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CROISSANCE ET SES TROUBLES |
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Croissance et ses troubles
Dossier réalisé en collaboration avec Yves Le Bouc, médecin, praticien hospitalier en explorations fonctionnelles endocriniennes et chef de service (Hôpital Trousseau, Paris), directeur de l’équipe Inserm n°4 du centre de recherche Saint-Antoine (UMR-S 938 Inserm/UPMC Paris 6) - Juin 2013.
La croissance est un phénomène éminemment complexe, influencé à la fois par la génétique, l’environnement et les interactions entre ces deux facteurs. Les mécanismes n’en sont pas tous connus, mais les chercheurs espèrent en savoir davantage dans les années qui viennent, grâce à l’apport de la génétique, de l’épigénétique et de la protéomique.
Une taille adulte est considérée comme "normale" entre 163 cm et 187 cm pour un homme (175 cm en moyenne) et entre 152 cm et 174 cm pour une femme (163 cm en moyenne). Des courbes de croissance, une pour les filles et une autre pour les garçons, permettent de vérifier qu’un enfant grandit normalement et atteint cette taille cible. Elles ont été établies par les Pr Sempé et Pédron, à partir du suivi d'enfants français en bonne santé, de la naissance à l'âge adulte. Ces courbes sont en réalité des "couloirs", délimités par des lignes supérieures et inférieures qui représentent les tailles extrêmes, observées chez moins de 3 % des enfants.
On considère qu’un enfant présente un trouble de la croissance lorsque sa taille est inférieure à la limite basse de la courbe de référence. Néanmoins, celui-ci peut être ponctuel : un suivi très régulier permet de voir si un rattrapage s’effectue dans les mois qui suivent. Par exemple, 90 % des enfants qui naissent avec un retard de croissance intra-utérin rattrapent la taille normale des enfants de leur âge au bout d’un ou deux ans. La courbe de croissance permet aussi de mettre en évidence certains troubles de la croissance qui se manifestent plus tardivement par un ralentissement, puis une stagnation de la croissance.
Le suivi idéal consiste à mesurer (et peser) son enfant tous les 3 mois jusqu'à 1 an, puis tous les 6 mois jusqu'à 4 ans, puis chaque année afin de vérifier que sa taille s’inscrit bien dans le "couloir" de la courbe de référence et qu’elle suit une progression régulière.
La taille définitive, une affaire partiellement génétique
Le patrimoine génétique d’une personne a une influence sur sa taille définitive. Les scandinaves sont par exemple en moyenne plus grands que les méditerranéens. Cette différence se maintient chez les personnes atteintes d’une même maladie affectant la croissance. Néanmoins de très nombreux facteurs interfèrent avec l’effet des gènes : l’environnement, la santé, le moment de la puberté et l’alimentation peuvent contrebalancer les effets de la génétique.
Une croissance par "à coups"
La croissance post-natale est très rapide. La taille des enfants passe en moyenne de 50 cm à la naissance à 75 cm au bout de la première année, puis elle atteint généralement 100 cm à l’âge de quatre ans. Ce rythme décélère ensuite, avec un gain de taille d’environ 5 à 6 cm par an jusqu’à la puberté. Jusqu’à ce moment-là, garçons et filles grandissent de la même façon. L’écart se creuse après.
Chez les filles, un pic de croissance survient au début de la puberté, en moyenne à l’âge de 10-11 ans. Ce pic dure jusqu’aux premières règles, moment où la croissance ralentit puis s’arrête, en général vers l’âge de 15-16 ans.
Chez les garçons, les premiers signes de la puberté et le pic de croissance qui l’accompagne sont un peu plus tardifs, survenant en moyenne vers 12 ans et demi. Ce pic de croissance se maintient jusqu’à la maturation sexuelle qui peut prendre plusieurs années. Plus tardive, la croissance des garçons est plus ample et s’arrête en général vers 16-17 ans.
En cas de puberté précoce, les adolescents grandissent plus tôt et paraissent donc grands pour leur âge chronologique. Mais leur croissance s’interrompt plus précocement, avec un risque de petite taille définitive.
Le squelette grandit et mûrit
Pendant toutes ces années, le squelette s’allonge grâce à la multiplication des ostéoblastes (cellules générant de l’os) et se modifie également en profondeur. On parle de croissance et de maturation du squelette.
Chez le jeune enfant, la partie des os longs (fémur, radius…) constituée de cartilage de croissance va croître en longueur, puis se calcifier et se souder pour devenir de l’os adulte. Ainsi, une simple radio du poignet permet à un spécialiste de la croissance d’observer le niveau de maturation de l’os et d’estimer (en dehors de toutes pathologies) l’âge de l’enfant avec une marge d’erreur de 3 à 6 mois. Certains enfants présentent une maturation osseuse trop rapide, qui entraîne en général une diminution de leur taille finale.
La croissance, valse d’hormones
De nombreuses hormones interviennent dans la croissance - L’hormone de croissance (GH) est sécrétée au niveau de l’hypophyse sous l’influence de deux autres hormones, le GHRH et la somatostatine. Une 3ème hormone stimule la sécrétion de GH : la ghréline, produite au niveau de l’estomac. La GH est transportée jusqu'aux cellules du foie où elle provoque la synthèse et la libération du facteur IGF-1 (Insulin-Growth Factor 1) qui va stimuler la maturation et la croissance de l’os.
De nombreuses hormones interviennent dans la croissance. La première porte bien son nom puisqu’il s’agit de l’hormone de croissance (GH). Elle est sécrétée au niveau de l’hypophyse (une glande située à la base du cerveau) essentiellement pendant le sommeil, sous l’influence de deux autres hormones, le GHRH activateur (Growth hormone realeasing hormone) et la somatostatine inhibitrice. Une troisième hormone stimule la sécrétion de GH : la ghreline, produite au niveau de l’estomac. L'hormone de croissance n'agit pas directement sur les cartilages. Elle est transportée jusqu'aux cellules du foie où elle vient se fixer sur des récepteurs spécifiques. Cela provoque la synthèse et la libération du facteur IGF-1 (Insulin-Growth Factor 1) capable (entre autres) de stimuler la maturation et la croissance de l’os.
En cas d’absence d’hormone de croissance, la taille cible est souvent réduite d’une quarantaine de centimètres. D’autres hormones ou facteurs interviennent donc pour permettre une croissance relative.
Les hormones sexuelles (testostérone, œstrogènes) agissent en synergie avec l'hormone de croissance au moment de la puberté. Elles déclenchent le pic de croissance et accroissent la vitesse de maturation des cartilages de croissance. C’est pourquoi la soudure prématurée des cartilages de croissance entraîne un risque de petite taille définitive en cas de puberté précoce.
Les hormones thyroïdiennes (produites par la thyroïde, glande située au niveau du cou) jouent également un rôle important dans la croissance. Leur absence entraîne en effet des troubles importants : retard statural sévère, déficit intellectuel… Le dépistage néonatal systématique de l'hypothyroïdie congénitale est aujourd’hui pratiqué. Il permet la mise en œuvre très précoce d’un traitement qui permet lui-même le développement normal des enfants souffrant d’un tel déficit hormonal.
D’autres hormones encore influencent la croissance, comme l’insuline ou la leptine. Mais, pour cette dernière, les mécanismes d’action sous-jacents ne sont pas clairement identifiés.
Le métabolisme phosphocalcique (taux de calcium et phosphate dans l’organisme), et donc les hormones qui le régulent (Vitamine D, parathormone), jouent eux aussi un rôle dans la croissance puisqu’ils sont indispensables à une bonne physiologie osseuse.
Les troubles de la croissance : des origines multiples
Maladies génétiques, hormonales, cardiaques, pulmonaires, digestives, rénales mais également dénutrition : les origines des troubles de la croissance sont variées et chacune contribue à un pourcentage infime des problèmes de croissance observés dans la population générale. Plusieurs maladies, listées ci-dessous, ont un impact majeur en l’absence de traitement. Mais la plupart des retards de croissance restent aujourd’hui inexpliqués.
* Les maladies digestives peuvent retarder la croissance en créant des problèmes nutritionnels. C’est par exemple le cas de la maladie cœliaque, caractérisée par une intolérance au gluten, qui provoque des lésions intestinales et des problèmes de malabsorption. Elle est en général détectée chez les nourrissons, mais peut être diagnostiquée plus tardivement.
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* Les cardiopathies peuvent retentir sur la croissance. Néanmoins les progrès de la chirurgie du cœur améliorent le pronostic global des enfants et contribuent à restaurer la qualité de leur croissance.
* Les maladies rénales chroniques entraînent souvent un retard de croissance important. Mais là encore, une prise en charge précoce et l’administration de l'hormone de croissance permettent aux enfants de grandir davantage.
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Les maladies métaboliques, inflammatoires, infectieuses, hématologiques et les cancers de l’enfant peuvent également être à l’origine de troubles de la croissance. Des infections ORL à répétition peuvent par exemple avoir un impact. En outre, certains médicaments utilisés dans le traitement de ces affections (comme les corticoïdes) peuvent entraîner à eux seuls des troubles de la croissance.
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* Les maladies osseuses. Il existe des dizaines de maladies qui entraînent des anomalies de la structure de l’os et/ou du cartilage et perturbent le bon déroulement de la croissance. L’achondroplasie est la plus connue. Elle se manifeste dès la naissance par un nanisme à membres courts. Un autre exemple est celui de la pycnodysostose, maladie extrêmement rare qui confère petite taille et fragilité osseuse. Enfin, la mutation du gène SHOX (ou l’absence de celui-ci) altère le développement du squelette et la croissance.
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* Le retard de croissance intra-utérin (RCIU), ou petite taille pour l’âge gestationnel (SGA), se caractérise par une taille et/ou un poids inférieurs aux normes pour le terme de la grossesse. La plupart des enfants concernés "rattrapent" naturellement ce retard de croissance dans les deux premières années de leur vie. Environ 10 % d’entre eux auront une taille inférieure au tracé bas de la courbe de croissance s’ils ne sont pas traités.
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* Les anomalies chromosomiques entraînent des maladies rares mais complexes, parfois associées à des troubles de la croissance. Le syndrome de Turner (absence ou anomalie d’un chromosome X) entraîne un retard de croissance important, avec une taille cible d’environ 140 cm en l’absence de traitement par hormone de croissance. Si ce dernier est instauré tôt, la patiente peut espérer gagner 5 à 10 cm de plus en moyenne. Le syndrome de Prader-Willi (altération partielle du chromosome 15) entraîne une obésité morbide et, entre autres, des problèmes de croissance. La trisomie 21 génère également un problème de croissance.
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* Les maladies hormonales. Un déficit en hormone de croissance hypophysaire (Growth Hormone Deficiency ou GHD), parfois associé à d’autres déficits hormonaux, peut être facilement diagnostiqué. Il représente l’indication idéale pour un traitement substitutif par hormone de croissance. Un déficit congénital en hormone thyroïdienne entraîne lui aussi un retard de croissance important. Néanmoins, cette situation a pratiquement disparu en France grâce au dépistage néonatal et la prise en charge précoce qui en découle. En cas d’hypothyroïdie acquise après la naissance, le traitement par la thyroxine permet aux enfants de rattraper leur retard de croissance.
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* Les anomalies de la puberté. Un retard pubertaire entraîne un retard de croissance qui peut être rattrapé. A l’inverse, les pubertés précoces qui donnent une croissance d’abord "faussement" satisfaisante mais qui s’arrête précocement, entraînent un risque de petite taille à l’âge adulte.
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* La dénutrition. Un apport suffisant en calories et en protéines (acides aminés essentiels) est primordial pour une croissance normale. En outre, certains nutriments sont absolument indispensables à la croissance. C’est par exemple le cas du calcium et de la vitamine D, garant d’un bon métabolisme osseux. En cas de dénutrition, on observe une baisse des récepteurs de l’hormone de croissance au niveau du foie et une baisse de production d’IGF-1 qui ne peut plus stimuler correctement la multiplication des cellules du cartilage, leur croissance et leur calcification. La maturation du cartilage de croissance ne peut être restaurée par l’injection d’hormone de croissance : seule une renutrition permet de rétablir une croissance correcte.
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Obésité et croissance, des liens ambigus
L’obésité induit une croissance plus précoce chez les enfants, probablement via la surproduction d’insuline. De fait, les enfants obèses sont souvent plus grands que leurs camarades jusqu’à l’adolescence. L’obésité est néanmoins souvent associée à une puberté plus précoce que la moyenne. La croissance s’interrompt donc plus tôt. Au final, la courbe de croissance est donc avancée, mais la taille définitive des enfants obèses est en moyenne équivalente à celle de la population générale.
L’hormone de croissance, sous certaines conditions
Le fait de traiter l’origine d’une maladie rénale, cardiaque ou pulmonaire qui a un retentissement sur la croissance peut rétablir une évolution normale. Pour traiter des problèmes hormonaux, plusieurs hormones synthétiques sont disponibles, comme l’hormone de croissance GH pour les GHD, la thyroxine pour traiter les déficits en hormone thyroïdienne, un analogue de la GnRH pour retarder une puberté trop précoce (avant l’âge de 8 ans pour une fille et de 10 ans pour un garçon) ou encore des hormones sexuelles en cas de retard pubertaire. Le choix du traitement approprié est réalisé en fonction de nombreux critères, par des spécialistes expérimentés.
Le traitement de référence reste l’administration d’hormone de croissance. Depuis 1985, il existe une hormone de synthèse qui ne présente plus les risques de contamination associés à l’hormone humaine utilisée dans les années 80. Son usage est réservé à cinq indications précises en plus du déficit en hormone de croissance (GHD) : petite taille pour l’âge gestationnel n’ayant pas rattrapé son retard à l’âge de 4 ans, syndrome de Turner, syndrome de Prader-Willi, insuffisance rénale chronique et déficit du gène Shox. Selon la Haute Autorité de Santé, en France, environ 6 000 enfants bénéficient de ce traitement dans le cadre de l’une de ces indications.
Le traitement par hormone de croissance est souvent commencé à l’âge de 5 ou 6 ans. Il est maintenu jusqu’à la diminution de la vitesse de croissance après le pic de croissance pubertaire. Il n’a plus d’intérêt une fois que la maturation du squelette est achevée. Dans certains cas particuliers, il peut néanmoins être poursuivi à faible dose pour son bénéfice sur le métabolisme lipidique et glucidique, afin de prévenir d’éventuelles complications cardiovasculaires.
Il s’agit d’un traitement lourd, nécessitant des injections quotidiennes parfois difficiles à faire accepter aux enfants.
Des biomarqueurs de croissance au conseil génétique
Les progrès effectués en génétique ont permis d’identifier un certain nombre de mutations associées aux troubles de la croissance. D’autres restent à découvrir. Ces avancées permettent de mieux comprendre les mécanismes de la croissance, hormonal, osseux… et d’améliorer le conseil génétique aux parents dont un enfant est atteint d’un trouble de la croissance.
Un travail important porte également sur l’étude des interactions entre l’environnement et le génome, à l’origine de modifications épigénétiques. Ces interactions modifient l’expression de certains gènes et donc la quantité et la qualité de certaines protéines impliquées dans la croissance. Ainsi, pour tenter de comprendre l’origine des retards de croissance intra-utérins et leur impact (notamment cardio-métabolique) à l’âge adulte, les chercheurs étudient l’effet des événements affectant la vie fœtale sur l’enfant à naître : dénutrition, troubles de la vascularisation placentaire (via les effets du tabac, de la génétique…), stress, exposition aux corticoïdes, aux perturbateurs endocriniens…
Les chercheurs tentent aussi de découvrir des biomarqueurs prédictifs de l’évolution de la croissance et de l’efficacité des hormones de croissance synthétiques. Cela permettrait de mieux cibler les enfants à traiter et d’affiner les modalités de traitement (dose, durée…). Pour cela, ils étudient le génome, mais également l’expression des gènes (transcriptomique) et le protéome (ensemble des protéines) de cohortes d’enfants présentant des troubles de la croissance. Ils espèrent ainsi mettre en évidence des gènes et des molécules associés à une bonne ou à une mauvaise réponse thérapeutique. Des résultats sont en cours de validation mais il faudra probablement attendre la découverte d’une association de plusieurs marqueurs significatifs avant d’être en mesure de prédire le succès d’un traitement ou la taille finale d’un enfant.
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HORMONE THYROIDIENNE |
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Hormone thyroïdienne
Les hormones thyroïdiennes, c'est-à-dire la thyroxine (T4) et la triiodothyronine (T3), sont des hormones produites dans la thyroïde à partir d'iode et d'un acide aminé, la tyrosine. Celles-ci sont produites majoritairement sous forme de T4. La T4 agit comme une prohormone, relativement peu active, qui est convertie en T3, plus active. La conversion de la T4 en T3 a lieu dans les cellules cibles, sous l'effet d'une enzyme, la thyroxine 5'-désiodase.
Les hormones thyroïdiennes sont essentielles à la croissance et au développement corrects, à la multiplication et à la différenciation de toutes les cellules de l'organisme, notamment dans le système nerveux central, le squelette et les bourgeons dentaires1. À divers degrés, elles régulent le métabolisme basal des protéines, des lipides et des glucides. Toutefois, c'est sur l'utilisation des composés riches en énergie que leur impact sur les cellules est le plus prononcé. Elles ont également un effet permissif sur l'action d'autres hormones et de neurotransmetteurs.
De nombreux stimuli physiologiques et pathologiques influent sur la synthèse des hormones thyroïdiennes. L'hyperthyroïdie est le syndrome clinique causé par un excès de thyroxine libre ou de triiodothyronine libre circulante, ou des deux. Une carence en iode provoque une augmentation de la taille de la thyroïde, d'où l'apparition d'un goitre, en réponse au ralentissement de la biosynthèse des hormones thyroïdiennes.
Sommaire [masquer]
* 1 Production des hormones thyroïdiennes 2 Diffusion, désiodation de la T4 en T3 et mécanisme d'action 3 Effets biologiques 3.1 Protéines 3.2 Glucose 3.3 Lipides 3.4 Cœur 3.5 Développement 3.6 Neurotransmetteurs 4 Usage médical des hormones thyroïdiennes 5 Histoire et découverte 6
Notes et références
Production des hormones thyroïdiennes
Biosynthèse des hormones thyroïdiennes au sein d'une cellule folliculaire de la thyroïde :
- la thyroglobuline est synthétisée par les ribosomes du réticulum endoplasmique rugueux et entre dans le lumen du follicule thyroïdien par exocytose
- le symport Na/I pompe activement des anions iodure I– depuis le sang à travers la membrane basale des cellules folliculaires pour les accumuler dans leur cytoplasme ; le mécanisme par lequel ces ions franchissent l'épithélium n'est pas connu avec précision
- les ions iodure passent ensuite dans la colloïde à travers la membrane apicale des cellules folliculaires à l'aide de la pendrine, qui agit comme un antiport Cl–/I–
- les ions iodure sont oxydés en diiode I2 par la thyroperoxydase
- le diiode réagit avec les résidus de tyrosine sur la thyroglobuline, qui en compte environ 120
- des résidus d'iodotyrosine adjacents sont condensés pour produire des iodothyronines, parmi lesquelles des hormones thyroïdiennes
- la thyroglobuline iodée est absorbée par les cellules folliculaires par endocytose
- les vésicules résultantes fusionnent avec des lysosomes pour libérer les acides aminés et les hormones thyroïdiennes par protéolyse de la thyroglobuline sous l'effet de peptidases
- la thyroxine (T4) et la triiodothyronine (T3) passent enfin dans le sang par des mécanismes qui demeurent largement inconnus.
Les hormones thyroïdiennes sont biosynthétisées dans la thyroïde. Cette biosynthèse est stimulée indirectement par l'hormone thyréotrope (TRH, de l'anglais : thyrotropin-releasing hormone), un tripeptide de structure (pyro)Glu–His–Pro–NH2 synthétisé par l'hypothalamus. La TRH induit la synthèse de la thyréostimuline (TSH, de l'anglais : thyroid-stimulating hormone) par l'anté-hypophyse, lobe antérieur de l'hypophyse. La TSH agit en augmentant l'expression du gène de la thyroperoxydase (TPO, de l'anglais : thyroid peroxidase).
La thyroïde est très vascularisée. Les cellules de la thyroïde sont organisées en follicules autour de vésicules thyroïdiennes qui contiennent une substance gélatineuse qu'on appelle généralement la colloïde. Ces cellules sont orientées, c’est-à-dire qu'elles possèdent un pôle apical du côté de la colloïde et un pôle basal du côté des vaisseaux sanguins. Le noyau des cellules folliculaires est relativement actif, la présence d'un réticulum endoplasmique rugueux, riche en ribosomes, démontre une forte activité de biosynthèse des protéines, et l'appareil de Golgi est lui-même très actif car on peut observer de nombreuses vésicules au pôle apical.
Les cellules folliculaires permettent l'échange de molécules entre le sang et la colloïde. Le sang fournit les acides aminés nécessaires à la synthèse, dans le réticulum de ces cellules, de la thyroglobuline (Tg), une protéine dimérique de 660 kDa qui contient environ 120 résidus de tyrosine. La thyroglobuline passe ensuite dans l'appareil de Golgi pour être internalisée dans les vésicules, lesquelles fusionnent avec la membrane apicale des cellules folliculaires en libérant la thyroglobuline dans la colloïde par exocytose.
L'iode absorbé par l'alimentation est présent dans l'organisme sous forme d'anions iodure I–, qui sont concentrés dans les cellules folliculaires à partir du sang à l'aide du symport Na/I (NIS), qui utilise le gradient électrochimique en cations sodium Na+ pour accumuler les ions I–. Ces derniers traversent ensuite la membrane apicale grâce à la pendrine, qui joue le rôle d'antiport Cl–/I–, pour rejoindre la colloïde, où ils sont oxydés par la thyroperoxydase (TPO) à l'aide de peroxyde d'hydrogène H2O2 pour former du diiode I2 susceptible de réagir directement avec les résidus de tyrosine de la thyroglobuline : ceux-ci peuvent être iodés une fois pour former des résidus de monoiodotyrosine (MIT), ou deux fois pour former des résidus de diiodotyrosine (DIT).
La condensation de deux résidus de DIT donne — outre un résidu d'alanine — un résidu de thyroxine (T4), tandis que la condensation d'un résidu de MIT sur un résidu de DIT donne un résidu de triiodothyronine (T3) ; la condensation d'un résidu de DIT sur un résidu de MIT donne en revanche un résidu de 3,3',5'-triiodothyronine (rT3 ou « T3 inverse »), qui est biologiquement inactive.
La thyréostimuline (TSH) se lie au récepteur de la TSH, un récepteur couplé à la protéine Gs, ce qui provoque l'endocytose de fragments de colloïde dans des vésicules qui fusionnent avec des lysosomes. Les hormones thyroïdiennes T4 et T3 sont libérées par digestion de la colloïde par des peptidases, à raison de seulement cinq ou six molécules d'hormone thyroïdienne libérées par molécule de thyroglobuline digérée, le ratio étant d'environ une molécule de T3 pour 20 molécules de T4.
Diffusion, désiodation de la T4 en T3 et mécanisme d'action[modifier | modifier le code]
En raison de leur caractère lipophile, la T4 et la T3 sont transportées dans le sang en étant liées à des protéines telles que les globulines liant la thyroxine (TBG, des glycoprotéines qui fixent préférentiellement la T4), la transthyrétine (TTR, une autre glycoprotéine, qui ne transporte pratiquement que la T4) et des albumines sériques, qui ont une affinité relativement faible pour les T3 et T4 mais sont abondantes et donc contribuent significativement à leur diffusion dans l'organisme.
Les molécules de T4 et T3 présentes dans l'organisme sont généralement liées à une protéine transporteuse, seuls les 0,03 % libres de T4 et les 0,3 % libres de T3 étant biologiquement actives. Ce mode de transport a pour effet d'accroître la demi-vie des hormones thyroïdiennes dans le sang — environ 6,5 jours pour la T4 et 2,5 jours pour la T3 — et de réduire la vitesse à laquelle elles sont absorbées dans les tissus. C'est la raison pour laquelle la mesure de la concentration en hormones thyroïdiennes libres, désignées par T4L et T3L, revêt une grande importance clinique, tandis que la concentration totale, incluant les hormones liées aux protéines transporteuses, n'est pas significative.
Malgré leur nature lipophile qui devrait leur permettre de passer les membranes cellulaires, les hormones T3 et T4 ne diffusent pas passivement à travers la bicouche de phospholipides de la membrane plasmique des cellules cibles2, et font appel pour cela à des transporteurs membranaires spécifiques.
Parmi les deux hormones thyroïdiennes, la prohormone T4 doit en fait être désiodée en T3 par une thyroxine 5'-désiodase dans les cellules cibles pour être pleinement active : la T3 est typiquement entre trois et cinq fois plus active que la T4, qui sert in fine essentiellement au transport de cette hormone dans le sang. Il existe deux isozymes de cette iodothyronine désiodase :
* le type 1 (D1), présent dans le foie, les reins, la thyroïde et, dans une moindre mesure, l'hypophyse, dont le rôle exact dans l'organisme n'est pas entièrement compris ;
* le type 2 (D2), présent dans l'hypophyse, le muscle squelettique, le cœur (artères coronaires), le système nerveux central et le tissu adipeux brun, responsable de l'essentiel de la formation de T3 dans la thyroïde, mais capable également de désioder la 3,3',5'-triiodothyronine, ou T3 inverse, en 3,3'-diiodothyronine, ou T2.
Pour mémoire, il existe également un troisième type d'iodothyronine désiodase, la thyroxine 5-désiodase (D3), qui convertit respectivement la T4 et la T3, qui sont biologiquement actives, en T3 inverse et en T2, biologiquement inactives, ce qui a pour effet d'inactiver globalement les hormones thyroïdiennes.
Une fois dans le cytoplasme, les hormones thyroïdiennes se lient aux récepteurs des hormones thyroïdiennes, qui sont des récepteurs nucléaires. Les récepteurs thyroïdiens se lient, sur l'ADN des cellules cibles, à des éléments de réponse des promoteurs de certains gènes dont ils régulent la transcription. Ces récepteurs thyroïdiens conditionnent la sensibilité relative des différents tissus aux hormones thyroïdiennes.
Effets biologiques[modifier | modifier le code]
Les hormones thyroïdiennes agissent sur l'organisme pour augmenter le métabolisme de base, agir sur la biosynthèse des protéines et rendre le corps plus réceptif aux catécholamines (telles l'adrénaline, d'où l'intérêt des bêta-bloquants dans l'hyperthyroïdie). L'iode est un composant important dans leur synthèse.
Les hormones thyroïdiennes accélèrent le métabolisme de base et, par conséquent, accroissent la consommation de l'organisme en énergie et en oxygène. Elles agissent sur presque tous les tissus, hormis la rate. Elles accélèrent le fonctionnement de la pompe sodium-potassium et, d'une manière générale, raccourcissent la demi-vie des macromolécules endogène en activant leur biosynthèse et leur dégradation.
Protéines[modifier | modifier le code]
Les hormones thyroïdiennes stimulent la production de l'ARN polymérase I et II, et, par conséquent, augmentent l'activité de biosynthèse des protéines. Elles augmentent également la vitesse de dégradation des protéines, et, lorsqu'elles sont trop abondantes, la dégradation des protéines peut être plus rapide que leur biosynthèse ; dans ce cas, le corps peut tendre vers un équilibre ionique négatif.
Glucose[modifier | modifier le code]
Les hormones thyroïdiennes potentialisent les effets des récepteurs adrénergiques β sur le métabolisme du glucose. Par conséquent, elles accélèrent la dégradation du glycogène et la biosynthèse du glucose par la néoglucogenèse[réf. nécessaire].
Lipides[modifier | modifier le code]
Les hormones thyroïdiennes stimulent la dégradation du cholestérol et augmentent le nombre de récepteurs de LDL, ce qui accélère la lipolyse.
Cœur[modifier | modifier le code]
Les hormones thyroïdiennes accélèrent le rythme cardiaque et accroissent la force des systoles, augmentant ainsi le débit cardiaque à travers une augmentation du nombre de récepteurs adrénergiques β dans le myocarde. Il en résulte une augmentation de la pression artérielle systolique et une diminution de la pression artérielle diastolique.
Développement[modifier | modifier le code]
Les hormones thyroïdiennes ont un effet profond sur le développement de l'embryon et les nourrissons. Elles affectent les poumons et influencent la croissance postnatale du système nerveux central. Elles stimulent la production de myéline, de neurotransmetteurs, et la croissance des axones. Elles sont également importantes dans la croissance linéaire des os.
Neurotransmetteurs[modifier | modifier le code]
Les hormones thyroïdiennes peuvent accroître le taux de sérotonine dans le cerveau, en particulier au niveau du cortex cérébral, et inhiber les récepteurs 5-HT2, comme l'ont montré des études sur la réversibilité, sous l'effet de la T3, de comportements d'impuissance apprise chez des rats, et des études physiologiques de cerveaux de rats3.
Usage médical des hormones thyroïdiennes[modifier | modifier le code]
Les hormones thyroïdiennes sont prescrites dans les cas d'hypothyroïdie ou de thyroïdectomie (ablation chirurgicale de la glande thyroïdienne). Les hormones thyroïdiennes utilisées sont la T3 et la T4. L'hormone T3 est plus efficace que l'hormone T4 au niveau des récepteurs mais la T4 est transformée en T3 par les tissus périphériques et un traitement par la T4 permet d'avoir un taux normal de T34. La demi-vie de la T3 n'est que de 24 heures et elle nécessiterait deux à trois prises quotidiennes, alors que la demi-vie de la T4 est de 6 à 8 jours et autorise une seule prise quotidienne, ce qui explique son utilisation préférentielle.
Le diagnostic du fonctionnement thyroïdien se fait en médecine nucléaire par injection d'iode 123 (isotope radioactif de l'iode) produit dans un cyclotron. Sa période radioactive est relativement faible puisqu'elle est de 13,21 h (c'est-à-dire 13 heures, 12 minutes et 36 secondes). Sa désintégration radioactive émet des rayons γ d'énergie caractéristique équivalent à 159 keV et 27 keV. La dose injectée pour le diagnostic ne dépasse pas les 10 mégabecquerels (MBq).
Histoire et découverte[modifier | modifier le code]
La thyroxine (T4) a été isolée par l'américain Kendall en 1910 à partir de trois tonnes de thyroïde de porc, tandis que la triiodothyronine (T3) a été découverte en 1952 par le français Jean Roche.
Lévothyroxine (sodique) et/ou liothyronine (triiodothyronine)
Noms commerciaux • Lévothyroxine seule : Elthyrone (Belgique)
Eltroxine (Suisse)
Euthyrox (Belgique, Suisse)
L-thyroxine Christiaens (Belgique)
L-THYROXINE ROCHE (France)
LEVOTHYROX (France)
Thyrax (Belgique)
Synthroid (Canada) • Lévothyroxine sodique associée à la
liothyronine sodique : Euthyral (France)
Novothyral (Belgique, Suisse)
semble être retiré du commerce.... • Liothyronine sodique seule : CYNOMEL (France)
Cytomel (Canada)
Classe Hormone thyroïdienne
Autres informations Sous classe :
modifier

Notes et références[modifier | modifier le code]
1. ↑ Pediatr Endocrinol Diabetes Metab. 2010;16(2):100-8. [Evaluation of mental development of children with congenital hypothyroidism detected in screening test--personal observations] [Article in Polish] Kik E, Noczyńska A. Klinika Endokrynologii i Diabetologii Wieku Rozwojowego Akademii Medycznej we Wrocławiu.
2. ↑ (de) J. W. Dietrich, K. Brisseau et B. O. Boehm, « Resorption, Transport und Bioverfügbarkeit von Schilddrüsenhormonen », Endokrinologie, vol. 133, no 31/32, 2008, p. 1644-1648 (lire en ligne [archive]) DOI:10.1055/s-0028-1082780
3. ↑ (en) P. Martin, D. Brochet, P. Soubrie et P. Simon, « Triidothyronine-induced reversal of learned helplessness in rats », Biological Psychiatry, vol. 20, no 9, septembre 1985, p. 1023-1025 (lire en ligne [archive]) DOI:10.1016/0006-3223(85)90202-1 PMID 2992618 [archive]
4. ↑ Jonklaas J, Davidson B, Bhagat S, Soldin SJ, Triiodothyronine levels in athyreotic individuals during levothyroxine therapy [archive], JAMA, 2008;299:769-777
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CIRRHOSE |
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Cirrhose
Dossier réalisé en collaboration avec Richard Moreau, responsable de l’équipe « Complications de la cirrhose », au sein de l’unité de recherche Inserm 773, Centre de Recherche Biomédicale Bichat-Beaujon CRB3, Hôpital Beaujon, Clichy et Faculté de Médecine Xavier Bichat, Université Diderot Paris 7, Paris - Novembre 2012.
Alcool, hépatites et obésité : les facteurs de risque de la cirrhose sont bien connus. Pourtant, il reste à ce jour impossible de prédire l’apparition de la maladie et de savoir comment elle va évoluer. Petit à petit, la recherche identifie des biomarqueurs qui permettront, à terme, de prévoir la progression de la pathologie, le risque de complications et, pourquoi pas, la réponse aux traitements.
La cirrhose, une maladie d’origine inflammatoire
La cirrhose est une maladie irréversible du foie. Elle se caractérise par une inflammation chronique qui entraine la destruction des cellules hépatiques et leur régénération anarchique, sous forme de nodules. La maladie conduit à la perte des fonctions de l’organe et s’accompagne de multiples complications.
Sans foie fonctionnel, la durée de vie n’excède pas quelques heures. Cet organe assure en effet de très nombreuses fonctions vitales de synthèse, de stockage et d’élimination. Il stocke le glucose et en produit à partir d’autres substances. Il produit des triglycérides, du cholestérol, des lipoprotéines ou encore des facteurs de coagulation. Il dégrade le cholestérol, les toxines, les médicaments et les produits potentiellement toxiques pour l’organisme, issus par exemple de globules rouges dégradés.
Il y a environ 700 000 cas de cirrhose en France, dont 30 % au stade sévère, qui entrainent 10 000 à 15 000 décès par an. Le diagnostic survient en moyenne à l’âge de 50 ans.
Alcool, hépatites et obésité, les principaux responsables
Les facteurs de risque de la cirrhose sont bien identifiés. La consommation excessive et prolongée d’alcool, les infections chroniques par les virus de l’hépatite B et C, ainsi que le syndrome métabolique sont en effet responsables de plus de 90 % des cas de cirrhose. Les autres cas sont liés à des hémochromatoses génétiques ou encore à des hépatopathies auto-immunes comme la cirrhose biliaire primitive.
Le syndrome métabolique, notamment associé à un surpoids ou une obésité, est un facteur de risque de cirrhose moins connu que l’alcool ou les hépatites. Il entraine une augmentation significative de l’incidence des cirrhoses dans les pays où l’obésité progresse vite, notamment dans les pays en développement.
Toutes les personnes exposées à un risque de cirrhose ne développent pas la maladie. Celle-ci ne se déclare en effet que dans 10 % à 20 % des cas. Les causes et mécanismes associés à cette vulnérabilité ne sont pas encore connus, mais ils pourraient notamment dépendre d’une susceptibilité génétique.
Dépistage : des tests non invasifs à la biopsie
La maladie est insidieuse et reste longtemps asymptomatique. A l’examen clinique, le foie est gonflé, dur et présente un bord intérieur tranchant mais indolore. Un bilan sanguin permet de trouver différentes anomalies (diminution de l'albumine, diminution du taux de prothrombine et augmentation des gamma-globulines, notamment). L’échographie apporte des données complémentaires, mais le diagnostic de la cirrhose repose sur une biopsie, examen consistant à prélever et analyser des cellules du foie.
Le plus souvent, c’est l’apparition d’une complication qui permet de découvrir la cirrhose : varices œsophagiennes (veines dilatées au niveau de l’œsophage), ascite (abdomen gonflé à cause d’un épanchement de liquide dans le péritoine), ictère (peau, blanc de l'œil et urines prennent une coloration jaunâtre)...
Néanmoins, le dépistage de la maladie est régulier chez les patients atteints d’hépatite C chronique qui sont suivis pour leur maladie. Ce dépistage se fonde sur l’utilisation de tests non invasifs : le fibroscan qui permet d’évaluer l’élasticité du foie par ultrasons, ainsi que le Fibrotest, le Fibomètre et l’Hepascore qui permettent l’analyse de plusieurs marqueurs sanguins. Le développement de nouveaux tests de plus en plus sensibles est une priorité pour les chercheurs.
Le score de Child-Pugh permet d’évaluer la sévérité d’une cirrhose. Il associe des données biologiques à la présence de complications. Toutefois, un autre score qui intègre également des données biologiques rénales, le score de Meld, est entrain de prendre le pas sur ce dernier. Le score de Meld est notamment utilisé en cas de greffe du foie, pour décider des patients à transplanter en priorité.
L’histoire de la maladie, de la fibrose au cancer du foie
La maladie est liée à une inflammation chronique du foie qui provoque la destruction des cellules. On parle d’abord de fibrose. Chez les patients alcooliques et obèses, elle est souvent précédée par une stéatose, correspondant à l’accumulation de graisse dans le foie.
En tentant de se régénérer, les cellules du foie s’organisent en nodules et perdent ainsi leur fonction. Le foie perd alors également sa souplesse, ce qui provoque une augmentation du volume sanguin dans la veine qui l’alimente. C’est l’hypertension portale. Elle entraine la formation de voies de dérivation et l’apparition de varices œsophagiennes. La mauvaise vascularisation des cellules du foie et la diminution de la quantité d’hépatocytes fonctionnels finissent par provoquer une insuffisance hépatocellulaire.
Ces évolutions sont en outre associées à tout un lot de complications dont certaines sont gravissimes (voir plus bas). Le cancer du foie est presque incontournable après 15 à 20 ans d’évolution de la cirrhose.
La vitesse d’évolution de la maladie et la survenue de complications sont imprévisibles. Néanmoins les patients qui ont un ou plusieurs organes déficients (rein, cerveau…) semblent plus vulnérables d’après les données récentes d’une étude observationnelle prospective menée par un consortium européen dédié à l’étude de la cirrhose (1).
De nombreuses complications dont certaines gravissimes
Les problèmes de circulation locale et d’insuffisance hépatique entrainent un risque important de complications.
- Les hémorragies digestives surviennent en cas de rupture de varice œsophagienne. Il s’agit d’une urgence extrême qui nécessite une prise en charge dès le domicile du patient, ou au moins au cours du transport à l’hôpital. L’amélioration du traitement au cours des dernières années a permis de ramener à 10 % le taux de mortalité lié à cet événement contre environ 50 % en 1970.
- L’ascite correspond à une accumulation de liquide dans le péritoine. Elle se développe chez 30 % des patients cirrhotiques. Elle se traite par la prise de diurétiques associés à un régime pauvre en sel ou des ponctions évacuatrices du liquide accumulé. La prise d’antibiotique permet d’éviter la survenue d’une infection dans le liquide d’ascite. Elle est également recommandée au long cours, pour éviter une récidive en cas de primo infection.
- La sensibilité accrue aux infections. Les personnes présentant une cirrhose ont un système immunitaire défaillant. Les infections sont donc une cause majeure de mortalité. L’infection du liquide d’ascite est spécifique de la cirrhose, mais les patients sont exposés à tous les autres types d’infections (urinaires, cutanées, pneumopathies…).
- L’encéphalopathie hépatique, parfois appelée troubles de la conscience. Elle est due à l’incapacité du foie à éliminer l’ammoniac produit par les bactéries et se manifeste par des troubles de la personnalité, des anomalies neurologiques et électroencéphalographiques, qui vont de la confusion au coma. La prise en charge de cette complication consiste le plus souvent à purger l’intestin avec des laxatifs.
- L’insuffisance rénale peut-être induite par liée une complication (hémorragie digestive, infection sévère) ou par la sévérité de l’insuffisance hépatique. Chez un patient présentant une ascite mais dont la fonction rénale est normale au départ, la probabilité de survenue d’une insuffisance rénale est de 40 % à 5 ans.
- L’apparition d’un carcinome hépatocellulaire (cancer du foie) est très fréquente sur un foie remanié par la cirrhose. Elle survient le plus souvent après 15 à 20 ans d'évolution.
Une hospitalisation est nécessaire en cas d’hémorragie digestive (vomissement de sang ou selles très noires), mais également en cas de poussée d’ascite ou encore en cas d’encéphalopathie hépatique aigue.
Traiter la cause et prévenir les complications
La cirrhose ne se guérit pas, en dehors d’un recours à la greffe de foie. Toutefois, son évolution peut être stoppée et certaines complications évitées. Quelques rares cas de régression ont même été constatés.
La prise en charge de la maladie consiste avant tout à traiter sa cause. Dans le cas d’une cirrhose alcoolique, le sevrage est la seule solution. En cas de syndrome métabolique, un régime amaigrissant et le bon contrôle du diabète sont importants. Dans le cas d’une hépatite virale, il s’agit de traiter l’infection. L’hépatite B se traite bien. En revanche, l’hépatite C est plus redoutable. A ce titre, de nouveaux anti-viraux très prometteurs sont attendus, dès 2014, pour lutter contre le virus de l’hépatite C.
Des traitements permettent par ailleurs de prévenir certaines complications. Les hémorragies digestives peuvent par exemple être évitées par la prise de bêta-bloquants, administrés systématiquement chez les patients présentant des varices oesophagiennes. La ligature endoscopique des varices est une autre solution.
Le risque d’infections peut également être limité par une bonne hygiène bucco dentaire et cutanée. Par ailleurs, certaines vaccinations sont recommandées, notamment celles contre l’hépatite B, la grippe et les pneumocoques.
Enfin, la détection de lésions ou nodules suspects, évocateurs d’un carcinome hépatocellulaire, est primordiale. Elle repose sur un bilan sanguin (alpha foeto protéine, marqueur de tumeur du foie) et une échographie pratiqués tous les six mois.
La greffe de foie
Pièce d'hépatectomie totale lors d'une greffe hépatique pour une cirrhose d'origine virale C.
La transplantation hépatique est finalement le seul traitement à proprement parler de la cirrhose. Les premiers patients éligibles sont ceux dont le score de Meld est le plus élevé et dont l’espérance de vie à trois mois est la plus faible. Chaque année, environ 1 000 patients sont transplantés en France.
La recherche sur tous les fronts
Comprendre l’exposition au risque de cirrhose et de carcinome hépatocellulaire
Les chercheurs tentent d’identifier les facteurs impliqués dans la survenue d’une cirrhose chez les patients exposés à un risque. Il s’agit de facteurs personnels (comme une prédisposition génétique) mais également de facteurs environnementaux (comme la nature des apports alimentaires). L’objectif est de mieux comprendre ces facteurs afin de mettre au point de nouveaux outils, non invasifs, pour prédire l’apparition de la maladie et son évolution.
Une étude récente parue dans la revue Hepatology a montré un lien entre certaines altérations génétiques et la survenue de pathologies hépatiques. Certaines de ces altérations sont retrouvées chez des patients présentant une cirrhose et, bien que la cirrhose soit une maladie impliquant plusieurs gènes, le gène PNPLA3 semble jouer un rôle important. Son analyse chez les personnes exposées au risque de cirrhose est de ce fait envisagée.
A l’Institut digestif (hôpital Beaujon, Clichy), l’unité Inserm 773 travaille également à l’identification de biomarqueurs des différents stades d’évolution de la maladie : fibrose, cirrhose et cancer du foie.
Les scientifiques s’attèlent aussi à améliorer les connaissances relatives aux mécanismes à l’origine de la survenue d’un cancer du foie. L’objectif est d’identifier de nouvelles cibles thérapeutiques qui permettront le développement de nouveaux traitements, plus efficaces que ceux qui sont actuellement disponibles.
Rétablir l’immunité des patients
© Science Frontières Production/Inserm
C'est quoi la phagocytose ?
Les patients atteints de cirrhose sont particulièrement vulnérables aux infections. Les chercheurs tentent de comprendre pourquoi et d’identifier les mécanismes de cette immunodépression. Les patients présentent, entre autre, un déficit de la phagocytose (3) et un problème de perméabilité intestinale qui permet aux bactéries intestinales de passer dans le sang.
Prédire la réponse au traitement ou à la greffe
Dans la prise en charge des causes d’une cirrhose, l’étude du génome des patients permet, dans certains cas, de prédire la réponse à un traitement. C’est par exemple le cas pour le traitement actuel de l’hépatite C, dont l’efficacité dépend de la séquence du gène IL28B porté par le patient. Un test de génotypage est actuellement disponible.
Une grosse partie du travail de recherche en cours concerne par ailleurs la transplantation, et notamment les critères de sélection des patients à greffer. Ainsi, une étude parue dans NEMJ en 2011 montre qu’une greffe peut être bénéfique pour des patients atteints de cirrhose alcoolique abstinents depuis moins de six mois. Actuellement, ce délai de six mois est recommandé avant la greffe, excluant de fait certains patients à très haut risque de décès.
Notes :
(1) J Hepatol 2012;56 (Suppl. 2):S552
(2) La phagocytose est le processus qui permet à certaines cellules « d'avaler », puis de digérer une substance étrangère. Ce mécanisme participe au fonctionnement du système immunitaire.
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INSUFFISANCE RÉNALE |
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Insuffisance rénale
L'insuffisance rénale est une altération du fonctionnement des deux reins qui ne filtrent plus correctement le sang. Elle est dite aiguë si le dysfonctionnement est transitoire, chronique lorsque la destruction est irréversible, sans possibilité de guérison. En cas d'insuffisance rénale majeure, la fonction rénale peut être supplantée par dialyse ou greffe de rein.
Dossier réalisé en collaboration avec le Pr Christian Combe, Université Bordeaux Segalen, Service de néphrologie transplantation dialyse du Centre Hospitalier Universitaire de Bordeaux et Unité Inserm 1026 - Mars 2012.
Qu’est-ce que l’insuffisance rénale ?
Chaque néphron, unité fonctionnelle du rein assurant le rôle de filtre du sang, contient un glomérule et un tubule.
L'insuffisance rénale correspond à l'altération du fonctionnement des deux reins qui ne filtrent plus correctement le sang. La maladie est dite aiguë si le dysfonctionnement est transitoire et réversible et chronique si la destruction est irréversible, sans possibilité de guérison. Dans ce cas, la maladie peut être stabilisée. Si l'insuffisance rénale est majeure, la fonction rénale peut être supplantée par dialyse ou transplantation. La dialyse permet de filtrer le sang par un circuit dérivé, le plus souvent extérieur à l’organisme.
L’insuffisance rénale aiguë survient le plus souvent après une agression comme une baisse brutale et transitoire de la pression artérielle, lors d'une hémorragie, d'une infection générale (septicémie), d'une intoxication médicamenteuse ou encore en cas d’obstruction des voies urinaires par un calcul ou un adénome prostatique. Les reins mettent quelques jours à retrouver spontanément un fonctionnement normal après traitement. Pendant cette période, il faut recourir à la dialyse qui permet au patient de survivre pendant le processus d'auto-réparation rénale.
L’insuffisance rénale chronique ne régresse pas, par définition. Elle est induite par des pathologies (diabète, hypertension…) qui détruisent progressivement et de façon irréversible les différentes structures rénales. Il existe cinq stades de la maladie jusqu’au stade terminal auquel la capacité de filtration est inférieure à 15 % de la normale pour l’ensemble des reins. Ce stade nécessite d’envisager les techniques de remplacement de la fonction rénale : dialyse et transplantation.
Une maladie dont la fréquence augmente avec l’âge
Selon une étude menée aux Etats-Unis sur la période 1999-2000 (National Health and Nutrition Examination Survey IV), 9,4 % de la population générale, dont deux tiers d’hommes, présenteraient une insuffisance rénale, dont 5,6 % à un stade léger ou modéré, 3,7 % à un stade sévère et 0,13 % à un stade terminal*. La maladie est rare avant 45 ans mais sa prévalence augmente avec l’âge, notamment après 65 ans. En France, les données disponibles concernent l’insuffisance rénale chronique terminale grâce au réseau national REIN (Réseau Epidémiologie et Information en Néphrologie). En 2009, 36 000 personnes étaient dialysées en France et 31 000 personnes ont bénéficié d’une greffe de rein (dont 2 800 nouveaux greffés)**. La prévalence de cette maladie devrait encore augmenter dans les années qui viennent en raison du vieillissement de la population et de l’augmentation du diabète, deux causes majeures d’insuffisance rénale, et grâce à l’amélioration de la survie des patients transplantés et dialysés.
*Coresh J, Byrd-Holt D, Astor BC, et al. Chronic kidney disease awareness, prevalence, and trends among U.S. adults, 1999 to 2000. J Am Soc Nephrol 2005;16:180-8
**Réseau Epidémiologie et Information en Néphrologie. Rapport annuel 2009
Le diabète et l’hypertension largement incriminés
L’insuffisance rénale est liée dans presque un quart des cas à une hypertension et un autre quart à un diabète*. Ces deux pathologies entraînent des lésions vasculaires qui altèrent la fonction des reins. D’après une étude de 2003, dix ans après le début d’un diabète, un tiers des patients développe une insuffisance rénale dont 6 % à un stade avancé** mais l’amélioration constante de la prise en charge du diabète a pu modifier ces données.
Les glomérulonéphrites primaires, qui étaient les causes principales d’insuffisance rénale dans les années 1990, ne concernent plus que 12 % des patients. Il s’agit le plus souvent d’une maladie inflammatoire auto-immune du glomérule, le filtre du rein. Le début de la maladie est souvent insidieux et celle-ci peut être découverte au cours d’une prise de sang (protéinurie, hématurie) ou de la mesure de la pression artérielle pour un autre motif.
Plus de 6 % des cas sont liés à une maladie génétique héréditaire appelée polykystose, caractérisée par de nombreux kystes au niveau des reins.
Enfin, les pyélonéphrites sont à l’origine de 4 % des insuffisances rénales et dues à des infections urinaires très fréquentes, surtout chez la femme, et à la remontée du germe dans les reins.
Dans 15 % des cas, la maladie est de cause inconnue.
*Réseau Epidémiologie et Information en Néphrologie. Rapport annuel 2009
**Amanda I.Adler et al. Development and progression of nephropathy in type 2 diabetes: The United Kingdom Prospective Diabetes Study (UKPDS 64). Kidney International, Vol. 63 (2003), pp. 225–232
Des complications cardiovasculaires fréquentes
La complication principale est le risque cardiovasculaire. Des reins malades peuvent longtemps donner l’illusion d’un fonctionnement normal alors qu’ils altèrent le métabolisme général en provoquant l’accumulation de toxiques, de déchets métaboliques ou encore de sels minéraux en raison d’une mauvaise filtration. L’accumulation de sel dans l'organisme et la sécrétion exagérée d'hormones hypertensives par le rein s’accompagnent alors le plus souvent d’une augmentation de la pression artérielle. Or, l'hypertension accélère elle-même les lésions du rein et l'évolution de l’insuffisance rénale. Au moment de l’instauration d’un traitement de suppléance (dialyse ou transplantation), 81 % des malades ont des antécédents d‘hypertension artérielle. Ils présentent souvent d’autres complications cardiovasculaires, 28 % d’entre eux ont une insuffisance cardiaque, 26 % une pathologie coronarienne et 22 % une artérite des membres inférieurs.
Les troubles du calcium et du phosphore sont fréquents. Le calcium est mal absorbé et l’accumulation de phosphore dans le sang aggrave ce phénomène. Les conséquences de ces anomalies peuvent être osseuses avec, chez l'enfant, des signes proches du rachitisme, un retard de croissance, et, chez l'adulte, une fragilité osseuse (ostéoporose). Les artères peuvent également être le siège de calcifications réduisant leur calibre avec des conséquences cardiovasculaires.
La maladie rénale peut entraîner un déficit de sécrétion en érythropoïétine (EPO) et donc l’apparition d’une anémie, ce qui explique le teint pâle du malade, sa fatigue physique et intellectuelle. On peut y remédier avec un apport en érythropoïétine humaine recombinante.
La dénutrition est fréquente, l'accumulation des déchets ayant un effet anorexigène. Elle doit être prévenue, détectée et traitée.
D’autres signe, par exemple neurologiques, peuvent survenir à des stades très avancés de la maladie.
*Réseau Epidémiologie et Information en Néphrologie. Rapport annuel 2009
Ralentir la progression de l’insuffisance rénale
L’insuffisance rénale chronique peut évoluer très différemment selon le patient et la pathologie associée. En cas de polykystose, la maladie progresse d’environ 5 % par an, en cas de diabète équilibré 3,5 % et en cas de diabète mal contrôlé 12 % par an. Dans ce dernier cas de figure, cela signifie qu’en 5 ans, le patient aura perdu 60 % de sa fonction rénale*.
Cependant le contrôle de l’insuffisance rénale est possible et le stade terminal n’est pas inéluctable.
Stopper ou ralentir la progression de l’insuffisance rénale nécessite entre autres de contrôler la pression artérielle (< 130/80 mmHg*) et la protéinurie (< 0,5 g/jour*). Pour cela, un traitement antihypertenseur est nécessaire, de même qu’un contrôle diététique : régime limité en sel surtout, avec un apport en protéines contrôlé. Une supplémentation en calcium peut être prescrite, ainsi qu’un contrôle du cholestérol, avec un objectif de LDL-cholestérol (le "mauvais" cholestérol) de 1 g/l à atteindre par le régime et/ou les médicaments.
Il est en parallèle essentiel de contrôler efficacement les maladies associées à l’insuffisance rénale, notamment le diabète et corriger les autres facteurs de risque cardiovasculaires : arrêter de fumer, quel que soit le stade de la maladie, traiter une hypercholestérolémie, etc.
Malgré ces précautions, tout patient doit être informé des modalités des traitements de suppléance que représentent la dialyse et la greffe.
*Christian Combe et al. Stratégies pour ralentir la progression des maladies rénales chroniques. Presse Med. 2007; 36: 1849–55
Dialyse et transplantation permettent de supplanter la fonction rénale
La dialyse et la transplantation ont révolutionné la prise en charge de la maladie rénale chronique depuis les années 1960. Cependant, le stade qualifié de "terminal" n'implique pas nécessairement le recours à ces techniques de suppléance. Certains patients peuvent être stabilisés pendant plusieurs années à ce stade 5. En outre, chez les patients âgés, le traitement conservateur peut être maintenu si la dialyse n’est pas souhaitée.
L’hémodialyse correspond à un rein artificiel et permet de remplacer la fonction d'épuration des reins via un circuit extracorporel. Elle a lieu en général par séances de 4 heures trois fois par semaine mais une fréquence plus élevée permet d’obtenir une meilleure régulation du métabolisme grâce à une filtration plus régulière. Elle peut se faire dans des centres spécialisés, dans des centres d’autodialyse, et même à domicile, mais sa pratique nécessite une bonne formation. La dialyse péritonéale représente environ 7 % des dialyses* et permet de filtrer le sang à domicile au niveau du péritoine qui sert de membrane. Cette technique est aussi efficace que l'hémodialyse au début mais peut moins souvent être utilisée au-delà de 5 ans en raison de l’altération de la capacité de filtration du péritoine au cours du temps.
La dialyse permet de vivre de nombreuses années et contribue en général à baisser l’utilisation des antihypertenseurs mais elle ne dispense pas des autres traitements.
La transplantation consiste à remplacer les reins déficients par un rein sain. Cette technique permet plusieurs années de vie sans dialyse. Après 10 ans, environ 70 % des greffons sont encore fonctionnels. La greffe rénale est la plus fréquente des transplantations en France et bénéficie à des sujets plutôt jeunes (âge médian 55 ans*). Plus de 2 800 personnes ont pu en bénéficier en 2009 mais près de 7 000 autres patients étaient en attente d’un greffon.
*Réseau Epidémiologie et Information en Néphrologie. Rapport annuel 2009
Des voies de recherche multiples
Mieux comprendre la progression de l’insuffisance rénale
Les spécialistes cherchent à mieux identifier les facteurs de risque d’insuffisance rénale terminale comme le diabète ou l’hypertension et à améliorer l’organisation des soins. Le registre REIN, qui recense depuis 2002 les patients en stade terminal, a pour objectif de décrire l’incidence et la prévalence des traitements de suppléance, les caractéristiques de la population traitée, la mortalité et les modalités de traitement.
Il est également nécessaire d’identifier des déterminants environnementaux ou sociaux de la progression de l’insuffisance rénale chronique. C’est l’un des objectifs de la cohorte Nephrotest créée à partir de 2000 pour au moins 10 ans de suivi. Plus de 3 000 patients atteints d’insuffisance rénale chronique sont suivis afin de déterminer des facteurs de progression de la maladie et de ses complications associées. C’est également le cas de la cohorte CKD-Rein nouvellement formée, incluant 3 600 patients présentant des insuffisances rénales modérées à terminales. Le suivi d’un minimum de cinq ans permettra de comprendre comment le mode de vie, l’environnement, la génétique et les pratiques médicales interagissent sur l’évolution de la maladie et ses complications.
Un autre volet de cette cohorte CKD-REIN porte sur l’organisation des soins et la qualité de vie des patients. L’objectif est d’identifier les modes de prise en charge les plus efficaces et les moins couteux. A ce titre la qualité de vie des patients sera évaluée régulièrement ; vie familiale, activité professionnelle, activités de loisir, alimentation, sommeil et sexualité et les pratiques médicales et l’organisation des soins seront comparées entre la France et d’autres pays afin d’identifier les plus efficients.
Identifier de nouvelles cibles thérapeutiques
Une meilleure appréhension des mécanismes de progression de l’insuffisance rénale chronique permettra par ailleurs de mieux ralentir son évolution. Actuellement, les efforts portent sur la normalisation de la pression artérielle et de la protéinurie, mais d’autres cibles sont à l’étude. Des travaux portent notamment sur les mécanismes d’inflammation et de fibrose du rein qui mènent à son altération.
Deux molécules sont à l’essai et ont déjà montré des résultats prometteurs en cas de néphropathie diabétique : la bardoxolone, qui module l’inflammation au niveau du rein, et l’anticorps monoclonal TGFbβ orienté contre un facteur de croissance impliqué dans la fibrose.
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