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L’IRM à haut-champ au service de la psychiatrie |
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L’IRM à haut-champ au service de la psychiatrie
Améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de troubles psychiatriques grâce à des traitements plus ciblés, ou même prévenir l’apparition de ces pathologies représente un enjeu de santé publique majeur. C’est l’un des objectifs des chercheurs de NeuroSpin, le centre de recherche pour l’innovation en imagerie cérébrale du CEA, situé à Saclay, en région parisienne. NeuroSpin a la particularité d’héberger des équipes pluridisciplinaires autour d’imageurs à très haut champ magnétique, à la pointe des recherches en imagerie biomédicale. Pour comprendre comment psychiatres, infirmières, physiciens, neuroscientifiques, chercheurs en IA travaillent ensemble pour détecter des anomalies cérébrales « signatures » d’une pathologie, suivre leur évolution et ainsi déterminer le meilleur traitement possible pour les patients, nous sommes partis à leur rencontre.
PUBLIÉ LE 7 MARS 2022
Au plus près du fonctionnement du cerveau
En pénétrant dans la « galleria », le nom donné au hall d’entrée de NeuroSpin, l'œil du visiteur est tout de suite attiré par la courbe sinusoïdale qui orne le mur et dessine ses six arches. Six, comme le nombre d’IRM dont dispose ce centre de recherche pour l'innovation en imagerie cérébrale situé sur le site du CEA Paris-Saclay et rattaché à l’institut des sciences du vivant Frédéric Joliot. « Nous disposons de trois IRM précliniques (utilisés sur les animaux), et de trois IRM cliniques, à 3T, 7T et 11,7T ; ce dernier, issu du projet Iseult, est unique en son genre. Nous sommes désormais le centre le plus avancé techniquement au monde », précise Cyril Poupon, Directeur adjoint de l’Unité BAOBAB et coordinateur technique des Grands Instruments de NeuroSpin.
Ces machines à très haut champ, que ce soit l’IRM 7T ou bientôt l’IRM 11,7T permettent l’acquisition de données de neuroimagerie à très haute résolution. Combinées à la pluridisciplinarité des équipes présentes à NeuroSpin couvrant les domaines de la physique des très hauts champs magnétiques, de l’électronique, de l’informatique, du traitement de l’image, elles sont de véritables atouts pour approcher au plus près le fonctionnement du cerveau, qu’il soit « normal » ou atteint d’une pathologie. Parmi les pathologies étudiées, se retrouvent notamment les maladies psychiatriques que sont le trouble bipolaire, la schizophrénie et les troubles du spectre autistique.
Mieux appréhender les maladies psychiatriques
Selon le Pr. Josselin Houenou, responsable de l’équipe Psychiatrie de l’unité Uniact à NeuroSpin, « l’objectif est de parvenir à mieux comprendre ces maladies, et, à partir de la compréhension que nous en apporte l’IRM, de développer de nouveaux traitements, pour prendre en charge plus précocement les patients et améliorer leur qualité de vie ».
« L’idée est simple, renchérit Edouard Duchesnay, directeur de recherche en machine learning appliqué à la neuroimagerie à NeuroSpin. Actuellement en psychiatrie, pour poser un diagnostic et déterminer une stratégie thérapeutique, on se fie à un entretien clinique. Ce que nous cherchons à développer, c’est l’équivalent d’un ‘thermomètre’ qui, en donnant une mesure quantitative et objective, va aider le praticien à poser un diagnostic ». Pouvoir faire des prédictions d’évolution aurait des bénéfices considérables pour le patient tout d’abord, d’après Edouard Duchesnay : « si on mettait de l’argent sur la table pour suivre des patients pendant plusieurs années, on pourrait être en mesure de déterminer ceux qui présenteraient le plus de risques de devenir psychotiques ».
Et cela s’applique également aux traitements, note Josselin Houenou : « Un exemple typique est le lithium que l’on donne aux patients bipolaires. Une petite moitié des patients n’est pas sensible à ce traitement, sans que nous puissions les identifier a priori. Nous procédons donc par essai-erreur, mais il faut attendre un ou deux ans avant de voir si le traitement est efficace ou pas, ce qui peut faire perdre autant de temps au patient si cela ne fonctionne pas ».
QUELQUES CHIFFRES SUR LES MALADIES PSYCHIATRIQUES
* Le trouble bipolaire, la schizophrénie et les troubles du spectre autistique touchent 0,5% de la population mondiale.
* 15% des patients souffrant de trouble bipolaire décèderont par suicide.
* Moins de 25% des patients souffrant de schizophrénie travaillent en milieu « ouvert » (classique, non protégé).
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Une méthodologie bien établie
A partir de ces interrogations initiales, comment les équipes de NeuroSpin utilisent les outils à leur disposition pour y répondre ? Le centre accueille des patients sélectionnés par l’hôpital qui les suit dans leur parcours de soin, dans le cadre de protocoles de recherche bien définis et validés par les comités d’éthique nationaux.
Chaque patient vient passer quelques heures à NeuroSpin. A son arrivée, il est pris en charge par l’une des infirmières. Elles expliquent : « L’accueil des patients est primordial. Après avoir vérifié les consentements signés au préalable, nous leurs expliquons les différents examens qu’ils vont subir. Ils bénéficient ensuite d’un entretien médical avec un psychiatre au cours duquel sont vérifiées les contre-indications IRM. Puis nous commençons à réaliser les examens prévus par le protocole - cela peut être une prise de sang, une prise de tension. Avant la prise en charge en IRM, nous leurs donnons un pyjama jetable et nous veillons à ce qu’ils n’aient plus aucun objet métallique sur eux ».
L’acquisition d’images, qui dure environ une heure, se passe par la suite dans l’IRM 3T ou 7T, situés chacun dans un sas spécifique dont l’accès est réservé au personnel habilité et aux patients. Chantal Ginisty est l’une des manipulatrices-radio qui mènent ces acquisitions. Dans le cas des patients atteints de maladies psychiatriques, raconte-t-elle, « il y a quelques petites différences dans la prise en charge par rapport à des volontaires sains. Tout d’abord, le psychiatre est là tout le temps que dure l’examen afin de rassurer, si nécessaire, la personne dans l’IRM. Ensuite, nous faisons attention à ce qu’il y ait le moins possible de changements d’intervenants auprès du patient. Enfin, la perception du bruit pour ces patients peut être différente malgré les protections auditives mises en place, et nous sommes particulièrement attentifs s’ils s’en plaignent ». Elle complète : « nous faisons également attention aux mots que nous employons, certains peuvent en effet nous sembler rassurants (‘je vous vois via la caméra’, ‘je vous surveille’ [pour intervenir en cas de problème]), mais peuvent s’avérer stressants pour les malades. Généralement, nous faisons un point à propos de l’état psychologique du patient avec le médecin avant de commencer l’acquisition ». En dehors de cela, la séance d’IRM se déroule en suivant les mêmes étapes qu’avec un volontaire sain, et en veillant à une installation la plus confortable possible du patient dans l’IRM. « L’immobilité est en effet un des critères clés de réussite des acquisitions, appuie Chantal Ginisty, et un patient confortablement installé sera moins susceptible de bouger ».
Identifier des biomarqueurs pour le diagnostic
Après l’examen IRM, les chercheurs ont à leur disposition un grand nombre d’images à analyser, dans lesquelles ils vont chercher des anomalies ou des empreintes cérébrales, révélatrices du trouble psychiatrique. Il s’agit de rechercher des biomarqueurs spécifiques d’une pathologie que l’on confronte à des données d’imagerie existantes, comme l’explique Cyril Poupon :
« Pour identifier ces biomarqueurs en psychiatrie, nos recherches s’appuient sur l’identification de marqueurs présents dans les bases de données de neuroimagerie. Ces marqueurs sont de quatre ordres : anatomiques, microstructurels, fonctionnels ou métaboliques ».
Il détaille : « les marqueurs obtenus grâce à l’IRM anatomique relèvent généralement des mesures d’anomalies de la forme de certaines structures anatomiques macroscopiques comme celle du cortex cérébral dont on peut mesurer l’épaisseur ou les circonvolutions. Les marqueurs microstructurels, obtenus grâce à l’IRM de diffusion, donnent accès à la connectivité anatomique cérébrale, composée des diverses connexions qui relient les régions du cerveau et qui peuvent être altérées chez les patients atteints de troubles psychiatriques. En outre, l’IRM de diffusion sonde l’organisation microscopique des structures cérébrales. Au-delà des anomalies de forme, il peut aussi exister des anomalies dans la composition cellulaire de ces structures, qui ne se traduisent pas toujours par des modifications de la forme des structures macroscopiques. Les marqueurs fonctionnels sont quant à eux obtenus grâce à l’utilisation de l’IRM fonctionnelle qui mesure l’activité des régions cérébrales. L’activité de certaines régions peut être accrue ou diminuée par un trouble psychiatrique. Enfin, de nombreuses réactions biochimiques ont lieu au sein du cerveau et sont aujourd’hui explorées grâce à l’utilisation de l’IRM à très haut champ magnétique. Il est ainsi possible, par exemple, d’aller mesurer les concentrations de métabolites ou d'ions impliqués dans la neurotransmission ».
LES DIFFÉRENTS IRM À TRÈS HAUT CHAMP DE NEUROSPIN
NeuroSpin dispose de 6 imageurs IRM : trois IRM précliniques à 7, 11, 7 et 17,2 Tesla (l’unité de mesure des champs magnétiques) utilisés pour le petit animal et trois IRM cliniques à 3, 7 et 11,7 Tesla - en cours de mise en service. Ces très hauts champs magnétiques permettent d’atteindre une très grande résolution spatiale – le futur IRM clinique à 11,7 T vise une résolution d’environ 100 microns. Quant à l’IRM préclinique à 17,2 T, il permet l’acquisition d’images à une résolution de 25 microns, soit la taille d’un neurone. En France, dans le domaine clinique, il y a seulement 3 IRM à 7T, 200 IRM 3T sur environ 850 IRM au total (la majorité étant des IRM 1,5T).
Selon le spécialiste, « l’enjeu de la médecine du futur en neuroimagerie est d’accumuler à partir de l’ensemble de ces modalités innovantes et non-invasives, un maximum d’informations afin d’identifier et de mettre en place en amont les stratégies thérapeutiques les plus à même de ralentir ou gommer les traits pathologiques relevant de troubles psychiatriques observés en neuroimagerie ».
Comprendre le fonctionnement des traitements
Un autre volet des recherches menées à NeuroSpin s’intéresse au traitement, et en particulier à l’imagerie du lithium, largement utilisé dans le trouble bipolaire. Si on utilise principalement l’IRM pour imager les protons (noyaux des atomes d’hydrogène) de l’eau qui compose près de 80% de notre cerveau, on peut également détecter et imager en IRM d’autres espèces chimiques moins concentrées qu’elles soient endogènes, c’est-à-dire présentes naturellement dans le corps ou exogènes, administrées par voie orale ou intraveineuse. Le lithium possède un isotope stable, le lithium-7 (7Li), ayant des propriétés magnétiques spécifiques qui permettent de cartographier sa distribution dans le cerveau, à condition de développer et d’utiliser des antennes dédiées. L’IRM du lithium vise à mieux comprendre le mode d’action méconnu des sels de lithium sur le cerveau des patients bipolaires. D’après Fawzi Boumezbeur, chercheur spécialiste en spectroscopie et imagerie hétéronucléaire, l’intérêt de ce type d’imagerie est de déterminer « si le lithium rentre vraiment dans le cerveau et à quelle concentration. Nous avons ainsi constaté que le lithium ne se distribue pas de manière homogène dans le cerveau, ce qui voudrait dire qu’il y a un mécanisme actif qui conduit à cette hétérogénéité ». Par ailleurs, ajoute-t-il, « nous utilisons aussi l’imagerie du lithium pour déterminer pourquoi dans certains cas ce traitement ne fonctionne pas. Nous avons mené une étude sur une trentaine de patients bipolaires, avec l’IRM 7T, dans le but de comparer un patient qui prend du lithium et qui est sensible au traitement avec un autre patient qui suit le même traitement avec moins de succès et voir si la concentration ou la distribution du lithium était différente. Pour l’instant, nous n’avons pas encore de réponse mais l’idée est d’étendre l’étude à une plus grande cohorte de patients afin de gagner en puissance statistique et tester nos hypothèses ». Car, « malheureusement, une autre spécificité de ces maladies psychiatriques est l’extrême variabilité des parcours des individus, des symptômes, etc. 30 patients ne permettent pas de capturer toute la variabilité dans ces populations ».
Anticiper les risques avec l’IA
C’est là qu’intervient Edouard Duchesnay. Sur ses ordinateurs, et grâce à son expertise dans la gestion et l’agrégation de données sur des centaines de sujets, il est capable de faire de l’imagerie des populations, et de tirer des informations de cette multitude de données grâce à des modèles d’intelligence artificielle (IA). Le principe est d’analyser un très grand nombre de données d’imagerie issues de larges cohortes, d’une centaine à quelques milliers d’individus, grâce à des algorithmes et de parvenir à identifier des biomarqueurs prédisant l’évolution ou non vers la maladie ou la bonne réponse à un traitement. « L’imagerie cérébrale est un reflet de tout ce qui s’est passé dans le cerveau et on utilise l’intelligence artificielle pour essayer de faire un outil pronostic de l’évolution clinique. Ainsi, des mutations génétiques, un stress chronique ou encore une exposition répétée au stress, au cannabis ou à l’alcool créeront des microatrophies dans le cerveau, non visibles à l’œil humain, visibles sur une IRM classique. Ce sont autant de facteurs de risques qui formeront au final une signature globale que l’IA sera capable de repérer et qui prédira, avec un certain niveau d’incertitude, l’évolution ou non vers la pathologie. Aujourd’hui, les algorithmes peuvent prédire avec une précision de 75-80 % la transition psychotique parmi de jeunes adultes à risque, ce qui est largement au-dessus du hasard qui est à 50 %. C’est donc un fort enjeu de santé publique », indique-t-il.
Concrètement, quel est le principe ? Une image (qui correspond à un sujet) est divisée en voxels (l’équivalent 3D du pixel en 2D). Pour chaque image, il y a environ 300 000 voxels à multiplier par le nombre de sujets, de quelques dizaines à quelques milliers, selon la taille de la cohorte. L’algorithme d’IA apprend à prédire l’évolution clinique à partir des images cérébrales. Ces algorithmes peuvent aussi découvrir que chaque catégorie clinique (schizophrénie, trouble bipolaire, etc.) est en réalité, constituée de sous-groupes différents qui nécessitent une stratégie thérapeutique spécifique.
« Tout le défi, ensuite, sera d’éviter le surapprentissage, c’est-à-dire d’éviter d’apprendre un détail qui est corrélé à ce qu’on veut prédire, sans que cela corresponde à un réel lien de causalité », conclut Edouard Duchesnay.
Si l’IA peut prédire l’évolution vers une pathologie, elle pourrait aussi prédire l’efficacité du traitement au lithium évoqué ci-dessus. C’est l’objectif du projet européen R-Link sur lequel Edouard Duchesnay travaille avec Fawzi Boumezbeur et Josselin Houenou. Lancé en 2021, cet essai clinique vise à suivre 300 patients bipolaires, qui passeront un examen IRM et auront une évaluation clinique et génétique avant d’être mis sous traitement (soit parce qu’ils viennent d’être diagnostiqués, soit parce qu’ils ont pris du lithium et l’ont arrêté, soit parce qu’ils prenaient un autre traitement). « Après cela, ils prendront leur traitement au lithium puis passeront à nouveau une IRM trois mois après, et seront ensuite suivis pendant deux ans, mentionne Edouard Duchesnay. La question à laquelle on veut répondre est : est-ce qu’on peut trouver des marqueurs pronostics de la réponse au lithium, avant le traitement ou pendant les trois premiers mois du traitement ». Et cela pour, à terme, « pouvoir prédire chez qui le lithium fonctionnera ou non », souligne Josselin Houenou.
Développer de nouveaux traitements
A plus petite échelle, l’IRM, en identifiant des dysfonctionnements cérébraux chez les patients atteints de maladies psychiatriques, peut aussi être à la source de nouveaux traitements. « Nous allons lancer courant 2022, à NeuroSpin, un essai clinique pour les malades bipolaires, qui va utiliser le "neuro feedback" en IRM fonctionnelle », annonce Josselin Houenou. Cette méthode nous a permis d’identifier des réseaux qui fonctionnent de manière anormale chez ces patients, en particulier lorsqu’ils doivent réguler leurs émotions. Les sujets passeront une IRM fonctionnelle dans l’imageur 3T pendant laquelle ils regarderont des scènes chargées émotionnellement. On observera l’activité dans leur réseau de régulation des émotions, et on leur demandera de visualiser à nouveau les scènes en leur projetant en direct et en parallèle l’activité de leur réseau de régulation des émotions, pour qu’ils essaient de les réguler en direct ». Un véritable défi technologique, qui n’est possible que grâce à l’expertise en développement de séquences IRM des méthodologistes de NeuroSpin. Ce neuro feedback vise les symptômes dépressifs anxieux qui restent, malgré la prise de médicaments, très handicapants et favorisent les rechutes. « C’est le premier exemple de traitement développé grâce à l’imagerie cérébrale, stipule Josselin Houenou. Il est assez lourd puisqu’il nécessite 4 passages dans l’IRM, ce n’est donc pas un traitement qui, s’il fonctionne, sera accessible à tout le monde, mais on voudrait pouvoir faire la même chose en utilisant une technique plus légère que l’IRM comme l’électroencéphalographie ou la magnétoencéphalographie ».
A terme, l’objectif poursuivi par la combinaison de toutes ces approches est le développement d’une médecine innovante et personnalisée basée sur l’analyse et l’exploitation de grandes bases de données de neuroimagerie.
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Paludisme : rigidifier les globules rouges infectés pour stopper la transmission de la maladie |
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Paludisme : rigidifier les globules rouges infectés pour stopper la transmission de la maladie
11 Avr 2023 | Par Inserm (Salle de presse) | Immunologie, inflammation, infectiologie et microbiologie
Dans une récente étude publiée dans la revue Nature Communications, l’équipe du Professeur Pierre Buffet (UMRS 1134, Université Paris Cité – Inserm), s’intéressant aux proportions de globules rouges infectés par le parasite du paludisme présentes dans le sang et la rate, a explicité les mécanismes de filtration du sang par la rate et identifié deux médicaments susceptibles de décupler l’efficacité de cette filtration. Les globules rouges infectés seraient alors retenus dans la rate pour y être détruits et éliminés, stoppant ainsi la transmission de la maladie.
Le paludisme est une maladie infectieuse potentiellement mortelle due à plusieurs espèces de parasites microscopiques appartenant au genre Plasmodium. Transmis à l’Homme par la piqûre d’un moustique lui-même infecté, le parasite s’installe dans le foie, puis se multiplie au bout de quelques jours dans les globules rouges et les fait éclater. Il peut alors se disperser et infecter de proche en proche de plus en plus de globules rouges.
De l’infection à la maladie
Le parasite du Paludisme évolue d’une forme asexuée responsable de l’infection à une forme sexuée, appelée gamétocyte, responsable de la transmission de l’infection.
La forme asexuée se multiplie en quelques jours ce qui rend le patient malade. Une fois traité, les formes asexuées du parasite dans le sang disparaissent et les symptômes aussi. En revanche, les formes sexuées du parasite (dérivés des formes asexuées) persistent dans le sang pendant 2 à 3 semaines et rendent le patient contagieux, donc vecteur de l’infection.
La rate : un filtre mécanique
Dans l’organisme, la rate est l’organe simultanément chargé de générer une réponse immunitaire face aux microbes contenus dans le sang et de filtrer le sang pour détruire et éliminer les globules rouges anormaux, trop vieux ou infectés. Dans une précédente étude, l’équipe de recherche dirigée par Odile Mercereau Puijalon à l’Institut Pasteur (Innocent Safeukui, Peter David, Geneviève Milon and Pierre Buffet,..) avait mis en évidence, que, chez les patients infectés, si la moitié des globules rouges infectés est bien retenue dans la rate pour y être détruite, l’autre partie repart dans la circulation sanguine où elle exerce ses effets néfastes et poursuit les mécanismes d’infection des globules rouges sains. Partant de ce constat, l’équipe a cherché à comprendre pourquoi le rôle de filtre de la rate n’est pas efficace sur tous les globules rouges infectés.
La rate est un organe particulier dans lequel le sang sort des vaisseaux pour entrer en contact avec les macrophages chargés « d’analyser » les globules rouges pour détruire ceux devenus anormaux, trop vieux ou infectés. Le sang entre dans la rate par une artère et sort par une veine. Dans la rate, les globules rouges, se trouvent au contact direct des macrophages, hors du réseau circulatoire habituel, puis traversent la paroi de petites veines (les sinus) en se déformant de façon majeure pour regagner la circulation sanguine générale. Seuls les globules rouges normaux peuvent franchir cet obstacle mécanique et repartir dans la circulation.
Chez les patients atteints de paludisme, les globules rouges infectés entrent dans la rate et une partie n’en ressort pas. Les chercheurs ont donc émis l’hypothèse que les globules rouges infectés, dont la surface membranaire est pourtant normale, ont peut-être simplement des difficultés à se déformer pour franchir la paroi des sinus et retourner dans la circulation. Ils ont alors étudié les propriétés physiques des globules rouges infectés et montré qu’ils sont plus rigides que les globules rouges sains. Les globules rouges infectés sont donc moins capables de se déformer pour franchir le filtre de la rate.
L’équipe de recherche a alors voulu poursuivre ses investigations en s’appuyant sur cette propriété de « rigidité acquise » par les globules rouges lors de l’infection. Leur postulat : si une molécule est capable d’augmenter suffisamment la rigidité de tous les globules rouges infectés par le paludisme, alors la rate pourra retenir l’ensemble des globules rouges infectés pour que les macrophages les détruisent, mettant ainsi fin à la transmission de l’infection.
Traiter la population pour éradiquer la maladie
Pour ce faire, l’équipe de recherche, dont Julien Duez et Mario Carucci sont les principaux acteurs, en étroite collaboration avec le groupe sur la malaria dirigé par Javier Gamo et Laura Sanz-Alonso à GSK Tres Cantos, a testé l’activité de plus de 13 000 médicaments, tous déjà évalués au cours d’essais cliniques de phase 1 chez l’Homme. L’avantage est que pour ces dernières, les chercheurs disposent de beaucoup d’informations relatives à la tolérance vis-à-vis de ces molécules mais aussi à leur mode d’administration.
Le criblage des 13 555 molécules, 1re partie de l’étude, a permis d’identifier 112 médicaments actifs, donc rigidifiant les globules rouges infectés, à forte dose. La 2e étape a permis d’évaluer pour ces 112 médicaments, la dose optimale à administrer pour atteindre le degré de rigidité des globules rouges infectés suffisant pour qu’ils soient retenus dans la rate. L’équipe a alors analysé les données pharmacologiques complètes de ces médicaments et a cherché celles pour lesquelles la dose efficace pouvait être atteinte dans le sang des personnes traitées avec une seule dose administrée par voie orale. En fin d‘étude, seules 2 ont molécules ont été retenues : la cipargamine et la TD-6450.
Des études complémentaires doivent désormais être menées chez l’Homme, afin de confirmer que ces deux médicaments, administrés par voie orale pendant une durée très courte, interrompent en effet la circulation des globules rouges infectés par les gamétocytes chez tous les patients et que, par voie de conséquence, la transmission soit elle aussi interrompue.
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Surdités héréditaires : quand oreille et cerveau auditif sont tous deux touchés |
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Surdités héréditaires : quand oreille et cerveau auditif sont tous deux touchés
13 Juil 2017 | Par Inserm (Salle de presse) | Santé publique
Coupe de cerveau faisant apparaître les neurones en migration vers le cortex auditif. En bleu, les noyaux. En vert, les molécules du « code moléculaire » adressant les neurones vers cette région cérébrale. © Institut Pasteur
Des chercheurs de l’Institut Pasteur, de l’Inserm, du Collège de France et de l’Université Pierre et Marie Curie viennent de montrer que des mutations dans trois gènes responsables de la maladie de Usher – syndrôme héréditaire de surdité-cécité – affectent non seulement le fonctionnement de l’oreille, plus précisémment des cellules sensorielles de la cochlée, mais également le développement du cortex auditif. Leur découverte pourrait expliquer pourquoi, même après la pose d’un implant cochléaire, un dispositif acoustico-électrique permettant de court-circuiter leur cochlée défectueuse, certains patients rencontrent encore des difficultés de compréhension de la parole. Ces travaux font l’objet d’une publication cette semaine dans Proceedings of the National Academy of Sciences of the USA.
Dans la plupart des cas de surdité humaine d’origine génétique, l’atteinte de l’organe sensoriel de l’audition, la cochlée, rend pleinement compte du déficit auditif des patients. Nombre de ces formes ont pour cible la touffe ciliaire, l’antenne de réception du son des cellules sensorielles auditives. La pose d’un implant cochléaire, stimulant directement le nerf auditif et permettant ainsi de s’affranchir de l’étape du traitement du son par la cochlée, restaure une audition satisfaisante. Pourtant, dans certains cas, les patients conservent malgré tout des difficultés anormales de compréhension du langage parlé.
L’équipe de recherche menée par le Prof. Christine Petit[1], – unité de Génétique et physiologie de l’audition, Institut Pasteur/Inserm/UPMC dans laquelle Dr. Nicolas Michalski, responsable de groupe, a encadré le travail de Baptiste Libé-Philippot -, en collaboration avec Dr. Christine Métin (Inserm/UPMC), vient d’identifier chez la souris trois gènes dont l’altération provoque non seulement des atteintes de la cochlée, mais également du cortex auditif, région du cerveau assurant l’analyse de l’information auditive. Ces trois gènes figurent parmi les neuf actuellement reconnus comme responsables du syndrome de Usher (type I et II), première cause de surdité-cécité héréditaire. Les atteintes cochléaires de ces patients privant le cerveau auditif de tout ou partie des informations acoustiques qu’il reçoit normalement, leurs atteintes cérébrales étaient jusqu’à présent passées inaperçues.
Les chercheurs ont plus précisément montré que les protéines codées par les trois gènes incriminés étaient impliquées, durant le développement embryonnaire, dans la migration et la maturation de certaines cellules appelées à devenir des neurones dits « inhibiteurs », et colonisant spécifiquement le cortex auditif. Ceux-ci synthétisent de la parvalbumine. Ils sont fortement impliqués dans la plasticité corticale qui façonne la structure et la fonction des réseaux neuronaux du cortex à partir de l’expérience auditive. Ils jouent également un rôle important dans la précision temporelle de la détection sonore, nécessaire à la compréhension de la parole. Chez la souris, une seule mutation d’un de ces trois gènes suffit à rendre cette population de précurseurs neuronaux incapable d’entrer dans le cortex en développement et d’atteindre le cortex auditif.
Les scientifiques ont en outre mis en évidence que ces neurones synthétisent des molécules jouant le rôle de marqueurs moléculaires. « Comme des étiquettes, ces molécules adressent les neurones depuis le lieu de leur naissance – dans le subpallium, au centre du cerveau – vers leur aire corticale de destination finale. Nous suggérons ici pour la première fois l’existence d’un tel « code moléculaire d’addressage» des précurseurs des neurones inhibiteurs », précise le Prof. Christine Petit.
Ces résultats montrent ainsi que des gènes de surdité dont on pensait qu’ils n’avaient qu’un rôle cochléaire ont un autre rôle, indépendant, dans le développement et la formation des réseaux neuronaux du cortex auditif. Celui-ci précède, lors du développement embryonnaire, celui que ces gènes exercent dans la cochlée.
Pionnière dans l’étude des surdités héréditaires, l’équipe du Prof. Christine Petit avait déjà établi la responsabilité des protéines codées par les gènes responsables du syndrome de Usher de type I et de type II dans le développement et le fonctionnement de la touffe ciliaire, et déchiffré les réseaux moléculaires associés. Avec ces nouveaux résultats, les chercheurs espèrent mettre au point des méthodes de réhabilitation auditive innovantes adaptées à ces atteintes du cortex auditif.
Ces travaux ont bénéficié du soutien de l’Agence Nationale pour la Recherche French Agence Nationale pour la Recherche (LIGHT4DEAF [ANR-15-RHUS-0001] et LabEx LIFESENSES [ANR-10-LABX-65]), la commission européenne (ERC-2011-ADG_294570), the BNP Paribas Foundation, the FAUN Stiftung (Suchert Foundation)and the LHW-Stiftung (CP), le prix « émergence scientifique » et le grant SEIZEAR de la fondation Agir Pour l’Audition (NM).
[1] Le Prof. Christine Petit est Professeur au Collège de France et Professeur à l’Institut Pasteur.
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Vulnérabilité du placenta à la pollution de l’air : quels effets sur le développement de l’enfant à naître ? |
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Vulnérabilité du placenta à la pollution de l’air : quels effets sur le développement de l’enfant à naître ?
07 Mai 2024 | Par Inserm (Salle de presse) | Bases moléculaires et structurales du vivant
© AdobeStock
Comment l’exposition à la pollution de l’air pendant la grossesse impacte-t-elle son bon déroulement et le développement de l’enfant à naître ? Une équipe de recherche de l’Inserm et de l’Université Grenoble Alpes s’est intéressée à la façon dont l’ADN du placenta serait modifié par l’exposition à trois grands polluants aériens. En comparant les données obtenues chez près de 1 500 femmes enceintes, elle a ainsi pu observer que l’exposition à ces polluants durant la grossesse était associée à des modifications épigénétiques[1] susceptibles d’altérer le développement du fœtus, en particulier aux niveaux métabolique, immunitaire et neurologique. Ses résultats, à paraître dans The Lancet Planetary Health, montrent en outre que les périodes de susceptibilité aux polluants de l’air seraient différentes en fonction du sexe du fœtus, impactant ainsi le développement de façon différenciée entre les filles et les garçons.
L’exposition à la pollution de l’air extérieur présente un risque majeur pour le bon déroulement de la grossesse. Elle est notamment suspectée d’être à l’origine de pathologies cardio-métaboliques, respiratoires ou encore neuropsychologiques chez l’enfant à naître. Cependant, si ses effets physiologiques ont été étudiés, les mécanismes moléculaires en jeu sont encore mal compris.
Le placenta est un organe qui joue un rôle clé dans le développement fœtal. Particulièrement vulnérable à de nombreux composés chimiques, il peut être assimilé à une « archive » témoignant de l’environnement prénatal de l’enfant : les modifications épigénétiques survenant dans ses cellules reflètent en partie les expositions environnementales de la mère au cours de la grossesse. Pour étudier ces modifications, on mesure le plus souvent le niveau de méthylation de l’ADN, un des mécanismes épigénétiques les mieux connus, impliqué dans le contrôle et l’expression des gènes.
Une équipe de recherche menée par Johanna Lepeule, chercheuse Inserm, au sein de l’Institut pour l’avancée des biosciences (Inserm/CNRS/Université Grenoble Alpes), s’est intéressée à l’impact de trois polluants aériens – le dioxyde d’azote (NO2), et les particules fines (PM2,5 et PM10) – sur la méthylation de l’ADN placentaire. Grâce aux données de trois cohortes mère-enfant[2] françaises, elle a pu comparer l’exposition à ces polluants et les niveaux de méthylation chez plus de 1 500 participantes pendant leur grossesse.
Ses résultats montrent un impact significatif de l’exposition aux trois polluants aériens sur les niveaux de méthylation de l’ADN placentaire concernant des gènes impliqués dans le développement fœtal. Un tiers de ces modifications étaient directement associées avec des indicateurs du développement de l’enfant (poids et taille de naissance, périmètre crânien, durée de la grossesse…).
D’autres modifications placentaires concernaient des gènes impliqués dans le développement du système nerveux, du système immunitaire et du métabolisme – dont des gènes impliqués dans la survenue du diabète néonatal ou de l’obésité.
Si ces altérations de la méthylation sont présentes chez les deux sexes, les scientifiques ont également pu mettre en évidence des modifications ayant un impact additionnel et touchant des gènes différents en fonction du sexe de l’enfant à naître. Deux périodes de gestation différentes particulièrement vulnérables aux modifications épigénétiques sous l’effet des polluants émergent dans ces travaux : le début de la grossesse (1er trimestre) chez les garçons et la fin de la grossesse (3e trimestre) chez les filles.
« Nos résultats montrent que l’exposition à la pollution de l’air pendant la grossesse induirait des modifications de la méthylation de l’ADN placentaire propres à chacun des deux sexes, indique Johanna Lepeule. Cet impact différencié pourrait contribuer à des altérations du développement et du déroulement de la grossesse différentes en fonction du sexe de l’enfant à naître. »
Ainsi, chez les garçons, ont été détectées des altérations significatives de la méthylation au niveau de gènes impliqués de façon critique dans le développement du système nerveux et de l’intellect.
« Ces observations viennent appuyer les études de plus en plus nombreuses à associer l’exposition à la pollution de l’air pendant la grossesse et une atteinte du neurodéveloppement et/ou une réduction des capacités cognitives, avec une plus grande vulnérabilité des enfants de sexe masculin », précise Lucile Broséus, chercheuse Inserm et première autrice de la publication.
Chez les filles, les méthylations touchaient des gènes impliqués dans le développement fœtal et la régulation du stress oxydatif. Elles pourraient ainsi être associées à des défauts de développement susceptibles d’augmenter les risques de développer des maladies chroniques métaboliques (hypertension, diabète, obésité…) plus tard dans la vie, mais aussi à la survenue de fausses-couches ou de pré-éclampsies chez la mère[3].
Ces travaux fournissent donc de nouvelles données concernant les mécanismes épigénétiques impliqués dans la dérégulation de la croissance fœtale sous l’effet de la pollution de l’air et qui pourraient être à l’origine de modifications à long terme du métabolisme.
« De prochaines études pourront investiguer si les changements épigénétiques placentaires causés par l’exposition à la pollution de l’air pendant la grossesse persistent après l’accouchement et comment ils pourraient influencer le développement durant l’enfance, complète Johanna Lepeule. En outre, ce travail de recherche ayant été réalisé sur des cohortes françaises, ses résultats devront être vérifiés dans des populations d’autres régions géographiques et avec des profils génétiques différents », conclut la chercheuse.
[1] Les modifications épigénétiques sont matérialisées par des marques biochimiques présentes sur l’ADN. Réversibles, elles n’entraînent pas de modification de la séquence d’ADN mais induisent toutefois des changements dans l’expression des gènes. Elles sont induites par l’environnement au sens large : la cellule reçoit des signaux l’informant sur son environnement, et se spécialise en conséquence, ou ajuste son activité.
[2]Les cohortes EDEN, pilotée par l’Inserm, le CHU de Poitiers et le CHU de Nancy ; PELAGIE, pilotée par l’Inserm ; et SEPAGES, pilotée par l’Inserm et le CHU Grenoble Alpes.
[3]La pré‐éclampsie est une pathologie de la grossesse caractérisée par une élévation de la pression artérielle et de la quantité de protéines présente dans les urines. Elle peut survenir au milieu du second trimestre ou plus tardivement, peu de temps avant l’accouchement ou parfois même après. Responsable d’un tiers des naissances de grands prématurés en France, ce syndrome est une cause majeure de retard de croissance intra‐utérin. Non traitée, elle peut mener au décès de la mère et/ou de l’enfant.
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