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MÉMOIRE

 

   

 

 

 

 

 

Mémoire

Sous titre
Une affaire de plasticité synaptique

La mémoire permet d'enregistrer des informations venant d'expériences et d'événements divers, de les conserver et de les restituer. Différents réseaux neuronaux sont impliqués dans de multiples formes de mémorisation. La meilleure connaissance de ces processus améliore la compréhension de certains troubles mnésiques et ouvre la voie à des interventions auprès des patients et de leur famille.
       

Dossier réalisé en collaboration avec Francis Eustache, directeur de l'unité 1077 Inserm/EPHE/UNICAEN, Neuropsychologie et imagerie de la mémoire humaine

Comprendre le fonctionnement de la mémoire
La mémoire est la fonction qui nous permet d’intégrer, conserver et restituer des informations pour interagir avec notre environnement. Elle rassemble les savoir-faire, les connaissances, les souvenirs. Elle est indispensable à la réflexion et à la projection de chacun dans le futur. Elle fournit la base de notre identité.

Cinq systèmes interconnectés
La mémoire se compose de cinq systèmes interconnectés, impliquant des réseaux neuronaux distincts :
*         La mémoire de travail (à court terme) est au cœur du réseau.
*         La mémoire sémantique et la mémoire épisodique sont deux systèmes de représentation consciente à long terme.
*         La mémoire procédurale permet des automatismes inconscients.
*         La mémoire perceptive est liée aux différentes modalités sensorielles.
On rassemble parfois toutes les mémoires autres que celle de travail sous le nom générique de mémoire à long terme. Par ailleurs, on distingue souvent les mémoires explicites (épisodique et sémantique) des mémoires implicites (procédurale et perceptive).
La mémoire de travail
La mémoire de travail (ou mémoire à court terme) est la mémoire du présent. Elle permet de manipuler et de retenir des informations pendant la réalisation d’une tâche ou d’une acticité.
Cette mémoire est sollicitée en permanence : c’est elle qui permet par exemple de retenir un numéro de téléphone le temps de le noter, ou de retenir le début d’une phrase le temps de la terminer. Elle utilise une boucle phonologique (répétition mentale), qui retient les informations entendues, et/ou un calepin visuospatial, qui conserve les images mentales.
Elle fonctionne comme une mémoire tampon : les informations qu’elles véhiculent peuvent être rapidement effacées, ou stockées dans la mémoire à long terme par le biais d’interactions spécifiques entre le système de mémoire de travail et la mémoire à long terme.

7, le nombre magique
On estime que le nombre de chiffres, de lettres, ou de mots qu’une personne peut restituer immédiatement dans l’ordre proposé est égal à 7, plus ou moins deux (on parle de l'empan verbal). Il peut être augmenté en regroupant les données (une série de 8 chiffre est plus facile à retenir lorsqu’ils sont groupés par 2 que lorsqu’ils sont pris isolément). Par ailleurs, une série de mots est d’autant plus facile à retenir qu’ils sont courts ou qu’ils sont proches phonologiquement ou sémantiquement.
La mémoire sémantique
La mémoire sémantique est celle du langage et des connaissances sur le monde et sur soi, sans référence aux conditions d'acquisition de ces informations. Elle se construit et se réorganise tout au long de notre vie, avec l’apprentissage et la mémorisation de concepts génériques (sens des mots, savoir sur les objets), et de concepts individuels (savoir sur les lieux, les personnes…).
La mémoire épisodique
La mémoire épisodique est celle des moments personnellement vécus (événements autobiographiques), celle qui nous permet de nous situer dans le temps et l’espace et, ainsi, de se projeter dans le futur. En effet, raconter un souvenir de ses dernières vacances ou se projeter dans les prochaines font appel aux mêmes circuits cérébraux.
La mémoire épisodique se constitue entre les âges de 3 et 5 ans. Elle est étroitement imbriquée avec la mémoire sémantique. Progressivement, les détails précis de ces souvenirs se perdent tandis que les traits communs à différents événements vécus favorisent leur amalgame et deviennent progressivement des connaissances tirées de leur contexte. Ainsi, la plupart des souvenirs épisodiques se transforment, à terme, en connaissances générales.
La mémoire procédurale
La mémoire procédurale est la mémoire des automatismes. Elle permet de conduire, de marcher, de faire du vélo ou jouer de la musique sans avoir à réapprendre à chaque fois. Cette mémoire est particulièrement sollicitée chez les artistes ou les sportifs pour acquérir des procédures parfaites et atteindre l’excellence. Ces processus sont effectués de façon implicite, c’est-à-dire inconsciente : la personne ne peut pas vraiment expliquer comment elle procède, pourquoi elle tient en équilibre sur ses skis ou descend sans tomber. Les mouvements se font sans contrôle conscient et les circuits neuronaux sont automatisés.
La constitution de la mémoire procédurale est progressive et parfois complexe, selon le type d’apprentissage auquel la personne est exposée. Elle se consolide progressivement, tout en oubliant les traces relatives au contexte d’apprentissage (lieu, enseignant…).
La mémoire perceptive
La mémoire perceptive s’appuie sur nos sens et fonctionne la plupart du temps à l’insu de l’individu. Elle permet de retenir des images ou des bruits sans s’en rendre compte. C’est elle qui permet à une personne de rentrer chez elle par habitude, grâce à des repères visuels. Cette mémoire permet de se souvenir des visages, des voix, des lieux.
Avec la mémoire procédurale, la mémoire perceptive offre à l’humain une capacité d’économie cognitive, qui lui permet de se livrer à des pensées ou des activités spécifiques tout en réalisant des activités devenues routinières.


Mémorisation : De l’organisation cérébrale….
Il n’existe pas "un" centre de la mémoire dans le cerveau. Les différents systèmes de mémoire mettent en jeu des réseaux neuronaux distincts, répartis dans différentes zones du cerveau. L’imagerie fonctionnelle (tomographie
tomographie
Technique d’imagerie cérébrale permettant de reconstituer le volume en coupes d’un objet, tel que le cerveau.
par émission de positons, imagerie par résonance magnétique fonctionnelle) permet aujourd’hui d’observer le fonctionnement cérébral normal impliqué dans les processus cognitifs.
Ainsi, le rôle de l’hippocampe et du lobe frontal semble particulièrement déterminant dans la mémoire épisodique, avec un rôle prépondérant des cortex préfrontaux gauche et droit dans son encodage et sa récupération, respectivement. La mémoire perceptive recrute des réseaux dans différentes régions corticales, à proximité des aires sensorielles. La mémoire sémantique fait intervenir des régions très étendues, et particulièrement les lobes temporaux et pariétaux. Enfin, la mémoire procédurale recrute des réseaux neuronaux sous-corticaux et au niveau du cervelet.

La phase de stockage de l’information nécessite des étapes répétées de consolidation. L’hippocampe semble constituer un élément important dans le processus. Enfin, la restitution d’un souvenir, quelle que soit son ancienneté, reposerait également sur cette structure cérébrale, en interaction avec différentes régions néocorticales. Pour autant, il serait moins sollicité lorsque le rappel provient de la mémoire sémantique plutôt que de la mémoire épisodique.

...à la plasticité synaptique
La mémorisation résulte d’une modification des connexions entre les neurones d’un système de mémoire : on parle de "plasticité synaptique". Les différentes formes de mémoire fonctionnent en interaction, selon que la situation requiert des informations issues de la mémoire sémantique ou épisodique, implicite ou explicite. Ainsi, un souvenir se traduit par l’intervention de neurones issus de différentes zones cérébrales et assemblés en réseaux. Ces connections interneuronales évoluent constamment au gré des expériences et sont responsables de la persistance d’un souvenir à long terme ou non, selon les cas (importance de l’évènement, contexte environnemental et émotionnel…).
Pris isolément, le souvenir correspond à une variation de l’activité électrique au niveau d’un circuit spécifique formé de plusieurs neurones interagissant par le biais des connexions synaptiques (les synapses
synapses
Zone de communication entre deux neurones.
étant les points de contacts entre les neurones). Sa formation repose sur le renforcement ou la création d’une connexion synaptique temporaire, stimulée par le biais de protéines produites puis transportées au sein des neurones, comme le glutamate
glutamate
Neurotransmetteur excitateur le plus répandu dans le système nerveux central.
, le NMDA ou la syntaxine qui va elle-même moduler la libération du glutamate.
Le souvenir est ensuite consolidé ou non en fonction la présence de médiateurs cellulaires au niveau du réseau neuronal impliqué dans les heures suivantes. L’activation régulière et répétée de ce réseau permettrait de renforcer ou de réduire ces connexions et, par conséquent, de consolider ou oublier ce souvenir. Sur le plan morphologique, cette plasticité est associée à des changements de forme et de taille des synapses, des transformations de synapses silencieuses en synapses actives, la croissance de nouvelles synapses.
Le maintien à long terme d’un souvenir repose sur la modification de la cinétique d’élimination ou de renouvellement de certains médiateurs. La phosphokinase zêta (PKM zêta) joue un rôle prépondérant dans ce mécanisme en favorisant la persistance des mécanismes impliqués dans la stabilisation et la consolidation des souvenirs. Elle possède pour cela deux propriétés spécifiques : elle n’est soumise à aucun mécanisme d’inhibition et elle s'auto-réplique.
Au cours du vieillissement, la plasticité des synapses diminue et les modifications des connexions sont plus éphémères, ce qui pourrait expliquer des difficultés croissantes à retenir des informations.


La réserve cognitive, soutien de la mémoire
Les capacités de maintien de la mémoire et d’adaptation en cas de lésions semblent variables d’un individu à l’autre. En effet, il a été décrit qu’à lésions cérébrales équivalentes en imagerie, tous ne présenteraient pas les mêmes altérations cognitives. Ces capacités dépendraient de la réserve cérébrale, relative au tissu cérébral, et de la réserve cognitive, qui repose sur sa fonctionnalité.
Selon différentes études, un volume cérébral accru, ou un nombre élevé de neurones ou de synapses est associé à une survenue plus tardive de démence. À lésions équivalentes, ceux qui présentent une réserve cérébrale plus importantes présenteraient des troubles moins sévères. Cette réserve cérébrale serait sous l’influence de paramètres génétiques et probablement environnementaux.
La réserve cognitive correspond à l’efficacité des réseaux neuronaux impliqués dans la réalisation d’une tâche et celle du cerveau à mobiliser ou mettre en place des réseaux compensatoires en cas de lésions pathologiques ou de perturbations physiologiques liées à l’âge. Elle se traduit également par une variabilité, d’un sujet à l’autre, de la tolérance des lésions cérébrales identiques. En effet, les données disponibles suggèrent que la richesse des interactions et le niveau d’éducation sont associés à une survenue plus tardive des troubles cognitifs ou des démences Alzheimer ou apparentées. À l’inverse, l’évolution du déclin cognitif chez ces derniers serait plus rapide une fois installé : elle s’expliquerait par le fait que les symptômes sont identifiés à un stade où les lésions sont plus nombreuses et importantes.
La constitution de la réserve cognitive pourrait dépendre:
*         de l’importance des apprentissages
*         du niveau d’éducation
*         d’une stimulation intellectuelle tout au long de la vie
*         de la qualité des relations sociales
*         de l’alimentation
*         du sommeil
*         des paramètres génétiques seraient également probablement impliqués

Hygiène de vie et mémoire
Des expériences ont montré que dormir améliore la mémorisation, et ce d’autant plus que la durée du sommeil est longue. A l’inverse, des privations de sommeil (moins de 4 ou 5 heures par nuit) sont associées à des troubles de la mémoire et des difficultés d’apprentissage. Par ailleurs, le fait de stimuler électriquement le cerveau (stimulations de 0,75 Hz) pendant la phase de sommeil lent (caractérisée par l’enregistrement d’ondes corticales lentes à l’encéphalogramme) améliore les capacités de mémorisation d’une liste de mots. Plusieurs hypothèses pourraient expliquer ce phénomène : pendant le sommeil, l’hippocampe est au repos, évitant les interférences avec d’autres informations au moment de l’encodage du souvenir. Il se pourrait aussi que le sommeil exerce un tri, débarrassant les souvenirs de leur composante émotionnelle pour ne retenir que l’informationnelle, facilitant ainsi l’encodage. Pour en savoir plus, consulter le dossier Sommeil.
Le sommeil n'est pas le seul paramètre d’hygiène de vie qui influence notre capacité de mémorisation : l’alimentation (bénéfice du régime méditerranéen), l’activité physique et les activités sociales jouent également un rôle important.

Mémoire et émotions : de l’amélioration mnésique à la pathologie
Il est démontré que les émotions peuvent moduler la façon dont une information est enregistrée, l’émotion renforçant ponctuellement l’attention. Ainsi, une émotion positive peut se traduire par une amélioration ponctuelle des performances mnésiques. Il apparaît également que la consolidation, et donc la rétention d’une information est favorisée par l’émotion : le rappel d’un souvenir émotionnel après un long intervalle est souvent plus important que lorsque ce souvenir est neutre. L’imagerie fonctionnelle montre d’ailleurs que le rappel des souvenirs est proportionnel à leur intensité émotionnelle qui peut être observée par l’activation de l’amygdale, siège des émotions. Enfin, la récupération d’un souvenir est aussi améliorée par la présence d’une émotion positive. Chez les personnes présentant un trouble cognitif, les expériences montrent un effet protecteur des émotions positives sur les capacités résiduelles de mémoire. Ce mécanisme existe cependant uniquement dans les premiers stades de la maladie. Ensuite, l’incapacité de l’amygdale à remplir son rôle rend ce mécanisme compensatoire inefficace.

Il existe un pendant pathologique à ce processus : en effet, une émotion trop intense, notamment traumatique, entraîne une distorsion de l’encodage. L’état de stress post-traumatique (ESPT) des personnes victimes ou témoins d’un évènement dramatique en est l’illustration type. Le souvenir est mémorisé sur le long terme, avec à la fois une amnésie de certains aspects et une hypermnésie d’autres détails qui laissent la personne hantée durablement par cet événement. Il s’accompagne d’une décharge de glucocorticoïdes

glucocorticoïdes
Hormones stéroïdiennes ayant une action sur le métabolisme protéique et glucidique.

(hormone du stress), dans l’hippocampe au moment de l’événement. Cette distorsion profonde de l’encodage des événements, au contraire d’un souvenir normal, rend le souvenir persistant au cours du temps sans qu’il ne perdre de son intensité ou de sa spécificité. La victime a ainsi le sentiment de revivre continuellement la scène traumatisante, même des années après.
Dans d’autres situations ayant également trait à une émotion vive (stress, agression...), certains sujets développent plus volontiers une amnésie dissociative : véritable stratégie défensive adaptative, développée de façon inconsciente, elle repose sur l’oubli d’une partie des souvenirs autobiographiques ou sémantiques, ainsi que de l’évènement l’ayant déclenchée. Ces souvenirs peuvent être réactivés, progressivement ou brutalement, à l’issue d’une conscientisation de l’évènement déclencheur.
Sur le plan thérapeutique, la compréhension des mécanismes de stabilité des souvenirs et de l’influence émotionnelle offrent les moyens d’envisager la prise en charge thérapeutique de certaines pathologies : ainsi, le développement d’approches psychothérapeutiques fondées sur la dissociation entre les souvenirs et les émotions peut permettre de réduire le handicap lié à des maladies comme certaines formes d’anxiété ou l’état de stress post-traumatique.

Mémoire et oubli : du physiologique au pathologique
Depuis une vingtaine d’années, la prévalence
prévalence
Nombre de cas enregistrés à un temps T.
croissante des troubles de la mémoire tel que la maladie d’Alzheimer, a fait de l’oubli un symptôme. Pourtant, l’oubli est aussi un processus physiologique, indispensable au bon fonctionnement de la mémoire.
En effet, l’oubli est nécessaire pour l’équilibre du cerveau, permettant à ce dernier de sélectionner les informations secondaires qu’il est possible d’éliminer afin de ne pas saturer les circuits neuronaux. L’oubli est un corollaire de la qualité de la hiérarchisation et de l’organisation des informations stockées. Ainsi, certaines personnes souffrent d’hypermnésie idiopathique

idiopathique
Qui existe par soi-même, indépendamment d’une autre maladie.

, une pathologie de l’abstraction et de la généralisation du souvenir dans laquelle l’oubli des détails est aboli. Ces personnes rencontrent des difficultés de vie quotidienne liées à l’incapacité d’organiser leurs souvenirs en fonction de leur significativité et de leur importance.
Cependant, l’oubli peut aussi correspondre à la disparition involontaire de souvenirs acquis par apprentissage volontaire ou implicite, alors que son codage a été réalisé correctement. Ce phénomène reste physiologique tant qu’il est sporadique. Il concerne plus souvent la mémoire épisodique que la mémoire sémantique, procédurale ou sensorielle. Il devient pathologique, et prend plus volontiers le nom d’amnésie, lorsqu’il concerne des pans entiers de mémoire sémantique ou épisodique.

Les multiples troubles de la mémoire
Certaines situations entraînent des incapacités sévères et des amnésies durables. Les causes possibles sont :
*         un traumatisme physique entraînant des lésions cérébrales
*         un accident vasculaire cérébral hémorragique ou ischémique
*         une tumeur du cerveau
*         ou encore une dégénérescence neuronale comme la maladie d’Alzheimer
Dans d’autres cas, les troubles sont moins sévères et le plus souvent réversibles. Les causes possibles sont :
*         des maladies mentales comme la dépression
*         le stress et l’anxiété, ou la fatigue
*         un événement traumatisant (deuil)
*         des effets indésirables de médicaments comme des somnifères, des anxiolytiques (d’autant plus fréquent que la personne est âgée)
*         l’usage de drogues
Les troubles de la mémoire ont différentes origines biologiques, comme un déficit en certains neuromédiateurs ou une faible connectivité entre les réseaux cérébraux.
Les manifestations de ces troubles sont extrêmement variables selon leur origine et les localisations cérébrales des processus pathologiques. Ainsi, des patients atteints d’une démence sémantique, dans laquelle des mots ou des informations sont oubliés, perdent également des souvenirs anciens alors qu’ils continuent à mémoriser de nouveaux souvenirs épisodiques (souvenirs "au jour le jour"). Ces troubles sont associés à une atrophie des lobes temporaux. Chez d’autres patients, notamment ceux souffrant de la maladie d’Alzheimer, les troubles concernent la mémoire épisodique : chez eux, les souvenirs les plus anciens sont épargnés plus longtemps que les plus récents. D’autres types de déficiences existent : celles affectant les neurones impliqués dans la mémoire procédurale peuvent engendrer la perte de certains automatismes, comme chez les personnes atteintes par la maladie de Parkinson ou de Huntington. Celles affectant les neurones impliqués dans la mémoire du travail, peuvent quant à elles donner des difficultés à se concentrer et à faire deux taches en même temps.

Il existe également des troubles de la mémoire sévères mais transitoires, comme l’ictus amnésique idiopathique : survenant le plus souvent entre 50 et 70 ans, il s’agit d’une amnésie soudaine et massive pendant laquelle le patient est incapable de se souvenir de ce qu’il vient de faire, sa mémoire épisodique est annihilée. Mais sa mémoire sémantique est intacte : il peut répondre à des questions de vocabulaire et évoquer des connaissances générales. Cette amnésie disparaît souvent après six à huit heures.

Les enjeux de la recherche
La mémoire et ses troubles donnent lieu à de nombreuses recherches qui font appel à des expertises variées dans un cadre pluridisciplinaire : génétique, neurobiologie, neuropsychologie, électrophysiologie, imagerie fonctionnelle, épidémiologie, différentes disciplines médicales (neurologie, psychiatrie…), mais aussi sciences humaines et sociales.
Ma mémoire et celle des autres
La mémoire a longtemps été considérée comme individuelle et étudiée comme telle. Cette approche est aujourd’hui caduque, ou du moins incomplète. Le souvenir se situe en effet à l’interface entre l’identité personnelle et les représentations collectives : il se constitue à partir des interactions entre la personne, les autres et l’environnement. Il ne peut être détaché du contexte social dans lequel il prend place. Les interactions, mais aussi les représentations sociales et les stéréotypes influencent le fonctionnement de notre mémoire.
On parle de cognition sociale : elle permet, par exemple, d’adapter son comportement selon le contexte dans lequel on se trouve, et cela grâce à la mémorisation et l’analyse des expériences passées. L’empathie découle également de cette notion interindividuelle de la mémoire : elle utilise notamment les informations de la mémoire épisodique afin de permettre un "voyage de l’esprit" se traduisant en capacité à partager la détresse de l’autre. Aussi appelée "théorie de l’esprit", cette capacité à se mettre à la place de quelqu’un et à imaginer et interpréter ses pensées fait appel à nos mémoires dont nous décentrons l’objet. Sur le plan médical, la dégénérescence des neurones au niveau frontotemporal, retrouvée dans certaines démences (Alzheimer et apparentées), se caractérise par une diminution de la cognition sociale : le malade peut présenter des troubles du comportement ou des dysfonctionnements sociaux.
Par ailleurs, sur un plan plus large, il existe aussi une mémoire collective ou culturelle, celle qui prend place autour des évènements historiques (autour de leur évocation ou de leur commémoration) et des évènements contemporains médiatisés. Il s’agit d’une mémoire partagée constituée des différentes représentations de l’évènement par l’ensemble des personnes.
Ce domaine de recherche est particulièrement novateur et rapproche les expertises en neurosciences et en psychologie de celles en sociologie, en histoire, en philosophie ou en éthique. En termes thérapeutiques, cette transdisciplinarité peut également apporter un intérêt : l’état de stress post-traumatique correspond par exemple à une hypermnésie des perceptions et émotions liées à l’évènement, à une amnésie des aspects contextuels, ainsi qu’à une perturbation de la mémoire autobiographique. À la suite d’un évènement traumatisant, une prise en charge appropriée de la charge émotionnelle associée pourrait être d’autant plus efficace que l’évènement en question est inscrit dans le cadre social, à la fois familial et professionnel. Il en serait d’autant plus question dans le cadre d’un évènement inscrit dans la mémoire collective.

Sonder la mémoire individuelle et collective des attentats
Le programme 13-Novembre, mené par des chercheurs de l’Inserm et du CNRS, associe différents volets de recherche transdisciplinaire autour du témoignages recueillis sur les attentats du 13 novembre 2015. Il cherche à évaluer comment le souvenir traumatique des attentats évolue dans les mémoires individuelles et collectives, comment les deux fonctionnent en interaction et quels sont les facteurs de vulnérabilité face à l’ESPT. À quatre reprises durant dix ans, les témoignages et les éventuels troubles (ESPT, images envahissantes, dépression…) de 1 000 personnes volontaires seront analysés selon leur proximité avec les attentats : cette cohorte rassemble des personnes exposées directement (survivants, témoins, familles), indirectement (habitants des quartiers des attentats) ainsi que des habitants franciliens ou non franciliens. Ces données seront recueillies parallèlement à une analyse de l’opinion des français sur le sujet, ainsi qu’une analyse du discours et de la textométrie des informations télévisuelles ou radiophoniques liés à ces évènements, afin d’en identifier les interactions.


La mémoire au futur
Selon le contexte, nos propres aspirations, nos projets, nous avons une capacité à élaborer des scénarios plausibles pour le futur, constitués de pensées, d’images et d’actions. Ceux-ci ne peuvent prendre forme que sur la base des représentations du passé. La mémoire du futur fait donc appel à notre mémoire épisodique et sémantique, contrairement aux idées reçues ou aux conceptions habituelles de la mémoire, traditionnellement associées au passé. Ainsi, l’imagerie permet de vérifier que l’évocation d’un souvenir autobiographique ou l’imagination d’un scénario futur font intervenir des régions cérébrales très proches les unes des autres. Par ailleurs, les études montrent que les amnésiques ne peuvent se projeter dans le futur.
La capacité à remplir une tâche à une date ou un jour précis entre aussi dans le cadre de la mémoire du futur : on l’appelle alors plus volontiers mémoire prospective, articulée autour de différents volets selon la nature des tâches à effectuer : "mémoire prospective propre" pour les actions ponctuelles (poster une lettre, aller à un rendez-vous…), "mémoire prospective habituelle" pour toutes les tâches routinières, "monitoring" pour l’attention portée à la fin d’une tâche tandis qu’une autre est en cours (penser à arrêter le four à la fin d’une cuisson, par exemple).
Cette notion de mémoire du futur peut avoir des applications thérapeutiques. Ainsi, des "thérapies orientées vers le futur" ont été développées et testées auprès de patients souffrant de dépression majeure ou de schizophrénie : menées à travers plusieurs séances réparties sur quelques semaines, elles consistent à sensibiliser les sujets sur l’importance des projections mentales dans le futur, la façon dont celles-ci peuvent être améliorées en luttant contre des mécanismes personnels de résistance, puis, progressivement à leur proposer des activités de pleine conscience et, enfin, à travailler sur l’évocation de leurs propres valeurs, leurs objectifs, et les moyens d’y arriver. Les premières études montrent que cette approche peut être plus efficace que les thérapies cognitivo-comportementales
thérapies cognitivo-comportementales
Traitement des difficultés du patient dans « l’ici et maintenant » par des exercices pratiques centrés sur les symptômes observables au travers du comportement.
conventionnelles.
Mémoires externes
Il semble clair aujourd’hui que notre mémoire interne et nos capacités de projection sont influencées par la mémoire externe : les supports de mémoire collective (livres, films…) sont un élément utile pour modeler notre mémoire du futur. La multiplication des dispositifs électroniques de stockage d’information dans notre quotidien est cependant décrite comme modifiant l’organisation et la puissance de notre mémoire, que nous sollicitons par conséquent moins. Cet équilibre entre mémoire interne et externe constitue un enjeu majeur pour l’avenir.
Sur le plan thérapeutique, les supports externes de stockage sont aujourd’hui testés sous forme d’implants cérébraux dans la prise en charge de patients amnésiques. De façon plus futuriste, l’idée de greffe de mémoire artificielle fait également l’objet de développements actuels.

Modifier la mémoire grâce à l'optogénétique
Outre l’imagerie fonctionnelle, qui fait aujourd’hui partie des modes d’exploration incontournables de l’organisation mnésique, d’autres approches sont plus récentes et en pleine évolution. C’est notamment le cas de l’optogénétique, qui est une technique alliant génétique et optique : elle consiste à modifier génétiquement des cellules afin de les rendre sensibles à la lumière et, grâce à cette dernière, d’en moduler le fonctionnement. Ainsi, l’optogénétique permet d’activer ou d’inhiber expérimentalement des groupes spécifiques de neurones dans le tissu cérébral et d’en évaluer l’impact.
Elle permet aussi de développer des méthodes de manipulation de la mémoire (implantations de faux souvenirs, oubli expérimental…). Ces travaux permettent d’envisager des approches thérapeutiques intéressantes dans la prise en charge de certains troubles psychiatriques.

 

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Résistance aux antibiotiques

 

 

 

 

 

 

 

Résistance aux antibiotiques

Sous titre
Un phénomène massif et préoccupant

Les antibiotiques ont permis de faire considérablement reculer la mortalité associée aux maladies infectieuses au cours du 20e siècle. Hélas, leur utilisation massive et répétée, que ce soit en ville ou à l'hôpital, a conduit à l’apparition de bactéries résistantes à ces médicaments. Qui plus est, les animaux d'élevage ingèrent au moins autant d'antibiotiques que les humains ! Résultat : la résistance bactérienne est devenue un phénomène global et préoccupant. Pour éviter le pire, la communauté internationale, alertée en 2015 par l'OMS, se mobilise. La route est longue...
       

Dossier réalisé en collaboration avec Jean-Luc Mainardi, unité 1138 Inserm/Sorbonne Université/Université Paris Descartes/Université Paris Diderot, équipe Structures bactériennes impliquées dans la modulation de la résistance aux antibiotiques, Centre de Recherche des Cordeliers, Paris et Marie-Cécile Ploy, unité 1092 Inserm/Université de Limoges, équipe Anti-Infectieux : supports moléculaires des résistances et innovations thérapeutiques, Institut Génomique, environnement, immunité, santé et thérapeutiques, Limoges

Comprendre le phénomène de la résistance aux antibiotiques
Les antibiotiques sont, à l'origine, des molécules naturellement synthétisées par des microorganismes pour lutter contre des bactéries concurrentes de leur environnement. Aujourd’hui, il existe plusieurs familles d’antibiotiques, naturels, semi-synthétiques ou de synthèse, qui s’attaquent spécifiquement à une bactérie ou à un groupe de bactéries. Certains antibiotiques vont agir sur des bactéries comme Escherichia coli dans les voies digestives et urinaires, d’autres sur les pneumocoques ou sur Haemophilus influenzae dans les voies respiratoires, d’autres encore sur les staphylocoques ou les streptocoques présents au niveau de la peau ou de la sphère ORL.


Les antibiotiques sont spécifiques des bactéries
Les antibiotiques ne sont efficaces que sur les bactéries et n’ont aucun effet sur les virus et les champignons. Ils bloquent la croissance des bactéries en inhibant la synthèse de leur paroi, de leur matériel génétique (ADN ou ARN
ARN
Molécule issue de la transcription d'un gène.
), de protéines qui leur sont essentielles, ou encore en bloquant certaines voies de leur métabolisme. Pour cela, ils se fixent sur des cibles spécifiques.

L’antibiorésistance, un phénomène devenu global
L’efficacité remarquable des antibiotiques a motivé leur utilisation massive et répétée en santé humaine et animale (voir encadré). Cela a créé une pression de sélection sur les populations bactériennes, entraînant l'apparition de souches résistantes. En effet, lorsqu'on emploie un antibiotique, seules survivent – et se reproduisent – les bactéries dotées de systèmes de défense contre cette molécule. La mauvaise utilisation des antibiotiques – traitements trop courts, trop longs ou à posologies inadaptées – est également pointée du doigt.
Ponctuelles au départ, ces résistances sont devenues massives et préoccupantes. Certaines souches sont multirésistantes, c’est-à-dire résistantes à plusieurs antibiotiques. D’autres sont même devenues toto-résistantes, c’est-à-dire résistantes à quasiment tous les antibiotiques disponibles. Ce phénomène, encore rare en France mais en augmentation constante, place les médecins dans une impasse thérapeutique : ils ne disposent plus d’aucune solution pour lutter contre l’infection.

Homme, animal, environnement : un seul monde
D’après l’OMS, plus de la moitié des antibiotiques produits dans le monde sont destinés aux animaux. Aux États-Unis, à côté d’une utilisation à visée thérapeutique, les antibiotiques sont aussi utilisés de façon systématique à faibles doses comme facteurs de croissance, une pratique interdite en Europe depuis 2006. Or la surconsommation d’antibiotiques entraîne l’apparition de résistances. Et les bactéries multi-résistantes issues des élevages peuvent se transmettre à l’Homme directement ou via la chaîne alimentaire.
Par ailleurs, hommes et animaux rejettent une partie des antibiotiques absorbés, via leurs déjections. D'où la présence de bactéries résistantes dans les cours d'eau en aval des villes ou des élevages, voire dans les nappes phréatiques.

Hôpital, médecine de ville, pratiques vétérinaires, environnement : tout est désormais lié. C'est pourquoi l'OMS, suivie par les grandes organisations internationales, préconise une vision globale de la lutte contre les antibiorésistances, l’approche One World, One Health (Un monde, une santé).
Pendant longtemps, la majorité des cas de résistance était détectée à l’hôpital. Cependant le phénomène prend de plus en plus d'ampleur en ville, au détour d’antibiothérapies apparemment anodines. Ainsi, à l’occasion d’un banal traitement oral, une espèce bactérienne intestinale peut développer une résistance. L'antibiotique détruit la flore bactérienne associée et laisse le champ libre à la bactérie résistante pour se développer. Ces bactéries résistantes sont ensuite diffusées par voie manuportée, plus ou moins vite selon le niveau d'hygiène de la population.

De la résistance naturelle à la résistance acquise
La résistance aux antibiotiques peut résulter de plusieurs mécanismes :
*         production d’une enzyme modifiant ou détruisant l’antibiotique
*         modification de la cible de l’antibiotique
*         imperméabilisation de la membrane de la bactérie
Certaines bactéries sont naturellement résistantes à des antimicrobiens. Plus préoccupante, la résistance acquise concerne l’apparition d’une résistance à un ou plusieurs antibiotiques chez une bactérie auparavant sensible. Ces résistances peuvent survenir via une mutation génétique affectant le chromosome de la bactérie, ou bien être liées à l’acquisition de matériel génétique étranger (plasmide, transposon) porteur d’un ou plusieurs gènes de résistance en provenance d’une autre bactérie. Les résistances chromosomiques ne concernent en général qu’un antibiotique ou une famille d’antibiotiques. Les résistances plasmidiques peuvent quant à elles concerner plusieurs antibiotiques, voire plusieurs familles d’antibiotiques. Elles représentent le mécanisme de résistance le plus répandu, soit 80% des résistances acquises.

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L’antibiorésistance – documentaire pédagogique – 13 min 15 - vidéo extraite de la série Grandes Tueuses (2016)

L’antibiorésistance en chiffres
Certaines résistances posent surtout problème à l’hôpital. Les souches de Staphylococcus aureus résistantes à la méticilline (SARM) sont responsables d’infections diverses, pulmonaires et osseuses, ainsi que de septicémies, en particulier dans les unités plus sensibles (soins intensifs). Toutefois, des mesures spécifiques, notamment d’hygiène, ont permis de réduire ces résistances en France (33% en 2001, 15,7% en 2015).

Acinetobacter baumannii est également redoutée à l’hôpital. La part des infections nosocomiales liées à cette bactérie résistante à l’imipenème est passée de 2 ou 3% en 2008 à 11,1% en 2011. Le phénomène est d’autant plus préoccupant que cette bactérie persiste dans l’environnement et se développe préférentiellement chez des malades immunodéprimés et vulnérables.
Deux phénomènes importants dominent l'actualité des résistances. Tout d'abord l'augmentation continue, aujourd'hui plus encore en ville qu'à l’hôpital, des entérobactéries productrices de bêta-lactamases à spectre étendu (EBLSE). Certaines espèces comme Escherichia coli ou Klebsiella pneumoniae sont devenues résistantes aux céphalosporines de troisième génération (C3G), qui constituent les antibiotiques de référence pour traiter ces espèces bactériennes. En 2014, 11% des souches de E. coli et 35% de celles de K. pneumoniae isolées de bactériémies étaient devenues résistantes à ces C3G. Dans les infections urinaires, ces chiffres sont de 7% pour E. coli et 16% pour K. pneumoniae. Les médecins doivent alors utiliser des antibiotiques "de derniers recours" : les carbapénèmes.
Or, et c'est le deuxième phénomène très inquiétant, depuis quelques années apparaissent des souches d'entérobactéries produisant des carbapénémases. Ces enzymes détruisent ces antibiotiques et confèrent ainsi une résistance à la bactérie. Cela peut conduire à des situations d’impasse thérapeutique. Ce phénomène reste relativement peu fréquent en France, ce qui n'est pas le cas dans des pays comme la Grèce, Chypre, l'Afrique du Nord, les États-Unis ou l'Inde.
Pseudomonas aeruginosa, responsable de nombreuses infections nosocomiales, présente ainsi plus de 25% de résistance aux carbapénèmes. Certaines souches toto-résistantes sont notamment retrouvées chez les patients atteints de mucoviscidose ou transplantés pulmonaires.

Résistance aux antibiotiques : le classement de l'OMS
En février 2017, l'OMS a publié une liste de bactéries résistantes représentant une menace à l'échelle mondiale.
A. baumannii, P. aeruginosa et les entérobactéries productrices de bêta-lactamases à spectre étendu (EBLSE) représentent ainsi une urgence critique car elles résistent à un grand nombre d'antibiotiques.
Six autres bactéries, dont Staphylococcus aureus, Helicobacter pylori (ulcères de l’estomac), les salmonelles et Neisseria gonorrhoeae (gonorrhée), représentent une urgence élevée.
Enfin, pour Streptococcus pneumoniae, Haemophilus influenzae (otites) et les Shigella spp. (dysenterie), l'urgence est modérée.
De plus l'agent de la tuberculose, Mycobacterium tuberculosis, multirésistant dans certaines parties du monde, fait l'objet d'un programme propre de l'OMS.

La lutte s'organise

Réduire et mieux cibler la consommation d’antibiotiques
Pour préserver le plus longtemps possible l’efficacité des antibiotiques disponibles, il faut réduire leur consommation afin de limiter la pression de sélection sur les bactéries. Les plans de rationalisation des prescriptions et les campagnes de sensibilisation destinées au grand public ont fait baisser la consommation au début de ce siècle mais elle est aujourd'hui repartie à la hausse, en particulier en ville. La France reste parmi les premiers utilisateurs mondiaux.

Dans ce contexte, il est important que les médecins puissent :
*         distinguer les infections virales des infections bactériennes car les antibiotiques n'affectent pas les virus. Des tests de dépistage rapide existent pour les angines, maladies très fréquentes, la plupart du temps virales et beaucoup trop souvent associées à la prescription d’antibiotiques. Malheureusement, ces tests restent sous-utilisés en France.
*          
*         choisir un antibiotique pertinent : en cas d'infection bactérienne, mieux vaut éviter l'utilisation systématique d'antibiotiques précieux (récents ou à large spectre) lorsque d'autres plus courants, ou à spectre plus étroit, suffisent et sont aussi efficaces. Le médecin doit pour cela savoir à quelles molécules réagit la bactérie responsable de la maladie de son patient. Il existe déjà des tests rapides de détection de la résistance à certains antibiotiques. Autre réflexion en cours : les laboratoires de microbiologie pourraient rendre des antibiogrammes "ciblés", testant la sensibilité de la souche à une gamme réduite d'antibiotiques ciblés sur la bactérie isolée chez le patient en fonction de sa pathologie et non, comme aujourd'hui, à la plupart des molécules disponibles. Il s'agit là aussi d'inciter le médecin à choisir un antibiotique courant plutôt que se diriger vers d’autres antibiotiques, comme par exemple des céphalosporines parmi les plus récentes.
*          
*         adapter la cure aux besoins, en particulier limiter la durée des traitements au strict nécessaire. De plus à l'hôpital, lorsqu'une antibiothérapie probabiliste est prescrite, il faut la réévaluer dans les 48-72 heures avec les résultats du laboratoire. Lorsqu'une antibiothérapie de plus de 7 jours est prescrite, cela doit se faire en accord avec un référent en antibiothérapie. Ce dernier a pour mission de diffuser la politique du bon usage des antibiotiques et son application pratique au sein des établissements de soin, en se reposant sur des recommandations élaborées par les différentes instances.

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Bactéries et infections – interview – 5 min - vidéo extraite de la série POM bio à croquer (2014)

Une prise de conscience internationale
En mai 2015, l’OMS, la FAO (Food and Agriculture Organization, l'organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) et l'OIE (Office international des épizooties, devenu l'Organisation mondiale de la santé animale) ont adopté un Plan d’action mondial pour combattre la résistance aux antimicrobiens. Il se décline en cinq axes :
*         sensibiliser le personnel de santé et le public
*         renforcer la surveillance et la recherche
*         prendre des mesures d’assainissement, d’hygiène et de prévention des infections
*         optimiser l’usage des antimicrobiens en santé humaine et animale
*         soutenir des investissements durables pour la mise au point de nouveaux traitements, diagnostics ou vaccins
Déjà engagée dans la lutte, l'Union européenne a lancé des plans d'action en 2001 et 2011. Le tout dernier, datant de juin 2017, prend en compte la dimension globale du problème et vise à faire du continent une région de pointe. Il comprend, entre autres, une action conjointe, la Joint Action on Antimicrobial Resistance & Healthcare - Associated Infections, coordonnée par l'Inserm. Elle rassemble 44 partenaires institutionnels – ministères de la Santé, instituts de recherche, instituts de santé publique – et vise à passer au concret, en particulier en s'inspirant de ce qui est déjà mis en place dans certains pays.
Pour sa part, la France a décliné le plan européen (annoncé en 2016) via une feuille de route interministérielle de novembre 2016, reprenant les mêmes grandes orientations. En ce qui concerne l'usage vétérinaire des antibiotiques, le plan Ecoantibio (2012-2017) est aujourd'hui remplacé par Ecoantibio2 (2017-2021).

Les enjeux de la recherche

Nouveaux antibiotiques
De nouveaux antibiotiques sont nécessaires pour lutter contre les bactéries multirésistantes. Le marché des antibiotiques étant beaucoup moins rentable que celui de médicaments donnés au long cours, comme par exemple les antihypertenseurs, les firmes pharmaceutiques ont peu investi dans cette recherche. Cependant, quelques nouvelles molécules sont disponibles comme la ceftolozane, une nouvelle céphalosporine associée à un inhibiteur de bêta-lactamases, ou le tazobactam, disponible en France depuis 2016. Son spectre d’activité inclut les EBLSE et le bacille pyocyanique (Pseudomonas aeruginosa) multirésistant.

La piste la plus avancée aujourd'hui consiste à inhiber l’action des bêta-lactamases. Ces enzymes, produites par certaines bactéries, les rendent résistantes aux antibiotiques de la famille des bêta-lactamines (comme les céphalosporines de 3e et de 4e génération). L'avibactam, en particulier, est un inhibiteur de bêta-lactamases n’appartenant pas à la famille des bêta-lactamines, désormais commercialisé en association avec la ceftazidime, une céphalosporine de 3e génération. Cette combinaison est même efficace contre certaines bactéries résistantes aux carbapénèmes. Plusieurs inhibiteurs de la famille chimique de l'avibactam, en association avec d'autres bêta-lactamines, sont en développement et/ou en cours d’évaluation.

Autres voies thérapeutiques

phages
Virus qui n’infecte que les bactéries.
, des virus infectant et tuant spécifiquement certaines bactéries. Cette spécificité permet d’éliminer les bactéries pathogènes sans affecter les autres, contrairement aux antibiotiques à spectre large. Le développement industriel de cocktails de phages, préparés à l’avance ou "sur-mesure" pour lutter contre une bactérie spécifique, paraît néanmoins complexe.
Par ailleurs, l'administration orale d'antibiotiques présente l'inconvénient de tuer certaines bactéries commensales résidant dans le tube digestif, formant le microbiote. Différentes pistes de protection du microbiote intestinal – administration d'un antibiotique conjointement à du charbon absorbant, ou à une bêta-lactamase agissant dans le côlon – sont à l'étude. De même, la transplantation fécale (pour restaurer un microbiote sain), déjà utilisée en clinique contre les infections répétées à Clostridium difficile, est aujourd'hui évaluée pour lutter contre les entérobactéries productrices de BLSE ou de carbapénémases.
D’autres équipes tentent de développer des thérapies antivirulence : l’objectif n’est plus de tuer la bactérie responsable de l’infection, mais de bloquer les systèmes qui la rendent pathogène pour l’Homme. Des antitoxines (souvent des anticorps
anticorps
Protéine du système immunitaire, capable de reconnaître une autre molécule afin de faciliter son élimination.
monoclonaux) dirigées contre certaines toxines bactériennes sont aujourd'hui en phase expérimentale.

 

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Le conscient et l’inconscient travaillent de concert pour trier les images

 

 

 

 

 

 

 

Le conscient et l’inconscient travaillent de concert pour trier les images


COMMUNIQUÉ | 06 DÉC. 2017 - 18H47 | PAR INSERM (SALLE DE PRESSE)

NEUROSCIENCES, SCIENCES COGNITIVES, NEUROLOGIE, PSYCHIATRIE

Notre cerveau est constamment bombardé d’informations sensorielles. Loin d’être surchargé, le cerveau est un véritable expert dans la gestion de ce flux d’informations. Des chercheurs de Neurospin (CEA/Inserm) ont découvert comment le cerveau intègre et filtre l’information. En combinant des techniques d’imagerie cérébrale à haute résolution temporelle et des algorithmes d’apprentissage automatique (machine learning), les neurobiologistes ont pu déterminer la séquence d’opérations neuronales qui permet au cerveau de sélectionner spécifiquement l’information pertinente. La majeure partie de l’information est traitée et filtrée inconsciemment par notre cerveau. Au sein de ce flux, l’information pertinente est sélectionnée par une opération en trois étapes, et diffusée vers les régions associatives du cerveau afin d’être mémorisée. Ces observations sont décrites dans Nature Communications le 5.12.2017.

Les chercheurs ont mesuré l’activité du cerveau de 15 participants, pendant que ces derniers devaient repérer une image « cible » dans un flux de 10 images par seconde . Les neurobiologistes ont ainsi pu observer trois opérations successives permettant aux participants de traiter et de trier le flux d’images :

► Même si une dizaine d’images est présentée chaque seconde, chacune de ces images est analysée par les aires sensorielles du cerveau pendant environ une demi-seconde. Ceci constitue une première phase de traitement automatique, inconscient et sans effort pour nous.

► Lorsqu’on demande aux participants de porter attention et de mémoriser une image en particulier, ce n’est pas uniquement l’image ‘cible’ qui est sélectionnée, mais toutes les images qui sont encore en cours de traitement dans les régions sensorielles. L’attention du sujet aura pour effet d’amplifier les réponses neuronales induites par ces images.

► La troisième phase de traitement correspond au rapport conscient du sujet. Seule l’une des images sélectionnées induit une réponse cérébrale prolongée et impliquant les régions pariétales et frontales. C’est cette image que le sujet indiquera avoir perçue.
« Dans cette étude, nous montrons que le cerveau humain est capable de traiter plusieurs images simultanément, et ce de manière inconsciente », explique le chercheur Sébastien Marti, qui signe cette étude avec Stanislas Dehaene, directeur de Neurospin (CEA/Inserm). « L’attention booste l’activité neuronale et permet de sélectionner une image spécifique, pertinente pour la tâche que le sujet est en train d’accomplir. Seule cette image sera perçue consciemment par le sujet », poursuit le chercheur.
Assailli par un nombre toujours croissant d’informations, notre cerveau parvient ainsi, malgré tout, à gérer le surplus de données grâce à un filtrage automatique, sans effort, et un processus de sélection en trois phases.

Les avancées technologiques en imagerie cérébrale et dans les sciences de l’information ont donné un formidable coup d’accélérateur à la recherche en neuroscience, et cette étude en est un bel exemple.

 

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L'IMPACT DE LA GÉNÉTIQUE SUR LES THÉRAPIES

 

 

 

 

 

 

 

L'IMPACT DE LA GÉNÉTIQUE SUR LES THÉRAPIES


Depuis 1990, nous avons tenté de mettre la génétique moléculaire au service de la pédiatrie et de concilier génétique clinique et génétique moléculaire. Ces efforts ont conduit à réunir dans un même lieu i) une Unité de Recherches de l'INSERM consacrée à la localisation et à l'identification de gènes responsables de handicaps neurologiques, métaboliques, malformatifs et sensoriels de l'enfant, ii) un Service de Génétique Clinique de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, iii) une Unité de Génétique Moléculaire hospitalière pré et postnatale au service des patients et des familles Grâce aux progrès de la carte génétique, notre groupe a pu localiser et/ou identifier près d'une trentaine de gènes responsables de maladies, particulièrement l'achondroplasie (1/15000 naissances, récepteur de facteur de croissance fibroblastique 3), la maladie de Hirschsprung (1/5000 naissances, oncogène Ret), l'amyotrophie spinale (1/6000 naissances, survival motor neuron, SMN), la paraplégie spastique liée au sexe (proteolipid protein), le syndrome de Holt-Oram (brachyury), la maladie des exostoses multiples, la dystrophie maculaire de Stargardt et, plus récemment, l'amaurose congénitale de Leber (guanylate cyclase de rétine), la craniosténose de Saethre-Chotzen (twist), l'incontinentia pigmenti (NEMO) et le syndrome de Pearson (délétion de l'ADN mitochondrial), ainsi qu'une série de gènes nucléaires (SDH.Fp, SCO1, COX10, BcS1) responsables de mitochondriopathies. Tout récemment, nous avons démontré que l'ataxie de Friedreich résultait d'une attaque des centres fer-soufre mitochondriaux par une surcharge en fer et avons pu proposer un traitement curateur de la myocardiopathie spécifique de cette affection. Nous avons également eu la chance de décrire la première encéphalomyopathie mitochondriale curable par les quinones. Quels sont les bénéfices de ces travaux pour les enfants et leurs familles ? La localisation et/ou l'identification de ces gènes rend le conseil génétique possible et permet chaque année à 350 couples à risque d'attendre sereinement l'enfant qu'ils espèrent, dans le cadre du diagnostic prénatal et préimplantatoire pour lequels nous sommes habilités. Ces avancées permettent surtout d'envisager l'approche thérapeutique de ces maladies génétiques, comme par exemple la réexpression du gène centromérique homologue du gène SMN sur le chromosome 5q13 dans l'amyotrophie spinale ou une approche pharmacologique rationnelle du traitement de l'ataxie de Friedreich.

Transcription de la 517 e conférence de l'Université de tous les savoirs donnée le 14 janvier 2004
Arnold Munnich « L'impact de la génétique sur les thérapies »
Les maladies génétiques touchent 3 à 4 % des nouveaux nés, soit 30 000 nouveaux cas par an en France et près de 25 à 30 millions de citoyens européens. Considérées individuellement, chacune des 5 000 maladies génétiques recensées est rare puisqu'elle affecte un très faible nombre d'individus, mais considérées collectivement elles constituent un enjeu majeur de santé publique. Les enjeux de santé publique qui ont occupé dans l'immédiat après-guerre, la malnutrition, l'alcoolisme, la tuberculose, la mortinatalité liée aux infections périnatales, sont aujourd'hui éradiqués. Contrairement aux maladies infectieuses comme la variole ou la poliomyélite, les maladies génétiques ne pourront jamais disparaître car à chaque génération surviennent des mutations. Les individus porteurs sains de ces gènes modifiés constituent le grand réservoir des maladies génétiques. Les idéologies d'épuration qui sont absolument monstrueuses sont également absurdes dans la mesure où nous sommes tous potentiellement porteurs de gènes de maladies.

La génétique et l'étude du génome sont des sujets particulièrement à la mode ces dernières années conduisant à des progrès considérables. L'important est de savoir maintenant quel a été ou sera le bénéfice de cette accumulation de connaissances pour les patients.
Le premier bénéfice pour les enfants, pour les sujets, est l'accès à un diagnostic plus simple et plus rapide. Le diagnostic de la plupart des maladies génétiques, comme la myopathie, la mucoviscidose, l'amyotrophie spinale, nécessitait il y a encore quelques années plusieurs jours d'hospitalisation pour réaliser une série d'explorations douloureuses, tels les biopsies, les électromyogrammes. Aujourd'hui, une simple prise de sang permet aux spécialistes de faire un diagnostic fiable et rapide pour les maladies monogéniques qui résultent de l'effet d'un seul gène ou de quelques gènes qui ont été identifiés.
Figure 1 : Quelle maladie ?

Maladie    Fréquence    Diagnostic classique    Test ADN
Myopathie    1/4 000    Biopsie musculaire    +
Mucoviscidose    1/2 500    Test de la sueur    +
Amyotrophie spinale    1/6 000    Biopsie musculaire, EMG    +
Hémochromatose    1/5 000    Biopsie du foie    +
Fragilité du chromosome X    1/5 000    Caryotype    +
Stienert    1/5 000    Biopsie musculaire, EMG    +
Huntington    1/10 000    Évolution clinique    +
Incontinentia P    1/10 000    Biopsie cutanée    +
Achondroplasie    1/10 000    Radios du fStus    +

Malheureusement, un grand nombre de maladies dites génétiquement hétérogènes sont causées par une combinaison de dizaines ou centaines de gènes. Cette extraordinaire complexité rend très difficile l'identification des gènes responsables et plus encore le diagnostic.
Figure 2 : Une maladie, plusieurs gènes

Maladie    Gènes impliqués    Études familiales    Test ADN
Bourneville    2 gènes    +/-    +
Os de verre    2 gènes    +/-    +/-
Ataxie    > 10 gènes    +/-    +
Paraplégie    > 10 gènes    +/-    -
Déficit énergétique    > 100 gènes    +/-    +/-
Retard mental    > 100 gènes    +/-    +/-
Rétinopathies    > 100 gènes    +/-    -

L'identification des gènes responsables de chacune des 5 000 maladies génétique est un enjeu de la recherche théorique et un enjeu de santé publique car elle est indispensable au conseil génétique. La connaissance des gènes impliqués permet de prodiguer aux couples ayant déjà un ou plusieurs enfants atteint d'une maladie génétiquement hétérogène le conseil génétique et le diagnostic prénatal nécessaires pour éviter la récidive.
Pour répondre au mieux à la complexité de ce sérieux problème de santé publique il faut coordonner les efforts des chercheurs et des cliniciens. L'organisation sanitaire et le partage des responsabilités et du travail entre les différents groupes de génétique hospitaliers à Paris et en province est nécessaire pour le typage des maladies génétiques.

L'organisation des différents acteurs n'est rien si elle ne s'accompagne pas d'une meilleure détermination des personnes ayant réellement besoin d'un test ADN. Il n'est en effet pas question de faire des examens génétiques à des porteurs sains n'ayant plus de projets d'enfants ou bien à des personnes potentiellement porteuses d'un gène mais qui ne tireront aucun bénéfice réel de l'identification du gène en cause. Au contraire, il est important d'identifier le gène lorsqu'un couple a perdu un, deux ou trois enfants d'une maladie génétiquement hétérogène et qu'il attend avec angoisse l'espoir d'avoir enfin un enfant bien portant.
Les associations de malades jouent un rôle capital aux côtés des pouvoirs publics et des chercheurs. Ainsi, le Téléthon qui est la vitrine médiatique de l'association française contre la myopathie a joué un rôle décisif dans la lutte contre les maladies génétiques par l'identification des gènes de ces maladies.

La recherche médicale permet d'identifier des gènes. Le transfert de ces connaissances scientifiques au bénéfice des familles dépend, quant à lui, du champ de la santé publique et à ce titre devrait être pris en charge financièrement par les structures hospitalières.
En matière de génétique, entre l'accumulation impressionnante des connaissances sur les causes de maladies et la faible quantité des thérapeutiques, il y a un espace pour la prévention.
La prévention intervient par exemple dans le cas de familles dont plusieurs sujets ont développé par exemple un cancer du sein, un cancer du colon, une néoplasie endocrinienne ou une hémochromatose. Le diagnostic d'un risque génétique dans ces familles permet d'identifier les sujets à risque qu'il faudra suivre avec beaucoup d'attention. La prise en charge d'un sujet qui n'est pas encore symptomatique mais que l'on sait porteur du gène d'une maladie présente des bénéfices mais également des risques.
Les principaux bénéfices concernent les personnes atteintes d'une maladie génétique à début tardif ou d'évolution variable dont on pourra anticiper l'évolution. Dans le cas de l'hypertension artérielle par exemple, il sera possible de prendre en charge le patient dès l'apparition des premiers symptômes. Dans le cas de maladies pour lesquelles nous ne disposons pas encore de traitement comme un risque de surdité, une rétinite pigmentaire ou la Chorée de Huntington dont les symptômes apparaissent à l'adolescence ou au début de l'âge adulte, il sera possible d'orienter la scolarité ou la formation professionnelle de ce jeune homme ou de cette jeune fille.

La question se pose, dans le cas où la connaissance n'apporte pas de bénéfice thérapeutique, de déterminer qui au juste veut savoir. S'agit-il de l'enfant ou bien de ses parents ? Il faut identifier la demande sans l'anticiper et déterminer les intérêts divergents qui peuvent habiter les uns et les autres. Avant de faire une prise de sang qui demande cinq minutes il faut parfois une, deux ou trois consultations pour décider si le sujet souhaite réellement bénéficier du test. Ainsi, dans le cas de la Chorée de Huntington il n'y a que 18 % des sujets qui viennent en consultations qui à l'issue des entretiens maintiennent leur souhait d'un test pré-symptomatique. Si être un généticien signifie faire des prouesses scientifiques, il s'agit également de réfléchir à l'impact de notre connaissance, de nos savoirs sur la qualité de vie de nos contemporains. Dans bien des cas, prédire signifie médire et pas guérir. De plus, le fait d'être porteur du gène d'une maladie ne signifie pas ipso facto que cette dernière va s'exprimer. Une autre raison d'être prudent et d'utiliser ces tests avec infiniment de circonspection.
L'usage que notre société va faire de ces tests reste encore une inconnue. Les généticiens devront peut-être un jour rendre des comptes à des mutuelles d'assurance maladie, à des caisses d'assurance maladies, à des sociétés de recrutement. Que deviendra le secret médical lorsque le fait d'être diabétique, hypertendu ou le risque de développer un Alzheimer ou un Parkinson sera considéré comme incompatible avec l'exercice d'une activité professionnelle par une entreprise ? Lorsque la connaissance n'apporte pas un traitement de nature à guérir la maladie la prudence doit rester de mise.

la  prévention  prénatale
 et préimplantatoire intervient dans le cas de familles perdant plusieurs enfants âgés de quelques jours à quelques mois de la même maladie. Si le diagnostic est précis, si la demande est justifiée, la loi autorise des centres de référence avec des experts de la génétique obstétrique et de la génétique à procéder à l'interruption médicale de grossesse pour des fStus atteints d'affection d'une particulière gravité. Il ne s'agit pas d'une victoire de la génétique mais d'un moindre mal pour éviter aux couples de subir un nouveau deuil.

Le diagnostic génétique préimplantatoire consiste en une fécondation in vitro de gamètes d'un couple à fort risque de donner naissance à un enfant atteint. Après la fécondation, une cellule est prélevée de l'embryon pour faire le test. À la suite de ce diagnostic prénatal ultra précoce, seuls les embryons indemnes de la maladie sont transférés dans l'utérus maternel. Contrairement au diagnostic prénatal, les mères n'ont donc pas à subir l'épreuve d'une nouvelle interruption médicale de grossesse. Le taux de réussite d'une telle procédure est très faible, environ 20%, et uniquement 30% des couples optent pour des grossesses naturelles à l'issue des consultations d'information. La France est le dernier pays européen à avoir autorisé les diagnostics préimplantatoires et ce dans deux services : Un centre réunissant l'Hôpital Necker-Enfants malades à Paris et l'Hôpital Antoine Béclère à Clamart et un centre à Strasbourg. Les membres de ces centres sont à l'écoute des couples pour leur proposer toutes les stratégies, une meilleure compréhension des possibilités en rendant la médecine génétique plus humaine.

Les avancées scientifiques permettant les diagnostics génétiques constituent une source majeure de problèmes éthiques pour demain. Entre le scientifiquement possible et l'éthiquement souhaitable il y a un monde. Il appartiendra à notre génération et à la suivante de déterminer les bonnes indications et le bon usage que collectivement nous ferons de ces progrès.

Les risques de dérives sont nombreux, notamment le diagnostic de complaisance du sexe et la généralisation des diagnostics génétiques sur cellules fStales circulant dans le sang maternel, comme cela est déjà le cas dans les pays anglo-saxons. Il ne faudrait pas qu'au motif d'une stérilité dans le couple la fécondation in vitro soit assortie de diagnostics préimplantatoires pour des affections qui ne sont pas d'une particulière gravité voire totalement bénignes. Ces débats, notamment dans le cas des cancers non génétiques, ont fait la une des médias à la fin de l'année 2003. Il était alors question d'autoriser les tests de compatibilité HLA pour le futur frère ou sSur d'un enfant atteint de cancer par exemple dans la maladie de Fanconi. Cet enfant serait accueilli comme le messie par ses parents car non seulement il serait sain mais il permettrait également à son aîné de guérir. Cependant, si le législateur a donné un accord pour l'extension du diagnostic génétique préimplantatoire au typage HLA dans certaines indications de particulière gravité, il s'agit uniquement des cas de cancers génétiques et pas des leucémies. Nous devons rester vigilant car nous ne basculerons pas dans l'horreur du jour au lendemain et chaque citoyen doit mesurer la responsabilité qui pèse sur les généticiens et sur l'ensemble de la société car nous sommes les garants du meilleur usage possible de ces pratiques.

Le séquençage du génome humain, l'identification et le clonage des gènes responsables de maladies ont donné de nombreux espoirs pour le développement de thérapeutiques. Avant d'envisager la thérapie génique pour après-demain, il faut nous rendre à l'évidence que les thérapies d'aujourd'hui et de demain, si elles sont bien dérivées des connaissances du génome, restent des thérapies tout à fait traditionnelles. Les généticiens travaillent non pas déjà à guérir les 30 000 enfants malades qui viennent au monde chaque année, mais à mettre en place des tests permettant de reconnaître les enfants qui seraient susceptibles d'être guéris. En l'état actuel des connaissances et des traitements, il y a entre 1 et 10 % des maladies génétiques qui peuvent être curables par des traitements traditionnels. Nous allons présenter cinq stratégies thérapeutiques actuellement utilisées, avant d'aborder la thérapie génétique et enfin terminer par la pharmacologie traditionnelle qui reste à ce jour le plus grand espoir des malades.

Un petit nombre de maladies génétiques du métabolisme sont curables par un régime ou bien par des vitamines. Ces traitements font l'effet de véritables miracles. Il est difficile de rendre compte de l'impression ressentie par les soignants lorsqu'un enfant qui était donné pour mort se remet à marcher, que ses symptômes disparaissent et qu'il est guéri, comme cela m'est arrivé. Les doses de vitamines impliquées sont bien évidemment pharmacologiques et dépassent largement les comprimés utilisés par les étudiants pour affronter plus sereinement les examens. De même, si un enfant sur 200 subit un retard mental il est possible pour quelques uns d'entre eux de guérir de ce handicap par l'apport de vitamines. Les spécialistes doivent pouvoir disposer de d'avantage de moyens pour identifier ceux parmi ces enfants qui seraient curables avec l'administration de ces médicaments.

Figure 3 : Maladies métaboliques curables par les régimes diététiques

Hypoprotidiques    Phénylcétonurie, leucinose, hyperammoniémies
Hypolipidiques    Hypercholestérolémies
Hyperglucidiques    Anomalies de l'oxydation des acides gras

Figure 4 : Maladies métaboliques curables par les vitamines

Biotine (B8)    Déficit multiple des carboxylases
Pyridoxine (B6)    Homocystinurie
Cobalamine (B12)    Acidurie organique
Tocophérol (E)    Ataxie pseudo-Friedrich
Carnitine    Myopathie lipidique, cardiomyopathie
Quinone (CoQ10)    Ataxie, déficits énergétiques
Créatine    Retard mental

Les transplantations d'organes, de rein, de foie, de cSur, de moelle osseuse et même de systèmes nerveux, peuvent permettre à certains patients de retrouver une vie normale. Des neurochirurgiens de Montpellier ont récemment tenté une expérience sur un adolescent atteint de dystonie de torsion. Les principaux symptômes de cette maladie sont un recroquevillement des mains et des pieds ainsi qu'une torsion de la bouche. L'équipe de Philippe Cook s'est basée sur des expériences récentes pour guérir la maladie de Parkinson et ont implanté un pacemaker dans le noyau gros central. Les malades atteints de dystonie de torsion, de dystonie par déficit en penthoténate kinase, de la Chorée de Huntington ou de maladies mitochondriales ont une modification du noyau postéro-ventral du Globus Palidum - ansa lenticularis, qui est responsable d'une perte du tonus. Le pacemaker introduit par les chirurgiens au niveau de l'abdomen et relié à une électrode dans le cerveau permet à ces adolescents de retrouver l'usage de leurs mains et de leurs pieds. Cet appareil coûte 7 500 euros et doit être changé tous les 5 ans. C'est peu pour rendre une vie normale à ces enfants.
Figure 5 : Transplantation d'organes/néo-organes

Rein    Polykystose, néphronophtisie, Alport
Foie    Déficit en a1AT, atrésie biliaire, maladies métaboliques
CSur    CMO, malformations, déficits énergétiques
Moelle osseuse    Décifits immunitaires, maladies de surcharge
Système nerveux    Pace-maker cérébral

Les progrès de la génétique ont également permis de produire des protéines et des médicaments par génie génétique, évitant ainsi le prélèvement par exemple d'enzymes sur des cadavres. C'est le cas notamment du facteur VIII pour les hémophiles, de l'insuline pour les diabétiques et de l'hormone de croissance.

Des déficits enzymatiques, tels la maladie de Fabry, la maladie de Gaucher, la maladie de Pompe ou la maladie de Hurter, peuvent être guéris par des injections régulières des enzymes déficientes. Dans le cas de la maladie de Pompe il s'agit de remplacer les enzymes chargées de détruire les contenus des lysosomes, les poubelles des cellules. Les injections qui sauvent la vie aux malades ont lieu tous les quinze jours et coûtent 150 000 euros par an. Ce n'est rien face à la vie d'un enfant mais c'est beaucoup lorsqu'on considère l'ensemble des malades. Pour guérir cette myopathie avec une grande détresse cardiaque à un coût supportable par la société il faut mettre en concurrence les sociétés pharmaceutiques pour faire baisser les prix.
La thérapie génique est la voie d'avenir, j'en suis intimement convaincu. Cependant, il y a un fossé entre les espérances, les promesses et les résultats. De nombreux problèmes techniques ne sont pas résolus. Le choix du vecteur n'est pas fait. Il faut trouver le moins dangereux, le plus adapté à chaque cas. Toutes les maladies ne sont pas de bonnes cibles pour la thérapie génique. Les bébés bulles constituent le premier modèle d'expérimentation. Une fois le vecteur et la maladie choisis, il faut ensuite trouver de bons modèles animaux et ne pas négliger les risques. Les premiers essais aux États-Unis ont été des catastrophes puisqu'un jeune homme qui souffrait d'hyperammonie héréditaire est mort de l'administration de virus recombinant pour le gène de l'ETC. Les immunologistes de l'Hôpital Necker-Enfants malades déplorent quant à eux deux leucémies sur les sept premiers enfants traités par thérapie génique pour le déficit immunitaire. En effet, lorsque le virus portant le gène guérisseur est rentré dans le génome de la moelle osseuse il s'est inséré au niveau d'un gène du cancer qui s'est ainsi activé. Ces résultats nous incitent à retarder les prochains essais afin de mieux cibler les gènes dans le génome avant de généraliser les procédures de thérapie génique.
Nous ne pouvons que constater le fossé entre les connaissances extraordinaires de la génétique et l'arsenal relativement limité dont nous disposons. Nous ne pouvons donc pas miser tous nos efforts sur la thérapie génique et négliger la pharmacologie traditionnelle dont les résultats ne sont plus à prouver et dont nous allons donner quelques exemples.

Un chercheur canadien, Francis Glorieux, a étudié la maladie des os de verre. Les malades, tel le pianiste Petrucciani, font des dizaines voire des centaines de fractures par an pour les cas les plus graves. Le chercheur a observé qu'un médicament, les biphosphonates, inhibait la fonction osthéoclastique des os, leur capacité à se résorber eux-mêmes. Si les malades ne peuvent pas régénérer leurs os, il a pensé qu'il serait judicieux de les empêcher de les détruire. Il a réussi à consolider les os en tuant les cellules entourant les os et qui sont habituellement chargées de les détruire. En mourrant elles constituent une gaine protectrice qui empêche les os de se briser. Ce médicament ne guérit pas la maladie mais permet de limiter ses symptômes.
De même, des généticiens ont eu l'idée d'utiliser un antibiotique, la gentamycine, pour lutter contre certaines formes de mucoviscidose. Cet antibiotique a la particularité d'agir au niveau des cellules pour favoriser la transcription de gènes en passant outre des signaux stop du code génétique. En ne tenant pas compte de ces signaux, il permet dans le cas qui nous intéresse la fabrication de protéines certes imparfaites mais qui permettent d'assurer une partie de leurs fonctions et ainsi de lutter contre les symptômes de certaines formes de mucoviscidose en en limitant les effets.

Dans mon équipe, nous avons étudié le syndrome de Smith Magénis. Les enfants atteints par cette maladie ont une délétion d'une partie du chromosome 17 et présentent un retard mental, un retard du langage, de l'hyperactivité, de l'agressivité et de l'automutilation. Ils sont inscolarisables, ils mordent leurs frères et sSurs, leurs parents et eux-mêmes. De plus, ils présentent des troubles du sommeil qui les font dormir le jour et être éveillés la nuit. Leurs problèmes de sommeil et d'agressivité rendent la vie impossible à eux-mêmes et à leur famille. Les études en laboratoire ont permis de découvrir que leurs troubles du sommeil étaient dus à une inversion du rythme de sécrétion de l'hormone du sommeil, la mélatonine. La plupart de leurs symptômes étaient simplement dus au fait que leur entourage ne cessait de les réveiller lorsqu'ils avaient sommeil. Un traitement à base de bêtabloquant pour les empêcher d'avoir sommeil le jour et de mélatonine pour leur donner envie de dormir la nuit a permis de rétablir un cycle artificiel de veille/sommeil basé sur l'alternance jour/nuit. Les enfants ainsi traités ont perdu l'essentiel de leur agressivité ce qui a rendu possible leur scolarisation. Les familles ont également repris une vie normale.

Les progrès de la compréhension des mécanismes favorisent de nouvelles thérapeutiques qui ne sont pas nécessairement génétiques. Ce qui est important pour les malades, pour leurs familles ce n'est pas uniquement de trouver des remèdes mais déjà de savoir que des scientifiques travaillent et cherchent à comprendre les maladies incompréhensibles.
La science fait fi de tous les dogmatismes. Elle ignore les plans quadriennaux, les programmes de recherche, elle nous prend au dépourvu, nous réserve de mauvaises surprises. Raison de plus pour faire feu de tout bois et ne négliger aucune piste.

Les financements sont nécessaires mais pas suffisants. Comme Lavoisier le disait, « les découvertes ne se commandent pas ». Il ne suffit pas de financer une thématique pour que les résultats soient au rendez-vous. Ils viennent souvent des groupes les plus modestes, les plus petits comme ces neurochirurgiens qui s'attaquent à la dystonie de torsion.
La science est narquoise, impertinente et insolente. Elle brouille les cartes.

Enfin, « la science n'est pas bonne ou mauvaise » comme le dit Henri Atlan, elle est bonne et mauvaise à la fois. L'usage qui en est fait peut cependant menacer notre société : le mauvais usage des tests génétiques s'ils étaient généralisés, la généralisation de médicaments sans les tests suffisants. La science va se poursuivre que vous le vouliez ou non, les chercheurs sont curieux et continueront leurs recherches en dépit des moratoires, des décisions, des ultimatums. Ce qui compte, et là où la communauté scientifique et les citoyens sont convoqués, c'est de faire en sorte que de cette science soit fait collectivement un bon usage et non un usage pervers. « Le meilleur des savants, le plus grand des savants, reçoit l'enfer en héritage. »

 

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