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LES MINERAUX

 

LES  MINERAUX

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LE CARBONE 2

 

Des matériaux pour le troisième millénaire


autre - dans mensuel n°307 daté mars 1998 à la page 50 (4151 mots) | Gratuit
De nouvelles molécules insolites, longues fibres creuses aux propriétés électroniques et mécaniques fascinantes, ont rejoint les diamants et le graphite dans la famille du carbone. Découverts en 1991, ces polymères peuvent comporter jusqu'à un million d'atomes. Conducteurs ou isolants, suivant leur géométrie, les nanotubes trouveront de multiples applications dans l'électronique à l'échelle nanométrique. Leur rigidité exceptionnelle en fait aussi des matériaux remarquables, à la fois légers et solides, utilisables pour construire aussi bien des nanosondes incassables que des gratte-ciel antisismiques. A condition toutefois de parvenir à les fabriquer en série.

Imaginez que vous teniez en main une baguette composée d'une seule molécule, une baguette si fine qu'un microscope ordinaire ne permettrait pas de la voir. Cette baguette aurait seulement quelques atomes de circonférence mais pourrait atteindre des longueurs considérables, plusieurs millions de fois supérieures à son infime diamètre. Un tel tubule existe aujourd'hui dans les laboratoires, où il a même servi de sonde pour explorer le monde des molécules. C'est le nanotube de carbone, une fibre creuse possédant la perfection de l'arrangement atomique rendu célèbre par son prédécesseur, le C60, une molécule semblable à un ballon de football. Cette cage sphéri-que remarquable, découverte il y a une dizaine d'années, est composée de soixante atomes de carbone symétriquement répartis fig. 1. Depuis, la famille moléculaire du C60, dite des fullerènes*, s'est passablement agrandie.

Pour le chimiste, le nanotube est un polymère composé uniquement de carbone et pouvant comporter jusqu'à un million d'atomes. D'un point de vue physique, c'est un cristal unidirectionnel reproduisant périodiquement une même cellule de base. Cette périodicité possède la symétrie d'une hélice, certes moins complexe que la double hélice responsable de la vie, mais dotée de cette beauté particulière associée à la répétition d'un même motif - une sorte de transpo-sition moléculaire du Boléro de Ravel. La symétrie, la rigueur de ces structures, et leur soumission respectueuse à la règle d'Euler sur les polyèdres voir l'encadré « Nanotubes et mathématiques », enchanteraient un mathématicien.

Les nanotubes ont été décelés pour la première fois en 1991 par Sumio Iijima, de NEC Corporation, dans la suie et les poussières emplissant la chambre où étaient fabriqués des fullerènes1. Iijima obtint ses premiers échantillons en créant un arc électrique à courant continu entre des électrodes de carbone immergées dans un gaz inerte. Un dispositif analogue avait été utilisé par Wolfgang Kratschmer, de l'institut Max-Planck de physique nucléaire et Donald Huffman, de l'université d'Arizona, pour produire des fullerènes en série2. Cette technique de l'arc électrique ayant été employée par Roger Bacon au début des années 1960 pour produire d'épais whiskers moustaches de carbone, il est fort probable que l'on aurait pu découvrir plus tôt les nanotubes en recherchant attentivement les plus petites structures présentes dans la suie. Iijima lui-même pense que la suie de ces premières expériences contenait effectivement des nanotubes, mais que Bacon ne disposait pas d'un microscope suffisamment puissant pour les déceler. Si diver-ses techniques de vaporisation et de condensation du carbone permettent d'obtenir toutes sortes de fullerènes, il semble que la présence d'un arc électrique soit un élément favorisant l'apparition de longs tubules. De fait, les nanotubes se développent uniquement sur le passage du courant, au niveau de l'électrode négative. Leur croissance s'y effectue au rythme d'environ un millimètre par minute pour un courant et une tension de l'ordre de 100 ampères et 20 volts respectivement - ce qui correspond à une température de 2 000 à 3 000 °C.

En 1992, T. Ebbesen et P.M. Ajayan, également de NEC Corporation, découvrirent par hasard un moyen de produire des nanotubes avec un rendement plus élevé, ce qui permit de les étudier par diverses techniques3. Par la suite, ils trouvèrent un moyen de les purifier. De leur côté, Donald Bethune4, d'IBM Corporation, et Iijima remarquèrent indépendamment que l'ajout d'une faible quantité d'un métal pulvérisé cobalt, nickel ou fer active la croissance de nanotubes dits « monofeuillets », c'est-à-dire ne comportant qu'une seule paroi. A l'évidence, le métal sert de catalyseur en empêchant que les structures tubulaires en développement ne se referment sur elles-mêmes pour former de petites cages de fullerène. Sa présence permet également d'abaisser la température. Sans ce refroidissement, l'arc est trop chaud : les nanotubes s'agrègent et fusionnent comme les bulles de mousse dans un verre de bière.

La condensation d'un mélange catalyseur-carbone vaporisé par laser à une température plus basse 1 200 °C a récemment permis d'effectuer une percée à Rice University et de produire aujourd'hui des nanotubes monofeuillets avec un rendement supérieur à 70 %5. En outre, ces nanotubes se groupent spontanément en faisceaux - formant des cordes d'une longueur supérieure à un dixième de millimètre.

Conformément aux lois de la chimie du carbone, les atomes d'un nanotube sont reliés par l'intermédiaire d'une solide liaison covalente*, et chaque atome possède exactement trois voisins. Ainsi, quelle que soit sa longueur, un nanotube est obligé de se fermer à ses extrémités de manière à n'y laisser aucune liaison chimique esseulée. Bien que le carbone ait alors une nette préférence pour les pavages hexagonaux plans, l'enroulement d'un feuillet de graphite absorbe relativement peu d'énergie, et cette dépense énergétique est généreusement restituée une fois que toutes les liaisons esseulées d'un bord du feuillet se referment sur leurs homologues du bord opposé pour former le nanotube. Le carbone est en outre relativement indifférent à l'insertion de quelques pentagones ou de quelques heptagones polyèdres à sept côtés. Géométriquement, ces insertions génèrent localement une courbure, positive et en calotte dans le cas d'un pentagone, négative et en selle de cheval dans le cas d'un heptagone fig. 2. C'est grâce à ces deux polygones que les chimistes peuvent concevoir, comme dans un jeu de Meccano, les structures carbonées stables qui abondent dans la littérature.

Dans un diamant, chaque atome de carbone est lié à ses quatre plus proches voisins par une liaison tétraédrique, réalisant ainsi le réseau tridimensionnel rigide qui confère au diamant sa dureté inégalée. En revanche, l'arrangement bidimensionnel des atomes composant la paroi d'un nanotube de graphène feuillet de graphite autorise, lui, une certaine mobilité dans la direction perpendiculaire à cette paroi. Cette mobilité, combinée à l'intensité des liaisons constitutives, laisse entrevoir de spectaculaires propriétés mécaniques.

On le sait, le graphite ordinaire n'est pas particulièrement célèbre pour sa solidité. Qui n'a jamais cassé la mine de son portemine sans véritablement appuyer sur la feuille ? Mais pour reprendre la formule d'Uzi Landman, de l'institut technologique de Géorgie, « small is different » , autrement dit, il en va différemment à l'échelle du nanomètre. La circonférence d'un nanotube est trop petite pour permettre l'apparition des multiples imperfections et microfissures qui fragilisent considérablement la mine d'un crayon. Lors des premières études sur les nanotubes, plusieurs équipes de chercheurs avaient publié des images à haute résolution de tubes fortement déformés mais n'exhibant aucune trace de fracture. Il était cependant parfois difficile de dire si ces déformations étaient réellement élastiques ou si elles résultaient partiellement de la présence de défauts tels que des anneaux pentagonaux ou heptagonaux.

En 1994, lors d'un colloque interna-tional, Iijima montra à Jerzy Bernholc, de l'université d'Etat de Caroline du Nord, quelques magnifiques photographies, prises au microscope à transmission électronique, chacune présentant toutes les caractéristiques propres à une belle flexion élastique. A l'époque, une équipe française dirigée par J.- F . Despres faisait état d'observations analogues. Malheureusement, il est difficile, expérimenta-lement, de contrôler les forces que l'on applique sur un minuscule nanotube, et la plupart des témoignages sur le comportement mécanique des nanotubes se réduisent à des images figées ne donnant que des informations fragmentaires sur les réactions des nanotubes à ces contraintes. Ce sont donc des simulations numériques de formes analogues qui devraient aujourd'hui accroître notre compréhension des forces mises en jeu et permettre de savoir si les déformations résultantes sont effectivement élastiques et réversibles.

Mais en modélisation, les forces et tensions intramoléculaires posent un délicat problème aux physiciens quantiques. En dépit de spectaculaires progrès réali-sés dans ce domaine par les méthodes numériques, le traitement rigoureusement quantique d'une molécule contenant des milliers d'atomes reste souvent financièrement prohibitif. Pour contourner cet obstacle, on recourt à un modèle ad hoc des forces interatomiques F , puis on applique simplement la mécanique classique, en l'occurrence la deuxième loi de Newton, F = ma la force est égale à la masse multipliée par l'accélération à chacun des milliers d'atomes, et on calcule enfin leur mouvement pas à pas.

Cette procédure, caractéristique des méthodes de la dynamique moléculaire classique, a été développée par l'un d'entre nous B.I.Y. en collaboration avec Charles Brabec, de l'université d'Etat de Caroline du Nord. Nos calculs permettent de prédire les bilans énergétiques des déformations d'un nanotube et fournissent des paramètres d'élasticité conformes aux valeurs connues pour le graphite ou déterminés à partir des méthodes de la théorie quantique.

Nous avons toutefois eu la surprise de découvrir, pour les trois types fonda- mentaux de contrainte mécanique flexion, torsion et compression axiale, de brusques changements de forme du cylindre initial6 fig. 3 et 4. On voit le nanotube passer soudain d'une forme à la suivante en émettant, lors de chaque « crac », des ondes acoustiques qui se propagent le long de ses parois. Ces molécules « craquantes » ne se rompent jamais, mais s'adaptent de manière réversible à la contrainte externe. Outre leur similitude avec les motifs révélés par les expériences, ces changements de forme mis en évidence par nos simulations ressemblent aux instabilités bien connues en théorie macroscopique de l'élasticité des objets creux à paroi mince.

Les premières recherches sur l'élasticité des couches et des tiges macroscopiques datent du XVIIIe siècle, avec les travaux de Leonhard Euler dont nous avons évoqué les lois sur les polyèdres dans l'encadré « Nanotubes et mathé-matiques ». C'est à lui que l'on doit la découverte du phénomène appelé instabilité élastique : une tige ou une colonne axialement comprimée demeure rectiligne tant que la force de compression reste inférieure à un seuil critique. Une fois ce seuil franchi, elle devient insta- ble - en termes mathématiques, elle subit une bifurcation - et se plie en deux. Cette aptitude à résister à une force axiale jusqu'à un certain seuil se traduit par une valeur élevée du paramètre qui mesure l'élasticité d'un matériau, le module d'Young*. D'après des expériences récentes7, les nanotubes ont des modules d'Young exceptionnellement élevés, jusqu'à 4 térapascals 4 x 1012 Pa. Cette rigidité remarquable fait du nanotube une nanosonde parfaitement adaptée pour étudier, au microscope à balayage, les réactions d'un échantillon à des pertur-bations contrôlées. C'est exactement l'utilisation qu'en a faite l'équipe de Rice University : un nanotube effleurait en douceur un échantillon tout en restant intact en cas de contacts violents avec sa surface. En outre, la finesse du nanotube a permis d'obtenir une image à haute définition de la topographie de l'échantillon8.

Il est difficilement concevable qu'en dépit de leur résistance mécanique, les nanotubes ne puissent jamais connaître de rupture. Quelle est la tension maximale supportable par un nanotube de carbone ? Concrètement parlant, un nanotube est trop petit pour être rompu à la main et trop solide pour être fragmenté en laboratoire par une minuscule « pince à épiler optique ». Aucun instrument, à ce jour, ne permet d'accomplir cet exploit ; il est d'ailleurs fort probable que les expérimentateurs devront attendre que les chimistes fabriquent des nanotubes plus longs pour le réaliser. Pour l'instant, les chercheurs en sont, là aussi, réduits à tester la résistance des nanotubes par des simulations numériques.

Ces simulations, fondées sur des modèles de dynamique moléculaire, indiquent que la rupture des nanotubes survient uniquement pour des tensions extrêmement élevées, et de manière très particulière. Une traction élastique étire dans un premier temps les hexagones composant la paroi du nanotube, puis, une fois franchi le seuil critique, provoque brusquement l'apparition d'un désordre atomique : une ou plusieurs liaisons carbone-carbone se rompent presque simultanément, créant un trou initiateur d'une fracture fig. 5. Ce désordre atomique se propage très rapidement le long de la circonférence du tube. La tension, auparavant uniforme sur toute la longueur du tube, se redistribue et donne naissance à un rétrécissement instable et passablement informe entre les deux portions limitrophes du nanotube, celles-ci reprenant rapidement une configuration normale. A un stade plus avancé survient un phénomène intéressant : deux ou plusieurs chaînes de carbone distinctes ...C=C=C=... = désigne une double liaison apparaissent entre les deux portions limitrophes. Ces chaînes de carbone, animées d'un mouvement intense très supérieur à l'agitation thermique, subissent des collisions et des contacts de plus en plus fréquents et finissent rapidement par fusionner et former une chaîne unique. Curieusement, si l'on accroît la distance entre les extrémités du tube, cette chaîne ne se rompt pas. Le tube s'allonge, non parce que les liaisons interatomiques s'étirent, mais parce que le nombre d'atomes de carbone qui s'intègrent à cette chaîne, de part et d'autre du rétrécissement, augmente. Dans ce collier de carbone, les atomes n'ont que deux voisins, et toute modification de l'ordre local exige une dépense d'énergie considérable9.

Les modèles classiques de forces interatomiques n'offrent qu'une simulation approchée des grandes tensions de liaisons, et en particulier des chaînes uni-dimensionnelles. Cependant, le scénario précédent reproduit assez fidèlement le défilage des chaînes monoatomiques tel que le suggèrent des expériences au cours desquelles une force électrostatique défait un tube comme on déferait une manche de tricot. En outre, la valeur élevée de la tension de rupture est aujourd'hui confirmée par la mise en évidence de tensions locales supérieures à 300 gigapascals un gigapascal vaut un milliard de pascals affectant, sans les fracturer, les feuillets de carbone de structures en oignon. Des simulations plus précises et plus coûteuses sont actuellement en cours, qui permettront bientôt de déterminer la valeur théorique de cette tension.

Pourquoi tient-on tant à déterminer cette valeur de rupture ? En règle générale, un bloc de matière de dimensions macroscopiques n'est pas aussi solide que le prédit la théorie. La raison en est qu'il contient de minuscules fissures concentrant et amplifiant localement la tension. Lorsqu'on lui applique une pression uniforme, ces fissures amplifient cette pression au voisinage de leurs commissures, ce qui a pour effet d'étirer puis de rompre les liaisons chimiques adjacentes. La fissure s'ouvre alors davantage et se propage dans le matériau qui s'avère ainsi moins solide que prévu. Avec un faisceau de nanotubes, la situation semble bien plus prometteuse : les tubes sont très fins et faiblement couplés entre eux. Il s'ensuit que, même si l'un d'eux se rompt, cette rupture n'affecte pratiquement pas ses voisins. La minuscule fissure se trouve piégée et ne peut se propager. On a ainsi de bonnes raisons de penser qu'une corde d'environ 2,5 centimètres d'épaisseur - soit un assemblage de quelque 1014 nanobrins parallèles - sera presque aussi résistante que le prédit la théorie. Quelle peut être la solidité de cette corde ? Une estimation prudente, fondée à la fois sur des considérations théoriques et sur l'expérience, donne pour sa résistance réelle une valeur de 130 gigapascals. La corde serait ainsi une centaine de fois plus résistante que l'acier, bien que six fois plus légère !

En 1978, un roman de science-fiction d'Arthur Clarke, Les Fontaines du paradis , décrivait un long câble que des ingénieurs du futur descendaient depuis un satellite en orbite géostationnaire pour servir de monte-charge spatial entre la Terre et ce satellite. Ignorons pour l'instant les fantastiques problèmes posés par un tel dispositif - la turbulence atmosphéri-que, les forces de Coriolis, les ravages de l'ozone et des rayonnements à une telle altitude - et demandons-nous quelle devrait être la solidité de ce câble. Des calculs simples montrent que ce câble devrait supporter une tension au moins égale à 63 gigapascals. Pour spéculatif qu'il fût, le récit de Clarke donnait cette valeur. Si aucun des matériaux actuellement connus de l'humanité ne peut résister à une telle tension, il pourrait en aller différemment avec les fullerènes. Un matériau qui serait seulement deux fois moins résistant permettrait déjà d'envisager de nombreuses applications plus réalistes !

Lorsque l'on comprime un nanotube, le principe d'indétermination quantique et le principe de Pauli* s'opposent à un trop grand rapprochement des électrons ; en revanche, lors d'une tension, ces électrons, attirés par les charges positives des noyaux atomiques, résistent aux forces qui tendent à les séparer. Ils ne sont cependant pas tous pareillement impliqués dans ce jeu d'attractions-répulsions. Certains occupent des orbitales atomiques* orientées perpendiculairement aux plans des hexagones et contribuent très peu à la cohésion du matériau - si peu qu'ils sont souvent qualifiés de « non liants ».

Ils peuvent alors se déplacer dans le plan de graphène autrement dit, la paroi du nanotube et contribuer à la conduc-tivité électrique du matériau. Cette particularité nous amène à examiner les propriétés électriques des nanotubes. Sont-ils, par exemple, conducteurs ou semi-conducteurs ? La réponse à cette question, fournie par des chercheurs du Naval Research Laboratory et du Massachusetts Institute of Technology, avant même la première observation physique des nanotubes, est : « les deux »10,11 !

Les propriétés électriques d'un matériau sont essentiellement déterminées par la répartition de ses électrons dans les bandes d'énergie quantiques*. Certains niveaux d'énergie, qui correspondent simplement à des états incompatibles avec la symétrie structurelle du matériau, sont interdits et créent des gaps des vides entre les bandes d'éner-gie accessibles aux électrons. Les bandes de faible énergie sont habituellement saturées et aucun électron ne peut s'y déplacer. En revanche, les bandes d'énergies plus élevées peuvent n'être que partiellement remplies d'électrons, qui peuvent alors absorber une petite énergie cinétique et s'y mouvoir sous l'action d'un champ électrique. Cette zone, appelée « bande de conduction », définit la conductivité du matériau.

Dans un plan de graphite, aucun gap ne sépare les bandes saturées des bandes inoccupées, mais seul un nombre infime d'électrons peut se mouvoir le long des feuillets. Le graphite possède donc une faible conductivité et est qualifié de semi-métal . La situation change radicalement lorsqu'on enroule ce plan sur lui-même pour former un nanotube : sa conductivité va varier de manière surprenante selon l'hélicité du nanotube. En d'autres termes, ses propriétés électriques vont dépendre de sa géométrie. Par exemple, pour un nanotube 10,10 nanotube « en fauteuil », voir fig. 1, il n'y a pas de gap :les électro n s peuve n t se mouvoir, et notre nanotube devrait être conducteur. Les calculs indiquent que la densité des porteurs de charge d'un faisceau parallèle de nanotubes en fauteuil serait des dizaines de milliers de fois supérieure à celle d'un plan de graphite, et sa conductivité comparable à celle d'un bon métal. Mais seuls les tubes en fauteuil n,n sont réellement conducteurs par symétrie. Tous les autres tubes possèdent un gap d'é n ergie, même s'il est i n fime pour les tubes en zigzag n,0 avec n multiple de trois. Ce gap est p roportio n n el à l'inverse du diamètre du tube et tend donc vers zéro pour un plan de graphène. Lors d'expériences, les nanotubes se révèlent donc tantôt conducteurs, tantôt isolants, suivant leur géométrie.

Le monde nanoscopique se conforme rarement aux règles gouvernant le monde macroscopique. Si, en termes de conductivité électrique, les nanotubes imitent fidèlement le comportement des matériaux macroscopiques, leur petitesse et leur perfection structurelle leur confèrent des caractéristiques totalement nouvelles. Ils se comportent en effet comme des guides d'ondes* à électrons, autorisant seulement quelques modes de propagation - propriété que l'on rencontre plus fréquemment dans le domaine des communications par fibres optiquesI.

Par exemple, au lieu de varier continûment en fonction de la tension appliquée, le courant circulant dans un nanotube croît et décroît par à-coups, traduisant ainsi la nature discrète de ces fils quantiques. Ce comportement ressemble à celui des transistors à effet de champ qui composent nos ordinateurs : le courant passant dans le nanotube dépend des tensions qui lui sont appliquées. Si ces résultats préfigurent leur comportement à l'échelle macroscopique, les nanotubes pourraient ouvrir de fascinantes perspectives aux concepteurs des systèmes micro-électromécaniques du futur.

La conductivité de ces fils moléculaires met une nouvelle fois à l'honneur le mécanisme par lequel le carbone assure la circulation de charges au sein d'un réseau. C'est ce même mécanisme qui donne son arôme au benzène. Dans les nanotubes, les électrons p, c'est-à-dire ceux qui circulent librement autour de chaque anneau de carbone, ne sont pas chimiquement réactifs. Aucun métal ordinaire ne possède une telle propriété. Les longs nanotubes n,n de demain seront à la fois de vraies molécules et de vrais métaux, une caractéristique jamais rencontrée en chimie. Il existe certes aujourd'hui des molécules conductrices, mais leurs performances sont plutôt médiocres. Une fois dopées, elles deviennent de bonnes conductrices, mais donnent d'assez piètres matériaux, car les molécules se détruisent au contact de l'air ou de l'eau. Les nanotubes 10,10 sont les premiers éléments d'une nouvelle classe potentiellement infinie d'objets qui soient à la fois d'excellentes molécules et d'excellents conducteurs, et dont les applications abondent, annonçant un univers technologique extrêmement diversifié.

Le premier groupe de ces applications est de nature macroscopique. On pourrait, par exemple, aligner à la queue leu leu des armées de molécules pour former un fil à la fois léger et solide ou un matériau composite qui serait imbattable pour construire des véhicules spatiaux, des avions ou des engins terrestres légers. Si les coûts le permettent, on pourrait utiliser ces matériaux comme éléments de ponts ou de gigantesques gratte-ciel antisismiques. Ils pourraient également permettre la fabrication de munitions et de gilets pare-balles légers. Toutes ces applications reposent sur une rigidité mécanique qui, bien qu'essentiellement donnée au départ, exige, pour être préservée, que l'on parvienne à fabriquer en série des nanotubes d'une longueur conséquente et exempts de défauts.

La structure creuse des nanotubes, en particulier des nanotubes monofeuillets, est apparemment responsable de leur aptitude à retrouver leur volume initial après s'être déformés sous l'action d'une compression. Une telle propriété est indispensable à la fabrication de certains objets tels que des absorbeurs de choc très résistants. La conductivité thermique des nanotubes, exceptionnelle dans leur direction axiale et relativement faible dans la direction perpendiculaire, pourrait se révéler intéressante en microélectronique, dont la miniaturisation de plus en plus poussée exige de meilleurs caloporteurs. En technologie informatique, le développement de certains des processeurs de la prochaine génération est actuellement stoppé par un simple problème de surchauffe.

A l'échelle nanoscopique, l'utilisation d'un seul nanotube ouvre un éventail d'applications bien plus large. L'emploi de nanosondes incassables dans les microscopes à balayage, déjà expérimenté, exploite l'élasticité mécanique et la conductivité électrique des nanotubes de carbone. Des « nanopailles » pourraient pénétrer dans une cellule biologique pour en sonder les caractéristiques chimiques ou être utilisées comme pipettes ultrafines qui injecteraient en douceur des molécules à l'intérieur de cellules vivantes.

Des nanotubes dotés d'une large gamme de propriétés électriques permettront probablement de construire un jour des ordinateurs plus rapides et plus petits. Par exemple, une molécule C60 enfermée dans un nanotube de diamètre convenable s'y déplace librement et n'est que faiblement retenue par les forces de van der Waals* s'exerçant aux extrémités de ce nanotube. L'application d'une tension extérieure permettrait alors de mouvoir une molécule chargée C60­ d'un bout à l'autre du nanotube. Un bit d'informa-tion lu ou écrit par un tel interrupteur binaire conférerait à un ordinateur équipé d'un ensemble bidimensionnel de telles « nanonavettes » une capacité RAM* fantastique.

Toutes ces applications se heurtent toutefois à une même difficulté, à savoir comment implanter un nanotube aux propriétés désirées en de multiples points d'un appareil de dimensions bien plus grandes, voire d'un simple circuit. En outre, pour être utilisables, les dispositifs obtenus doivent pouvoir être fabriqués en série. Ces deux problèmes de la multiplicité et de la production industrielle apparaissent dès que la faisabilité expérimentale est établie.

La fabrication en série de nanotubes d'excellente qualité est un préalable indispensable à l'exploitation de leurs propriétés. Si, sur ce plan, des progrès significatifs ont été récemment accomplis, il reste encore beaucoup à faire. La solution viendra peut-être d'une extension graduelle des méthodes actuelles, ou de la découverte de processus entièrement nouveaux et encore insoupçonnés. Rod Ruoff, de Washington University, a invité les biotechnologistes à créer une nouvelle espèce d'araignée qui tisserait des nanotubes pour un prix dérisoire. L'énergétique des liaisons du carbone et les méthodes de synthèse connues suggèrent qu'un tel arachnide serait probablement un métal et prospérerait sous un climat très chaud ! Mais la nature offre parfois des solutions ; peut-être les biologistes possèdent-ils dans leurs bocaux un enzyme qui permettrait de fabriquer des nanotubes, non plus aux hautes températures, mais dans le cadre de la chimie moins énergétique d'une fermentation.

A travers le monde, plusieurs laboratoires de pointe recherchent actuellement de meilleures solutions, soit en collaborant, soit en rivalisant entre eux. La nature, elle, ne rivalise avec personne ; elle suit son propre rythme et ne cesse de nous surprendre. Qui pouvait prévoir qu'un tore de carbone pur magnifiquement dessiné photo ci-dessus et évoquant une « culture en cercle » vue d'avion, émergerait systématiquement en tant que sous-produit de la croissance des nanotubes ? La science des nanotubes nous réserve quantité de surprises. Certaines seront particulièrement insolites, d'autres nous assureront un avenir meilleur.

 

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LE CARBONE

 

Le carbone


back to basic - par Cécile Michaut dans mensuel n°386 daté mai 2005 à la page 73 (2778 mots) | Gratuit
Pur, il se présente sous la forme de diamants, de graphite ou de fullerènes. Associé à l'oxygène, l'azote et l'hydrogène, il forme la charpente de toutes les molécules organiques composant les êtres vivants. Mais il est aussi source d'inquiétude lorsqu'il est brûlé et engendre le dioxyde de carbone, principal gaz à effet de serre.

Qu'est-ce que le carbone ?

C'est un élément chimique, le sixième du tableau périodique établi par le chimiste russe Dimitri Ivanovitch Mendeleïev. L'atome de carbone possède donc six électrons, dont quatre peuvent former des liaisons. Sa chimie est très variée, car il se lie assez facilement à une multitude d'atomes : le plus souvent d'autres atomes de carbone, de l'oxygène, de l'hydrogène et de l'azote. On connaît près de dix millions de substances carbonées différentes, et ce n'est qu'une petite partie des molécules que cet élément est capable de former. Certaines sont indispensables au fonctionnement des êtres vivants, tandis que d'autres sont toxiques, comme le monoxyde de carbone CO ou le cyanure CN-.

Peut-on vivre sans ?

Combiné notamment à l'hydrogène et à l'oxygène, il forme l'ossature de tous les organismes vivants que nous connaissons : protéines, ADN, membranes, etc. D'ailleurs, la chimie du carbone est nommée « chimie organique ». C'est pourquoi ceux qui essaient de dénicher la vie sur d'autres planètes traquent le carbone et tentent de découvrir la forme sous laquelle il se trouve. Mais ne passe-t-on pas ainsi à côté de formes de vie non carbonée ? C'est peu probable. Le carbone allie des propriétés géométriques et chimiques uniques. Lorsqu'il se lie à quatre atomes, il forme des structures à trois dimensions : les quatre atomes se trouvent au sommet d'un tétraèdre dont l'atome de carbone occupe le centre. Les éléments formant au plus trois liaisons, telles que l'azote ou le phosphore, ne sont qu'à l'origine de structures bidimensionnelles, et ceux formant seulement deux liaisons, tels l'oxygène ou le soufre, n'interviennent que dans des structures linéaires. L'autre caractéristique du carbone est sa réactivité, ni trop forte ni trop faible, qui lui permet de former des molécules qui ne se décomposent pas à tout bout de champ. Le silicium, situé dans la même colonne du tableau de Mendeleïev, peut aussi former quatre liaisons, donc des composés analogues à ceux du carbone. Mais il réagit très lentement, et produit des molécules plus stables. Il semble donc peu propice à la chimie du vivant.

D'où vient-il ?

Le carbone s'est formé au coeur d'étoiles analogues à notre Soleil ou plus grosses, par fusion d'éléments légers. Toutes les étoiles engendrent de l'hélium par la fusion des noyaux d'hydrogène. Mais seules les étoiles suffisamment massives peuvent former des éléments plus lourds : 100 millions de degrés sont ainsi nécessaires pour engendrer le noyau de carbone-12, composé de six protons et de six neutrons. C'est un processus à étapes : deux noyaux d'hélium-4, contenant chacun deux protons et deux neutrons, fusionnent pour former un noyau de bérylllium-8. Si celui-ci heurte un autre noyau d'hélium, un noyau de carbone se forme. Mais le béryllium-8 est extrêmement instable, et seule la conjonction de plusieurs facteurs explique l'existence du carbone. Tout d'abord, le béryllium est produit rapidement, et peut donc s'accumuler malgré son instabilité. Par ailleurs, il y a une grande concordance entre certains niveaux d'énergie des noyaux de l'hélium, du béryllium et du carbone. Le carbone existe aussi parce que la réaction entre le carbone-12

et l'hélium-4 pour former l'oxygène-16 est difficile, à cause une fois encore des niveaux d'énergie. Dans le cas contraire, tout le carbone aurait été consommé pour former l'oxygène. Ces deux conditions concernant les niveaux d'énergie ont permis à un physicien britannique, Fred Hoyle, de prédire la présence d'un niveau d'énergie du carbone par le seul fait que cet élément existe. Cette prédiction fut ensuite vérifiée expérimentalement.

Où en trouve-t-on sur Terre ?

La matière carbonée est omniprésente dans notre vie. Tous les objets qui nous entourent en contiennent de grandes quantités : bois, papier, matières plastique, textiles... On aurait toutefois tort d'en déduire que le carbone est abondant sur Terre. Il ne se situe qu'au seizième rang d'abondance relative des éléments de la croûte terrestre, très loin derrière l'oxygène, le silicium ou l'aluminium : chaque kilogramme de croûte ne contient en moyenne que 200 milligrammes de carbone. On en trouve surtout dans les roches sédimentaires carbonées, comme la houille, le lignite, la tourbe ou les hydrocarbures, ainsi que dans les roches contenant de la calcite carbonate de calcium, CaCO3, telles que le calcaire. Celui-ci se forme notamment à l'aide des organismes marins, qui extraient du calcium de l'eau et utilisent le dioxyde de carbone CO2 dissous dans l'eau pour construire leur coquille. À la surface de la Terre, le carbone est surtout présent sous forme de CO2 dans l'air, et sous forme de molécules complexes dans tous les organismes vivants. Il existe des échanges entre ce carbone des roches et celui de l'atmosphère et des organismes vivants : l'eau absorbe du CO2 qui réagit avec les carbonates pour donner des bicarbonates. Ceux-ci sont transportés au fond des océans, et peuvent intégrer le manteau terrestre. Inversement, le coeur de la Terre émet du CO2 via les volcans.

À quoi ressemble-t-il quand il est pur ?

Cela dépend. Sa forme pure la plus courante est le graphite, que l'on trouve dans le charbon. D'ailleurs, son nom vient du grec carbonis et du latin carbon, signifiant charbon. Plus rare, mais plus prisé, le diamant est aussi composé exclusivement de carbone. En 1985, le Britannique Harold W. Kroto et les Américains Robert F. Curl, et Richard E. Smalley ont synthétisé une nouvelle forme de carbone, qui leur a valu le prix Nobel de chimie 1996. Leur molécule est formée uniquement d'atomes de carbone, placés aux sommets d'hexagones et de pentagones engendrant une sphère, comme on construit un ballon de football à partir de morceaux de cuir pentagonaux et hexagonaux. Baptisée « bukminster-fullerène », en hommage à l'architecte Buckminster Fuller, qui avait conçu des dômes de géométrie analogue, cette molécule et celles de la même famille sont plus connues sous le nom abrégé de fullerènes. La plus connue contient 60 atomes de carbone, mais d'autres, plus petites ou plus grosses, existent. Depuis, des fullerènes ont été détectés dans l'espace, notamment dans les météorites. Puis, en 1991, le Japonais Sumio Ijima a synthétisé une nouvelle molécule, constituée aussi seulement de carbone, mais en forme de cylindre, dont les parois sont formées des mêmes motifs hexagonaux et pentagonaux : les nanotubes de carbone.

Une mine de crayon, est-ce du graphite ?

Oui, et l'on peut écrire avec pour la même raison que l'on peut dessiner avec du charbon, comme l'ont fait des hommes préhistoriques sur les parois des grottes. Le graphite est composé de feuillets. Dans chaque feuillet, les atomes de carbone sont disposés aux sommets d'hexagones, formant une structure très solide de type « nid-d'abeilles ». En revanche, les feuillets sont faiblement liés entre eux : dès que l'on exerce une contrainte mécanique, on les fait glisser les uns par rapport aux autres, et éventuellement ils se séparent. Lorsque l'on écrit avec un crayon, on arrache facilement quelques plans de graphite qui se déposent sur le papier. Pour la même raison, le graphite est aussi un bon lubrifiant, que l'on ajoute à certaines huiles de moteur, par exemple.

Quelles sont les autres utilisations industrielles du graphite ?

On le trouve en particulier dans l'industrie chimique sous forme de charbons actifs, produits par pyrolyse de substances carbonées notamment la noix de coco ou le bois de pin sous atmosphère inerte, ou par mélange de substances carbonées et de produits chimiques tels que la potasse ou le chlorure de zinc. À l'échelle atomique, le charbon actif a la même structure en nid-d'abeilles que le graphite. Mais, à plus grande échelle, il est moins ordonné : les feuillets ne sont pas empilés régulièrement. Ce « tas » de feuillets engendre une structure très poreuse, créant une énorme surface spécifique, équivalente à 3 500 mètres carrés par gramme de produit dans les meilleurs cas. Cette grande surface spécifique est appréciée pour la catalyse, notamment dans l'industrie pharmaceutique. Les catalyseurs, molécules qui activent les réactions, sont déposés sur la surface du charbon actif, et les produits que l'on souhaite faire réagir pénètrent à travers les porosités du matériau. Le charbon actif est aussi utilisé comme filtre, pour adsorber* une grande diversité de polluants, qui s'accrochent aux parois par des liaisons faibles. Cette adsorption est réversible, et on régénère le charbon actif par simple chauffage. Il est spécialement adapté au traitement de l'eau, à la purification des gaz industriels, à la protection de l'homme vis-à-vis des gaz les filtres des cigarettes, les cartouches de masque à gaz ou les tenues de protection des militaires contiennent du charbon actif.

Pourquoi le diamant est-il si dur ?

Là encore, c'est une question de structure. Dans le diamant, chaque atome de carbone forme des liaisons avec quatre autres, disposés en tétraèdre autour de lui. Il se forme ainsi une structure tridimensionnelle, et les liaisons sont aussi fortes dans les trois directions de l'espace. Cela explique pourquoi le diamant est dur, mais pas pourquoi c'est le matériau le plus dur. Pourquoi le silicium, par exemple, qui forme une structure semblable, est-il plus tendre ? Cela est dû au fait que les atomes de carbone ne possèdent que six électrons, contre quatorze pour le silicium. La répulsion électrostatique est donc moins grande pour le carbone, et les liaisons sont plus courtes et plus fortes. D'autres matériaux, comme le nitrure de bore, formé d'azote et de bore, sont solides, mais moins que le diamant, car la liaison est moins homogène l'azote attire d'avantage les électrons. En principe, rien n'interdit de synthétiser un matériau plus dur que le diamant. Des équipes ont même annoncé en avoir découvert un grâce à des simulations numériques. Mais, malgré leurs efforts, les chimistes n'ont pas encore réussi à les fabriquer.

En attendant, les applications industrielles nécessitant des matériaux très durs, telles que le sciage, le forage ou le polissage, utilisent massivement du diamant : plus de 80 % des diamants extraits sont utilisés par l'industrie. La demande est telle, notamment dans la sidérurgie et pour le forage pétrolier, que l'on a aussi recours aux diamants synthétiques. Le diamant est aussi utilisé en optoélectronique, comme dissipateur de chaleur, et pourrait apparaître bientôt dans l'électronique : ses propriétés électroniques sont meilleures que celles du silicium pour certaines applications à forte puissance, et il supporte des températures plus élevées.

Les nanotubes de carbone révolutionneront-ils l'électronique ?

Ces très longs cylindres de carbone, dont la longueur peut atteindre plusieurs millimètres, voire quelques centimètres, pour un diamètre de l'ordre du nanomètre, participent de l'intérêt actuel pour les nanotechnologies, qui ont pour objectif de contrôler la structure des objets à l'échelle moléculaire. Un nanotube est formé par l'enroulement sur lui-même d'un feuillet de graphite, éventuellement de plusieurs. Selon la géométrie exacte de cet enroulement et le nombre de feuillets, les propriétés électriques sont totalement différentes. Certains sont isolants, d'autres semi-conducteurs, d'autres encore conducteurs métalliques. Les nanotubes semi-conducteurs sont comparables au silicium, le matériau de base de l'électronique. Il est donc tentant d'utiliser les nanotubes conducteurs comme fils de connexion, et les nanotubes semi-conducteurs comme composants logiques de circuits électroniques. IBM a ainsi construit en 2001 une porte logique en nanotubes. Mais le défi reste la fabrication en série de tels composants. Comme on ne sait pas contrôler les propriétés électriques des nanotubes lors de la synthèse, et encore moins leur assemblage, les applications dans ce domaine sont encore très lointaines. La première application industrielle des nanotubes sera plus vraisemblablement le remplacement du « noir de carbone », utilisé dans les écrans antistatiques, pour rendre légèrement conducteurs d'électricité les matières plastique et éviter ainsi l'accumulation de poussières : la forme en « fils » des nanotubes permet d'en mettre beaucoup moins. Reste à les produire à des coûts compétitifs. Selon leur pureté, ils coûtent plusieurs dizaines à centaines d'euros le gramme de nanotube, mais les prix pourraient chuter fortement : la société française Arkema se lance dans la production industrielle de nanotubes, avec l'ambition de diviser par 1 000 le prix d'ici à 2010.

On a parlé d'ascenseur spatial en nanotubes. Qu'en est-il ?

C'est une idée de science-fiction : en 1978, le romancier Arthur C. Clarke a imaginé, dans son livre Les Fontaines du paradis, un ascenseur spatial en tendant un câble entre la Terre et un satellite géostationnaire. Mais il n'existait pas de matériau assez solide. Après la découverte des nanotubes, le Prix Nobel Richard Smalley, codécouvreur des fullerènes, s'est dit que les nanotubes étaient les matériaux idéaux pour fabriquer un tel câble. Mais ce projet reste peu réaliste : seul un nanotube parfait de plusieurs milliers de kilomètres sans aucun défaut aurait les propriétés mécaniques et de poids suffisantes. Malgré cela, la NASA a lancé un projet d'ascenseur spatial, encore très théorique. Cela n'empêche pas les physiciens d'apprendre à travailler ces nanotubes à l'instar des autres fibres plus classiques. Ils savent ainsi fabriquer, avec des nanotubes, des fibres plus solides que le fil d'araignée, en les dispersant dans des solvants et en les faisant coaguler sous écoulement. Des projets sont en cours pour passer à des productions industrielles, et fabriquer des tissus avec de telles fibres.

Qu'est-ce que le cycle du carbone ?

Sur Terre, les substances carbonées se forment, se décomposent, sont stockées : c'est le cycle du carbone. Celui-ci a des conséquences sur notre environnement. Le carbone est notamment présent dans l'atmosphère, sous forme de dioxyde de carbone CO2, le plus fameux des gaz à effet de serre. Par le phénomène de photosynthèse, les plantes le captent à l'aide de l'énergie apportée par le Soleil : c'est l'origine de toutes les matières organiques, y compris celles dont sont constitués et dont se nourrissent tous les animaux.

La respiration, la décomposition et la combustion des organismes vivants entraînent le retour du carbone dans l'atmosphère, sous la forme de CO2, mais aussi de CO et de méthane CH4, tout comme la combustion des hydrocarbures comme le charbon, le pétrole ou le gaz naturel. Ces hydrocarbures ont été formés par l'accumulation et la décomposition de microorganismes pendant des dizaines, voire des centaines, de millions d'années. Or, depuis le début de l'ère industrielle, nous rejetons davantage de CO2 dans l'atmosphère par l'utilisation intensive de ces ressources fossiles, et nous augmentons ainsi l'effet de serre. Environ la moitié de ce CO2 rejeté se retrouve dans l'atmosphère, une autre partie est absorbée par les océans, et le reste est stocké dans des « puits de carbone » tels que les forêts. Ces puits, encore mal connus, sont présents principalement dans l'hémisphère nord, surtout sur les continents. Depuis quarante ans, ils stockent un peu plus de la moitié du CO2 émis, alors que les rejets de CO2 ont été multipliés par quatre. Mais cela ne signifie pas que ces puits continueront indéfiniment à fonctionner ainsi. Les chercheurs n'excluent pas qu'ils « saturent » et absorbent moins de CO2, aggravant l'effet de serre et ses conséquences environnementales.

Qu'est-ce que la datation au carbone-14 ?

Le carbone le plus abondant sur Terre est le carbone-12. Il est stable. Mais deux autres formes isotopes du carbone existent : le carbone-13 six protons et sept neutrons et le carbone-14 six protons et huit neutrons.

Ce dernier, présent en très faible quantité un atome de carbone-14 pour mille milliards d'atomes de carbone-12, est instable. Ainsi, la moitié des carbone-14 d'un échantillon se seront désintégrés au bout de 5 568 ans. Cette propriété est très utile pour dater les organismes ayant été vivants, que ce soient des ossements ou des objets en bois, mais aussi le parchemin, la laine, le charbon, etc. En effet, le carbone-14 est constamment renouvelé grâce à l'action du rayonnement cosmique, qui transforme de l'azote-14 en carbone-14.

La quantité de carbone-14 comparée à celle du carbone-12 est constante dans le dioxyde de carbone présent dans l'air, et donc dans les organismes incorporant ce dioxyde de carbone via la photosynthèse ou l'alimentation des plantes.

Mais lorsque l'organisme meurt, il n'assimile plus de carbone et, à cause de sa décomposition, le taux de carbone-14 diminue petit à petit. En dosant la quantité de carbone-14 par rapport au carbone-12, on peut déterminer à quelle date un organisme est mort, et remonter ainsi jusqu'à 40 000 ans en arrière. Au-delà, la proportion de carbone-14 est trop infime pour dater correctement un échantillon.

Cette méthode, qui a valu le prix Nobel de chimie en 1960 à l'Américain Willard Franck Libby, repose sur l'hypothèse que la concentration en carbone-14 n'a pas varié dans le temps. Or, ce n'est pas tout à fait exact, notamment parce que le rayonnement cosmique a varié au cours des siècles. Pour corriger ces variations, des courbes de calibration ont été dressées en comparant les datations au carbone-14 et les cernes d'arbres très vieux.

Par Cécile Michaut

 

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JEU DE PHOTON POUR CHIMIE FROIDE

 


Jeu de photon pour chimie froide


et aussi - dans mensuel n°318 daté mars 1999 à la page 44 (2528 mots) | Gratuit
Première mondiale pour un laboratoire français: après les atomes froids, voici les molécules froides. La technique? Soumettre un nuage d'atomes ultrafroids aux impulsions de faisceaux laser bien calibrés. Une chimie à très basse température est en train de naître, ouvrant de nouvelles voies fondamentales.

Grâce au rayonnement laser, on sait aujourd'hui refroidir les atomes jusqu'à réaliser des échantillons denses maintenus à des températures de l'ordre du microkelvin un millionième de degré au-dessus du zéro absolu. A ce stade de refroidissement, les mouvements sont réduits à l'extrême, et les atomes constituent un gaz presque figé, un peu comme si le déroulement du temps était ralenti. Ces avancées furent récompensées, en 1997, par l'attribution du prix Nobel de physique à Steven Chu, Claude Cohen-Tannoudji et William D. Phillips. La maîtrise de ces atomes froids est à l'origine de nombreux développements prometteurs en physique fondamentale avec, en particulier, la spectaculaire démonstration de la condensation de Bose-Einstein* pour un gaz atomique et le développement à venir des « lasers d'atomes* » - mais aussi sur le terrain des mesures avec la construction d'horloges atomiques qui atteindront une précision de cent à mille fois supérieure à celle des instruments actuels. Le refroidissement extrême était donc fructueux, et l'étape suivante de cette conquête du froid pouvait être lancée. Ces techniques de manipulation seraient-elles aussi efficaces sur des objets plus complexes que les atomes : les molécules, par exemple ?

Devant la difficulté de cette étape, notre équipe du laboratoire Aimé-Cotton emprunta une tout autre voie en s'attachant à réaliser la synthèse de ces molécules à l'aide d'atomes préalablement refroidis. Le succès fut au rendez-vous: copieusement bombardés de photons bien choisis, les atomes, figés à l'aide d'un dispositif similaire à ceux qu'avaient développés les lauréats du prix Nobel, se sont réunis en véritables molécules, les premières jamais observées dans ces conditions extrêmes de température.

Pression de radiation. Dans le cas des atomes, le ralentissement et donc le refroidissement étaient dus à l'action d'un ensemble de faisceaux laser qui freinent leurs déplacements. Cette interaction peut être assimilée à l'action de plusieurs forces que l'on rassemble sous le vocable de « pression de radiation ». Cette pression se développe lors de cycles où l'absorption est suivie de l'émission spontanée d'un photon identique mais de direction aléatoire, sorte de « diffusion » de la lumière incidente par les atomes. Elle s'accompagne de transferts d'impulsions agissant comme autant de chocs qui ralentissent sa progression. Cependant, le changement de vitesse qui en résulte est de quelques millimètres ou centimètres par seconde et par photon diffusé, une quantité négligeable devant les vitesses habituelles des atomes évaluées à plusieurs centaines de mètres par seconde à température ambiante. Il faut donc réaliser un très grand nombre de ces cycles d'absorption-émission pour que l'effet de la lumière sur les atomes soit sensible.

Cette action sera efficace si la fréquence du laser correspond précisément à l'énergie d'une transition atomique* entre un niveau bas et stable de l'atome, qualifié de « fondamental », et un autre, plus élevé et moins stable, correspondant à son excitation.

C'est la condition de résonance optique. Les processus d'absorption et d'émission de photons s'accélèrent alors jusqu'à plusieurs millions de cycles par atome et par seconde, créant une pression de radiation considérable pouvant atteindre 100 000 fois l'intensité de la gravité terrestre !

Cette pression dépend donc fortement de l'accord entre les lasers et la transition énergétique spécifique de l'objet à refroidir. Cependant des obstacles peuvent survenir. Si, par exemple, l'atome considéré possède plusieurs niveaux fondamentaux, au cours du processus de refroidissement, il peut se retrouver sur un niveau non prévu dans le dispositif. La solution est d'installer un laser supplémentaire, dit « de repompage » qui ramène les atomes au « bon » niveau fondamental. De ce point de vue, les molécules sont des systèmes beaucoup trop complexes et, même avec un très grand nombre de lasers de repompage, les solutions techniques trouvées pour refroidir les atomes sont difficilement transposables.

Dans les conditions généralement obtenues, même si le laser est capable, grâce à cette pression de radiation, de dévier un jet de molécules simples - cela a été démontré dès 1979 pour les dimères de sodium Na21 -, cette force ne s'exerce que durant un temps très court. Il est donc impossible d'envisager, par ce seul moyen, leur refroidissement jusqu'au stade ultime de la « mélasse optique* » observée pour les atomesI. Dans la « course au froid » qui, ces dernières années, a connu nombre de succès, les molécules étaient donc presque totalement absentesii.

Photons d'association. Faute d'une solution à ces problèmes, la voie de contournement consistant à les construire sur place, à très basse température, est une alternative séduisante pour obtenir des molécules froides. Dans de telles conditions, la réaction chimique d'association nécessite un apport énergétique extrêmement bien calibré et les photons sont des vecteurs tout à fait adaptés à ce travail. Proposé en 1987 par H.R. Thorsheim, J. Weiner et P.S. Julienne, le mécanisme de cette « photoassociation moléculaire » avait été démontré à faible température avec des atomes de sodium par le groupe de W. D. Philipps2. Il est identique pour les autres alcalins, en particulier pour le lithium, le potassium et le rubidium.

Par ce processus, deux atomes se dirigeant l'un vers l'autre à des vitesses de l'ordre de 10 cm/s vont se réunir si l'un d'entre eux passe dans un état excité en absorbant un photon. Il faut pour cela que la fréquence de ce dernier soit voisine de celle d'une transition atomique spécifique. Ils forment ainsi une molécule excitée qui, après quelques oscillations, perd son excitation par l'émission d'un autre photon.

On peut ainsi stimuler un atome de césium Cs pour qu'il passe de son état fondamental 6s vers un état excité 6p fig. 1 dans lequel il pourra s'associer avec l'un de ses semblables selon la réaction : Cs + Cs + photon Æ Cs2*, qui est une molécule de césium dans un état électronique excité.

Cette photoassociation est cependant peu probable dans les gaz atomiques tels que celui de notre expérience car, dans ces milieux peu denses, la rencontre entre deux atomes est un phénomène rare. Afin d'augmenter le rendement, il faut utiliser un laser puissant dont la longueur d'onde est spécialement choisie. L'association est ainsi favorisée par une longueur d'onde légèrement décalée vers le rouge par rapport à la fréquence de résonance atomique provoquant la transition 6sÆ6p.

Formée dans ces conditions, la molécule de césium se présente donc comme l'association d'un atome excité à un niveau 6p associé à un autre, au niveau fondamental 6s. Comme toutes les associations de cette nature, ce système entre en vibration fig. 2. Comme on l'a constaté, ce mouvement débute à une grande élongation : le processus de photoassociation n'est effectif que lorsque le photon est absorbé à des distances interatomiques très grandes3 jusqu'à 100, voire 1 000 angströms*. Cela est dû à la forme particulière du potentiel d'interaction entre les deux atomes fig. 3. L'opération conduit donc à la formation de molécules dans lesquelles la vibration se fait sur l'axe longitudinal et lui fait atteindre de fortes élongations maximales.

Dans les conditions habituelles, les atomes qui composent une molécule se trouvent tantôt à grande distance ­ la force à laquelle ils sont soumis est attractive ­ et tantôt très proches ­ la force prédominante devient alors brusquement très répulsive. A ce moment, les atomes rebondissent l'un sur l'autre et s'éloignent rapidement jusqu'à l'élongation maximale. Pour une molécule dans son état fondamental, la distance interatomique varie peu - tout au plus quelques angströms. La raison de ce mouvement particulier est que les forces attractives qui maintiennent les atomes sont puissantes mais de courte portée.

Vibration particulière. Réunis à grande distance dans le processus de photoassociation à basse température, les atomes ne vibrent pas exactement de la même manière : ils sont, la plupart du temps, beaucoup plus éloignés l'un de l'autre que dans la configuration normale d'une molécule diatomique stable. Leur oscillation, moins rapide, est aussi beaucoup moins régulière : ce mouvement est plus proche de celui d'une balle suspendue par un élastique à une raquette sur laquelle elle rebondit avant de repartir vers le bas. Les deux atomes associés à une distance de 100 angströms vont ainsi se rapprocher, d'abord lentement - c'est le point le plus éloigné de la raquette - puis de plus en plus vite jusqu'à rebondir sur le mur mutuel érigé par les répulsions électrostatiques - la raquette. Ils s'éloignent ensuite en ralentissant jusqu'au point d'élongation maximale où le cycle recommence. Ainsi la partie « lente » du cycle correspond à une grande élongation et on peut considérer que la molécule se présente, la plupart du temps, comme une association d'atomes situés à grande distance - environ 100 angströms - l'un de l'autre, la phase à courte distance étant de durée négligeable fig. 3.

Après une centaine d'oscillations, environ 30 nanosecondes 30 x 10-9 s, la molécule va perdre son excitation électronique en libérant un photon. Ce changement d'état - l'abandon de l'excitation - intervient donc beaucoup plus souvent aux grandes élongations. A une distance relative de quelque 100 angströms, ils sont trop éloignés pour pouvoir former une molécule dans l'état fondamental car les forces de liaison, sont trop faibles pour retenir les atomes. En libérant leur photon, ceux-ci acquièrent une impulsion suffisante pour se séparer définitivement et leur énergie cinétique est alors supérieure à celle qu'ils avaient au départ : ils sortent du piège.

En résumé, si la photoassociation à basse température se révèle un processus relativement efficace pour créer des molécules, celles-ci n'ont qu'une très courte durée de vie : longilignes et de dimensions inhabituelles dans leur état électronique excité, ces molécules se désagrègent, en général, au cours de la transition vers l'état fondamental.

Cependant, dans le cas du césium, nous avons observé que le dimère excité vibrait d'une manière particulière : toujours associés à grande distance, ces atomes se rapprochent en décélérant de manière beaucoup moins brutale, ménageant ainsi une longue plage de temps où les atomes sont à courte distance. Ce mouvement est, cette fois, comparable à celui d'une bille roulant dans le fond d'une coupe évasée : la bille descend lentement depuis le bord, qui correspond à une élongation de 100 angströms, passe rapidement au fond, ralentit et stoppe de l'autre côté à une distance interatomique de 8 angströms avant de retomber en sens inverse fig. 3.

Comme dans le cas général, lorsque la molécule perd son excitation, l'émission du photon se produit plus souvent lorsque les atomes sont presque à l'arrêt, un peu comme s'ils allaient changer de train. Si à grande distance on assiste toujours à la dissociation, lorsque cette émission intervient à une élongation faible, de l'ordre de 8 angströms, les forces de liaison ont un niveau suffisant, et la molécule passe sans dégât de l'état excité à l'état fondamental. Pour autant, elle ne « tombe » pas non plus dans le puits de potentiel des molécules de césium formées à température ordinaire et son élongation maximale, de l'ordre de 8 angströms, lui donne la forme inhabituelle d'une petite haltère.

Expérience délicate. L'obtention de ces formes allongées requiert un dispositif expérimental complexe dans lequel plusieurs expériences ont pris place. La principale - celle de la photoassociation - consiste à éclairer avec un faisceau laser intense typiquement de l'ordre de 100 à 1 000 W/cm2 un échantillon d'atomes de césium froids. Ces derniers proviennent de la vapeur contenue dans une cellule placée au centre d'un piège magnéto-optique fig. 4.

Au cours de ce processus de piégeage, les photons réémis par les atomes sous l'influence des lasers de refroidissement servent à compter les atomes froids du piège grâce au signal d'une photodiode. Proportionnel à leur nombre, ce dernier donne un « spectre de fluorescence » qui sert de référence pour évaluer la diminution des atomes solitaires. Pour certaines valeurs de la longueur d'onde du laser de photoassociation, on observe, sur ce spectre, des raies de résonance. Elles signalent la formation des molécules excitées de grande élongation. En outre, le spectre fournit de précieuses informations sur ces dimères de césium très instables : ils sont difficilement accessibles par les méthodes de spectroscopie plus traditionnelles.

Un autre système de détection et de comptage complète ce dispositif. Il utilise une troisième source laser délivrant des impulsions intenses 1 mJ sur une durée de sept nanosecondes qui entraînent l'ionisation des molécules et des atomes présents dans le piège. Les ions moléculaires obtenus sont facilement isolés grâce à deux grilles produisant un champ électrique à l'intérieur du piège : les ions Cs2+ arrivent sur le détecteur après les ions Cs+. Le signal électrique résultant est proportionnel à leur nombre.

L'analyse temporelle du signal montre que les molécules ionisées sont toujours présentes plusieurs millisecondes après l'extinction du laser de photoassociation. Ces ions ne proviennent donc pas des molécules excitées en attente de dissociation : leur grande durée de vie suggère, au contraire, que les molécules se trouvaient bien au niveau fondamental avant leur ionisation.

Température ultrafroide. Nous avons obtenu de cette manière des échantillons de quelques milliers de molécules froides. Insensibles au piège magnéto-optique, elles tombent sous l'effet de la gravité et constituent un nuage en expansion sous l'effet de la distribution de leurs vitesses initiales. L'analyse de cette expansion balistique permet de déterminer leur vitesse moyenne, et donc d'accéder à leur température, puisque celle-ci correspond à une énergie cinétique globale. De l'ordre de 13 cm/s, cette vitesse donne une température de quelque 300 µK, peu différente de la température de l'échantillon atomique de départ, aux alentours de 200 µK. Elles forment ainsi un véritable échantillon de molécules ultrafroides4.

Applications curieuses. En dépit du succès et des promesses de la méthode, un long chemin reste à parcourir pour atteindre les mêmes performances qu'avec les atomes : alors qu'un piège optique se remplit en une fraction de seconde de quelque 50 millions d'atomes refroidis prélevés sur le gaz environnant, on n'obtient par photoassociation, qu'environ dix mille molécules froides. Ce faible rendement s'explique par le fait qu'il ne s'en forme qu'une par microseconde et surtout, que dès sa formation, elle quitte en tombant la zone où elle a été formée. Pour augmenter la moisson, il est nécessaire de lutter contre la gravité, par exemple en les piégeant à l'aide de dispositifs lumineux ou magnétiques.

Ainsi concentrées et refroidies, ces molécules froides pourraient, comme les atomes dans la condensation de Bose-Einstein, former un gaz quantique dont les propriétés risquent d'être aussi curieuses que celles des liquides superfluides. Si, à l'aide de ces condensats, on réalise des « lasers à atomes », obtiendra-t-on, de la même façon, un « laser à molécule » ?

Les applications de ces objets sont liées à leur obtention en nombre suffisant. Sera-t-il possible de contourner encore une fois la difficulté rencontrée pour concentrer ces molécules, en partant, cette fois, d'un condensat d'atomes pour les synthétiser ? Avant d'en arriver à ces objets de recherche fondamentale, les molécules ultrafroides s'offrent d'ores et déjà à des investigations précises grâce à la spectroscopie laser par photoassociation. La rencontre des lasers et des atomes froids ouvre une voie inexplorée de la chimie. Le nuage de molécules froides obtenus se trouve dans des conditions voisines de celles des milieux interstellaires peu denses et souvent exposés à de fortes radiations.

 

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