émotives occasionnées par l’amour impossible.
L’éloignement et l’interdit déterminent la nature même de l’amour. Celui-ci se développe en imagination ; loin d’être une communion effective, il est jouissance de l’idéalisation. Le désir prend le pas sur l’amour au point d’être lui-même désirable : l’insatisfaction permet toutes les idéalisations, elle vaut mieux que de médiocres satisfactions qui tuent le désir : « Malheur à qui n'a plus rien à désirer ! il perd pour ainsi dire tout ce qu'il possède. On jouit moins de ce qu'on obtient que de ce qu'on espère et l'on n'est heureux qu'avant d'être heureux » (Lettre VIII de Madame de Wolmar).

2.2.4. LES CONFESSIONS (1765-1770)

Jean-Jacques Rousseau, les Confessions
Le but de l’ouvrage est exposé par Rousseau dès les premières lignes du premier livre : « Que la trompette du jugement dernier sonne quand elle voudra, je viendrai, ce livre à la main, me présenter devant le souverain juge. Je dirai hautement : Voilà ce que j'ai fait, ce que j'ai pensé, ce que je fus. »
Rousseau, isolé, rejeté et incompris par nombre de ses contemporains, entreprend ici un examen de conscience en forme de justification. Habité par le sentiment aigu de sa singularité, il expose le cours de sa vie depuis sa naissance jusqu’à l’âge adulte. Les faits relatés de façon détaillée sont l’occasion d’analyses psychologiques d’une très grande acuité.

2.2.5. PYGMALION (1771)

Ce drame en un acte, créé en mars 1772 à l’opéra de Paris et accompagné d’une musique d’Horace Coignet, illustre les premières lignes des Rêveries du promeneur solitaire : « Me voici donc seul sur la terre, n’ayant plus de frère, de prochain, d’ami, de société que moi-même. » Le sculpteur Pygmalion, seul dans son atelier, implore les dieux de donner une âme à la belle statue Galathée, quitte à devenir elle : « Ah ! que Pygmalion meure pour vivre dans Galathée ! » Sa prière est exaucée : il deviendra elle et restera donc seul !

2.2.6. DIALOGUES OU ROUSSEAU JUGE DE JEAN-JACQUES (1772-1776)

Persuadé d’être l’objet d’un complot de la part des autres philosophes, Rousseau imagine un dialogue entre « Rousseau » et un Français au sujet de « Jean-Jacques ». Rousseau prend la défense de Jean-Jacques contre ses détracteurs. « Prenez directement et en tout, tant en bien qu’en mal, le contrepied du J. J. de vos Messieurs, vous aurez très exactement celui que j’ai trouvé. Le leur est cruel, féroce et dur jusqu’à la dépravation ; le mien est doux et compatissant jusqu’à la faiblesse » (Deuxième Dialogue).

2.2.7. RÊVERIES DU PROMENEUR SOLITAIRE (1776-1778)

La solitude forcée où le plonge la malice des hommes conduit Rousseau à former le projet de décrire l’état habituel de son âme. La solitude lui dévoile sa vraie nature : ce qu’il est en lui-même, indépendamment des scories la société a pu ajouter. « Ces heures de solitude et de méditation sont les seules de la journée où je sois pleinement moi et à moi sans diversion, sans obstacle, et où je puisse véritablement dire être ce que la nature a voulu » (Deuxième Promenade).
La rêverie, un état de l’âme sans objet particulier, ni rêve ni attention, est l’occasion de s’éprouver vivant, de jouir du sentiment de l’existence, en un mot d’être tout entier au présent. Dans cet état, l’homme est comme dieu : il n’éprouve ni regret ni désir, ni inquiétude ; il coïncide avec ce qui, en lui, est le plus originel.

2.2.8. LES ŒUVRES DE JEAN-JACQUES ROUSSEAU

LES ŒUVRES DE JEAN-JACQUES ROUSSEAU
1739 Premier ouvrage : le Verger des Charmettes, poème.
1743 Dissertation sur la musique moderne.
1744-1745 Les Muses galantes, opéra.
1745 Collaboration avec Voltaire et Rameau pour les Fêtes de Ramire.
1750 Discours sur les sciences et les arts.
1752 Le Devin du village, opéra-comique.
Narcisse, comédie.
1753 Lettre sur la musique française
Article " Économie politique " pour l'Encyclopédie.
1755 Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes.
1756 Lettre sur la Providence.
1758 Lettre à d'Alembert sur les spectacles.
1761 Julie ou la Nouvelle Héloïse.
Émile.
1762 Du contrat social.
Lettres à Monsieur de Malesherbes.
1763 Lettre à Christophe de Beaumont.
1764 Lettres écrites de la montagne.
1765 Lettres à Monsieur Buttafuoco sur la législation de la Corse.
1767 Dictionnaire de musique.
1770 Fin des Confessions.
1772 Considérations sur le gouvernement de Pologne.
1776 Fin des Dialogueset début des Rêveries du promeneur solitaire.
À tout Français aimant encore la justice et la vérité.
Histoire du précédent écrit.
1782 Publication des six premiers livres des Confessions et des Rêveries du promeneur solitaire.
1789 Publication des livres VII à XII des Confessions.
Dialogues ou Rousseau juge de Jean-Jacques.

2.3. POSTÉRITÉ DE JEAN-JACQUES ROUSSEAU

Les révolutionnaires français sont fortement inspirés des principes du Contrat social (→ Révolution française). Ils porteront aux nues celui qu’ils présentent comme un héros ; la Convention demandera le transfert des cendres de Rousseau au Panthéon.
Toutefois, la philosophie de Rousseau n’est pas essentiellement révolutionnaire : le contrat n’est pas chez lui un projet d’instauration, mais la conception d’un principe normatif ; ses projets de Constitutions mettent en avant la nécessité de conserver les spécificités du peuple ; sa critique sociale est tout autant une critique morale invitant à la réforme personnelle.
L’influence de Rousseau sur Kant est indéniable : le contrat devient une Idée régulatrice de la raison pure ; la notion de volonté générale est reformulée et transposée au plan de la morale.
Quant au mouvement romantique, il développera le sentiment de la nature, le goût pour la solitude, l’écoute des passions, tant vantés par Julie ou la Nouvelle Héloïse, ou les Confessions (→ le romantisme en littérature).

 

 DOCUMENT   larousse.fr    LIEN

 
 
 
 

MOSCOU

 

 

 

 

 

 

Moscou
en russe Moskva

Moscou
Capitale de la Russie, sur la Moskova.
* Population : 11 514 330 hab. (recensement de 2010)
* Nom des habitants : Moscovites
GÉOGRAPHIE

Moscou
Moscou s'est développée à 156 m d'altitude sur la Moskova en position de carrefour par rapport aux grandes voies fluviales de la Russie d'Europe : Volga, Dvina, Dniepr, Don. La situation géographique reste privilégiée, valorisée par le rail et l'air (plusieurs aéroports). Le noyau historique (autour du Kremlin et de la place Rouge) est entouré d'une première couronne mêlant quartiers industriels et résidentiels, parcs de loisirs et stades. Une deuxième couronne est composée surtout de grands ensembles résidentiels. L'ensemble, ceinturé par une zone forestière de loisirs (maintenant « mitée » d'ensembles urbains et industriels), couvre 886 km2. Métropole, Moscou détient toutes les fonctions. La centralisation politique a entraîné le développement économique. La ville est un grand centre culturel (universités, musées, théâtres) et commercial. L'industrie est caractérisée par l'essor des industries à forte valeur ajoutée (constructions mécaniques et électriques, chimie s'ajoutant au textile, et à l'agroalimentaire). La ville a accueilli les jeux Olympiques d'été de 1980.

LA POSITION GÉOGRAPHIQUE : UNE VILLE DE CARREFOUR
La position géographique explique en partie la fortune de la ville. À plusieurs titres, elle est marquée par les avantages du contact et du carrefour. La ville est au centre de la vieille Russie. Elle commande de nos jours à deux rayons (grandes régions économiques) : le Centre-Industriel au nord, dans lequel elle est située, et le Centre-Terres Noires, plus agricole, au sud. Ces deux régions assurent une partie notable (environ les deux tiers dans le textile, plus du tiers dans la mécanique) de la valeur de la production industrielle de la Russie.

Les deux régions chevauchent deux grandes zones biogéographiques : la taïga, qui commence au nord des limites de l'agglomération contemporaine, et la forêt mixte, dans laquelle est située la ville. Il s'agit donc d'abord d'une position de contact entre les pays du Nord et les pays du Midi. On passe avec de nombreuses transitions des pays noirs de la grande forêt de conifères aux pays plus ouverts, plus clairs de la forêt mêlée d'essences caducifoliées où apparaissent le chêne et le tilleul. Au nord, on cultive sur des sols médiocres (les podzols) du lin-fibre, du seigle, de la pomme de terre avec de faibles rendements ; vers le sud apparaissent le blé, puis le maïs-fourrage et le maïs-grain, enfin le tournesol sur des sols plus riches, déjà caractérisés par les « terres noires » (le fameux tchernoziom), qui, dans les îlots de steppe, annoncent les plaines ukrainiennes. Ainsi s'opposent encore l'izba, maison de bois de la forêt au nord, et la khata, maison de pisé qui apparaissait autrefois dans les campagnes au sud.
Le contact et les transitions s'observent également d'ouest en est. À l'ouest de la ligne de Moscou au Don se disposent des arcs morainiques disséqués, atteignant par endroits 300 m d'altitude, formant le plateau du Valdaï, les « hauteurs » de Smolensk et de la Russie centrale. À l'est et au sud-est, les marques de la glaciation sont insignifiantes, les formes empâtées du relief disparaissent avec les marécages et l'hydrographie indécise. Les eaux s'écoulent en direction de la gouttière du Don, où la sécheresse s'accuse d'amont en aval, où les violents orages d'été creusent les premiers ravins qui annoncent les steppes du Don inférieur.
Ces contrastes sont accusés encore par les circonstances historiques et les traces qu'elles ont laissées. Les paysans russes réfugiés dans la forêt durant les invasions nomades qui déferlaient sur les steppes (et ont même atteint Moscou au cours de razzias) se sont protégés par des postes militaires, des forteresses entourées de palissades de bois. Les nomades s'efforçaient de dévaster, en l'incendiant, la forêt où les chevaux pénétraient difficilement. Ainsi la limite entre les deux zones est artificielle. Au sud du Moscou contemporain s'étendait une sorte de no man's land dans lequel la ligne des fortifications ne cessa de s'étendre jusqu'à la fin du danger, au début du xviiie s. Ainsi la frontière entre les deux « gouvernements » de Moscou (dans la forêt) et de Toula (découvert) avait été fixée sur la rivière Oka. La rivière Voronej est formée de deux tronçons, Voronej des forêts, Voronej des steppes.
Cette dualité explique le peuplement plus récent, sous une forme militaire et féodale, des plateaux et vallées au sud de l'agglomération actuelle, un type d'agriculture reposant sur l'existence de vastes domaines chargés de ravitailler la capitale. Or, la ville de Moscou a grandi à la limite même de ces zones, mais elle a exploité cette position de confins et de carrefour. De plus, elle est placée dans une situation de diffluence hydrographique. Non loin de là, le plateau du Valdaï est un château d'eau d'où les rivières se dispersent dans toutes les directions. Moscou se trouve sur la Moskova, rivière assez large, elle-même affluent de l'Oka qui va confluer dans la Volga. Le cours supérieur de la Volga passe à une cinquantaine de kilomètres plus au nord, et le port fluvial actuel lui est relié par la « mer de Moscou ». Enfin, le réseau de la Desna, affluent du Dniepr, et celui du Don confluent vers les mers du Sud. Tous ces fleuves étaient navigables ; les routes de terre unissaient, par l'organisation de « portages », les cours supérieurs des rivières du Nord et du Sud. Ainsi, des routes fluviales et de terre se croisaient aux environs de Moscou, les deux principales étant celle de la Volga à Novgorod et de Smolensk à Vladimir. Il faut ajouter que la pêche dans les rivières et les lacs était une activité essentielle au Moyen Âge, au même titre que la navigation et l'exploitation de la forêt ; les troncs d'arbres étaient flottés. Ainsi, quelque chemin qu'on empruntât, on passait presque toujours par la région de Moscou. Il faut remarquer que cette position de diffluence est devenue, grâce aux techniques modernes, une position de convergence : Moscou et son port sont, aujourd'hui, l'un des nœuds essentiels du système des cinq mers qui les relie à la mer Baltique, à la mer Blanche, à la Caspienne et à la mer Noire (et à la mer d'Azov).
Enfin, Moscou est au centre d'une des clairières les plus vastes, ouvertes dans la forêt lorsque succomba la Russie kiévienne et que des Russes vinrent s'y réfugier. L'agglomération est de nos jours, comme Paris, entourée de tous côtés par des bois. La forêt mixte cerne les aéroports ou les grandes localités séparées de l'agglomération. Cette clairière fournissait non seulement des produits agricoles, mais les matières premières d'un artisanat du cuir, de la laine, du bois, dont les produits, élaborés par les artisans locaux, les koustar, étaient vendus durant la mauvaise saison par des colporteurs. C'est l'origine des premières manufactures, de l'afflux de marchands, d'une tradition industrielle qui s'épanouit au cours du xixe s., en particulier le textile. Ces conditions favorables de la circulation et de l'économie régionale expliquent la faveur d'un gros village, puis d'un gorod, que les princes choisirent comme résidence.
LE SITE ET L'EXTENSION
À l'origine, Moscou est un simple kreml, fortin de terre et de bois, dominant de quelque 40 mètres la rive escarpée de la Moskova, sur laquelle est jeté un pont, tandis que la rive droite, basse et marécageuse, reste inoccupée. La dissymétrie fondamentale du site demeure dans toute l'histoire de l'extension de la ville, sans doute parce que, mal défendue, l'autre rive offrait un danger tant que menaçaient les invasions, parce que ses prairies étaient inondées au moment de la débâcle, mais encore parce que le terrain de la rive gauche offrait davantage de possibilités pour le développement d'une grande ville. La cité s'étend en partie sur un plateau de craie, masqué par d'épais dépôts glaciaires et disséqué par des affluents en pente forte de la Moskova, dessinant autant de ravins, de méandres encaissés, si bien que les pentes dont s'accidente la ville sont restées dans le folklore international sous le nom de montagnes russes. D'autres buttes ou éperons seront utilisés pour la défense, mais le kreml constitue le centre, le noyau à partir duquel se développent plusieurs villes concentriques. On reconnaît en effet distinctement dans le plan actuel de la ville les ceintures de remparts qui marquent à chaque époque les limites de l'extension.
Le Kremlin était une forteresse entourée de palissades au pied de laquelle s'étendait une petite bourgade de marchands et de soldats. La plupart des édifices du Kremlin actuel ont été construits aux xive et xve s. ; la ville de bois débordait la Moskova et formait un faubourg.
Kitaï-gorod (appelée à tort « Ville chinoise », le terme, d'origine tatare, signifiant plutôt « le fort ») s'étendit au nord-est dans la première moitié du xvie s. ; elle était à peine plus spacieuse que le Kremlin lui-même.
Bielyï-gorod (la « Ville blanche ») enveloppait le Kremlin et Kitaï-gorod sur une superficie beaucoup plus grande, à l'ouest, au nord et à l'est : elle fut entourée de fortifications à la fin du xvie s.
Zemlianoï-gorod (la « Ville de terre ») enfin, ceinte en 1742, engloba l'ensemble des villes précédentes et passa la Moskova sur l'autre rive, dessinant grossièrement un cercle de 4 à 5 km de diamètre.
Les deux rocades circulaires sont parfaitement visibles dans le dessin actuel : la ceinture des « boulevards » autour de Bielyï-gorod, et la ceinture des jardins, ou Sadovaïa, très large, autour de la Ville de terre ; tel est encore le noyau urbain à forte densité de construction et de population de l'agglomération actuelle.
Cette ville a été décrite par tous les voyageurs jusqu'au xxe s. comme un immense village, aux rues étroites, aux maisons de bois, les izbas, basses et entourées de jardinets ; il suffit d'un « cierge d'un kopeck » pour que se déchaînent les incendies. Au début du xixe s., Moscou n'a encore que 200 000 habitants. Cette ville correspond en gros aux quatre rayons (arrondissements) formant le centre. Depuis la Seconde Guerre mondiale, ils ont tendance à se dépeupler au profit de la périphérie et deviennent une city où sont concentrées l'administration et les affaires en même temps qu'une ville-musée visitée par les provinciaux et les étrangers. Son extension a bénéficié des conditions favorables offertes par le sol : vallée d'un affluent de la Moskova, la Iaouza, à l'est, terrasse étendue à l'ouest, sources nombreuses et possibilités de creusement de puits artésiens, abondance des matériaux de construction, argiles, bois et même pierre. C'est à partir de cette ville initiale que s'étend, dans toutes les directions, l'agglomération contemporaine : d'abord, sous la forme de faubourgs très allongés le long des routes radiales menant dans toutes les directions et qui, en raison du sol argileux et humide, sont pavées et portent le nom de « chaussées » ; ensuite, par l'insertion des gros villages de la clairière primitive, qui, peu à peu, reçoivent l'excédent de la population du centre et multiplient le nombre de leurs izbas ; enfin, par la construction, spontanée ou systématique, de quartiers nouveaux. Ainsi s'est modelé le « Grand Moscou », entouré de nos jours par une large rocade routière, future autoroute, ayant grossièrement la forme d'un ovale d'une trentaine de kilomètres du nord au sud et de plus de 20 km d'ouest en est.
Mais l'extension du Moscou des xixe et xxe s. doit tout à l'essor de la fonction industrielle et du carrefour de communications récentes.
LES FONCTIONS INDUSTRIELLES : LES GÉNÉRATIONS
La première génération d'ateliers et de manufactures de la ville est l'expression des activités de la Russie centrale. Moscou n'a pas d'industrie lourde, peu d'industrie chimique. L'industrie se développe à partir des matières premières locales (bois, cuir, lin et laine) ou des produits du négoce avec les pays du Nord (Novgorod) et de la Volga. Le choix de Moscou comme capitale a été en outre déterminant, le rôle dynastique ayant entraîné le développement de la fonction économique. Dès le xvie s., la ville vit de la Cour et accapare, même après la fondation de Saint-Pétersbourg, une partie des fonctions des autres villes de la Volga supérieure comme Iaroslavl ou la ville du textile, Ivanovo. Il s'agit donc de produits de qualité, voire de luxe, fabriqués par une main-d'œuvre experte, bénéficiant d'une longue tradition, disséminée dans des entreprises de petite ou moyenne taille. Même si certaines branches ont décliné après la Révolution, la plupart se sont maintenues, étoffées ou modernisées : ainsi la confiserie, les parfums, les jouets, les objets d'artisanat, qui connaissent avec les touristes étrangers un regain de faveur, ou les industries du cuir. Le textile, qui occupait encore à la fin du xixe s. plus des trois quarts de la main-d'œuvre industrielle, surtout féminine, en emploie encore environ le cinquième et vient au second rang des industries moscovites. Les manufactures utilisent des filés provenant d'autres régions, et leur production se situe en aval : tissages de la laine et du coton (dans la célèbre manufacture des Trois Montagnes), de la soie naturelle, de la rayonne et des textiles synthétiques, auxquels s'ajoutent la confection, le tricotage, la fourrure, la haute couture ; la branche textile a entraîné le développement du secteur des colorants et des machines.
La seconde génération d'industries date des chemins de fer et de l'abolition du servage. La première voie ferrée, venant de Saint-Pétersbourg, est achevée en 1851. Moscou est reliée au gros centre industriel de Kharkov en 1869, à la Biélorussie et à Varsovie en 1871, à la plupart des grandes villes de province en 1880. Les grandes gares se localisent à la périphérie de la Sadovaïa, portant le nom des villes qu'elles atteignent. Moscou devient un nœud de communications moderne, un carrefour commercial d'importance accrue, reçoit les produits lourds du Donbass. En même temps, les campagnes de la Russie centrale se dépeuplent à la suite de l'abolition du servage (1861). Des centaines de milliers de paysans viennent s'entasser autour des gares, le long des voies ferrées radiales qui pénètrent dans la ville, à proximité des usines nouvellement créées. Celles-ci sont fondées par d'autres capitaux, d'origine étrangère. C'est dans le dernier quart du xixe s. que naissent les premières entreprises métallurgiques : on en comptait 127, avant 1917, presque toutes de petite taille. Ce fut la base à partir de laquelle les premiers plans quinquennaux firent de Moscou le grand centre d'industrie mécanique, travaillant des métaux importés, se situant en aval de la production du Donbass et de l'Oural, livrant des produits finis de qualité, employant une main-d'œuvre qualifiée de cadres moyens et supérieurs formés dans de nombreuses écoles professionnelles. Ainsi, cette branche a ravi rapidement la première place à l'industrie textile et occupe actuellement plus de la moitié de la main-d'œuvre, concentrée dans des établissements de grande taille, fournissant plus du dixième de la valeur de la production mécanique de la Russie : machines-outils pour l'équipement des industries minière, chimique, automobile, textile, des roulements à billes ; électrotechnique, de plus en plus spécialisée dans les appareils électroménagers pour la large consommation urbaine et dans l'électronique (la plus connue est l'entreprise Dinamo, qui fabrique des moteurs et des transformateurs et exporte plus du dixième de sa production dans une trentaine de pays). L'automobile est concentrée depuis le premier plan quinquennal dans l'entreprise Likhatchev, qui a été rénovée et produit des voitures (mais aussi, dans les filiales situées dans l'agglomération, des camions, des autobus et du matériel de manutention). Enfin, la mécanique de précision (compteurs, horlogerie) est une vieille spécialité de Moscou.
À ces deux branches principales s'ajoutent les grandes industries urbaines, le combinat polygraphique (impression, édition) de la Pravda, des studios de cinéma, quelques usines de caoutchouc et de colorants. Au total, une main-d'œuvre de plus d'un million de salariés et de cadres, plus de 300 usines, le dixième du produit brut provenant de l'industrie en Russie.

Ces industries se localisent en fonction de l'origine de la matière première. Ainsi, en direction du bassin houiller de Toula et de Koursk, dans la banlieue sud, se trouvent une fonderie, l'usine de machines à coudre ex-Singer à Podolsk. Vers le sud-est, le long des voies ferrées, sont les usines Dinamo et Likhatchev ; vers le nord, près de Khimki, un chantier de constructions navales, des industries alimentaires ; vers l'est, en direction des villes de la Volga et du Second-Bakou, l'usine Elektrostal (aciers électriques), la chimie et les matières plastiques. Ainsi, l'agglomération s'est sans cesse avancée aux dépens de son oblast, où des villes de plus de 100 000 habitants concentrent une population industrielle et où les villes satellites ont été créées pour décentraliser la vieille ville. Moscou a ainsi construit sa zone d'attraction de main-d'œuvre.
MOSCOU, CAPITALE
Les fonctions de services liées au rôle grandissant de la capitale utilisent une main-d'œuvre plus nombreuse que l'industrie : ainsi, plus du quart de la main-d'œuvre est employé dans la santé publique, l'enseignement et la recherche. Le transfert du siège du gouvernement décidé par Lénine a accéléré l'évolution démographique par rapport à celle de Saint-Pétersbourg et multiplié les fonctions. Elle attire les cadres, les visiteurs, les touristes. Staline avait voulu exprimer cette prépondérance en construisant des gratte-ciel, laids et démodés de nos jours, mais d'autres constructions nouvelles symbolisent la volonté de prestige. Ainsi se sont édifiés la plus haute tour de télévision du monde, à Ostankino (plus de 500 m), le plus grand hôtel (6 000 lits), à côté du Kremlin. À des titres divers, le théâtre Bolchoï, l'Exposition permanente des réalisations de l'économie nationale, l'université Lomonossov, les parcs d'attraction et les stades rassemblent les visiteurs provinciaux et étrangers.
Cette fonction se traduit par la concentration, en régime de planification centralisée, des ministères, des représentations étrangères. L'université et les hautes écoles rassemblent le cinquième des effectifs de toute la Russie, et l'université est la plus réputée du pays. Près du cinquième des ingénieurs de Russie travaillent à Moscou. Les grandes académies et des instituts de recherche renommés dans le monde entier y ont leur siège. La proximité des centres travaillant pour la défense nationale, enfouis dans la ceinture de verdure, la fondation de centres de recherches nucléaires, comme l'accélérateur de particules de Serpoukhov au sud, le centre de recherches fondamentales de Doubna au nord, sur la mer de Moscou, ont encore accru la concentration de scientifiques sortant des hautes écoles.
Sur le plan international, l'université Lumumba, située au sud de la Moskova, a attiré, avec des succès d'ailleurs divers, les étudiants du tiers monde, notamment de l'Afrique.
La ville s'ouvre également aux autres pays et prend une importance mondiale. Elle est de plus en plus choisie comme centre de grands congrès internationaux. Elle accueille plusieurs centaines de milliers d'étrangers par an, hommes d'affaires, touristes, le plus souvent regroupés selon la formule des voyages organisés et guidés. L'aéroport international de Cheremetievo est construit à une trentaine de kilomètres au nord de Moscou.
EXPANSION ET RAYONNEMENT DE MOSCOU
La ville a ainsi forgé autour d'elle une région urbaine de grande taille et de densité à l'hectare encore relativement faible, par rapport aux grandes capitales mondiales (300 à l'intérieur de la Sadovaïa, moins de 100 à l'intérieur de la rocade). Le processus a été géométrique, sous la forme radio-concentrique, si bien qu'on peut facilement enfermer dans des cercles de rayon croissant les agglomérations successives, du Kremlin à l'oblast. Depuis le régime soviétique, cette extension a été planifiée, définie par des limites administratives. Pour la première fois au cours du premier plan quinquennal, un plan d'urbanisme se préoccupe d'organiser et de prévoir l'extension de la ville et la répartition de la population. Mais l'avant-guerre compta encore peu de réalisations. En 1948, Staline veut donner à la capitale de la Russie victorieuse une allure prestigieuse et fait construire les huit gratte-ciel, dont le plus élevé est l'université sur le mont des Oiseaux, puis les stations du métro, d'un luxe de goût discuté. Un plan datant de 1953 porte la superficie de la ville, marquée par la limite du pouvoir de son Conseil (Mossoviet), à 330 km2, contre 300 environ avant la guerre. En 1959, la superficie atteint, par annexion de quelques quartiers ou villages, 356 km2. Enfin, la dernière phase est marquée par le décret du 18 août 1960, qui porte le territoire à 875 km2 (886 aujourd'hui), enfermé par la rocade routière circulaire d'où partent dans toutes les directions les routes nationales (appelées « autoroutes ») à deux ou quatre voies. Autour, une autre enveloppe limite une « zone protégée » à faible densité où ne sont situées qu'une dizaine de localités de quelques milliers d'habitants chacune, où la construction est en principe interdite et qui doit être réservée au repos (forêt, parcs, prairies, plans d'eau, lacs et réservoirs sur les rivières, comme la Kliazma), s'étendant sur 1 800 km2, ce qui porte la superficie du « Grand Moscou » (Mossoviet, plus ceinture protégée) à plus de 2 650 km2. Les villes incluses sont Mytichtchi, Balachikha à l'est, Lioubertsyau sud-est, Vidnoïe au sud...
Enfin, la région suburbaine appelée Podmoskovie (« région autour de Moscou ») s'étend sur la majeure partie de la province (oblast) administrative. Elle comprend encore plusieurs millions d'habitants répartis dans plusieurs types d'agglomérations. Les localités rurales appartiennent à la zone de ravitaillement en produits agricoles de la ville, spécialisées dans la culture maraîchère (pommes de terre et choux), la production porcine et laitière (avec une densité d'une trentaine de têtes de gros bétail sur 100 ha), l'exploitation de serres, généralement chauffées par la vapeur des usines voisines, des vergers de pommiers. La vallée de la Kliazma au nord constitue en particulier une zone de cultures légumières très dense. Dans des localités mi-rurales, mi-urbanisées subsistent un artisanat ou des ateliers travaillant en vue du marché urbain (objets de bois, de cuir, poteries, textiles), où se sont décentralisées de petites entreprises de la vieille ville. Des localités de maisons de campagne (datcha) sont entourées de verdure, de terrains de chasse, de baignades, de parcs de récréation. Des vieilles villes industrielles ou des centres de recherche sont installés au milieu de la forêt (ainsi Serpoukhov au sud, Doubna au nord, Elektrostal à l'est, la file des usines allongées jalonnant le canal Volga-Moscou au nord-ouest). Des villes satellites, ou spoutnik, villes nouvelles à croissance rapide, sont chargées de décentraliser la population ou de retenir la population nouvelle à la périphérie de l'agglomération. Une partie de la main-d'œuvre travaille sur place, une autre à Moscou. Ainsi se sont développées une vingtaine de villes, dont la majorité se situe dans la partie occidentale de l'agglomération : Istra, Dedovsk, Troïtski, Naro-Fominsk...
Une vingtaine de grands ensembles, chacun d'eux pourvu d'un équipement scolaire et commercial, ont été construits : ainsi Tcheremouchki et Kountsevo au sud-ouest et à l'ouest ; Babouchkine et Medvedkovo au nord, Khimki-Khovrino au nord-ouest, etc. L'un des meilleurs exemples d'aménagement est celui du Iougo-Zapad, du sud-ouest, où de nouvelles avenues (prospekt) ont été tracées, où l'immense parc des sports Loujniki s'étend dans la boucle de la Moskova, avec un stade de 100 000 places.
UN URBANISME « VOLONTARISTE »
L'urbanisme soviétique reposait sur deux idées fondamentales qui déterminaient son originalité et son efficacité : le régime des droits de propriété élaboré depuis 1917 et l'intégration de l'aménagement du territoire dans le système de planification.
1924 : le plan de reconstruction et de développement de Moscou, par Chestakov, renforce le tracé radio-concentrique et la séparation sur le terrain des fonctions de la vie urbaine (zoning).
1929 : le plan d'« urbanisme socialiste » marque l'affrontement de deux grands courants de pensées : pour les « urbanistes », la création de maisons communes consacre la vie collective qui doit se dérouler dans un cadre urbain. Pour les « désurbanistes », la ville est historiquement et économiquement condamnée ; des cellules de vie collective doivent se créer sur tout le territoire et faire disparaître l'opposition ville-campagne. Les deux courants seront critiqués par le pouvoir, mais donneront cependant lieu à d'intéressantes réalisations.
1935 : le plan de reconstruction systématique amène la création de grandes artères radiales, la création du métro (son décor et son luxe témoignent de l'intérêt porté à l'aménagement de tous les lieux de vie collective), la délimitation stricte d'un périmètre d'extension. Si l'architecture proprement dite verse dans le monumentalisme (style « stalinien »), l'application de ce plan devait contribuer efficacement au développement de la capitale.
LE CLIMAT
Le climat de Moscou est continental, avec des précipitations moyennes (624 mm par an), qui tombent surtout en été, et des températures moyennes qui oscillent entre 19 °C en juillet (23 °C maximum et 13 °C minimum) et – 9 °C en janvier (– 9 °C maximum et – 16 °C minimum), soit 28 °C d'amplitude thermique, pour une moyenne annuelle de 4 °C. Les hivers sont longs (4 mois) et rigoureux (150 jours de gel), avec parfois des excès (les températures descendent jusqu'à − 30 °C).
L'HISTOIRE DE MOSCOU
Vers 1140, un boyard du nom de Koucha construit un petit village dans une clairière au milieu de la forêt près d'une rivière au cœur de la Russie, et il perçoit un péage pour le passage de cette rivière, la Moskova (Moskva). Le prince d'une ville voisine, Iouri Dolgorouki de Rostov-Souzdal, s'empare du village en 1147 et lui donne le nom de Moscou, d'après celui de la rivière (Moskva viendrait du finnois et signifierait « eaux troubles » en opposition à Oka, « eaux calmes »).
En 1156, ce prince décide de fortifier le village et il établit une citadelle sur la colline : le Kreml (ou Kremlin). Une ville (gorod) naît alors mais qui reste sans grande importance jusqu'à la seconde moitié du xiiie s. Le moment décisif, c'est en 1263 la fondation d'une principauté indépendante de Moscou par Alexandre Nevski, qui la confie à son fils cadet Daniel.
À partir d'un site géographique favorable, mais plutôt banal, le développement de Moscou s'explique par des raisons historiques. Daniel et ses successeurs mènent un jeu habile et utilisent la protection mongole pour agrandir leur territoire et abaisser les villes voisines. Capitale politique, Moscou devient en 1326 une capitale religieuse en raison de l'installation à l'intérieur du Kremlin du métropolite orthodoxe.
Derrière les palissades en bois du Kremlin, on trouve alors le palais du prince et la cathédrale de l'Assomption, mais la ville s'étend au-delà du Kremlin sur la rive gauche de la Moskova au xive et au xve s. Les succès des princes de Moscou qui en 1480 s'affranchissent définitivement du tribut mongol font de la ville le successeur de Byzance, conquise par les Turcs en 1453. Moscou prétend même être la troisième Rome.
La ville s'agrandit et devient une belle cité aux monuments en pierre à partir de la fin du xve s.
Au xvie s., Moscou est un grand centre commercial, en particulier grâce à ses relations asiatiques. Le centre commercial se trouve à l'est du Kremlin, c'est Kitaï-gorod, entourée elle-même d'une muraille. Plus loin s'étend Bielyï-gorod (la « Ville blanche »), également entourée d'une muraille, qui se développe au xviie s. Ce sera le quartier aristocratique et on y créera en 1755 la première université russe.
La ville s'étend également sur la rive droite, où se trouvent les quartiers populaires de la Zemlianoï-gorod (la Ville de terre). Avec 100 000 habitants au xvie s., près de 200 000 à la fin du xviie s., Moscou est une cité importante malgré les troubles et l'occupation polonaise.
En 1712, Pierre le Grand lui enlève cependant son titre de capitale au profit de Saint-Pétersbourg, qu'il vient de fonder. Néanmoins, l'importance de Moscou reste grande, car elle demeure la ville sainte où les tsars se font couronner, la capitale religieuse, la deuxième capitale de l'empire des tsars.
La ville est occupée par Napoléon en 1812 du 14 septembre au 19 octobre, et l'incendie de Moscou fait rage plusieurs jours après l'arrivée des troupes françaises.
Au xixe s., Moscou, malgré les progrès de Saint-Pétersbourg, connaît un développement certain dû à son rôle économique et à sa position centrale incontestablement plus favorable que celle de la métropole baltique. L'industrie textile, métallurgique et chimique apparaît dans les faubourgs, et Moscou compte plus d'un million d'habitants à la fin du xixe s. et plus d'un million et demi en 1917. Lors de la révolution de 1905, elle est une grande ville ouvrière, et c'est là que les socialistes russes déclenchent, en décembre, une insurrection, vaincue après quelques jours de violents combats.
En 1917, après la révolution d'Octobre victorieuse à Petrograd, le soviet de Moscou à majorité bolcheviste se heurte à la résistance acharnée des détachements d'élèves officiers, les junkers, qui réussissent à occuper le Kremlin et y massacrent plusieurs centaines de jeunes soldats rouges. Le soviet de Moscou doit donner l'ordre de bombarder les murailles du Kremlin pour reprendre la forteresse la nuit du 16 au 17 novembre.
Le 11 mars 1918, le Conseil des commissaires du peuple présidé par Lénine quitte Petrograd pour s'installer à Moscou, à l'intérieur du Kremlin.
Redevenue dès lors la capitale de la Russie, puis celle de l'Union des républiques socialistes soviétiques, fondée à la fin de 1922, Moscou va croître rapidement en raison même de la politique de centralisation suivie par Staline et par les dirigeants soviétiques. La ville se transforme rapidement et s'agrandit dans toutes les directions.
D'octobre à décembre 1941, les armées hitlériennes s'approchent jusque dans les faubourgs de Moscou, mais, malgré les 75 divisions (dont 14 blindées) et 1 000 avions mis en action par Hitler, elles ne peuvent s'emparer de Moscou, défendue par l'armée rouge et par un peuple dressé pour la défendre.

L'ART À MOSCOU
Moscou fut tout d'abord construite en bois ; elle reçut ses premiers bâtiments en pierre sous Ivan III (1462-1505), qui acheva le rassemblement des terres russes et voulut que la cité fût le symbole de sa puissance.
Ivan III confie tout d'abord à des architectes de Pskov la construction de la cathédrale de la Dormition (Ouspenski Sobor), à l'intérieur de l'enceinte fortifiée remontant au xiie s. (Kremlin) ; mais les Russes échouent, ayant oublié les techniques de construction en pierre sous le joug mongol. Le tsar fait alors appel à des Italiens, et c'est un architecte de Bologne, Aristotele Fieravanti (ou Fioravanti, vers 1415-vers 1486), qui en mène à bien la construction (1475-1479) en prenant pour modèle la cathédrale de la Dormition de Vladimir. Dans les années qui suivent, d'autres églises sont encore édifiées dans le Kremlin : la collégiale de l'Annonciation (Blagovechtchenski Sobor, 1484-1489), bâtie par des architectes de Pskov, se présente comme un cube entouré d'une haute galerie et coiffé de coupoles ; l'iconostase fut exécuté, semble-t-il, par Théophane le Grec (vers 1350-début du xve s.) et Andreï Roublev (vers 1360-1430). En face fut élevée la collégiale de l'Archange-Saint-Michel (Arkhangelski Sobor, 1505-1509), œuvre du Milanais Alevisio Novi ; cet édifice conserve la structure des églises russes, mais il est, en particulier, orné de coquilles de style Renaissance, motif décoratif qui sera un élément caractéristique de l'architecture moscovite. Ces grands édifices s'équilibrent avec des constructions plus modestes comme la petite église de la Déposition-du-Manteau-de-la-Vierge (1484-1486), derrière laquelle pointent les bulbes des églises intégrées au palais du Terem, construit en 1635-1636. Le palais à Facettes (Granovitaïa Palata, 1487-1491) fut bâti par Marco Ruffo (actif à Moscou à partir de 1480) et Pietro Antonio Solari (vers 1450-1493) ; l'intérieur fut, en 1668, décoré de fresques par Simon Fedorovitch Ouchakov (1626-1686). Au-dessus de tous ces édifices se dresse le clocher d'Ivan le Grand (Ivanovskaïa kolokolnia). Cette énorme tour, commencée au début du xvie s. et achevée en 1600 sous le règne de Boris Godounov, renferme trente et une cloches. L'une d'elles, la cloche Reine (Tsar kolokol), mesure 5,87 m de haut et pèse 218 t ; un fragment s'en détacha en 1737 et fut installé sur un socle de granit, au pied du clocher, en 1836. Résidence du tsar, mais aussi siège du métropolite, puis du patriarche, le Kremlin abrite encore le palais Patriarcal et la collégiale des Douze Apôtres (1655-1656), église privée du patriarche. Le Kremlin a été agrandi au cours des siècles, sa superficie est actuellement de près de 28 ha. Sous Dimitri Donskoï (1359-1389), l'enceinte de bois est remplacée par une enceinte en pierre. Elle est reconstruite en brique en 1485-1495 par Marco Ruffo et Pietro Antonio Solari, qui prennent pour modèle le château des Sforza de Milan. Les remparts, crénelés à l'italienne, sont flanqués de vingt tours : en 1485 est élevée la porte centrale, dite « porte secrète » (Taïnitskaïa vorota), d'où partait un souterrain conduisant à la rivière ; en 1487, on construit la tour de Beklemichev ; en 1490, la tour Borovitskaïa, par où Napoléon devait pénétrer dans le Kremlin ; en 1491, les portes Saint-Nicolas (Nikolskaïa vorota) et de Saint-Flor. Les couronnements actuels des tours sont du xviie s. ; ceux de la tour à horloge de la porte du Sauveur ont été conçus en 1625 par l'Anglais Christopher Galloway.
À l'extérieur du Kremlin, de l'autre côté de la place Rouge (Krasnaïa Plochtchad, « Belle Place » en vieux russe), la place principale de Moscou.
On élève l'église Saint-Basile-le-Bienheureux (1554-1560) sur ordre d'Ivan le Terrible, pour commémorer la prise de Kazan. Ce monument, constitué d'une église centrale entourée de huit chapelles coiffées de coupoles bariolées, est une curiosité pittoresque et non un édifice typique de l'architecture russe. Toutefois, la partie centrale est construite dans un style largement répandu au xvie s., le style pyramidal (en chater [chatior]). Les églises de ce modèle sont caractérisées par une flèche pyramidale coiffant un édifice très élancé et de section réduite. Les premières églises en chater avaient été construites dans les environs de Moscou : celle de Saint-Jean-Baptiste à Diakovo (1529), celle de l'Ascension à Kolomenskoïe (1532). Au xviie s., on élève surtout des églises paroissiales, presque toutes du même type : de plan carré, elles sont plus hautes que larges, souvent à deux étages et couronnées de cinq coupoles ; le sommet des façades se termine par des arcs en encorbellement. On accède à l'église par une longue galerie fermée dont l'entrée est surmontée d'un clocher en chater, comme dans l'église de la Nativité à Poutinki (1649-1652), celle de la Dormition-des-Potiers (1654) ou celle de Saint-Nicolas-des-Tisserands (1676-1682).
À la fin du xviie s. se répand un style nouveau, le baroque moscovite, ou style Narychkine, du nom du boyard Lev Kirillovitch Narychkine (1668-1705), beau-frère du tsar Alexis Mikhaïlovitch, qui fit bâtir en 1693 l'église de la Protection-de-la-Vierge à Fili. Celle-ci repose sur une haute galerie à arcades, et l'on y accède par des escaliers imposants. La partie inférieure de l'église est un cube flanqué sur chaque côté d'une construction semi-circulaire coiffée d'une coupole ; sur ce cube vient s'emboîter une première tour octogonale, surmontée d'une seconde, plus petite, elle-même couronnée d'une coupole. L'édifice, de couleur brique, est orné d'éléments décoratifs en chaux. Le style Narychkine se distingue en effet par la richesse du décor : les façades sont ornées de colonnettes, de chapiteaux, de corniches, de carreaux de faïence de couleurs vives ; les lignes architecturales sont soulignées par des moulures, les fenêtres sont encadrées de torsades et de volutes. On trouve de beaux exemples du baroque moscovite au monastère Novodevitchi ou au monastère Donskoï.
À partir des années1770-1780 et jusqu'au milieu du xixe s., le style classique remplace le baroque, en particulier dans l'architecture civile. Deux architectes, Vassili Ivanovitch Bajenov (1737 ou 1738-1799) et son élève Matveï Fedorovitch Kazakov (1738-1812), construisent pour de riches marchands ou pour des nobles une série d'hôtels particuliers, tous bâtis sur le même modèle : le corps central, décoré d'une imposante colonnade et d'un fronton, est flanqué de deux ailes ; l'ensemble de l'édifice est recouvert de stuc peint en couleurs pastel. Il en est ainsi de la maison Pachkov (1784-1786), œuvre de Bajenov, ou de la maison Demidov (1779-1791), due à Kazakov. C'est également sur ce modèle que Kazakov édifie dans les années 1780 l'ancien Sénat (avec sa vaste Salle à colonnes) et, en 1786-1793, le bâtiment de l'université, qui sera restauré après l'incendie de 1812. Une architecture semblable se retrouve dans les résidences que se font construire les nobles aux environs de Moscou : châteaux de Kouskovo des années 1770 et d'Ostankino des années 1790, appartenant aux comtes Cheremetev, château d'Arkhangelskoïe (vers 1780-1831), résidence des princes Galitzine (Golitsyn), puis Ioussoupov.

Après l'incendie de 1812, Alexandre Ier crée une commission pour la restauration de Moscou. L'architecte Ossip Ivanovitch Bovet (1784-1834) aménage le centre de la ville dans le style classique, notamment la place du Théâtre où il construit le théâtre Bolchoï (1821-1824). Près du Kremlin est édifié en 1817 le Manège (détruit par un incendie en 2004).
Au milieu du xixe s. se développe un style nouveau, inspiré par l'architecture russe médiévale, à laquelle il emprunte de nombreux éléments décoratifs. C'est dans ce style « vieux russe » qu'ont été édifiés par C. Thon (Konstantine Andreïevitch Ton [1794-1881] le, Grand Palais (1838-1849) et le palais des Armures (1849-1851), à l'intérieur du Kremlin ; de même, le Musée historique (1875-1881), dont la décoration extérieure est due à V. Sherwood (Vladimir Ossipovitch Chervoud [1833-1897]), les galeries marchandes (1888-1894), qui abritent aujourd'hui le magasin Goum, et la galerie de peinture Tretiakov, dont la façade a été dessinée par le peintre Viktor Mikhaïlovitch Vasnetsov (1848-1926).

Après la révolution d'Octobre, Moscou redevient la capitale. Comme dans les autres domaines de l'art, des tentatives se font jour pour créer une architecture rompant résolument avec celle du passé. Au début des années 1920, les architectes recherchent surtout des formes nouvelles, méprisant les aspects fonctionnels et les problèmes de construction. De nombreux projets, sans doute irréalisables, sont d'ailleurs dus à des peintres ou à des sculpteurs, tel celui de Tatline pour un monument à la IIIe Internationale. Par la suite, les architectes s'efforcent de concilier les recherches formelles et les nécessités d'une architecture fonctionnellement adaptée au nouveau genre de vie. C'est dans cet esprit, par exemple, que Konstantine Melnikov construit plusieurs clubs à Moscou, notamment le club Roussakov, auquel il applique le principe des volumes transformables (salle adaptable aux différents besoins).
Cette synthèse entre expression formelle et fonctionnalisme est parfaitement atteinte dans les projets d'Ivan Leonidov à la fin des années 1920. Cependant, ils ne furent pas pris en considération, car alors commençaient à s'imposer les partisans d'un style monumental empruntant ses éléments composites à l'architecture du passé. Ce style triomphera au milieu des années 1930. Qualifié parfois de « stalinien », il est caractérisé par la massivité et la surabondance des éléments décoratifs, colonnes, corniches, etc. Les gratte-ciel de Moscou, tel celui de l'université Lomonossov (1949-1953), en offrent un exemple typique. Après 1956, l'architecture devient beaucoup plus sobre. On édifie des bâtiments de verre et de béton aux formes parallélépipédiques, tels le palais des Congrès (1961) [dans l'ensemble du Kremlin], dont le projet a été établi sous la direction de Mikhaïl Vassilievitch Possokhine, le cinéma Russie sur la place Pouchkine, plus récemment l'hôtel Russie ou encore les immeubles du « nouvel Arbat ».
Un plan de rénovation du centre historique a été entrepris dans les années 1990 : reconstruction de la porte de la Résurrection, de la cathédrale Notre-Dame de Kazan, de l'ancienne cathédrale du Christ-Rédempteur, édifiée entre 1839 et 1883 pour célébrer la victoire de 1812 sur Napoléon (rasée par Staline en 1933 et aménagée en piscine en 1960) …

 

LES MUSÉES DE MOSCOU
La galerie Tretiakov, donnée à la ville de Moscou en 1892, présente un vaste panorama de l'art russe depuis le xie s. jusqu'à nos jours (Vierge de Vladimir, Andreï Roublev, Kandinski, etc.).
Le musée des Beaux-Arts Pouchkine est consacré à la peinture occidentale, des primitifs italiens à Picasso (collections Chtchoukine et Morozov), en passant par les écoles hollandaise (Rembrandt), flamande, espagnole, les impressionnistes, Van Gogh, Cézanne, Matisse, etc.
Le musée du palais des Armures est installé dans le palais construit pour lui de 1849 à 1851. L'institution a pour origine un dépôt d'armes créé dans les premières années du xvie s. Depuis 1917, le palais des Armures est devenu un grand et riche musée d'art : armes et armures, émaux des xvie et xviie s., orfèvrerie européenne, parures et broderies, pierres précieuses.
La ville et sa proche banlieue compte maints autres musées : le musée d'Histoire, le musée Pouchkine, le musée Andreï Roublev (dans l'ancien monastère Saint-Antoine), le musée d'architecture (à Kolomenskoïe), le musée d'Art et d'Histoire (à Serguiev Possad), le musée de la Céramique (dans le château de Kouskovo), etc.

PLAN
*
* GÉOGRAPHIE
* La position géographique : une ville de carrefour
* Le site et l'extension
* Les fonctions industrielles : les générations
* Moscou, capitale
* Expansion et rayonnement de Moscou
* Un urbanisme « volontariste »
* Le climat
* L'HISTOIRE DE MOSCOU
* L'ART À MOSCOU
* LES MUSÉES DE MOSCOU

 

Articles associés
aéronautique.
Science de la navigation aérienne et de la technique des...
automobile.
[TECHNIQUES] Véhicule routier mû par un moteur à explosion, à combustion interne, électrique...
Cheremetievo.
Aéroport de Moscou, au N.-N.-O. de la capitale.
Kremlin.
Quartier central de Moscou, ancienne résidence des tsars, siège du...
Lioubertsy.
Ville de Russie, banlieue de Moscou, à 20 km au S.-E. du Kremlin...
Lomonossov (université).
Université située à Moscou et inaugurée en 1953.
Oka.
Rivière de Russie, principal affluent de la Volga (rive droite), qui...
Rouge (place).
Place principale de Moscou, en bordure du Kremlin.
Russie.
État d'Europe orientale et d'Asie, la Russie est baignée au nord par l'océan Arctique...
transsibérien (Chemin de fer).
Chemin de fer transcontinental long de 9 297 km, reliant Moscou à Omsk...
Voir plus

Chronologie
* 1480 Le grand-prince de Moscou Ivan III libère définitivement la Russie de la domination mongole.
* fin du XV- début du XVIe s. Construction de nombreux monuments du Kremlin, à Moscou.
* 1589 Création du patriarcat orthodoxe de Moscou.
* 1936 Début des grands procès de Moscou.
* 1980 Les jeux Olympiques de Moscou sont boycottés par les États-Unis pour protester contre l'intervention des troupes soviétiques en Afghanistan.

 

 DOCUMENT   larousse.fr    LIEN

 

 
 
 
 

LÉONARD DE VINCI

 


 

 

 

 

 

Léonard de Vinci

Artiste et savant italien (Vinci, près de Florence, 1452-manoir du Cloux, aujourd'hui château du Clos-Lucé, Amboise, 1519).

Initiateur de la seconde Renaissance, Léonard de Vinci est la figure même du peintre visionnaire, mais aussi du génie universel. Il observa la nature avec l'acuité du savant et, passionné de technique, fut un inventeur trop en avance sur son temps pour que ses projets fussent réalisés.

1. LES DÉBUTS À FLORENCE

Fils de Ser Piero, notaire de la seigneurie de Florence, et d'une paysanne, Léonard de Vinci entre, en 1469, dans l'atelier de Verrocchio, qui lui enseigne la sculpture et la peinture – et lui apprend à maîtriser la perspective.

Il habite Florence jusque dans les années 1481-1482. Ses tableaux d'alors – l'Annonciation(1473), Portrait de Ginevra Benci (vers 1478-1480) – montrent combien il est sensible à l'esthétique ambiante.
Dans l'Adoration des Mages (vers 1481, [inachevé]), il initie la technique du « sfumato », sorte de voile qui dilue les masses plastiques dans une réalité nouvelle, plus suggestive, plus poétique, et qui rend imperceptible la transition entre les couleurs, les ombres et les lumières.

2. À MILAN CHEZ LES SFORZA

À la demande de Laurent de Médicis, qui, pour des raisons de prestige, cherche à diffuser le savoir-faire florentin, Léonard se rend en 1482 à Milan, où il se met au service du duc Ludovic le More. À la cour des Sforza, il sera à la fois ingénieur militaire, architecte, peintre, sculpteur et grand ordonnateur des fêtes (mascarade du Paradis, 1490 ; Divertissement de Jupiter et Danaé, 1496).
Seize ans durant, il travaille à la statue équestre de François Sforza, œuvre aux proportions colossales qui ne sera jamais fondue. Léonard participe aussi aux discussions sur la construction des cathédrales de Milan et de Pavie. Les recherches picturales auxquelles il s'adonne s'expriment dans deux chefs-d'œuvre : la Vierge aux rochers (vers 1482-1483) et la Cène (1497).

3. DES ŒUVRES MYTHIQUES

Lorsque le duché de Milan tombe aux mains des Français, en 1499, Léonard se rend à Mantoue, où il fait le portrait d'Isabelle d'Este. À Rome, il travaille comme ingénieur militaire pour César Borgia, puis il revient à Florence.
Il donne alors des œuvres qui ont, toujours aujourd'hui, un retentissement universel : la Joconde (vers 1503-1507) et la Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Anne (vers 1508-1510). La Bataille d'Anghiari, peinture murale destinée au Palazzo Vecchio (vers 1503-1505), n'est connue que par des dessins, tout comme la Léda (entre 1504 et 1508).

4. DERNIÈRES PÉRÉGRINATIONS
En 1508, Léonard est de nouveau à Milan, où les peintres Bernardino Luini et Andrea Solario seront ses continuateurs les plus directs. Il y compose un monument équestre pour le tombeau du condottiere Trivulce (1511-1512).
Appelé ensuite à Rome par Julien de Médicis, frère du pape Léon X, il y passe deux années. De cette époque est daté le Saint Jean-Baptiste du Louvre (vers 1514-1515). Enfin, en 1516, Léonard répond à l'offre de François Ier, qui l'invite à sa cour et l'installe au manoir du Cloux (actuel château du Clos-Lucé), près du château d'Amboise. Il y propose les plans d'un château idéal pour le roi de France – lequel confie qu'il ne croyait pas « qu'un homme possédât autant de connaissances ». C'est au Clos-Lucé qu'il s'éteindra le 23 avril 1519.

5. L'HÉRITAGE ESTHÉTIQUE

Dans la continuité de toutes les aspirations du quattrocento florentin, Léonard de Vinci aura parachevé, en peinture, la conquête du clair-obscur, dont l'influence sera si décisive. Auteur de dix-huit tableaux achevés seulement, il laisse une œuvre dont la valeur est immense.
Elle se complète d'écrits théoriques, publiés en français en 1942 sous le titre de Carnets de Léonard de Vinci ; ils comprennent notamment le Traité de la peinture dont l'artiste conçoit le projet vers 1490 (et qui sera édité en 1651 d'après une compilation du xvie siècle).
Voir aussi l'article Léonard de Vinci [littérature].

6. L'ACTIVITÉ DU SAVANT ET DE L'INGÉNIEUR
LA PASSION DE LA CONNAISSANCE

Léonard de Vinci se sera intéressé à toutes les branches de la science, ainsi qu'en témoignent ses écrits et ses étonnants carnets de dessins (importantes collections au château de Windsor, en Angleterre, et au Clos-Lucé). En tant que savant, une seule passion l'anime : la connaissance totale de l'univers visible, dans ses structures et ses mouvements.
Avec une sorte de stoïcisme serein, avec le culte de la solitude, il rejette les arguments d'autorité et fonde son jugement sur l'expérience. Son image du cosmos, jeu de forces harmoniques et réceptacle de la lumière, avec une unité profonde du monde de la nature et du monde de l'âme, relève du platonisme diffus de l'époque, auquel s'ajoutent les doctrines de Nicolas de Cues sur le mouvement, principe de toute vie.
Léonard ne deviendra jamais un savant du type de Copernic ou de Newton, de ceux qui renouvellent la science par leurs découvertes ou leurs hypothèses. Sa terminologie physique reste imprécise et contradictoire. En fait, tout en célébrant « la suprême certitude des mathématiques », il est avant tout un « visuel », pour qui l'œil, « fenêtre de l'âme, est la principale voie par laquelle notre intellect peut apprécier pleinement l'œuvre infinie de la nature ». Sa curiosité universelle refuse nos distinctions entre science pure et science appliquée, entre beaux-arts et arts mécaniques.

TROIS DOMAINES DE PRÉDILECTION

Sa recherche embrasse l'astronomie et la géologie, la géométrie et la mécanique, l'optique et l'acoustique, la botanique et la métallurgie. Mais on relève dans ses carnets trois dominantes, qui frappent par l'abondance ou la singularité des notations.
La première est l'anatomie, avec des descriptions minutieuses, fruits de multiples dissections, illustrées de magnifiques dessins, dont certains sont consacrés à l'anatomie comparée. Léonard, par là, est une sorte de précurseur isolé de Vésale, le fondateur de l'anatomie moderne.
Vient ensuite la mécanique, appliquée aux travaux de l'ingénieur – avec les inventions balistiques, les chars d'assaut, les pompes et les dragues, les ponts et les canaux – ainsi qu'à des projets de machines volantes, dont les croquis se fondent sur une analyse sagace du vol des oiseaux.
On trouve enfin la vie du globe terrestre, à travers la mécanique des fluides et la géologie (études de tourbillons, croquis panoramiques qui montrent la formation des vallées alpines, analyses de fossiles, de la forme des coquilles, de la raison de leur présence sur les montagnes comme dans les mers).

7. CITATIONS


« Le caractère divin de la peinture fait que l'esprit du peintre se transforme en une image de l'esprit de Dieu. »
Léonard de Vinci (Traité de la peinture)
« Peintre, ne fais pas décroître tes couleurs dans la perspective plus que les figures qui portent ces couleurs. »
Léonard de Vinci (Traité de la peinture)
« En temps de paix, je puis égaler, je crois, n'importe qui dans l'architecture, construire des monuments privés et publics, et conduire l'eau d'un endroit à l'autre. »
Léonard de Vinci, dans une lettre au duc de Milan, Ludovic Sforza le More.

 

  DOCUMENT   larousse.fr    LIEN

 
 
 
 

Machu Picchu

 

 

 

 

 

 

13° 09′ 50″ S, 72° 32′ 45″ O

Machu Picchu


Géographie

Adresse Cuzco

Sanctuaire historique de Machu Picchu *

 Patrimoine mondial de l'UNESCO

Pays

Pérou

* Descriptif officiel UNESCO
** Classification géographique UNESCO

Machu Picchu (du quechua machu : vieille, et pikchu : montagne, sommet)note 1 est une ancienne cité inca du xve siècle au Pérou, perchée sur un promontoire rocheux qui unit les monts Machu Picchu et Huayna Picchu (« le Jeune Pic » en quechua) sur le versant oriental des Andes centrales. Son nom aurait été Pikchu ou Picho1.
Selon des documents du xvie siècle, trouvés par l'archéologue américain Hiram Bingham, professeur assistant d'histoire de l'Amérique latine à l’université Yale, Machu Picchu aurait dû être une des résidences de l’empereur Pachacútec. Cependant, quelques-unes des plus grandes constructions et le caractère cérémonial de la principale voie d’accès au llaqta démontreraient que le lieu fut utilisé comme un sanctuaire religieux2. Les deux usages ne s’excluent pas forcément. En revanche, les experts ont écarté l’idée d’un ouvrage militaire3.
Abandonnée lors de l’effondrement de l'empire inca et avant la fin de sa construction, Machu Picchu, la ville sacrée oubliée durant des siècles, est considérée comme une œuvre maîtresse de l’architecture inca. Elle fut dévoilée par Bingham dans un ouvrage de référence à ce sujet4. Ses caractéristiques architecturales et le voile de mystère que la littérature a tissé sur le site en ont fait une des destinations touristiques les plus prisées de la planète. Depuis 1983, le site est sur la liste du Patrimoine mondial de l'UNESCO5. Enfin le site fait partie de tout un ensemble culturel et naturel connu sous le nom de « Sanctuaire historique de Machu Picchu ».

Situation des ruines de Machu Picchu, dans le Cañón del Urubamba. Le site se trouve dans l’Est de la cordillère des Andes, aux limites de la forêt amazoniennenote 2 situé au Pérou (province d'Urubamba), à cent trente kilomètres de Cuzconote 3.
À 2 438 mètres d’altitude, les ruines sont à cheval sur la crête entre deux sommets : le Huayna Picchu, signifiant « jeune montagne » et le Machu Picchu, signifiant « vieille montagne ». C’est le Huayna Picchu qui surplombe le site et que l'on peut voir sur la plupart des photographies de la cité. Selon certains angles de vue, il est possible d’y imaginer le profil d’un visage humain regardant vers le ciel, dont le Huayna Picchu serait le nez. À l’opposé du Huayna Picchu, le Machu Picchu a donné son nom au site archéologique. Autour du Huayna Picchu et sur les deux côtés de la cité coule la rivière Vilcanota-Urubamba qui décrit un grand arc en contrebas d’une falaise de 600 mètres.
Les 172 constructions s’étendent approximativement sur 530 mètres de long et sur 200 mètres de large. Elles ont été incluses dans le Sistema Nacional de Areas Naturales Protegidas (SINANPE)6 appelé « Sanctuaire historique de Machu Picchu » qui s'étend sur 32 592 hectares7 afin de protéger à la fois les espèces biologiques menacées d'extinction et les sites incas dont Machu Picchu est le plus importantnote 4.

Accès
On peut accéder au Machu Picchu par différents chemins de randonnée. Le plus emprunté, le chemin de l'Inca, est soumis à un contrôle strict et ne peut être parcouru qu'avec une agence de voyage.
Le village le plus proche du Machu Picchu est Aguas Calientes, à 400 mètres en contrebas. Depuis ce village, un service de bus emprunte régulièrement la route « Hiram Bingham » vers le Machu Picchu, que coupe un sentier piéton plus direct. Aucune route ne dessert Aguas Calientes : les visiteurs du Machu Picchu doivent marcher ou utiliser la ligne de chemin de fer qui traverse le village, au départ d’Ollantaytambo ou de la centrale hydroélectrique de Santa Teresa8.

Climat
Le jour y règne chaleur et humidité, tandis que les nuits sont fraîches. La température oscille entre 12 et 24 degrés Celsius. Les pluies sont abondantes (environ 1 955 mm par an), tout particulièrement entre novembre et mars : ces précipitations souvent fortes alternent avec de belles éclaircies.

Histoire
La région du Machu Picchu, située aux marges des Andes et de la forêt amazonienne, fut peuplée par les montagnards des régions de Vilcabamba et de Cusco, toujours à la recherche de nouvelles terres cultivables. Les archéologues indiquent que l’agriculture se pratiquait déjà dans la région au viiie siècle av. J.-C. Dans les années 900, il y a une explosion démographique de groupes liés à l’ethnie « Tampu » de l'Urubamba. Il est possible que ces peuples aient fait partie de la fédération « Ayarmaca », rivale des premiers Incas de Cusco. Cependant, l’emplacement actuel de la ville ne présente aucune trace de constructions avant le xve siècle.
Époque inca (1438-1534)[modifier | modifier le code]

Reconstruction d'un bâtiment inca sur le site. La ville a dû être construite sous le règne de l’empereur Pachacútecnote 5 peut-être en 1440. Le site de Machu Picchu dut plaire au monarque par ses particularités et par son emplacement à l’intérieur de l’aire géographique sacrée de Cuzco.
Machu Picchu dut avoir une population variable comme la majorité des llactas incas : entre 300 et 1 000 habitants appartenant probablement à une élite religieuse et/ou politiquenote 6. Le travail agricole était effectué par des travailleurs mitmaqkuna amenés des différentes provinces de l’Empire9.
Les vallées avoisinantes formaient une région densément peuplée et qui avait augmenté de façon spectaculaire sa production agricole à partir de la période inca en 144010. Les Incas construisirent là de nombreux centres administratifs, les plus importants étant Patallacta et Quente11, et des complexes agricoles avec des cultures en terrasses. Machu Picchu dépendait de ces complexes pour son alimentation mais leur production était insuffisante12, nécessitant des importations depuis d’autres provinces. La communication entre les régions était rendue possible grâce au réseau formé par les huit chemins incas qui allaient à Machu Picchu12 (voir Chemin de l'Inca). La petite cité se différenciait des populations voisines par la singulière qualité de ses grands édifices.
À la mort de Pachacútec, et selon les coutumes royales incas, Machu Picchu passa à sa panaca (cour, clan, clientèle élargie), qui devait destiner les rentes produites au culte de la momie du défunt roi13. Cette situation se serait poursuivie sous les règnes de Tupac Yupanqui (1470-1493) et Huayna Capac (1493-1529).
La ville ne peut justifier le mythe de la « cité perdue » (développé par le livre d'Hiram Bingham, La Fabuleuse Découverte de la cité perdue des Incas) ou du « refuge secret des empereurs incas » car Machu Picchu dut perdre de son importance en raison du désintérêt des empereurs successifs et aussi de l’ouverture d’un chemin plus sûr et plus large entre Ollantaytambo et Vilcabamba (vallée de Amaybamba)13.

Époque de transition (1534-1572)

Roche taillée sous le Temple du Soleil à Machu Picchu. La guerre civile inca (1531-1532) et l’arrivée des Espagnols à Cuzco en 1534 vidèrent les activités de Machu Picchu de sens, une fois disparue l’aire géographique sacrée de Cuzco. En outre, la résistance inca dirigée par Manco Inca en 1536 appela les nobles des régions proches à rejoindre la cour en exil de Vilcabamba14, et il est fort probable que les principaux nobles de Picchu aient alors abandonné la ville. Des documents contemporains mentionnent une dépopulation de ces régions13. Les paysans de la région étaient essentiellement des mitmas, issus des différents peuples conquis par les Incas et déplacés de force sur ces terres. À la chute du système économique inca, ils retournèrent sur leurs terres natales12,14,15.

Picchu et sa région deviennent tributaires de l’encomienda espagnole d'Ollantaytambo : le premier chef en fut le conquistador Francisco Pizarro1. Ceci ne signifie pas que les Espagnols montèrent jusqu’à Machu Picchu, ni qu’ils connaissaient son importance passée, mais ils savaient le lieu probablement déjà en partie déserté1. Un document indique que l’Inca Titu Cusi Yupanqui, qui régnait à Vilcabamba, demanda à des frères augustins d’évangéliser « Piocho » vers 1570. Il n’y a pas de lieu qui se nomme ainsi, mais « Picchu » est le seul nom qui s’en rapproche. Ce qui fait dire à Lumbreras que les fameux « extirpeurs de l’idolâtrie » ont peut-être à voir avec la destruction et l’incendie du Temple du Soleil16.
Le soldat espagnol Baltasar de Ocampo décrivit à la fin du xvie siècle, dans les dernières années de la résistance inca, une cité « au sommet d’une montagne », avec des constructions « extrêmement somptueuses » et une grande acllahuasi. La brève description qu’il en fait rappelle Picchu. D’ailleurs, Ocama affirme que le lieu s’appelle « Pitcos ». Le seul lieu dont le nom se rapproche est « Vitcos », un site inca à Vilcabamba, complètement différent de celui décrit par Ocampo17. Ocampo indique que dans ce lieu a grandi Tupac Amaru, successeur de Titu Cusi et dernier Inca de Vilcabamba.

De la colonisation à la République (xviie – xixe siècles)

Après la chute du royaume de Vilcabamba en 1572 et la consolidation du pouvoir espagnol dans les Andes centrales, Machu Picchu demeura dans la juridiction de différentes haciendas coloniales qui changèrent plusieurs fois de mains jusqu’à la création de la république (1821). Elle devint un lieu à part, éloigné des nouvelles routes et axes économiques du Pérou. La région fut pratiquement ignorée par le régime colonial qui ne fit édifier ni église ni cité importante dans la zone.
La population andine ne semble pas avoir eu la même attitude ; le secteur agricole de Machu Picchu ne paraît pas avoir été abandonné1. Par contre, les constructions de la zone urbaine n’ont pas été occupées et furent envahies rapidement par la végétation, sans pour autant être complètement oubliées comme on l'a souvent écrit.

Au xixe siècle
En 1865, le naturaliste italien Antonio Raimondi passa au pied des ruines sans les voir et mentionna la population clairsemée de la région. En 1870, l'Américain Harry Singer indiqua pour la première fois sur une carte le Cerro Machu Picchu et le Huayna Picchu, pour lequel il précisa que c'était le Huaca de l'Incanote 7, preuve d'une certaine connaissance de l'histoire inca par les autochtones. Sur la carte de 1874, de l'Allemand Herman Gohring, les deux sites sont mentionnés avec exactitude. Le voyageur français Charles Wiener affirmait en 1880 qu'il y avait « des ruines à Machu Picchu », mais sans pouvoir se rendre sur le lieu14. C'est la preuve que l'existence des ruines n'avait pas été oubliée.
Reconnaissance archéologique (c. 1860-1911)[modifier | modifier le code]

Un des aides de Hiram Bingham dans la cave sous le Temple du Soleil, en 191218. Des recherches, publiées en 2008 par l’historien Paolo Greer, suggèrent que c’est le prospecteur de mines allemand August R. Berns qui aurait redécouvert le site vers 186019,20,21. Il aurait même commencé le pillage des artefacts avec l'aval des autorités péruviennes de l'époque. Ces affirmations, publiées en juin 2008, sont à prendre avec précaution. Il avait en effet reçu l'autorisation de « prospecter des Huacas del Inca », le terme huaca pouvant aussi bien décrire le lieu sacré de Machu Picchu qu'une mine22.

Les premières références directes actuellement connues pour ce site, indiquent qu'Augustin Lizarraga, originaire de Cuzco, arriva dans la ville le 14 juillet 1902 guidant Gabino Sanchez, Enrique Palma et Justo Ochoa. Les visiteurs laissèrent un graffiti avec leurs noms sur les murs du Templo de las Tres Ventanas ; Hiram Bingham trouva le graffiti en 1911 comme il l'affirme dans son livre de 192223. Certains affirment que Lizarraga aurait déjà visité Machu Picchu en 189424,25.
Hiram Bingham26, un historien américain de l'université Yale qui effectuait des recherches sur la ville perdue de Vilcabamba, le dernier refuge de l'Inca, entend parler de Lizarraga. Accompagné par ses guides, le sergent de la garde civile Carrasco et le paysan Melchor Arteaga, il se rend à Machu Picchu le 24 juillet 191127. Ils rencontrèrent deux familles de paysans vivant là : les Recharte et les Alvarez qui utilisaient encore les constructions pour se ravitailler en eau. C'est un des fils Recharte qui conduisit Bingham jusqu'à la zone urbaine en friche. Bingham est très impressionné par ce qu'il voit et sollicite l'université Yale, la National Geographic Society et le gouvernement péruvien pour pouvoir commencer rapidement l'étude scientifique du site27. Il participe aux premières fouilles sur le site avec l'ingénieur Ellwood Erdis, l'ostéologue George Eaton, la participation de Toribio Recharte et Anacleto Alvarez et un groupe de travailleurs anonymes de la région. Son livre, Lost City of the Incas, rend ce lieu célèbre dans le monde. En 1913, la National Geographic Society consacre entièrement le numéro d'avril de son magazine au Machu Picchu.

Au sens strict, Bingham n'a pas découvert Machu Picchu, mais il a le mérite d'être le premier à reconnaître l'importance des ruines, de les étudier avec une équipe multidisciplinaire et de divulguer les résultats. Les critères archéologiques n'ont pas toujours été pertinents et la sortie du Pérou des objets découverts a beaucoup contribué à la polémique : la législation péruvienne ayant été purement et simplement détournée pour permettre l'exportation « temporaire » de 35 000 fragments de poteries et autres pièces archéologiques vers l'université Yale afin de les étudier ; il était prévu qu'elles retourneraient au Pérou après que les études seraient publiées ainsi que les photos prises. Or, le Pérou a dû attendre jusqu'en 2010 pour que l'université Yale, sous la menace de poursuites judiciaires, accepte de les restituer28.

Depuis 1915
Entre 1924 et 1928, Martín Chambi et Juan Manuel Figueroa prirent une série de photographies à Machu Picchu qui furent publiées dans différents magazines du Pérou, augmentant ainsi l'intérêt local pour les ruines et les transformant en symbole national29. Depuis l'ouverture en 1948 d'une route qui permet d'aller de la gare aux ruines, Machu Picchu est devenue le principal lieu touristique du Pérou. Durant les deux premiers tiers du xxe siècle, l'intérêt pour l'exploitation du site fut plus grand que celui pour la conservation ou l'étude des ruines ; ceci n'a tout de même pas empêché quelques recherches importantes sur le site. Rappelons les travaux de Paul Fejos (financé par le Viking Fund d'Axel Wenner-Gren) sur les sites incas aux alentours de Machu Picchu, ceux de Luis E. Valcarcel (es) qui lia le site à Pachacutec. C'est à partir de 1970 que de nouvelles générations d'archéologues (Chavez Ballon, Lorenzo, Ramos Condori, Zapata, Sanchez, Valencia, Gibaja), d'historiens (Glave et Remy, Rowe, Angles), d'astronomes (Deaborn, White, Thomson) et d'anthropologues (Reinhard, Urton) fouillèrent les ruines et leur passé.
L'établissement d'une zone de protection écologiquenote 8 autour des ruines en 1981, l'inscription de Machu Picchu sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO en 1983 et l'adoption d'un plan majeur pour le développement soutenu de la région en 2005 ont été les points forts d'une action visant à conserver Machu Picchu et ses alentours. Mais les mauvaises restaurations30, les incendies de forêt (comme celui de 1997) et les conflits politiques ont entaché cet effort de l'État pour gérer au mieux les ruines.

En 2004, quelque 400 000 touristes visitèrent le Machu Picchu, et l'UNESCO a depuis exprimé ses craintes que leur nombre trop important ne dégrade le site. Selon les autorités péruviennes, l'éloignement et la difficulté d'accès au site imposent d'eux-mêmes des limites naturelles à l'expansion du tourisme. Régulièrement, des propositions sont faites pour installer un téléphérique pour rejoindre le site, mais elles ont toutes été rejetées jusqu'à présent.
Le 12 juillet 2006, le Congrès du Pérou vota la loi 28778 concernant le retour des objets archéologiques formant l'essentiel de la collection Machu Picchu du musée Peabody (abrité par l'université Yale) ; ceux qui avaient été autorisés à sortir du pays par le décret suprême 1529 du 31 octobre 1912 et le décret suprême 31 du 27 janvier 1916.
Le 7 juillet 2007, le site du Machu Picchu était désigné comme étant l'« une des sept nouvelles merveilles du monde », d'après un concours controversé ayant mobilisé 100 millions de personnes sur Internet.

En septembre 2007, l'université Yale a promis de rendre les 4 000 pièces archéologiques trouvées par Hiram Bingham31. Le 6 octobre 2011, l'université nationale de San Antonio Abad del Cusco a inauguré à Cuzco, en collaboration avec l'université Yale, un centre international pour l'étude de Machu Picchu32, l'International Center for the Study of Machu Picchu and Inca Culture, destiné notamment à la conservation des pièces archéologiques qui seront rendues par l'université Yale avant le 31 décembre 201233.
En 2017, 1,5 million de visiteurs se sont rendus sur le site, soit près du double de la limite recommandée par l’Unesco, ce qui pèse lourdement sur les ruines et l’écologie locale. Un projet d'aéroport international à Chinchero (plus proche que celui de Cuzco), décidé par le gouvernement en 2019 suscite de vives protestations d'archéologues, d'historiens et d'habitants34.

Description
* De par sa richesse architecturale, le Machu Picchu est l'un des sites archéologiques les plus importants de l'Amérique latine.
* 
Mur de pierres ajustées avec précision à Machu Picchu. 
 D’après les archéologues, le Machu Picchu est divisé en deux grands secteurs : la zone agricole formée par un ensemble de terrasses de cultures qui se trouve au sud ; et la zone urbaine qui est celle, on le suppose, dans laquelle vivaient ses occupants et où se déroulaient les principales activités civiles et religieuses. Cette zone urbaine comprenait le quartier sacré, le quartier populaire et le quartier des nobles et des ecclésiastiques.
*
Zone agricole
Article connexe : Patrimoine agricole.
Les terrasses de cultures de Machu Picchu apparaissent comme de grands escaliers sur le flanc de la montagne. Ce sont des constructions formées par un mur de pierre et un empilement de couches de matériaux divers (grandes pierres, pierres plus petites, fragments de roches, argile et terre de culture) qui facilite le drainage en évitant que l'eau puisse miner la structure (la région subit une forte pluviosité). Ce type de construction a permis que les cultures se poursuivent jusqu'au xxe siècle sans problème. D'autres terrasses de moindre largeur se trouvent dans la partie basse de Machu Picchu, tout autour de la cité. Ce sont des murs de soutien.
Cinq grandes constructions se trouvent sur les terrasses à l'est de la route inca qui conduit à Machu Picchu depuis le sud. Elles servaient de magasins. La ville était alimentée grâce à ces cultures en terrasse, qui permettaient de récolter maïs, pomme de terre et divers légumes. Ces champs pouvaient nourrir jusqu'à 10 000 personnes35.
Zone urbaine[modifier | modifier le code]

Source d'eau canalisée dans les vestiges. Un mur de 400 mètres de long sépare la ville de la zone agricole. La zone urbaine a été divisée par les archéologues en groupes d'édifices numérotés de 1 à 18, mais Chavez Ballon en 1961 l'a divisée en deux secteurs : un haut (hanan) et un bas (hurin). Cette répartition est plus en accord avec l'organisation de la société et le système andin de la hiérarchie.
Deux axes découpent la ville : le premier est matérialisé par une place large, construite sur des terrasses à plusieurs niveaux. Le deuxième est un large escalier qui fait office de rue principale, avec une série de fontaines d'eau. À l'intersection de ces deux axes se trouve la résidence de l'inca, le temple-observatoire du torreon et la plus grande des fontaines.
La zone sacrée est principalement dédiée à Inti, le dieu soleil, divinité principale du panthéon inca, après Huiracocha le dieu créateur. C’est ici que se trouvent les trésors archéologiques les plus importants : le cadran solaire ou astronomique (Intihuatana) et le Temple du Soleil.
Dans le quartier des nobles se situe le Torréon (que Bingham appelait « Tombeau royal »), sorte de tour conique composée de blocs finement travaillés. À l'intérieur, les traces d'un grand incendie sont visibles. Le Torréon est construit sur une grande roche en dessous de laquelle se trouve une petite cavité : c'était peut-être un mausolée pour les momies. Dans la tour se trouvent plusieurs autels sacrificiels. À proximité se trouvaient 142 squelettes, parfois présumés majoritairement féminins. L'hypothèse la plus commune est qu'il s'agirait d'acclas, jeunes filles sacrifiées pour célébrer le culte du Soleil35. Cependant, selon l’anthropologue américain John Verano de l'université Tulane de la Nouvelle-Orléans, après réexamen des restes humains du Peabody Museum de Yale, ces squelettes trouvés sur le site du Machu Picchu seraient répartis équitablement entre les deux sexes et auraient appartenu à des personnes de tous âges36.
Toutes les constructions du Machu Picchu sont de style classique inca, c'est-à-dire avec les constructions ayant une surface légèrement plus importante à la base qu'au sommet, ce qui leur confère une bonne résistance aux séismes. Quelques rares murs sur le site sont composés de pierres parfaitement ajustées, mais l'ensemble des constructions est constitué, contrairement aux autres sites de la région, de pierres non ajustées. Les Incas ne faisaient pas usage de ciment sur leurs sites mais sur celui du Machu Picchu, la majorité des murs et des édifices sont constitués de pierres très irrégulières, disjointes et remplies de terre entre elles. Le granit des pierres utilisées pour la construction provient du site lui même37.
Le plan des constructions semble avoir la forme d'un animal. Il est parfois admis que les Incas donnaient à leurs cités la forme d'animaux sacrés (puma, condor…) Au Machu Picchu, plusieurs formes sont distinguées. La plus fréquente est celle d'un condor, les ailes déployées38. Aussi une autre étude, ayant mis en place une règle d'observation fonctionnant sur de nombreux sites incas, accorde à la cité la forme d'un oiseau vu de profil39, mais également la séparation en deux zones ayant chacune une forme animale, un caïman et un serpent40,41.
Références culturelles[modifier | modifier le code] • Une des œuvres les plus célèbres du poète chilien Pablo Neruda s'intitule Les Hauteurs de Machu Picchu, deuxième chant du Chant général : “Machu Picchu es un viaje a la serenidad del alma, a la eterna fusión con el cosmos, allí sentimos nuestra fragilidad. Es una de las maravillas más grandes de Suramérica. Un reposar de mariposas en el epicentro del gran círculo de la vida. Otro milagro más.”
* « Machu Picchu est un voyage à la sérénité de l'âme, à la fusion éternelle avec le cosmos, là-bas nous sentons notre propre fragilité. C'est une des plus grandes merveilles d'Amérique du Sud. Un havre de papillons à l'épicentre du grand cercle de la vie. Un miracle de plus. » • Dans ce chant, Neruda raconte son ascension jusqu'au Machu Picchu qu'il décrit comme une étape fondamentale dans l'écriture du Chant général : cette expérience lui permet de prendre conscience de l'unité du continent américain, mais aussi de sa « mission » de poète qui doit raconter l'histoire de tous ceux qui ont quitté cette terre. C'est ainsi qu'il déclare, en s'adressant aux incas disparus dont il sent la présence, « Je viens parler par votre bouche morte », affirmation qui peut résumer la démarche de l'ensemble du Chant général. • Dans le 2e épisode de la 20e saison des Simpson, Homer, Marge, Lisa et Maggie partent au Machu Picchu à la recherche de Bart. • Le mont Machu Picchu apparaît dans la série animée Les Mystérieuses Cités d'or.

Notes[modifier | modifier le code] 1 ↑ Elle est parfois surnommée « la cité perdue des Incas ».
1. ↑ 13°9'47" de latitude sud et 72°32'44" de longitude ouest.
2. ↑ En 2009, c'est la capitale régionale, auparavant c'était la capitale des Incas.
3. ↑ Mentionnons Patallacta, Quente et Torontoy dans le fond de la vallée et les ruines de Runkuracay, Sayaqmarca, Phuyupatamarca, Wiñay Wayna, Intipata et beaucoup d'autres.
4. ↑ Il s'agit du premier empereur inca (1438-1470).
5. ↑ Il s'agit des membres de la panaca de Pachacutec.
6. ↑ Un huaca, pour les peuples quechuas des Andes, est un lieu sacré.
7. ↑ Il s'y trouve une variété d'orchidée sauvage. Références[ 1Revenir plus haut en : 
a b c et d Glave et Remy, 1983.
8. ↑ Alfredo Valencia, 2006.
9. ↑ Waterhistory.org [archive].
10. ↑ Lost City of The Inca, 1948.
11. ↑ (en) UNESCO, « Historic Sanctuary of Machu Picchu » [archive], UNESCO (consulté le 1er février 2009).
12. ↑ INRENA [archive].
13. ↑ « Superficie indiquée sur le site de l'UNESCO » [archive] (consulté le 2 juin 2008).
14. ↑ « 10 Choses à voir absolument à Cuzco » [archive], 2015.
15. ↑ Eaton et Verano ont montré qu'il y avait à Machu Picchu des populations originaires de la côte nord du Pérou et de l'altiplano bolivien. Les mitmaqkuna étaient des colons déplacés par l'État afin de travailler et d'habiter certaines zones de l'empire éloignées de leurs terres natales.
16. ↑ Les travaux du Projet Cusichaca (Kendall, 1988) montrent que les excédents agricoles ont augmenté de 90% dans la région.
17. ↑ Kendall, 1988.
18. ↑ Revenir plus haut en : 
a b et c Valencia y Gibaja, 1992.
19. ↑ Revenir plus haut en : 
a b et c Rowe, 1990.
20. ↑ Revenir plus haut en : 
a b et c Kauffman, 2006.
21. ↑ Lumbreras, 2006.
22. ↑ Machu Picchu [archive].
23. ↑ Valcarcel, 1968.
24. ↑ Revenir plus haut en : 
a et b National Geographic, avril 1913 : « Work Accomplished by the Peruvian Expedition of 1912, under the Auspices of Yale University and the National Geographic Society » [lire en ligne [archive]] : dans le menu déroulant, sélectionner « Rediscovering Machu Picchu »).
25. ↑ « Le Machu Picchu découvert 40 ans plus tôt qu'on ne croyait » [archive], futura-sciences.com.
26. ↑ (en) « Who found Machu Picchu? » [archive], The Independent.
27. ↑ (en) « New light shed on who found (and looted) lost Inca city Machu Picchu » [archive], Times Online.
28. ↑ « Exclusif : le Machu Picchu découvert 40 ans plus tôt qu'on ne croyait » [archive], futura-sciences.com.
29. ↑ Mould, 2003.
30. ↑ http://www.arqueologiamericana.com.br/artigos/artigo_06.htm [archive].
31. ↑ « http://www.labyrinthia.com/bingham.htm »(Archive • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?).
32. ↑ Jacques Tiberi, « Hiram Bingham, le vrai Indiana Jones ? » [archive], sur Le Zéphyr, 20 juin 2017 (consulté le 7 mars 2019)
33. ↑ Revenir plus haut en : 
a et b Bingham, 1963.
34. ↑ (en) Jill Langlois, « Machu Picchu artifacts returned by Yale to Peru » [archive], Global Post, 13 novembre 2012.
35. ↑ http://www.casamerica.es/utilidades/expos/pag/2002/chambi.htm [archive].
36. ↑ Ces restaurations ont été décrites de façon critique par Valencia et Gibara, 1992.
37. ↑ (en) « Yale to return Peruvian artefacts » BBC News, 17/07/2007 [archive].
38. ↑ (en) Caroline Tan, « Salovey travels to Peru [archive] », Yale Daily News, 7 octobre 2011.
39. ↑ « Yale Artifacts Headed to Cusco for Machu Picchu Centennial » [archive], site officiel de l'International Center for the Study of Machu Picchu and Inca Culture.
40. ↑ « Pérou: Le projet de construction d’un aéroport au pied du Machu Picchu suscite l’indignation » [archive], sur lavdn.lavoixdunord.fr (consulté le 19 mai 2019)
41. ↑ Revenir plus haut en : 
a et b Mass W., Neumann N., Oberländer H., Voss J., Benthues A., 100 Weltwunder, die grössten Schätze der Menschheit in 5 Kontinenten, Hamburger Verlagskontor GmbH, Hambourg, 1997.
42. ↑ Entretien de John Verano incluse dans le documentaire Les Incas, écrit par Marc Brasse et Saskia Weisheit et produit par la chaîne allemande ZDF, diffusé sur France 5 le 6 mars 2011.
43. ↑ (en) Tripcevich, Nicholas. et Vaughn, Kevin J., Mining and quarrying in the Ancient Andes : sociopolitical, economic, and symbolic dimensions, Springer, 2013, 354 p. (ISBN 9781461452003, 1461452007 et 146145199X, OCLC 822997149, présentation en ligne [archive], lire en ligne [archive]), p. 52"In some cases, such as Machu Picchu, rock was quarried on site."
44. ↑ Voir la figure du condor [archive].
45. ↑ Voir image de l'oiseau [archive].
46. ↑ Voir croquis du serpent et du caïman [archive].
47. ↑ Voir la photo de la zone [archive].
42 ↑ (en) « Machu Picchu » [archive], sur Shadowhearts Wiki (consulté le 27 juillet 2019) Voir aussi[modifier | modifier le code]
* Sur les autres projets Wikimedia : • Machu Picchu, sur Wikimedia Commons Articles connexes[modifier | modifier le code] • Machu Picchu Pueblo
* Písac
* Ollantaytambo
* Sacsayhuamán
* Tambomachay
* Vallée sacrée des Incas Liens externes[modifier | modifier le code] • ◦ Notices d'autorité

* : Fichier d’autorité international virtuelBibliothèque nationale de France (données)Système universitaire de documentationGemeinsame NormdateiBibliothèque nationale de la DièteBibliothèque nationale tchèque
* Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes

* : Dizionario di Storia [archive] • Encyclopædia Britannica [archive] • Encyclopædia Universalis [archive]
* ◦ Ressource relative à l'architecture

* : (en) American Society of Civil Engineers [archive]
* L'Aéropolis voilé [archive], vidéo sur Machu Picchu réalisée par NHK pour le Comité du patrimoine mondial de l'UNESCO.
* Visite virtuelle du site [archive] Bibliographie[modifier | modifier le code] • Santiago Agurto Calvo, Estudios acerca de la Construcción, Arquitectura y Planeamiento incas, Lima, 1987.
* (en) Hiram Bingham, Lost city of the Incas, the story of Machu Picchu and its builders, Duell, Sloan and Pearce, New York, 1948, XVIII-263 p.. Éditions françaises :
* Hiram Bingham, La Fabuleuse Découverte de la cité perdue des Incas : la découverte de Machu Picchu (traduit de l'américain et annoté par Philippe Babo, avec une préface de Danièle Lavallée), éditions Pygmalion, coll. « Les Grandes aventures de l'archéologie », Paris, 1989, 315 p. (ISBN 2-85704-308-2). – réédition : éditions Pygmalion, [sans titre de collection], Paris, 2008, 315 p. (ISBN 978-2-7564-0216-1).
* Hiram Bingham, La ciudad perdida de los incas. Historia de Machu Picchu y sus constructores, Santiago de Chile : Zig Zag, 1964.
* Jean-François Bouchard, La arquitectura Inca, Madrid : Sociedad Estatal Quinto Centenario, 1991.
* Richard Burger et Lucy Salazar, Machu Picchu: Unveiling the Mystery of the Incas, New Haven : Yale University Press, 2004.
* Hermann Buse de La Guerra, Machu Picchu, Lima : Nueva Crónica, 1961.
* Luis Miguel Glave et Maria Isabel Remy, Estructura Agraria y vida rural en una región Andina. Ollantaytambo entre los siglos XVI y XIX, Cusco : Centro de Estudios Rurales Andinos Bartolomé de las Casas, 1983.
* Federico Kauffmann Doig, Machu Picchu, tesoro inca, Lima : Cartolan, 2006.
* Ann Kendall, Proyecto arqueológico Cusichaca, Cusco : investigaciones arqueológicas y de rehabilitación agrícola, Lima : Southern Peru Copper Corporation, 1994.
* Luis Lumbreras, Machu Picchu, Lima, Fundación Telefónica, 2006.
* Mariana Mould de Pease Machu Picchu y el código de ética de la Sociedad de Arqueología Americana : una invitación al diálogo intercultural, Lima : CONCYTEC, 2003.
* John H. Rowe, Machu Picchu a la luz de los documentos del siglo XVI, Histórica (vol. XIV), 1990.
* Luis E. Valcarcel, Macchu Pichu : El más famoso monumento arqueológico del Perú, Buenos Aires : Eudeba, 1964.
* Alfredo Valencia et Arminda Gibaja, Machu Picchu : la investigación y conservación del monumento arqueológico después de Hiram Bingham, Cusco : Municipalidad del Cusco, 1992.
* Simone Waisbard, Machu Pichu. Cité perdue des Incas, coll. Les énigmes de l'univers, Paris, Robert Laffont, 1974.

   DOCUMENT      wikipédia    LIEN 
 

 
 
 
Page : [ 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 ] Précédente - Suivante
SARL ORION, Création sites internet Martigues, Bouches du Rhone, Provence, Hébergement, référencement, maintenance. 0ri0n
Site réalisé par ORION, création et gestion sites internet.


Google
Accueil - Initiation musicale - Instruments - Solf�ège - Harmonie - Instruments - Musiques Traditionnelles - Pratique d'un instrument - Nous contacter - Liens - Mentions légales / Confidentialite

Initiation musicale Toulon

-

Cours de guitare Toulon

-

Initiation à la musique Toulon

-

Cours de musique Toulon

-

initiation piano Toulon

-

initiation saxophone Toulon

-
initiation flute Toulon
-

initiation guitare Toulon